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La contribution d’assistance
L’instrument d’enquête standardisé FAKT2 est inadapté pour déterminer le besoin d’assistance dans le domaine «éducation et garde des enfants» selon le Tribunal fédéral. Notre Haute Cour revient partiellement sur sa jurisprudence antérieure.
Marina V’Kovski, MLaw, avocate
La contribution d’assistance a pour objectif de renforcer l’autonomie des personnes dépendantes de l’aide d’autrui en leur permettant de vivre chez elle. Cette prestation de l’assurance-invalidité (AI) entend donner à la personne concernée la possibilité d’engager un tiers pour l’assister dans son quotidien à son domicile, en dehors d’une institution. Le droit à une contribution d’assistance est en principe subordonné à trois conditions.
Pour pouvoir en bénéficier, la personne doit
1 être majeure
2 vivre à domicile: la contribution d’assistance est réservée aux personnes vivant chez elles. Si et tant qu’une personne vit en home, elle ne peut recevoir de contribution d’assistance.
3 percevoir une allocation pour impotent (API) de l’assurance-invalidité: Pour se voir accorder une contribution d’assis- tance, la personne concernée doit toucher une API de l’assurance-invalidité. Les bénéficiaires d’une allocation pour impotent versée par une autre assurance (assurance-accidents, assurance militaire, assurance-vieillesse et survivants) n’ont en principe pas droit à une contribution d’assistance.
Le droit à cette prestation d’une personne majeure dont la capacité d’exercice des droits civils est restreinte et d’une personne mineure est soumis à des conditions spécifiques (cf. art. 39a et 39b du Règlement sur l’assurance-invalidité, RAI).
Calcul de la contribution d’assistance
Le montant de la contribution d’assistance à accorder est calculé à l’aide d’un instrument standardisé appelé FAKT2. Cette prestation est calculée de la manière suivante:
1 Détermination du nombre d’heures correspondant à l’intégralité des besoins d’aide (A) de la personne concernée à l’aide du FAKT2. Le besoin d’aide est calculé par domaine et par jour puis converti en un besoin d’aide mensuel par domaine. Le besoin d’aide dans les domaines suivants est examiné:
– actes ordinaires de la vie
– tenue du ménage
– participation à la vie sociale et organisation des loisirs
– éducation et garde des enfants
– exercice d’une activité d’intérêt public ou d’une activité bénévole
– formation professionnelle initiale et continue
– exercice d’une activité professionnelle sur le marché primaire de l’emploi – surveillance pendant la journée – prestations de nuit
2 Détermination du nombre d’heures correspondant au besoin d’aide reconnu (B). L’art. 39e RAI prévoit des plafonds, ce qui signifie qu’un nombre maximal d’heures mensuelles peut être pris en compte.
Le montant le plus petit (A ou B) est le point de départ pour les étapes suivantes:
3 Déduction du nombre d’heures correspondant aux prestations déjà fournies (allocation pour impotent, prestations fournies par des tiers et contribution aux soins de l’assurance-maladie).
4 Le nombre d’heures restantes est multiplié par le tarif horaire de la contribution d’assistance (en principe CHF 34.30), ce qui donne le montant de la contribution d’assistance à verser.
Dépôt d’une demande
Pour pouvoir bénéficier d’une contribution d’assistance, la personne concernée doit déposer une demande en ce sens à l’office AI. Il est important de déposer sa demande le plus tôt possible car cette prestation ne peut pas être accordée rétroactivement.
Une personne qui vit en institution et envisage d’en sortir peut déjà déposer sa demande car une procédure spéciale va s’appliquer. La personne recevra une décision négative de l’AI au motif qu’elle ne vit pas à domicile. Cette décision indiquera toutefois le nombre d’heures d’assistance retenu et le montant de la contribution d’assistance auquel elle aurait droit à sa sortie du home. Cela permet à la personne concernée de prendre la décision de quitter ou non l’institution en connaissance de cause. Une fois la personne sortie du home et l’office AI informé, l’AI rendra une décision positive.
Si les circonstances changent (p. ex. augmentation du besoin d’aide), il convient d’en informer l’AI afin que la prestation soit recalculée et éventuellement adaptée.
Pr Cision De Jurisprudence
En 2014, le Tribunal fédéral avait jugé que le l’instrument d’enquête standardisé FAKT2 est adapté pour établir tous les besoins d’aide de la personne assurée. Dans l’arrêt 9C_538/2021 du 6 septembre 2022, notre Haute Cour est partiellement revenue sur son arrêt rendu en 2014 et a précisé sa jurisprudence.
Le Tribunal fédéral a statué sur le recours de Madame T., une femme paraplégique élevant seule ses deux jeunes enfants. Par l’intermédiaire de son avocat, cette femme a demandé le versement d’une contribution d’assistance plus élevée que celle calculée par l’office AI à l’aide du FAKT2. L’un de ses arguments a su convaincre le Tribunal fédéral: dans le domaine «éducation et garde des enfants», les valeurs fixées par le FAKT2 sont trop basses si on les compare avec les valeurs de l’Enquête suisse sur la population active (ESPA).
L’ESPA est réalisée chaque année et a pour but de fournir des données sur la structure de la population active et sur les comportements en matière d’activité professionnelle. L’enquête faite en 2020 a montré que cette année-là, les femmes ont consacré en moyenne 23 heures par semaine à la garde des enfants. Les hommes, eux, y ont consacré 14,8 heures par semaine.
Or, selon le FAKT2, le besoin d’aide maximal dans le domaine «éducation et garde des enfants» se monte à 14 heures par semaine. Autrement dit, dans le cas d’une personne nécessitant une assistance totale de la part de tiers, comme c’est le cas de Madame T. – paraplégique et mère seule de deux jeunes enfants –, le FAKT2 ne retient que 14 heures. Selon le Tribunal fédéral, les valeurs standard du FAKT2 appliquées dans le domaine «éducation et garde des enfants» sont donc trop basses.
De plus, dans l’arrêt concernant Madame T., le Tribunal fédéral constate que le FAKT2 ne tient pas compte du nombre d’enfants ni de la présence ou non d’un autre parent.
C’est pour ces raisons que notre Haute Cour a jugé que l’instrument FAKT2 n’est pas adéquat pour déterminer le besoin d’assistance dans le domaine «éducation et garde des enfants». Le Tribunal fédéral a donc partiellement admis le recours et renvoyé l’affaire à l’office AI. L’office AI doit maintenant procéder à des clarifications supplémentaires dans le domaine «éducation et garde des enfants» et ne peut se fonder uniquement sur l’instrument FAKT2. L’office AI devra ensuite statuer à nouveau sur le montant de la contribution d’assistance à verser à Madame T., et rendre une nouvelle décision.
En conclusion: contrairement à ce que le Tribunal fédéral avait affirmé en 2014, non, le FAKT2 n’est pas un instrument adapté pour établir tous les besoins d’aide de la personne assurée.
Quel avenir pour l’instrument FAKT2?
En octobre 2022, l’Office fédéral des assurances sociales a indiqué que les adaptations nécessaires seront examinées et que l’instrument FAKT2 sera adapté, ce qui nécessitera un certain temps.
L’Institut de conseils juridiques recommande aux mères et pères ayant besoin d’une contribution d’assistance de regarder attentivement les décisions des offices AI. Nos avocates et avocats se tiennent à vos côtés pour les conseiller et les soutenir.