TENDANCES URBANISME ïź ï”
MalgrĂ© leur nature temporaire, ces constructions Ă©phĂ©mĂšres amĂšnent certains architectes Ă envisager autrement leur travail. Au Portugal et en Espagne, les jardins temporaires créés par la firme parisienne NOGLO, lâespace dâun Ă©tĂ©, posent Ă leurs crĂ©ateurs le dĂ©fi de trouver des solutions pour les rendre facilement dĂ©montables. En Pologne, la firme NoStation excelle dans ces apparitions urbaines, parcs de poche et autres jardins spontanĂ©s saupoudrĂ©s dans les espaces bĂ©tonnĂ©s. Laboratoires urbains Lâespace dâune saison ou dâun Ă©vĂ©nement, lâarchitecture Ă©phĂ©mĂšre est devenue un outil incontournable pour bien des administrations locales qui tentent de trouver des solutions rapides et peu coĂ»teuses pour reverdir les villes, juguler le flot de vĂ©hicules ou changer lâallure de places publiques. Ces interventions ont lâavantage dâĂȘtre en synchronisme avec leur temps et de se mouler aux changements culturels et Ă©conomiques rapides qui secouent plusieurs villes. En plus de rĂ©pondre Ă des besoins immĂ©diats, design tactique et architecture Ă©phĂ©mĂšre transforment la ville en laboratoire urbain pour tester de nouveaux matĂ©riaux, de nouvelles idĂ©es. « Les constructions rapidement conçues peuvent permettre aux architectes dâexpĂ©rimenter et dâinventer des formes nouvelles qui accompagneront la façon dont nous vivrons demain », affirme Philip Jodidio, dans lâouvrage Lâarchitecture Ă©phĂ©mĂšre dâaujourdâhui. Dâordinaire conçus pour trente ans, les amĂ©nagements urbains deviennent de plus en plus rapidement obsolĂštes, incitant de plus en plus dâadministrations Ă embrasser ces formes mallĂ©ables. LâĂ©phĂ©mĂ©ritĂ© permet aussi le droit Ă lâerreur et offre la possibilitĂ© de rĂ©viser le tir avant que ne soient engagĂ©s des fonds publics dans des transformations importantes. LancĂ©e Ă GenĂšve en 2003, lâexpĂ©rience dâamĂ©nagement sur rue « Les Yeux de la ville », destinĂ©e Ă rĂ©cupĂ©rer des places de
© Jean-Michael Seminaro
Sable chaud, transats et conteneurs colorés insufflent une cure vitaminée au Village au Pied-du-Courant.
parking pour loger des terrasses, sâest vite attirĂ© les foudres de citoyens, dĂ©jĂ excĂ©dĂ©s par le manque criant dâespaces de stationnement. Lâexercice a permis de tester les rĂ©sistances du public aux solutions trouvĂ©es au verdissement de certaines artĂšres. Dans son mĂ©moire De lâĂ©phĂ©mĂšre au durable, la gĂ©ographe suisse Maria Trayser souligne que ces solutions Ă©phĂ©mĂšres sont Ă juste titre utiles pour avancer « en douceur » vers le changement. Dans un univers oĂč la valeur de lâarchitecture a longtemps Ă©tĂ© jugĂ©e Ă lâaune de la longĂ©vitĂ©, lâĂ©phĂ©mĂ©ritĂ© apparaĂźt soudainement comme un atout pour crĂ©er des espaces plus rĂ©silients aux mutations sociales et Ă©conomiques. Ă dĂ©faut dâĂȘtre pĂ©rennes, ces constructions instantanĂ©es redessinent le rapport du citoyen Ă la ville. Autrefois, les citadins se rencontraient sur la place du marchĂ©, ou devant lâĂ©glise. La place urbaine du XXIe siĂšcle, elle, est en redĂ©finition. ĂphĂ©mĂšres, vraiment ? Mais pour JĂ©rĂŽme Glad, cofondateur de PepiniĂšre & co, câest faire erreur que de rĂ©duire ces nouvelles propositions urbaines Ă leur seul caractĂšre Ă©phĂ©mĂšre. « On ne considĂšre pas les ruelles vertes comme quelque chose dâĂ©phĂ©mĂšre. MĂȘme si ces formes se dĂ©ploient durant la belle saison, elles sâinscrivent aussi dans la durĂ©e, dit-il. Car lâhumanitĂ© et le tissu social créés par ces projets, eux, sont permanents. LâĂ©phĂ©mĂšre est un outil pour changer les paradigmes. Il permet dâactiver, dâhumaniser, de rĂ©vĂ©ler des lieux, dâexpĂ©rimenter. » Et pourquoi pas de rĂȘver.
ĂTĂ 2019 | N°129 LâINFORMATION IMMOBILIĂRE
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