Marianne Dossier Maroc

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Où le roi conduit-il son pays ? A la démocratie ou au despotisme oriental relooké ? Le Maroc a-t-il vraiment changé ? 9: CDIG: :CKDNw: HEw8>6A: B6GI>C: <DOA6C

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à la menthe du royaume enchanté. On est si bien, n’est-ce pas, entre gens qui se ressemblent, adorent l’Occident en général, la France en particulier, et barrent la route aux islamistes ? Allez, on va trinquer au succès de la « transition démocratique » menée par Sa Majesté et soyez la bienvenue !

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– 450 ` – pour payer son traitement. Ils sont ainsi 5 000 à survivre dans ces trous de plâtre, grouillants d’insectes. El Houfra ne fait pas partie de l’opération « Villes sans bidonvilles » lancée à grand renfort médiatique. Depuis 2006, le seul qui ait apporté un peu d’espoir à ces parias s’appelle Boubker Mazoz. Simple citoyen et homme-orchestre de la solidarité, il a fondé l’association Idmaj, qui travaille ici comme à Sidi Moumen, le bidonville des kamikazes de 2003.

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Face à cet océan de misère, y a-t-il un système, des budgets, une politique ? On vous répond, enthousiaste : « Mais oui, bien sûr : le roi ! » Le roi et sa Fondation Mohammed V (du nom de son grand-père) qui veut guérir les aveugles, éduquer les filles, apporter l’eau et l’électricité dans les zones reculées. Avec une ONG, la sienne, et son budget parallèle. Le roi et son Initiative nationale pour le développement humain, autre vaste club caritatif. Le roi qui va du Nord au Sud inaugurer les dispensaires et consoler les alités, monarque associatif dont l’omniprésence généreuse relègue dans une ombre perpétuelle un gouvernement passif, sans crédits ni projets d’envergure. L’interventionnisme du « roi des pauvres » ne doit-il pas, aussi, faire taire toutes les critiques sur le train de vie et la fortune de Mohammed VI ? L’homme qui a peaufiné cette image pieuse s’appelle Noureddine Ayouch. Le Jacques Séguéla du Maroc, PDG de l’agence Shem’s et communicateur préféré du Palais. Un professionnel du social : il a

lancé en 1995, sous Hassan II, le microcrédit pour les femmes avec sa Fondation Zakoura. Mais c’est aussi un ami des arts (père du cinéaste Nabil Ayouch) qui supervise en ce moment le projet du futur grand théâtre de Casablanca. En somme, un brillant profil d’universaliste qu’on ne

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Qu’en pense Noureddine Ayouch, qui fut lui-même, autrefois, sous Hassan II, directeur d’un journal féministe contestataire, Kalima, assassiné par la censure ? En opposant d’hier, il fulmine : « Une mesure ridicule, des procès stupides ! » Mais en courtisan d’aujourd’hui, il absout le Palais : « Le roi n’est évidemment pas au courant, ce n’est en aucun cas de sa faute si les gens n’arrivent pas à faire leur propre révolution ! J’appelle immédiatement le ministre de l’Information ! » ¢

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Jc YZh gd^h aZh eajh g^X]Zh YZ aV eaVc iZ aussi riche ! » : c’était »Ioujours la couverture, la semaine passée,

du Journal hebdomadaire, successeur de l’hebdo fondé par Ali Amar. Le classement 2009 des grandes fortunes par le magazine Forbes venait de tomber et les Marocains découvraient, sans grande surprise, que leur roi avait la baraka. « Sa fortune dépasse celle de l’émir du Qatar, elle est six fois supérieure à celle de l’émir du Koweït. Loin devant celles d’Albert de Monaco, de la reine d’Angleterre et de la reine des Pays-bas », résume le journaliste Fedoua Tounassi. Mohammed VI est donc l’un des rois les plus riches de la planète pour un pays qui occupe toujours la peu enviable 126e place dans un autre classement moins doré : celui du Pnud, le Programme des Nations unies pour le développement ! On apprend au passage que l’entretien des 12 palais royaux nécessite la coquette somme &- Vj ') _j^aaZi '%%. $ BVg^VccZ )*

de 1 million de dollars par jour. Pas de problème : le pactole de Mohammed VI a été multiplié par cinq en dix ans. Ce roi des pauvres est un as des affaires : il a fait fructifier l’héritage d’Hassan II à travers une nuée de holdings dont le fameux Omnium nord-africain, l’ONA, qui comprend à la fois les mines de phosphate, l’agro-industrie, les communications, les assurances, la grande distribution. Quelques voix s’élèvent d’ailleurs pour prier respectueusement le monarque de se retirer de ce gigantesque et compromettant consortium. En vain. Quant au budget de fonctionnement de la maison royale, il a augmenté de plus de 40 % depuis 2000, révèle l’enquête d’Ali Amar : « Il dépasse l’enveloppe allouée à la Justice et représente plus de 25 fois celle du Premier ministre et de son cabinet. » Est-ce aussi pour cela qu’on ne le voit guère, ce pauvre gouvernement ?

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retrouve pas forcément à tous les coins de médina. Habile et volubile, il ne tarit pas d’éloges sur son royal ami : « Un homme moderne qui aspire à toujours davantage de démocratie… Un être authentique et vrai, profondément bon, obsédé par la pauvreté, qui ne jure que par le social et les libertés… » Légère bavure pourtant : trois grands quotidiens et un hebdomadaire viennent d’être condamnés à verser des centaines de milliers d’euros – ce qui les tue à petit feu – pour avoir diffamé… Kadhafi. Quant à l’ouvrage du journaliste Ali Amar* qui dresse un bilan moins flatteur des dix ans de règne, il est carrément censuré au Maroc, même s’il se vend comme des petits pains à Paris.

crue des statistiques de la Banque mondiale : un Marocain sur deux est toujours analphabète, le royaume est aussi mal placé que le Yémen en matière d’éducation. Il se retrouve loin derrière l’Algérie, l’Iran et la Tunisie pour la part du financement public des dépenses de santé. A l’hôpital, le malade doit tout fournir, du fil opératoire au flacon de sang. A peine 30 % de la population sont couverts par l’assurance maladie. Et même ceux-là, souvent, ne peuvent pas avancer l’argent des soins. La consommation moyenne de médicaments par individu et par an atteint à peine 300 dirhams, 30 ` ! Casablanca, comme toutes les grandes villes, est toujours encerclée par des centaines de bidonvilles. A El Houfra, l’un d’entre eux – quartier dit « la Crevasse » –, on vit à cinq dans une dizaine de mètres carrés, les enfants n’ont jamais vu la mer, qui est à quelques kilomètres. La petite Fatima Zahra Abulaïch, 14 ans, épileptique, n’est plus soignée : sa mère n’a pas les 5 000 dirhams

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n a tellement envie d’y croire, à l’exception marocaine. On est si fatigué du malheur dans ce monde arabe qui n’a vu se succéder que des révolutions trahies, des dynasties ensablées, des rêves égorgés. On se souvient que Rachid Mimouni, l’immense romancier algérien traqué par les intégristes, est venu s’exiler ici, fuyant la barbarie, avant de mourir de chagrin en 1995. On mesure la part d’émerveillement dans les yeux de ses jeunes compatriotes algériens venus respirer l’air de la Corniche casablancaise, flâner dans les avenues scintillantes, vérifier que, à l’inverse d’Alger bloquée, à Casa, ça marche, ça roule, ça bouge. Comme eux, en débarquant au Maroc, on est prêt, par contraste, sur la sinistre toile de fond du grand jeu d’échecs arabe, à accorder confiance et patience à Mohammed VI, le gentil fils du tyran, au vaillant pays du tiers-monde en marche vers un niveau de vie sud-européen. Ça tombe bien : c’est exactement ce que vos interlocuteurs ont envie de vous souffler. Politiques, hommes d’affaires, publicitaires, technocrates, intellocrates : tous connaissent par cœur cette douce paresse, ce présupposé d’indulgence qui fondent sur le visiteur, sitôt siroté le thé

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Or, l’ombre du terrorisme plane depuis les attentats de 2003 et de 2007. C’est elle qu’on invoque sans cesse pour voler au secours du « roi-rempart », garant de la stabilité, bien-aimé de l’Occident, intouchable et sacré. « Roi-ingénieur » aussi, comme le surnomme, bluffé, l’écrivain Driss Jaydane : « Mohammed VI a créé la Nayda, le changement culturel, comme le changement politique avec le PAM et la métamorphose du territoire avec les autoroutes qui ont désenclavé le pays. Quel autre choix avons-nous que ce monarque-ingénieur ? Ce serait une folie que de remettre la monarchie en question : elle structure l’identité marocaine. La pire des choses qui pourrait nous arriver, ce serait qu’elle s’effondre ! Mais il n’y aura jamais de révolution islamique au Maroc. A condition que la bourgeoisie citoyenne se réveille et remette à leur place les jouis-

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» Ec Zhi eVhh YZ aV Y^XiVijgZ g egZhh^kZ YÉ=VhhVc >> | aÉ]neZgbdcVgX]^Z YZ Bd]VbbZY K># ¼ 6a^ 6bVg Palais s’inquiète : aïe ! Comment contrôler cette insurrection permanente, cette impatience démocratique ? Nous voilà au cœur même du paradoxe marocain. « La monarchie déclenche des processus et ne comprend pas qu’elle ne puisse pas en gar-

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seurs richissimes qui n’investissent qu’à l’étranger : une machine à produire la rage des parias… » Un homme seul, pourtant, a osé questionner le mythe rassurant du bon roi. Le journaliste Ali Amar, 40 ans. Ex-brillant directeur d’un brillant hebdo – le Journal – qu’il a fondé à 29 ans, c’est un enfant de la « génération M6 ». Lui et ses amis ont été naguère aidés par le jeune roi. Le Journal devait être le miroir du changement. Oser, enquêter, publier, c’était la meilleure façon de faire vivre le printemps marocain. Mais, très vite, le

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ur les 5 millions de Marocains installés à l’étranger, 1 200 000 environ vivent en France. Un apport essentiel pour l’économie de leur pays. L’émigration, en effet, a constitué un véritable ballon d’oxygène pour le royaume. Elle est d’ailleurs très câlinée par les autorités marocaines dans l’Hexagone. D’où les louanges qui montent du petit peuple comme des cercles intellectuels à la veille des cérémonies qui marqueront, au pays, le 30 juillet prochain, les dix ans du règne du monarque. « Notre roi, un bon roi, même si les fêtes vont coûter cher » : c’est le ton révérencieux du commentaire dans les marchés de Paris et de banlieue. L’image d’un roi accessible, qui a pris pour femme une jeune Marocaine issue d’un milieu modeste, est appréciée autant par les humbles familles du XVIIIe arrondissement de Paris que par le politologue Mohamed Tozy. Le journaliste Hamid Barrada, lui, salue les métamorphoses de la condition féminine : « En réformant le code de la famille, la Moudawana, en supprimant la répudiation et en

atténuant l’emprise du patriarcat, le roi a donné aux Marocaines plus de chances que dans aucun autre pays musulman (Tunisie et Turquie exceptées). Il a imposé un quota de 12 % qui leur a permis d’entrer en politique. Première victoire : depuis quelques jours, Marrakech a pour maire une femme, Fatima Zahra Mansouri. » Pour Driss Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger et ancien opposant au régime d’Hassan II, c’est la volonté de lutter contre l’amnésie des années passées qui constitue l’un des apports les plus importants de la décennie « M6 » : « Reconnaître sur la place publique, à travers les témoignages des victimes, la répression, les emprisonnements, la torture sous le règne de son propre père a été un symbole. Cette catharsis, avec la création de l’Instance équité et réconciliation, a permis de relégitimer la monarchie. Le roi est perçu comme l’instigateur pacifique de ce grand débat. » Bilan globalement positif, donc. On s’en doutait un peu… Leila Kaddour-Boudadi

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comme Lahcen Daoudi, économiste classé light au sein du PJD, et qui a bel et bien failli être maire de Rabat, s’affolent : « Tout ça pousse les Marocains vers l’extrémisme ! Les nôtres font du corps à corps dans les mosquées et les facs avec Adl Wa Ihsan ! Si le PAM continue son opération vénéneuse, ce sont les salafistes qui vont gagner ! »

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der le contrôle », résume Abdelmounaïm Dilami, directeur d’un hebdo beaucoup plus soft, l’Economiste, qui s’insurge néanmoins contre les amendes infligées à la presse et « la solitude des journalistes marocains ». Le Journal est puni, boycotté, dissous, un de ses directeurs exilés. Ali Amar, écœuré par les trahisons de la transition promise, prend la plume pour en raconter les coulisses. Son livre paraît en mai dernier à Paris. Scandale ! C’est le premier journaliste marocain à écrire sur la monarchie. « J’ai voulu participer à l’écriture de l’histoire immédiate du pays », plaide l’imprudent. Mais il est lâché et lynché par les siens, les journalistes, les démocrates, tous ses pairs qu’épouvante toujours le crime de lèse-majesté. Célèbre à Paris, isolé à Casablanca. Son téléphone ne sonne plus : « C’est très amer, on a beaucoup souffert du silence de nos aînés et, aujourd’hui, des gens de ma génération me renvoient à cette même loi du silence. » Il parle de l’omerta, de « l’infantilisation des Marocains », de son pays « passé de la dictature répressive d’Hassan II à l’hypermonarchie de Mohammed VI et sa politique de prédation économique ». Ali Amar était un jeune homme pressé, il voulait tout tout de suite, une transition comme à Madrid après Franco, comme à Lisbonne après Salazar, comme à Athènes après les colonels. Seulement, on est au cœur du monde arabe. Dans la lenteur et la révérence. Même dans ce restaurant de la Corniche où le reporter égrène ses illusions perdues, parmi les touristes heureux qui ne voient du Maroc que le bleu M.G.

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¢ Le ministre n’est pas là. Ce qui est res, ses consortiums, son bling-bling, ses tés d’être choisis par la cour, le PAM n’a bien là, en revanche, c’est l’extraordinaire somptueux costumes en lama des Andes : aucune assise réelle dans le pays. C’est ambiguïté du discours. Celui d’Ayouch et le roi, même revêtu du moderne brocart plutôt la version reliftée des multiples tende ses pairs, sur tous les drames et tous des attributs de son rang, est tout amour ! tatives d’Hassan II de contrôler son oppoles fronts. La censure, la répression, la En réalité, la monarchie est loin d’être sition : la création du Front de défense des corruption, la détresse des humbles, l’ar- aussi absente de la vie politique que vou- institutions dans les années 1960, du Rasrogance des affairistes ? Jamais la faute de draient le faire croire les amis du roi. Pour semblement national des indépendants Sa Majesté ! Celle des autres. Des juges, casser les islamistes légaux du Parti de la dans les années 1970, de l’Union constides policiers, des préfets « qu’il doit appe- justice et du développement (PJD), mais tutionnelle dans les années 1980. Mohamler pour les mettre au travail ». Du gou- aussi pour réduire au silence les partis med VI a donc bel et bien fait le tri dans vernement, « qui ne fait pas autant pour historiques, comme l’Istiqlal à droite et l’héritage de son père. Certes, il a chassé la solidarité que la Fondation Moham- l’Union socialiste des Forces populaires les miasmes de la dictature policière en créant l’Instance équité et réconciliation. med V ». Du Premier ministre, Abbas elMais il a gardé froidement l’art paternel de Fassi, qu’Ayouch « aimerait voir se déplagouverner en pulvérisant l’opposition. cer sur le terrain, dans le bled ». Comme Aux municipales du 12 juin dernier, si le tout-puissant « M 6 » régnait sur un le PAM a gagné dans les campagnes, et aréopage d’impuissants, devenant de fait bataillé, à coups d’alliances baroques, dans l’unique et grandiose recours de la veuve les grandes villes, bastions traditionnels et de l’orphelin. des islamistes. Prudemment, ces derniers La visite du service de cancérologie ;Vi]VaaV] DjVaVadj! n’avaient présenté que peu de candidats, pédiatrique de l’hôpital 20-Août à Casades « incorruptibles » insensibles aux sirèblanca révèle un cas d’école : tout a été bV^gZ YZ GVWVi nes du PAM. Le parti royal l’a donc théorefait à neuf et les enfants leucémiques riquement emporté. Mais pour combien sont soignés selon les mêmes standards qu’en France. Grâce à l’épouse du roi, à gauche, Mohammed VI a chargé son de temps ? Rabat, la capitale, a fait excepLalla Salma, et à la fondation qui porte confident préféré, copain de collège et tion. C’est un ténor de la gauche, Fathallah son nom. « L’hôpital n’avait aucun bud- grand manitou, Fouad Ali el-Himma, de Oualalou, qui a raflé la mairie. Il est très get, explique le Pr Saïd Benchekroun, on construire un parti royal. Le PAM : Parti critique – une rareté ! – vis-à-vis du chana donc créé une association. Elle a fonc- authenticité et modernité. Il jure qu’il gement tant vanté : « Les Marocains n’ont tionné de don privé en don privé. Jusqu’au incarne le changement, le vrai. Mais, bri- pas avancé en politique. Il y a un fossé entre plus récent et au plus efficace : le mécé- colé à la va-vite, avec des notables flat- le développement économique, les grandes réformes de société comme nat de la princesse. Le ministère le statut de la femme et la de la Santé n’aurait jamais eu les 6WYZaa^aV] 7Zc`^gVcZ! hZXg iV^gZ \ c gVa Yj eVgi^ ^haVb^hiZ a \Va! aZ E?9# vie politique, qui a reculé. Je moyens de susciter une pareille me suis présenté à la mairie initiative ! » parce que mon parti, l’USFP, veut réduire ce fossé dans les dix prochaines années. Plus loin, au cœur de la médina, un Il nous faut des réformes, dispensaire et une unité de soins c’est vital. » Vital, en effet, accueillent les prématurés : 800 car les islamistes font leur nourrissons hospitalisés alors qu’il miel des achats de voix aux faudrait en soigner 15 000 à Casaélections et des pressions blanca. L’institution, baptisée « la du Palais sur les notables. Goutte de lait », ne fonctionne que Surtout les durs ! Les intégrâce au bénévolat de cinq médegristes du mouvement Adl cins. Et au chéquier des bonnes Wa Ihsan du cheikh Yassine âmes. L’Initiative nationale pour le et de sa fille Nadia qui, au développement humain, le grand nom de l’Islam, récusent la chantier royal, a accepté de prenmonarchie. dre en charge la survie de 50 bébés. Selon le ministère de « Ça en fait autant de sauvés ! » l’Intérieur, leurs militants s’exclame le Pr Benjelloun, saint seraient 150 000. Beaulaïque de 72 ans qui fait tourner coup plus, probablement, l’institution depuis des décennies. sympathisants ou prêts à C’est qu’au Maroc les associations le devenir, dans les profonne viennent pas en complément deurs du pays, au cœur de du système : elles se substituent à ses douleurs et de ses colèlui, remplissent son vide. La chares. Au sein du mouvement rité royale – toujours détaillée avec des diplômés chômeurs, émotion par les caméras – se détapar exemple, qui squattent che avec d’autant plus d’éclat sur depuis des années les verts le fond très noir de ce désert social. gazons, face au Parlement, Elle sert à merveille l’angélique et menacent de s’immoler conte oriental, le mystère lyrique par le feu si l’on n’embaud’un Mohammed VI détaché du che pas ses jeunes désespépolitique impur pour accomplir rés. Même les voix les plus l’œuvre sainte de la rédemption des modérées du parti religieux, pauvres. Qu’importent ses affai-


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