Devoir de politique sur Fallingwater

Page 1

Fallingwater, Frank Lloyd Wright

Yasmine Iraqui, Sandra Kaouk, Solène Marquetty, Lana Adel Rabie, Océane Seba et Diem Soquet ENSA Paris Malaquais 1


2


Table des matières I. Préface 5 II. Biographie de l’architecte 9 III. Un site particulier, ancrage dans un paysage naturel 13 IV. Un bâtiment à trois niveaux construit sur le rocher d’une chute d’eau naturelle 16 V. Un bâtiment en perpétuelle mutation 34 VI. Inscription du projet dans le temps et idéologie de l’architecte organique 38 VII. Conclusion 42 VIII. Bibliographie et sources 43

3


4


I. Préface

Fallingwater est l’un des édifices les plus emblématiques de l’architecture du XXème siècle. Construite en 1935 au-dessus d’une chute d’eau de 9 mètres, cette dernière continue de susciter, plus de 80 ans après sa construction, un intérêt majeur tant chez les professionnels que chez les amateurs d’architecture. Cette popularité se voit de plus renforcée par l’ensemble des anecdotes relatives à l’histoire de la construction de Fallingwater. L’une d’entre elle, aussi surprenante qu’elle puisse paraître raconte notamment qu’entre le moment où Edgar Kaufmann a confié la construction de Fallingwater à Frank Lloyd Wright et le premier point sur la construction réalisé 9 mois plus tard entre le commanditaire et l’architecte, Frank Lloyd Wright n’avait pas réalisé le moindre plan, esquisse ou croquis. Ce n’est alors qu’une fois que Edgar Kaufmann s’est mis en route pour consulter l’avancée du projet de Fallingwater que l’architecte a commencé à se pencher sur la représentation de la maison : “Concevoir entièrement la construction non sur le papier, mais dans l’imagination, avant même de toucher le papier. Qu’elle vive là, prenant peu à peu forme avant de la soumettre à une planche à dessin. […] Il vaut mieux demander à l’imagination de construire et achever le bâtiment avant d’y travailler à l’aide d’une équerre et d’un rapporteur. » exprime Frank Lloyd Wright dans In Cause of architecture, 1928. Mais le plus surprenant et intéressant de cette anecdote semble reposer dans le fait que Frank Lloyd Wright n’ait que très peu dévié de ses premiers croquis et plans pourtant réalisés en un laps de temps restreint. Cette anecdote, illustre ainsi la façon dont l’architecte disposait dès les premières visites du site d’une une vision claire du projet et de la maison qu’il souhaitait construire pour la famille Kaufmann.

Fallingwater a été initialement construite comme une maison de week-end pour l’homme d’affaire Edgar Kaufmann, son épouse, et leur fils qui la posséderont jusque dans les années 1963. A travers le projet de Fallingwater, Edgar Kauffmann souhaitait alors faire construire une maison excentrée de la ville afin d’échapper aux nuisances et stress ambiant qu’elle procurait chez ce dernier. Pour ce faire, Edgar Kaufmann a alors souhaité implanter son projet en face d’une chute d’eau naturelle haute de 9 mètres sur la bordure forestière de la rivière Bear Run.

Cascade de Bear Run, avant la construction de Fallingwater 5


Cette cascade représente pour la famille Kaufmann un élément hautement symbolique, ce qui justifie alors la façon dont cette dernière fait partie du projet de Fallingwater. Le génie de Wright à travers le projet de Fallingwater réside alors dans la réponse que l’architecte propose face aux attentes de la famille Kaufmann : pour cela Fallingwater n’est alors pas construit uniquement en face de la cascade mais au-dessus de cette dernière permettant ainsi d’être vue, entendue et ressentie au sein de chacune des pièces de la maison. Cette volonté qu’a l’architecte de faire corps entre la nature et la maison est notamment exprimée à travers la citation :

“Aucune maison ne devrait jamais être sur une colline ou sur quoi que ce soit. Elle devrait faire partie de la colline. Appartenant à elle. Colline et maison devraient vivre ensemble chacun des plus heureux l’une pour l’autre.” exprimée par l’architecte De ce lien fort qu’entretiennent la cascade et la maison en découle alors son nom : Fallingwater ! A travers cette édifice Frank Lloyd Wright adopte un style moderniste et organique qui ouvrira par la suite un nouveau chapitre dans l’architecture américaine du XXème siècle. Conçue par le biais des nouvelles technologies qu’offrait les Etats-Unis à cette période, le projet de Fallingwater a alors causé un dépassement budgétaire s’élevant à plus de 120 000 $. Ce dépassement budgétaire représente ainsi le coût d’une architecture révolutionnaire permise par la volonté de Frank Lloyd Wright de repousser les limites de l’architecture traditionnelle, obtenant ainsi l’effet désiré par l’architecte. C’est ainsi en partie par le biais de Fallingwater que Frank Lloyd Wright obtiendra une renommée internationale. Fallingwater obtiendra quelques années après sa construction de nombreux titres et prix, notamment en 1961, lorsqu’elle sera élue par l’American Institute of Architects comme “l’œuvre architecturale américaine la plus important de l’Histoire”. Mais c’est quelques années plus tard, en 1966 que Fallingwater connaîtra sa consécration, en étant reconnue au National Historic Landmark : l’équivalent du patrimoine historique. Fallingwater a ainsi connue une renommée exceptionnelle dès sa construction et restera considérée par beaucoup comme « la plus belle œuvre » agissant alors comme une attraction touristique majeure des EtatsUnis d’Amerique. Du fait de cette reconnaissance internationale, chaque année plus de 150 000 touristes viennent ainsi visiter Fallingwater, attirés par le caractère pittoresque et atypique de la maison, contabilisant plus de 4,5 millions d’entrée depuis son ouverture au public en 1964. 6


Les décennies de critiques et de questionnements auxquels a fait face Fallingwater n’ont ainsi pas réussies à entraver l’aspect déroutant et si spécifique de la construction pour qui la fascination perdure. Fallingwater continu alors de susciter de nombreuses questions, notamment concernant le site dans lequel elle s’inscrit : pourquoi Frank Lloyd Wright a-t-il accepté de construire une maison sur ce site presque inadéquat et potentiellement dangereux ? Pourquoi ne pas avoir construit la maison en face de la cascade comme le demandait le commanditaire ? Pourquoi la structure est-elle construite librement en porte-à-faux et n’est elle pas ancrée aux deux extrémités de la roche? Mais la plus grande interrogation que suscite Fallingwater semble plus classique que celles énumérées : Pourquoi Fallingwater, conçue il y a plus de 80 ans continue de fasciner autant le grand public ? Certains répondront que cette popularité n’est que le fruit du génie architectural de Frank Lloyd Wright, cependant répondre de façon complète à cette question semble nécessiter une analyse plus poussée. C’est alors pour cette raison que nous nous attellerons à travers cette analyse à une présentation détaillée de Fallingwater afin de parvenir à répondre au maximum d’interrogations que suscite cet édifice. Comment Frank Lloyd Wright intègre son architecture à l’environnement ? Comment parvient-il à créer une fusion entre l’intérieur et l’extérieur ? Quels changements architecturaux à pu engendrer Fallingwater ?

7


8


II. Biographie de l’architecte

Avant d’analyser Fallingwater, connaître l’architecte qui se cache derrière ce chef d’œuvre semble indispensable. Frank Lloyd Wright est un architecte iconoclaste : ses projets ne ressemblent à aucun autre. En rupture avec le néo-classicisme de son époque, Frank Lloyd Wright a développé, dès la fin du XIXème siècle, un style très personnel mêlant des matériaux traditionnels comme la pierre et le bois, à des éléments plus modernes comme l’acier, le verre ou encore le béton armé. La biographie de l’architecte Frank Lloyd Wright est souvent considérée comme digne d’un film hollywoodien, ce dernier est en effet l’auteur de plus de 400 réalisations : musées, tours d’habitation, hôtels, églises, ateliers... Mais ce sont principalement les maisons au style novateur, original, et agréable à vivre conçues par l’architecte comme de petites habitations en harmonie avec l’environnement qui fonderont la renommée de ce dernier, sans oublier les constructions de style « prairie » dont Frank Lloyd Wright est le principal protagoniste. En 1887, Frank Lloyd Wright en quête d’emploi s’installe dans la ville de Chicago qui se remet alors doucement de l’incendie dévastateur de 1871 et doit composer avec un accroissement galopant de sa population. En 1890, Wright commença alors son parcours architectural au poste de dessinateur technique pour la firme de l’architecte Joseph Lyman Silsbee, un cabinet très vogue de Chicago. Dans cette période ravagée par un incendie, l’état de l’Illinois est alors en pleine reconstruction : les premiers gratte-ciels voient alors le jour. Mais Frank Lloyd Wright, comme beaucoup de contemporains de l’époque ne se reconnaît pas dans ce modèle urbain. Contre la surpopulation et la pollution urbaine, il souhaite créer une ville alternative “décongestionnée ” entre ville et campagne constituée de zones résidentielles autonomes. L’architecte exprime ainsi ne pas vouloir “revenir en arrière” mais au contraire être le héros d’un nouveau monde, persuadé que l’art ne peut se répéter continuellement en revisitant le style antique, ce qui nécessite ainsi de se projeter, d’innover, afin de répondre à des besoins en perpétuel évolution.

Attiré par une architecture plus moderne que celle que pratiquait Silsbee, Frank Lloyd Wright rejoint alors quelques années plus tard le cabinet des architectes Adler et Sullivan représentant l’école de Chicago. Frank Lloyd Wright fait ainsi ses premiers pas dans un cabinet au style plus moderne, reconnu mondialement pour la construction de l’ Auditorium Building de Chicago achevé en 1889. Auditorium Building, D. Adler et L. Sullivan,1887 Chicago 9


C’est alors durant cette période, en 1889, que l’architecte construit sa maison de famille à Oak Park dans l’Illinois en banlieue de Chicago. Cette maison souvent considérée comme l’édifice marquant le début de la grande carrière de Franck Lloyd Wright marque ainsi un tournant dans les aspirations professionnelles de l’architecte.

En 1894, Frank Lloyd Wright pour qui les ambitions professionnelles étaient clairement établies refusera alors la proposition de l’architecte Burnham d’aller étudier l’architecture classique aux Beaux-Arts de Paris, puis à Rome, exprimant :

« J’aime mieux être libre et rater mon coup, et être sot, que d’être lié à quelques succès de routine. Je n’y vois pas de liberté… voilà tout ». Frank Lloyd Wright se place ainsi en rupture avec le néo-classicisme de l’ époque en poursuivant sa propre voie vers la modernité, au sein de l’école de Chicago. Ce qui mènera ce dernier en 1898, à ouvrir sa propre agence à Oak Park faisant ainsi voir le jour à ses idées architecturales novatrices.

Mais c’est plus précisément les travaux d’agrandissement entrepris par l’architecte dans sa maison d’Oak Park qui marqueront la renaissance de Frank Lloyd Wright. Des changements importants sont ainsi entrepris, des pièces sont agrandies et d’autres sont créées : ce qui est notamment le cas en 1898 d’un studio de 2 étages relié à la maison au sein duquel il expérimente une structure octogonale et un balcon suspendu faisant directement écho au terrasses de Fallingwater.

A travers cette maison dans laquelle l’architecte vivra les 20 premières années de sa carrière, Frank Lloyd Wright développe alors une architecture étonnante et novatrice marquée par une forte horizontalité, mais aussi par l’utilisation du style Prairie dans l’aménagement intérieur et les formes extérieures de cette dernière. Frank Lloyd Wright expérimente ainsi une nouvelle architecture en rupture avec les modèles européens en vogue à ce moment en Amérique. Maison et studio de Frank Lloyd Wright, 1898 Chicago

Pour cela Frank Lloyd Wright développe alors une maison entre ville et campagne s’imposant comme un modèle de sobriété en abandonnant la symétrie, privilégiant le plan ouvert ainsi que les techniques et matériaux nouveaux. Frank Lloyd Wright devient ainsi le représentant de ce mouvement américain dont il en fixe les grands principes en 1900 et porte le style “prairie”, sept ans plus tard. 10


A travers sa première construction indépendante, Frank Lloyd Wright use du style Prairie avec la maison Winslow en 1893 dans l’Illinois. Par sa conception au ras du sol, sa forte horizontalité, son toit en coupe, ses fenêtres lanterneaux et sa cheminée centrale dominante : la maison Winslow, se démarque par son originalité des habitations locales et suscite alors une grande attention dans le quartier. La Maison Winslow marque ainsi la première tentative de l’architecte de réinventer la maison traditionnelle.

Maison Winslow, Franck Lloyd Wright, 1893, Illinois Etats-Unis En 1893, la carrière de Frank Lloyd Wright prit un nouveau tournant avec la découverte de l’architecture japonaise à l’exposition universelle de Chicago auquel il porta un attention particulière. C’est notamment les cas du palais Katsura, modèle d’élégance et de sobriété semble attirer son attention. Cet intérêt de Frank Lloyd Wright pour la culture architecturale traditionnelle japonaise influencera alors durablement le style que prendront ses projets durant les années postérieures.

Du fait de cet intérêt croissant pour l’architecture japonaise Frank Lloyd Wright décida alors de partir vivre à Tokyo de 1916 à 1922. Durant cette période l’architecte se penchera sur l’interaction subtile de la régularité des constructions humaines avec l’irrégularité des formes naturelles : obtenant quelques commandes, notamment celle de l’Hôtel Impérial à Tokyo, construit en 1923 par l’architecte.

Hôtel Impérial Frank Lloyd Wright, 1923 Tokyo

Cet intérêt que porte Frank Lloyd Wright à l’égard de l’interaction entre la régularité humaine et l’irrégularité naturelle viendra alors directement influencer la construction de Fallingwater entreprise une dizaine d’années plus tard. Il semble de plus essentiel de rappeler que lorsque Frank Lloyd Wright reçoit la commande de Fallingwater, l’architecte avait dépassé l’âge de 60 ans. A travers ce projet Frank Lloyd Wright se sent alors investi d’une mission personnelle et souhaite à travers ce projet refléter la relation qu’il entretient avec la nature et le paysage à la manière de l’architecture japonaise traditionnelle. Fallingwater ajoute ainsi une touche particulière à la carrière de Frank Lloyd Wright et marque la 3ème période de cette dernière. 11


12


III. Un site particulier, ancrage dans un paysage naturel

La vision romantique du paysage naturel a beaucoup évolué durant les années, faisant ainsi naître des doutes quant à l’appartenance de certains édifices à ce style. Au cours du temps des conventions se sont développées à propos de ce qui allait ou non avec un certain type de site. Certains types d’édifices étaient alors reconnus pour s’harmoniser plus ou moins bien avec l’ambiance qu’offraient les cascades. L’écrivain anglais Thomas Whately est l’un des premiers a exprimer cette complémentarité site/édifice à travers l’ouvrageObservations on Modern Gardening dont il est l’auteur en 1770. A travers cet ouvrage référence du XVIIIème siècle, ce dernier décrit “une forge de fer, recouverte d’un nuage noir de fumée et entourée de minerai à moitié brûlé ” comme un édifice parfaitement compatible avec le “rugissement d’une cascade” transmettant ainsi une idée de force et de danger.

Le château Culzean à Ayrshire de Robert Adam , construit au XVIIIème siècle sur une falaise est quant à lui le pionnier d’une nouvelle approche basée sur l’idée selon laquelle l’architecture peut parfaitement s’adapter et s’intégrer dans une “nature sauvage “.

Château Culzean, R. Adam, 1792 Angleterre Néanmoins, le type d’édifice qui semble le mieux se fondre dans ce genre de décor reste le chalet. On peut notamment citer le « Swiss Cottage » à Cahir, construit en 1920 au sud de l’Irlande par John Nash en 1820. Ce chalet légèrement surélevé au dessus de la rivière Suir vient ainsi illustrer la volonté des architectes de créer des habitations en adéquation avec le paysage dans lesquelles elles s’inscrivent.

Swiss Cottage, John Nash, 1820 Irlande

La volonté des commanditaires de disposer de maisons pittoresques est ainsi comme dans le reste du monde inévitablement parvenue en Amérique. Or un problème semble se poser : les Etats-Unis ne disposent ni d’abbayes en ruine, ni de châteaux, ni de temples. « No Tivolis, Ternis, Mont Blancs, Plinlimmons, hackneyed and worn by the pencils of hundreds, but primeval forests, virgin lakes and waterfalls » exprime Charles Rockwell. 13


Frank Lloyd Wright à travers Fallingwater décide alors de transgresser les codes établis selon lesquels seul les chalets pourraient permettre une totale adéquation entre la nature et la maison. L’architecte se démarque alors en faisant le choix de construire une maison imposante dans un paysage naturel, bien cela soit à cette époque considéré par certains comme une grande faute de goût d’un point de vue architectural.

Située dans le sud-ouest de la Pennsylvanie Fallingwater prend alors place au-dessus d’une chute d’eau de 9 mètres de haut, utilisant pour cela le dispositif architectural connu sous le nom de « cantilever ». A travers Fallingwater, Frank Lloyd Wright fait alors le choix original de placer l’édifice au-dessus de la cascade exprimant notamment que si ce dernier avait été disposé aux pieds de la cascade, la maison n’aurait bénéficié que de très peu de luminosité. Mais le choix de Frank Lloyd Wright s’avère en réalité bien plus profond et repose sur la volonté de ce dernier de faire vivre la famille Kaufmann en totale harmonie avec la cascade : « Je veux que vous viviez avec la cascade, non pas que vous vous contentiez de la regarder, il faut qu’elle fasse partie intégrante de votre vie » exprime l’architecte.

Échafaudage de Fallingwater

Cette volonté de faire corps entre le site naturel et la maison naquit dans l’esprit de l’architecte dès la première visite du site. Lorsque Frank Lloyd Wright découvrit pour la première fois le site sur lequel il construira Fallingwater, ce dernier exprime avoir été tout particulièrement émerveillé par le son puissant des chutes, la vitalité de la jeune forêt et des rochers spectaculaires : il s’agissait alors selon lui d’éléments à entrelacer avec les espaces de sa structure pour créer un édifice en parfaite harmonie avec la nature.

A travers le projet de Fallingwater, Frank Lloyd Wright prit alors conscience que les hommes étaient avant tout des créatures de la nature et qu’il était pour cela indispensable de composer une architecture en adéquation avec cette dernière afin de procurer le bien-être de ses occupants. C’est alors suite à cette réflexion que Frank Lloyd Wright prit la décision d’adosser la maison à la colline. Ce parti pris permis ainsi de renforcer l’insertion de Fallingwater dans le site naturel : bien que l’ensemble de la maison soit ouvert par de larges fenêtres en bandeaux, les Kaufmann étaient au sein de Fallingwater abrités par la colline comme dans une grotte profonde, sécurisée par la colline derrière eux. 14


« Confronté à une véritable architecture organique, un paysage n’est jamais dénaturé mais au contraire enrichi. Une architecture de qualité rend le paysage encore plus beau qu’il n’était avant la construction. » écrit Wright A travers Fallingwater, malgré son ampleur, Frank Lloyd Wright a ainsi souhaité construire en fonction des caractéristiques et qualités du site, en tentant pour cela de préserver au maximum le lieu afin de ne pas dénaturer ou détruire la beauté naturelle du site. Frank Lloyd Wright exprime alors s’être attaché, à travers la réalisation de cet édifice, à s’adapter au site naturel : l’édifice ne présente ainsi aucun jardin et chaque nouvelle plantation est réfléchie afin de se fondre parfaitement dans le décor environnant.

Le site sur lequel la maison a été construite, a ainsi été perçu par Frank Lloyd Wright comme un endroit à vivre, intact pour les sens et pour l’esprit : une œuvre architecturale en elle-même. En face de la maison, sur la rive opposée se présente une corniche rocheuse, un lieu à partir duquel admirer la cascade, ce site n’est ainsi pas uniquement un jardin japonais, mais un théâtre dont le décor est en perpétuelle transformation.

15


IV. Un bâtiment à trois niveaux, construit sur le rocher d’une chute d’eau naturelle Edgar Kaufmann Jr, le fils de l’homme d’affaire Edgar Kaufmann, retrace dans son livre éponyme Fallingwater les débuts de la conception de la célèbre maison. Il y raconte notamment que lorsqu’il s’est installé à New York, en tant que jeune peintre de vingt-quatre ans, ce dernier s’est vite senti déconnecté de la manière de penser et de faire des américains suite à de longues années d’études passées en Europe. C’est alors en lisant l’ouvrage An Autobiography de Frank Lloyd Wright, que ce dernier s’est senti compris et a pu mettre des mots sur ses émotions. En 1934, Kauffmann Jr s’est alors rendu chez Frank Lloyd Wright à Spring Green dans le Wisconsin, à la suite de quoi l’architecte l’a invité à rejoindre son école communautaire. Mais ce n’est que quelques années plus tard, lorsque les parents de Kaufmann Jr sont venus rendre visite à leur fils que ces derniers ont été émerveillés par le magnifique paysage qu’offrait la Taliesin mais aussi pas par le travail de l’architecte Franck Lloyd Wright, désirant pour cette raison que ce dernier travail pour eux. Edgar Kaufmann exprime ainsi avoir ressenti dès leur première rencontre le génie incroyable qui sommeillait en Frank Lloyd Wright, ce qui l’a alors convaincu d’avantage à lui confier un projet architectural qui lui tenait tout particulièrement à cœur : la construction d’une maison de campagne au pied de la rivière Bear Run en Pennsylvanie.

Ce projet, ayant pour objectif de remplacer le chalet rudimentaire dont disposait la famille Kaufmann dans les gorges des Appalaches avait alors un programme bien précis. La rivière Bear Run était perçue par la famille Kaufmann comme un lieu hautement symbolique, un espace de regroupement, de recueillement où ils se retrouvaient le week-end pour admirer la vue unique qu’offrait le site. Pour cela le couple avait alors décidé d’installer un petit chalet rudimentaire qui avait fini par être grandement détérioré par les années en raison de la forte humidité du site. A travers Fallingwater, Franck Lloyd Wright a alors souhaité retranscrire la même ambiance de calme, d’apaisement et d’émerveillement que celle qui résidait chaque week-end dans leur abri.

Abri de la famille Kaufmann, avant la construction de Fallingwater

« Kaufman adorait le site ou l’on a construit la maison, et il aimait écouter le bruit de l’eau. Ce fut le point de départ de toute la conception de la maison. Je crois bien que rien qu’en regardant les plans, on peut entendre la cascade. En tout cas la maison est là, et il vit intimement avec ce qu’il aimait » dit Wright. 16


Dès la première visite du site avec la famille Kaufmann, l’architecte fut fasciné par le torrent qui coulait sur le rebord fracturé de la cascade et y vit immédiatement une grande opportunité architecturale ! Ce site qui avait séduit aussi bien le commanditaire que l’architecte donna alors lieu à de grande volées d’imagination. En Septembre 1935, Frank Lloyd Wright mettait alors sur papier les principales idées qui fonderont 4 ans plus tard Fallingwater. On notera notamment à sa construction en 1939 que de nombreuses modalités y sont depuis restées inchangées, on compte notamment : l’entrée à l’est, la grande chambre au sud s’étendant sur les chutes, la cuisine à l’ouest et les escaliers et couloirs. Cependant, ces premières propositions avait suscité chez le commanditaires de vive réaction. En effet, Edgar Kaufmann souhaitait implanter la maison en face de la cascade, afin d’assister depuis chez lui au magnifique spectacle naturel que cette dernière pouvait offrir. Mais Frank Lloyd Wright décida dès le premier rendez-vous avec le commanditaire d’aller à l’encontre de cette volonté pourtant clairement énoncé par Edgar Kaufmann suscitant ainsi une vive réaction de ce dernier à l’égard de l’architecte. Frank Lloyd Wright, convaincu que sa proposition était la bonne expliqua alors les raisons de ce choix à Edgar Kaufmann, ce qui permit quelque temps après à Edgar Kaufmann de se rendre à l’évidence : le caractère exceptionnel du projet ne résidait pas dans la création d’une maison en face d’une cascade, mais bien dans l’interaction de cette dernière avec le site qui l’entoure, dont la cascade. Dès lors, Wright mit alors en place diverses techniques constructives permettant d’intégrer son projet à la nature de façon la plus harmonieuse qu’il soit : les idées audacieuses et les challenges en terme de design et de construction entrepris par Frank Lloyd Wright suscitèrent alors un grand intérêt chez le commanditaire.

17


Fallingwater est constituée de deux espaces distincts, tous deux reliés par un chemin et bordés par un ruisseau. D’une part, la maison de Kauffmann d’une superficie de 268m2, et une maison d’amis, la “Guest house” de 158m2 . Souvent caractérisé par Frank Lloyd Wright comme « une extension de la montagne », Fallingwater surprend par la mobilité de sa forme et l’irrégularité de ses superpositions : il n’y a pas de façades définies, d’élévation symétrique ou encore de hiérarchies dans la disposition des étages. Conçue à partir d’un plan cruciforme sur 3 étages, cette dernière repose sur un plateau en béton armé disposé à même le rocher d’où jaillit la cascade. L’édifice intègre ainsi par ce procédé la cascade mais aussi les rochers environnants, tandis que les baies vitrées de la structure permettent de faire entrer la lumière et la nature.

L’originalité de Fallingwater est notamment issue de sa composition quelque peu complexe. L’édifice suit un axe principal horizontal défini par la cheminée. Ce pivot central en pierre naturelle issue du site se fond ainsi avec la verticalité de la cascade et définit la colonne vertébrale de Fallingwater. A partir de ce pivot central se déploient sur chaque étage de multiples terrasses disposées en porte à faux projetées de manière asymétrique de toute part au dessus de la rivière. L’ensemble de ces 6 terrasses qui constituent les 3 étages de Fallingwtaer vient ainsi par opposition au pivot central soutenir une forte horizontalité faisant ainsi disparaître l’ensemble des fondations de l’édifice. La cheminée de Fallingwater s’exécute ainsi sur un principe organique : représentant alors la personnification de la vie végétale même, comme un tronc duquel les porte à faux de la maison se déploient tels à des branches qui se multiplient.

Implantation de Fallingwater entre les arbres et au-dessus de la cascade Bear Run

Pour ces terrasses Frank Lloyd Wright met alors au point un procédé de construction révolutionnaire pour l’époque. Disposées en porte-à-faux au-dessus de la rivière et de la forêt, les terrasses permettent d’augmenter la surface de Fallingwater en ne limitant pas les espaces de vie à la largeur exigu de la cascade. De plus, outre le gain de place permis par l’ensemble des terrasses, ces dernières sont utilisées comme des coffrages pour abriter les installations électriques mais aussi comme des protections face aux intempéries et au soleil pour les terrasses et espaces inférieurs. 18


Mais l’ensemble de ces terrasses, outre leurs aspects pratiques ont étés conçues par Frank Lloyd Wright comme une projection des espaces intérieurs vers le spectacle naturel extérieur qu’offre le site de Fallingwater. On perçoit ainsi une volonté de l’architecte de créer des interfaces entre l’intérieur et l’extérieur tel à des passerelles afin que la famille Kaufmann profite au mieux du spectacle qu’offre la cascade. Nichée au-dessus des arbres, Fallingwater devient alors par ses multiples terrasses et sa hauteur un prodigieux observatoire de la nature sauvage qui Terasse en porte-à-faux au dessus de la rivière Bear Run l’entoure.

Cependant, tout comme pour l’ensemble de la construction de Fallingwater, Frank Lloyd Wright souhaite malgrès l’importance de ces terrasses respecter le site dans lequel elles s’inscrivent. Ces dernieres sont alors, pour ce faire, construite autour des arbres présents sur le site afin de ne pas détériorer la nature qui l’entoure.

Mais la volonté de Frank Lloyd Wright de créer une union entre Fallingwater et le site ne s’arrête pas à son emplacement ou encore à ses terrasses. La palette de couleur limitée dont ce dernier use pour l’enveloppe extérieure de l’édifice témoigne elle aussi de la volonté de l’architecte de renforcer l’intégration de la maison dans le site. En effet, afin de créer une composition unifiée et organique, l’architecte a souhaité limité la palette de couleurs à celle de la cascade. Seulement deux couleurs sont ainsi employées : un ocre léger pour l’ensemble des éléments en béton et un rouge Cherokee pour l’acier. Présent sur l’escalier d’eau, sur les encadrements de fenêtres et de portes, le rouge Cherokee à été crée par l’entreprise PPG Paints spécialement pour Fallingwater. Frank Lloyd Wright souhaitait ainsi qu’une peinture spécifique à Fallingwater soit développé afin de s’assurer une peinture écologique et résistante aux défis environnementaux du site.

Une façade à la palette de couleurs limitée

A travers l’ensemble des dispositifs mis en place au sein de Fallingwater, Frank Lloyd Wright détruit alors l’idée de la maison en caisse et pose les bases d’une nouvelle plasticité dans lesquels les masses semblent éclater de toute part. Fallingwater est ainsi perçue comme une évidente réussite de cette approche organique, une véritable adaptation au lieu symbolisant l’abolition de toutes frontières entre l’édifice et l’environnement. La présence d’une tel construction à la disposition asymétrique, dans une nature foisonnante créent alors un choc tout en permettant une intégration hors du commun dans un site exceptionnel. 19


Construite sur trois niveaux de superficie différentes, la distribution de la maison se répartie entre un premier étage accueillant les espaces communs de vie et deux étages supérieurs occupés par les pièces à usage privé. Entre les différentes pièces, la circulation est très fluide et se fait par de multiples passages sombres et étroits, prévus pour créer un sentiment de compression par opposition à celui d’expansion permis par le site sur lequel prend place Fallingwater. Au sein de Fallingwater, Frank Lloyd Wright souhaite que la transition entre l’intérieur et l’extérieur se fasse naturellement. Pour ce faire l’architecte use du décloisonnement, offrant ainsi un espace ouvert et circulant. La volonté de ce dernier de lier Fallingwater à la nature qui l’entoure est notamment mise en avant par l’utilisation de matériaux issu du site et l’utilisation libérale du verre grâce auquel aucun mur ne vient obstruer la vue sur les chutes, l’édifice disposant alors uniquement d’un noyau central en pierre formé par la cheminée. Qu’il s’agisse de la maison principale de la famille Kauffmann ou de la Guest house, tout est alors entrepris par Frank Lloyd Wright pour intégrer au mieux Fallingwater dans le paysage naturel.

Plan du rez-de-chaussé de Fallingwater 20


Le rez-de-chaussée de Fallingwater est constitué des pièces communes : une cuisine, un vaste espace de séjour, une salle à manger...

L’accès à la maison se fait côté nord par une porte relativement discrète, située à l’arrière de la maison. Cette dernière souligne ainsi selon Frank Lloyd le caractère intime et privé que la maison doit avoir, tout comme la voie qui y accède. L’entrée de la maison se poursuit alors sur un axe principal desservant un vestiaire situé sous l’escalier menant au premier étage. Au-delà de cette pièce se trouve un grand espace ouvert, la plus grande pièce commune de la maison, constituée du séjour et de la salle à manger. Cet espace aux proportions impressionnantes se voit constitué de multiples espaces aménagés pour des usages divers, on y trouve notamment le «coin musique» et le «coin canapé». Par l’ensemble de ces espaces, l’architecte souhaite alors faciliter le regroupement, permettre une vie familliale.

Coin musique du salon

Coin canapé du salon

Au sein du salon nous distinguons notamment la grande cheminée : élément emblématique de l’édifice cette dernière s’étend sur les 3 étages de la maison et en fait le point culminant de Fallingwater.

Constituée de pierres naturelles de gré issu du site, la cheminé tant par ses matériaux que par ses proportions vient renforcer le sentiment de taverne naturelle. Son emplacement rend quant à lui hommage à la famille Kaufmann qui avait pour habitude de s’y rassembler le weekend dans leur cabane pour manger et méditer en écoutant la douce musicalité de la cascade. Par la volonté de l’architecte de rendre pleinement hommage à la famille, la conception de Fallingwater s’organise tout autour de la cheminée conçue comme le foyer de la maison, le lieu de rassemblement principal de la famille Kaufmann. Cheminé et boule de vin du salon 21


Sur le côté gauche de la cheminée se trouve un second élément emblématique du salon : la «boule de vin». Cette grande bouilloire sphérique rouge, suspendue à côté de la cheminée a été conçue par Frank Lloyd Wright pour se balancer au-dessus de la cheminée agissant ainsi comme un chauffage. Peinte dans la signature Cherokee Red, cette dernière fait ainsi écho à la peinture utilisée sur le métal de l’extérieur de l’édifice.

La salle à manger de Fallingwater est située en retrait de la pièce principale, à côté de la cheminée et de la boule de vin.

Pour cette dernière Frank Lloyd Wright a conçu une table et des chaises à manger en noyer ainsi que des vitrines encastrées dans le mur. Une seconde table à feuilles mobiles assorties aux vitrines a elle aussi été conçue encastrée dans le mur afin de permettre aux Kaufmann d’accueillir des convives supplémentaires. La salle à manger dispose ainsi d’un caractère plus intime et protégé que le salon, cela étant permit par l’épais revêtement de pierres horizontales irrégulières apparaissant comme stratifiées. Salle à manger ouverte sur le salon La salle à manger est alors réalisée tout comme le reste de la maison en honneur à la famille Kaufmann : on y retrouve notamment un grand portrait d’Edgar Kaufmann accroché en face de la table à manger, laissant deviner sur sa gauche un escalier en pierre naturelle menant au 1er étage.

La salle à manger et le salon représentent ainsi le cœur de la maison et se prolongent tous deux à l’est et à l’ouest par 2 grandes terrasses suspendues offrant une des plus belles vues depuis la maison sur la cascade. Cependant bien que ces 2 espaces soit les pièces principales de Fallingwater, le rez-de-chaussé présente aussi d’autres pièces. C’est notamment le cas de la cuisine et de la pièce du staff que nous distinguons dans une partie quelque peu reculée derrière la cheminé.

Assez moderne pour l’époque la cuisine est équipée d’armoires en métal, d’un poêle et d’une cuisinière rajoutée 10 ans après la construction de Fallingwater. On y retrouve notamment la table en formica dessinée par Wright ainsi que le carrelage en asphalte dans le rouge Cherokee de l’édifice. Cette dernière semble ainsi plus moderne que la salle à manger, rendue quant à elle plus ancienne par l’usage de matériaux bruts et de mobiliers lourds imposant à la pièce un aspect plus chaleureux. Espace cuisine 22


A travers cet étage de vie commune, l’architecte désire plus que jamais que la famille Kaufmann se sente en étroite relation avec la cascade. Pour ce faire l’architecte réalise alors un ensemble de grandes fenêtres en bandeaux : les espaces intérieurs et extérieurs semblent alors indissociables. Ce dispositif permet alors à la famille Kaufmann de pouvoir observer le spectacle de la cascade au sein de chacune des pièces mais aussi de laisser une grande place à la lumière naturelle.

Mais Frank Lloyd Wright décide d’aller encore plus loin en faisant le choix d’intègrer derrière le “coin musique” un escalier d’eau. Suspendu à des câbles de tractions attachés à la première dalle et recouvert d’écrans coulissants de verre, l’escalier d’eau mène directement à une petite plateforme suspendue au dessus de l’eau permettant ainsi une immersion des plus totale dans la nature depuis le salon. Mais cette pointe d’extravagance qui ne plaisait pas à l’origine au commanditaire n’a pas été conçue comme un simple accessoire esthétique. L’escalier d’eau a été pensé par Frank Lloyd Wright comme une climatisation naturelle et une puissante source de lumière. En effet, une fois les écrans de verres écartés, l’escalier d’eau offre une très grande ouverture permettant de faire remonter l’air frais issu de la rivière dans la pièce. Ce système refroidit ainsi le salon et l’ensemble des pièces de la maison. Plus rapide, écologique et économique qu’un système de climatisation, l’escalier d’eau est ainsi pensé et conçu par Frank Lloyd Wright comme un régulateur naturel de température. Ce système fut ainsi un exemple type de l’utilisation fréquente de Frank Lloyd Wright d’éléments organiques au service de l’architecture.

Escalier d’eau du salon, menant à la plateforme au dessus de la rivière

Cette volonté de l’architecte de faire vivre la cascade depuis l’intérieur de l’édifice se poursuit alors jusqu’au choix d’un sol minéral en pierres cirées faisant écho par son pavement aux mouvements de l’eau sur la structure rocheuse et humide de la cascade. La pierre des murs quant à elle laissée brute créer ainsi un jeu de contraste pierre sèche / pierre mouillée.

23


Les étages sont quant à eux constitués des pièces à usages privés : chambres, salles de bains, toilettes, dressing… L’ensemble des chambres est caractérisé par un mur de verre s’ouvrant sur une terrasse plus grande que la pièce elle-même. Les plafonds des pièces sont quant à eux relativement bas, afin de diriger le regarder vers l’extérieur ou vers les pièces communes plus larges et plus hautes comme le salon ou encore la salle à manger. Les étages se voient de plus caractérisés par leurs grands couloirs minces et sombres créant une sensation de compression par opposition à l’extension permise par les grandes pièces à vivre.

Plan du R+1

Le premier étage, communique avec le reste de la maison par des escaliers en pierres disposés au nord et à l’est de l’édifice. Constitué des pièces de vie plus intimes, nous y distinguons 2 espaces principaux : d’une part l’espace de vie privée de Mr et Mme Kaufmann à l’ouest et d’autre part un espace pour les invités à l’est. 24


L’espace de Mr et Mme Kaufmann se compose d’une chambre, de deux salles d’eau, d’un dressing et de 2 grandes terrasses.

La chambre du couple, la Master Bedroom, accolée à leur salle d’eau privée se situe au-dessus du “coin canapé” du rez-de-chaussé. Du fait de son emplacement la Master Bedroom laisse ainsi apparaître la continuité de l’imposant bloc de pierre de la cheminée et se poursuit sur la plus grande terrasse de la maison en porte-à-faux vers le sud. Tout comme le reste de Fallingwater, la master Bedroom est constituée de nombreux éléments organiques : Mr et Mme Kaufmann désirant un décor simple et épuré afin de ne pas nuire à la beauté naturelle du site. Pour ce faire, le bureau d’angle de la Master Bedroom, accolé au parois de grè est laissé très simple. Disposé en surplomb au-dessus de la rivière ce dernier renvoi alors à l’élément phare de la maison : la cascade. Outre la volonté de Frank Lloyd Wright de rendre la pièce épurée l’architecte use d’un de ses modèles signature : le plafond plié, permettant d’attirer le regard vers la vaste terrasse se poursuivant au delà de la Master Bedroom. Ce dispositif rappelle l’intérêt que porte l’architecte à la lumière naturelle à travers Fallingwater. Master Bedroom

Proche de la “Master Bedroom”, plus au nord, se trouve une seconde salle de de bain, plus vaste. Cette dernière communique directement avec la Dressing Room de Mr et Mme Kaufmann. La Dressing Room est souvent considérée comme la pièce illustrant le mieux les grands principes utilisés par l’architecte au sein de Fallingwater.

La Dressing Room présente en effet l’un des éléments emblématiques de Fallingwater. Il ne s’agit ici non pas de porte à faux mais des fenêtres particulièrement fonctionnelles et esthétiques. En effet, la Dreessing Room présente des fenêtres originales considérées comme un modèle signature de Frank Lloyd Wright. Ces dernières, s’élevant sur toute la hauteur du mur ont la particularité de s’ouvrirent à l’anglaise et à la française. C’est à dire : vers l’intérieur et vers l’extérieur. 25

Fenêtres à double ouvertures de la Dressing Room


Le bureau de Mr. Kaufmann, disposé au sein de la Dressing Room fait lui aussi partie de ces éléments particulièrement représentatif de Fallingwater, et plus particulièrement des volontés de l’architecte pour cet édifice. En effet, à travers ce dernier tout comme pour l’ensemble de la maison, Frank Lloyd Wright a pensé le bureau de la manière la plus fonctionnelle qu’il soit.

Coupe semi-circulaire du bureau de la Dressing Room

Pour ce faire le bureau dispose alors d’une découpe semi-circulaire en son angle gauche permettant une ouverture de la fenêtre sans encombre.

La Dressing Room se prolonge alors par une terrasse du coté ouest de Fallingwater : la deuxième plus grande de l’étage. Cette dernière dispose alors d’un petit escalier extérieur menant directement au belvédère du deuxième étage.

Escalier de la terasse ouest du 1er étage La seconde partie de l’étage, du côté est, est quant à elle dédiée aux invités de la famille Kaufmann. Cet espace est constitué d’une chambre, la “Guest Room”, et communique avec une petite salle de bain. Tout comme la “Master Bedroom”, la “Guest Room” dispose notamment d’un petit coin bureau et d’une terrasse individuelle à l’est, légèrement plus petites que les autres terrasses de l’étage.

Le première étage est ainsi rendu particulièrement singulier du fait des nombreuses salles d’eau, chambres et terrasses dont il dispose mais aussi de la fonctionnalité dont il fait preuve à travers un ensemble de détails presque imperceptibles sans quelques explications. A travers cet ensemble de détails et attentions portés par l’architecte, le premier étage de Fallingwater rappelle ainsi la volonté de l’architecte de construire cette maison de la façon la plus fonctionnelle qu’il soit afin que la vie de la famille Kaufmann y soit rendue la plus simple, paisibible et agréable possible.

26


27


Le deuxième étage, bien plus petit que les deux autres se voit quand à lui constitué d’un espace de vie dédié à Edgar Kaufmann. Jr. Relié au premier étage par un escalier intérieur et par l’escalier de la terrasse de la Dressing Room, le deuxième étage comprend une salle de bain, une galerie, une pièce dédiée à l’étude ainsi que la chambre d’Edgar Kaufmann. Jr.

Plan R+2 La pièce d’étude de Edgar Kaufmann Jr se voit constituée d’une grande bibliothèque habillant l’ensemble des murs de pierres de la pièce. On y trouve notamment un coin bureau présentant tout comme celui d’Edgar Kaufmann au premier étage une découpe semi-circulaire en son angle gauche. Tout comme au sein de la Dressing Room ce dispositif permet d’ouvrir les fenêtres à doubles battants sans encombre. S’élançant du sol au plafond et ne laissant apparaître aucun soutien structurel une fois ouvertes, ces dernières permettent de faire entrer une grande quantité de lumière dans la pièce.

Pièce d’étude de Edgar Kaufmann 28


Au sein ce cet étage tout comme au rez-de-chaussé et au première étage, Frank Lloyd Wright entreprend un ensemble de dispositifs pour permettre que la lumière naturelle pénètrent au mieux dans les pièces. Pour cela l’architecte décide nottament de créer au sein de cet étage une grande galerie entièrement vitrées reliant l’étude de Edgar Kaufmann Jr à sa chambre. Galerie menant à la chambre

La chambre de Kaufmann Jr, au bout de cette galerie se trouve quant à elle dans un passage résiduel apparaissant comme une alcôve endormie de Fallingwater. On y retrouve notamment un rappel de la cheminée en pierres naturelles prenant place au rez-de-chaussé et au premier étage de Fallingwater, ainsi que les imposantes fenêtres en bandeaux présentes elle aussi à chaque étage de l’édifice. Chambre de Edgar Kaufmann Jr

L’espace de vie d’Edgar Kaufmann Jr renvoie ainsi un sentiment encore plus intime que le reste de l’édifice par l’isolement dont il fait preuve. Tant pas son isolement que par sa luminosité et sa légèreté, cet étage semble ainsi illustrer parfaitement l’ambiance que souhaitait faire ressentir Frank Lloyd Wright au sein de l’ensemble de Fallingwater.

29


Quelques années après la construction de Fallingwater, la Guest Room du deuxième étage s’est avérée insuffisante pour recevoir les invités que recevaient fréquemment la famille Kaufmann. Frank Lloyd Wright a alors été chargé de réaliser une maison d’hôtes plus en amont de Fallingwater et facilement acccesible depuis la maison principale. La Guest House, répartie sur 2 étages s’étend sur 227 mètres carrés et comprend en plus de la maison, un parking, une piscine mais également un espace pour les domestiques.

Au sein de la Guest House nous distinguons au rez-de-chaussé une chambre, une salle d’eau ainsi qu’un vaste séjour. Le premier étage souvent considéré comme un dortoir est quant à lui relié au rez-dechaussé par un escalier situé au sud du bâtiment. Le première étage, constitué d’un large couloir dessert 3 chambres disposées en enfilade à l’est du bâtiment. L’ ensemble de ces chambres à la différence de la maison principale ne dispose par de salle d’eau individuelle mais partage une salle d’eau commune plus au nord de l’étage. Le bâtiment prend alors fin sur une large terrasse disposée dans la continuité du premier étage.

L’aspect étonnant de la Guest House semble résider dans le fait que cette dernière apparaissent comme une réelle extension de Fallingwater. La décoration l’architecture et les couleurs conservent le style de la maison principale. La maison d’amis et la maison de Kaufmann semblent ainsi former une unité. Qu’il s’agisse de la salle d’eau du rez-de-chaussé ou du premier étage nous retrouvons les emblématiques tapisseries de liège recouvrant la pièce du sol au plafond. Salle d’eau de la Guest House L’ensemble de la Guest House est ainsi conçue en parfaite adéquation avec Fallingwater.

Cela est notamment le cas du salon de la Guest House, situé au premier étage. Ce dernier dispose en effet tout comme la maison principale de sofas et cousins de couleurs, d’une séparation en bois ajourés ou encore d’un sol en pierre à l’aspect humide rappelant la roche de la cascade. Cependant l’élément qui semble le plus rappeler le salon de Fallingwater est bien l’imposant mur de gré disposé dans le fond du salon de la Guest House. Ce dernier fait ainsi écho au puissant symbole que représente la cheminée en pierre de Fallingwater.

Salon de la Guest House 30


Ce perpétuel rappel entre l’esthétique de Fallingwater et la Guest House prend notamment place dans les 4 chambres de la maison.

Nous pouvons ainsi y distinguer les même meubles en noyer ainsi que les roches de gré présentent dans certaines chambres, mimant la prolongation d’une cheminée comme cela pouvait être le cas au sein de Fallingwater. Mais on distingue notamment les lits de Fallingwater au dimensions étonnamment petites pour lesquels Frank Lloyd Wright qui n’étais pas du genre à mâcher ses mots justifiait son choix en exprimant que selon lui les personnes de grande taille devaient être coupées aux genoux. Bien que cette réponse soit humoristique, c’est ainsi que Frank Lloyd Wright choisit de réaliser l’ensemble des lits de Fallingwater et de la Guest House.

Chambre du rez-de-chaussé de la Guest House

Cependant la Guest house dispose aussi de quelques éléments qui lui sont singuliers.

C’est notamment le cas de la piscine qui fut le résultat d’un compromis entre les Kaufmann qui considéraient la baignade et le soleil indispensable sur ce site, et Frank Lloyd Wright qui refusa l’idée d’une piscine artificielle si proche d’une source d’eau naturelle.

Piscine naturelle de la Guest House

La Guest House tire aussi sa singularité de l’imposant parking accolé à la maison dont elle dispose auquel se joint un espace dédié aux domestiques de la famille. Parking et espace pour les domestiques

Qu’il s’agisse de la palette de couleurs, de l’esthétique des meubles ou encore des matériaux, Frank Lloyd Wright reprend alors au travers de la Guest House l’ensemble des codes mit en place au sein de Fallingwater. Nous pouvons ainsi ressentir la volonté de l’architecte de donner l’impression aux amis de la famille que ces derniers vivent avec les Kaufmann dans Fallingwater. 31


A travers Fallingwater, Frank Lloyd Wright a ainsi su donner un caractère particulier à l’édifice tout en s’intégrant au mieux dans le paysage naturel qui entoure Fallingwater. Cette insertion fut alors possible par un ensemble de dispositifs mit en place par l’architecte.

Parmi ces derniers on compte notamment l’utilisation massive du verre présent au travers de multiples baies vitrées recouvrant l’édifice. Ouvert de toutes parts sur l’extérieur le verre par sa transparence permet ainsi une parfaite connexion entre l’intérieur et extérieur de la maison. Aucun mur ou épaisseur ne semble ainsi entraver la vue sur le site. Pour cela, Frank Lloyd Wright va alors jusqu’à biseauter certaines fenêtres de tel sorte à ce qu’aucun joints ne viennent perturber la vue sur la cascade. A travers Fallingwater la nature semble entrer de toutes parts au sein de l’édifice offrants de larges vues dégagées sur la végétation et l’eau.

Les grandes baies vitrées du salon

Mais l’insertion de Fallingwater dans le site passe notamment par des détails plus subtils auxquels l’architecte a su porter son attention. Il s’agit notamment du mobilier et de la décoration de cette dernière : entièrement conçu par Wright des chaises, aux lits, en passant par les cadres ou encore les portes, tout est pensé par l’architecte pour que les habitants de Fallingwater se sentent en parfaite adéquation avec la nature qui les entourent. Le mobilier est ainsi rendu volontairement sobre afin de laisser toute la place à la contemplation de la nature. Les meubles sont alors conçus en bois de noyer faisant écho au caractère naturel de la maison, utilisant par touche le bois SAP, plus clair, pour donner une pointe de lumière et de vivacité aux boiseries.

Les meubles de la maison sont alors étudiés par l’architecte afin d’être les plus sensibles et horizontaux possible incarnant ainsi les port-àfaux des terrasses, synonyme de légèreté et de liberté. Certaines tables s’avancent ainsi bien audelà de leur support, paraissant tout comme les terrasses, en apesanteur au-dessus de la cascade. Bureau du salon en porte-à-faux 32


Les maçonneries des jardinières sont quand à elle conçues arrondies, renvoyant ainsi au sentiment de légèreté et de fluidité dont témoigne l’ensemble de Fallingwater.

Jardinières des terrasses suspendues

Tout comme pour le mobilier, la décoration de Fallingwater résulte elle aussi d’une réflexion et d’un soin particulier apporté par l’architecte. Des sculptures aux tableaux, chaque objet de décoration est placé à un endroit spécifique afin de magnifier et renforcer le caractère spécifique de Fallingwater. Les divers œuvres d’art de Fallingwater n’étaient ainsi pas de simples compléments de l’architecture, mais disposées de manière à agir avec elle. Frank Lloyd Wright ne c’est ainsi pas contenté de concevoir la maison : des meubles aux objets de décoration, Fallingwater compte plus de 170 objets conçus par Wright et près de 800 autres meubles, tapis, tentures et œuvres d’art collectionnés par les Kaufmann.

Sculptures et décorations du salon de Fallingwater

Inspiré des maisons traditionnelles japonaises et plus précisément de leur concept du “ma” pour lequel la cohésion intérieur/extérieur et homme/nature n’est jamais opposée, Fallingwater apparaît ainsi comme une évidente réussite de l’architecture organique du XXème siècle, faisant de cet édifice un prodigieux observatoire de la nature. Outre sa beauté , Fallingwater défend alors une conception spécifiquement américaine de la modernité, constituant un idéal de résidence de campagne néoclassique dont Frank Lloyd Wright détestait l’intrusion dans le paysage : à l’inverse, Fallingwater vit ainsi en symbiose avec la nature et tire une force prodigieuse du paysage qui l’entoure. Par sa volonté de créer un lien entre l’homme et la nature Frank Lloyd Wright instaure ainsi au sein de Fallingwater une atmosphère paisible, une simplicité naturelle et une circulation sans encombre invitant alors à la lenteur et à la fluidité. 33


V. Un bâtiment en perpetuelle mutation

34


Bien que Fallingwater soit aujourd’hui considérée comme l’une des plus belles œuvres architecturales du XXème siècle, la longévité de cette dernière a plus d’une fois été compromise. Construite il y a plus de 80 ans, Fallingwater a en effet suscitée de nombreuses interrogations et rénovations.

La viabilité du projet de Fallingwater a tout d’abord commencé à suscité quelques questionnement chez le commanditaire, Edgar Kaufmann, dès les premiers rendez-vous entrepris avec Franck Lloyd Wright. Ayant étudié 1 an l’ingénierie, Edgar Kaufmann s’inquiétait tout particulièrement quant à la résistance du béton armé encore peu connu à cet époque. Afin de trouver réponse à ces inquiétudes, ce dernier a alors prudemment envoyé les plans de Fallingwater à des ingénieurs. Ce à quoi ces derniers ont grandement recommandés à Edgar Kaufmann de ne pas entreprendre la construction de la maison, exprimant que l’appui de la maison était selon eux trop instable pour accueillir une construction d’une telle envergure. La seule solution envisageable selon eux était alors de rajouter des barres de fer dans l’ensemble des fondations et principalement dans les terrasses en porte-à-faux pour en assurer la stabilité.

Frank Lloyd Wright, grandement déçu par le manque de foi de son client refusa dans un premier temps la demande de ce dernier de rajouter des barres de fer dans la structure : exprimant que ces ajouts de fer entraînerait un surpoids qui viendrait potentiellement rendre l’édifice trop lourd pour le site. Mais ce dernier, face à la ténacité de son client, fut contraint contre sa volonté d’accepter d’augmenter le nombre et le diamètre des renforts en fer présents dans la structure.

Ces renforcements entrepris par l’architecte sous les conseils des ingénieurs se sont avérés quelques années plus tard insuffisants : de nombreux experts ont pu témoigner d’un affaissement de la structure, principalement au niveaux des terrasses en porte-à-faux provoquant alors de multiples fissures. D’autres fissures sont également apparues peu de temps après entre les dalles et le parapet des terrasses menaçant ainsi la structure de s’effondrer. Pour pallier à cela des poutres temporaires ont alors été installées pour tenter de délester la structure de son poids jugé trop important pour les fondations dont elle disposait. Ce qui s’en suivra en 1996 par la mise en place de câbles d’acier tendus ancrés dans les parois rocheuses de la cascade permettant de redresser la structure. Mais c’est finalement en 2002 que de nouveaux travaux seront entrepris pour rajouter du fer à la structure : certains professionnels considérerons notamment que cette intervention aura plus fragilisée Fallingwater que ce qu’elle pouvait l’être auparavant.

Les avertissements des ingénieurs se sont alors avérés quelques années après la construction fondé. Des études réalisées sur la structure de Fallingwater par des profesionnels ont permis de démontrées que sans l’ajout des renforts de fer; l’édifice ce serait totalement écroulé peu de temps après sa construction : ce qui hantera Frank Lloyd Wright pour le reste de sa vie.

35


Cependant, outre les problèmes structurels de l’édifice, Fallingwater a notamment dû faire face à des détériorations liées au site dans lequel l’œuvre s’inscrit. Fallingwater est issue d’une composition de matériaux variés : pierre, béton, acier, verre, bois… chacun étant imprégné de qualités propres qui forment ce que Frank Lloyd Wright appelle «l’architecture organique». Cependant, tout comme les éléments organiques dans la nature, ces matériaux ont rapidement montrés des signes de détérioration, en grande partie en raison de leur exposition à une gamme de conditions climatiques, en particulier l’humidité et la lumière du soleil qui ont eu un impact important sur l’édifice, ce à quoi s’ajoute les conditions de gel-dégel du sud-ouest de la Pennsylvanie. La proximité de Fallingwater avec la cascade a ainsi été l’une des causes fondatrices de multiples détériorations liées à l’humidité faisant alors naître de multiples moisissures et champignons sur la façade de l’édifice. Pour remédier à ces problématiques, des travaux à hauteur de 12 millions de dollars ont alors étés entrepris entre 1997 et 2003, grâce à des technologies de radar ultrasons et de détection magnétique.

La maison à de plus connu un évènement dramatique lorsqu’une soudaine inondation a balayée toute la vallée recouvrant la maison de tonnes de saleté acheminées par l’eau. Cette inondation est considérée comme l’un des tests les plus sévères auquel une maison ai pu faire face. En effet, dans le contexte de cette inondation Fallingwater disposait d’un échafaudage cloué à la maison pour des travaux de rénovation. Mais face à la force de l’eau et du vent auquel l’échafaudage faisait face, ce dernier c’est arraché de la maison, faisant alors violemment fait trembler l’ensemble de la structure : ce qui aurait alors pu être fatal à la survie de l’édifice. Malgré la force de l’eau, du vent et des secousses la maison n’a cependant connue aucun dommage structurel, témoignant malgré les nombreux problèmes auxquels l’édifice à fait face d’une certaine qualité structurelle.

C’est alors aujourd’hui au Western Pennsylvania Conservancy, à qui le fils d’Edgar Kaufmann à légué la maison en 1963, a qui revient la décision d’entreprendre certains types de travaux. Ces derniers ont notamment mit en place un système de filtre UV sur les fenêtres permettant de protéger le mobilier et les peintures des détériorations engendrées par les rayons solaires.

36


37


VI. Inscription du projet dans le temps et idéologie de l’architecte organique La maison sur la cascade fait le lien entre deux courants architecturaux du XXème siècle : le mouvement moderne et l’architecture organique. L’architecture moderne (ou modernisme) est un courant architectural apparu dans la première moitié du XXème siècle avec le courant artistique du Bauhaus. Ce dernier se caractérise par un retour au décor minimal, aux lignes géométriques pures et fonctionnelles ainsi qu’à l’emploi de techniques nouvelles. L’architecture organique est quant à elle une philosophie architecturale qui s’intéresse à créer une certaine harmonie entre l’habitat humain et le monde naturel dans lequel ce dernier s’implante. Cette unité site/habitat est alors permise au moyen d’une approche conceptuelle à l’écoute du site, faisant ainsi du bâtiment et de son mobilier une composition unifiée et intriquée à son environnement. A la stupeur de nombreuses personnes, Frank Lloyd Wright n’a pas été le premier architecte à utiliser le terme d’architecture organique. Le concept de style organique a une signification différente selon les architectes et se manifeste alors de diverses manières d’un projet à l’autre. Frank Lloyd Wright a quant à lui exprimé pour la première fois le terme «d’architecture organique» dans un article paru dans le magazine Architectural Record en août 1914. Il y écrit que : «L’idéal d’une architecture organique est un bâtiment sensible et rationnel qui doit son

style à l’intégrité avec laquelle il a été individuellement façonné pour servir son objectif particulier - un processus de pensée aussi bien que de sentiment». Frank Lloyd Wright souhaitait ainsi générer une philosophie de la construction qui pourrait inspirer et guider les architectes et profanes dans le futur.

Bien qu’il ne soit pas facile de définir l’architecture organique, certains grands principes apparaissent de manière récurrentes au sein des œuvres appartenant à ce style. A travers cette analyse de l’architecture organique nous nous attacherons alors à mettre en lumière par plusieurs exemples son existence au sein de Fallingwater. Une cohésion site / bâtiment : Comme exprimé précédemment, l’un des grands principes fondateurs de l’architecture organique réside dans la relation très particulière qui lit le site au bâtiment : le site doit être mis en valeur par le bâtiment, et le bâtiment doit quant à lui tirer parti des éléments qui l’entoure, notamment au travers de sa forme. Cette relation se fait alors tantôt par similitude tantôt par contraste . Dans un cadre naturel, les bâtiments peuvent alors s’ouvrir comme pour les maisons usoniennes. A l’inverse, dans un cadre urbain, les édifices vont avoir tendance à se tourner vers l’intérieur. Le bâtiment se déploie ainsi au sein du paysage naturel tel à une fleur; sa relation avec le site est alors si unique qu’il ne semblerait à sa place nulle part ailleurs. Ce lien entre le site et le bâtiment, caractéristique du style organique se lit grandement au sein de Fallingwater. Par le fait que Fallingwater soit posé sur la cascade et non pas en face de celle-ci, l’édifice tire alors partie de ces grands principes : on retrouve notamment cela avec les terrasses en porte-à-faux qui rappellent les avancées rocheuses de la cascade. La maison fait ainsi partie de la cascade tout comme la cascade fait partie intégrante de la maison. 38


Matériaux : Les matériaux de l’architecture organique sont tout comme la forme de l’édifice propre au site dans lequel l’édifice s’inscrit. Les matériaux issus du site, ou imitant ceux présent naturellement sont alors fortement valorisés afin de permettre à l’édifice de se fondre au maximum dans le site, renforçant alors le caractère organique, naturel de ce dernier. Un matériau n’est alors pas déguisé en un autre mais est au contraire utilisé en fonction de ses propres qualités. La façon dont un bâtiment s’assemble, dont un matériau en rejoint un autre est ainsi l’expression de la nature des matériaux utilisés. Utiliser des matériaux naturellement présents sur le site permet de s’assurer que ces derniers résisteront aux conditions qu’imposent le site. Afin d’intégrer au mieux l’édifice au paysage naturel dans lequel il se trouve, certains architectes vont alors jusqu’à utiliser certains matériaux de façade dans les pièces intérieures. Ce rappel de matériaux site/façade/intérieure permet ainsi de créer un espace intérieur ouvert vers l’extérieur.

Cette caractéristique propre à l’architecture organique est ainsi utilisée par de nombreux architectes, dont notamment Frank Lloyd Wright au sein de Fallingwater. Comme nous avons pu l’évoquer précédemment la pierre des murs de Fallingwater ou encore l’aspect rocheux du sol fait directement écho à la façade et au site naturel dans lequel prend place la maison. La nature enseigne ainsi selon Frank Lloyd Wright aux architectes les possibilités créatives de formes, de couleurs, de motifs, de textures, de proportions ou encore de rythme.

Salon de Fallingwater

Un abri, un espace de repos : L’une des volontés des architectes de l’architecture organique repose notamment dans le fait de faire ressentir une sensation d’abri à ses occupants. Les bâtiments doivent alors transmettre une impression de refuge ou de protection contre les éléments sans entraver le caractère naturel du site. L’édifice ne doit alors pas être trop refermé sur lui même sans quoi il ne présenterait aucun intérêt à être disposé dans un paysage naturel, mais ne doit pas pour autant donner l’impression à ces habitants d’être trop exposés à la nature et par conséquent trop peu protégé. Cette ambivalence est alors présente au sein de Fallingwater par le biais des grandes fenêtres ouvertes sur l’extérieur, qui s’opposent aux imposants murs de pierres brut. Les larges fenêtres en bandeaux permettent au habitants de se projeter vers l’extérieur, par opposition, une ambiance plus protectrice est permise par le biais des larges murs de pierre issus de la cheminée. L’architecture organique se place alors entre maison et cabane, entre immersion et protection : on parle alors communément se sensation d’abri. 39


L’espace : L’espace intérieur de l’architecture organique n’est pas emballé dans des boîtes appelées chambres, mais doit au contraire permettre une circulation fluide d’une zone à une autre. Par le biai de ses longs couloirs et de ses faibles hauteurs sous plafonds, Fallingwater invite alors à la légèreté et à la lenteur. «La réalité du bâtiment ne consiste pas en un toit et des murs, mais en l’espace intérieur à vivre» - Déclare Frank Lloyd Wright.Les pièces ne sont ainsi jamais de simples rectangles, mais sont divisées verticalement et horizontalement (alcôves, formes en L, plafonds abaissés, terrasses..) pour donner à l’œil et à l’esprit quelque chose de délicieux, d’original et parfois de mystérieux à observer. A travers Fallingwater, une zone n’est ainsi jamais entièrement comprise au premier abord. Elle doit être lentement expérimentée au fur et à mesure que l’on se déplace, une pièce pouvant alors en cacher une autre. Au même titre que le bâtiment fait partie intégrante du site par le biais d’une insertion réfléchis, l’ameublement fait quant à lui partie intégrante du bâtiment. Dans la vision idéal de l’architecture organique, les meubles ne sont alors pas simplement ajoutés, collés ou exposés indûment mais font partie de l’ensemble. Les meubles de Fallingwater sont ainsi, comme évoqué précédemment crée par l’architecte et encastrés autant que possible au sein de murs de la maison pour créer une parfaite unité. Frank Lloyd Wright exprime ainsi que l’ameublement et l’ornement peuvent magnifier une architecture s’il sont bien conçus, tout comme il peuvent la desservir totalement s’il sont mal étudiés et pensés. L’ameublement et l’ornement ne détiennent alors non pas uniquement un caractère beau et poétique, mais révèle la beauté de la structure.

Proportion et échelle : Au sein de l’architecture organique, le corps humain est souvent utilisé comme mesure de référence d’un bâtiment et de l’ameublement qui le constitue. Wright parlais notamment de : «l’harmonie intégrale de la proportion à la figure humaine». Fallingwater, dans sont ensemble est ainsi conçus de manière à rendre la relation de l’homme à l’architecture non seulement pratique mais aussi “charmante” comme l’exprime ce dernier. Tout est alors pensé et créer pour l’homme et plus précisément pour la famille Kaufmann. Il est cependant essentiel de noter que, bien que l’architecture organique soit régie par des préceptes généraux, chaque bâtiment appartenant à ce style dispose de sa propre grammaire. Toutes les parties du bâtiment, du plus petit détail à la forme globale, parlent ainsi le même langage. La grammaire peut alors être complètement différente d’un bâtiment à l’autre bien que tous deux soient conçus de manière organique : c’est notamment le cas du Johnson Wax Building et du Taliesin West tout de construits par l’architecte Frank Lloyd Wright suivant des principes de l’architecture organiques. 40


La conception de Fallingwater répond ainsi à une grands nombres de conventions établies par l’architecture organique du XXème siècles. Frank Lloyd Wright fait pour autant le choix délibéré de déroger à certains de ces grands principes exprimant pour cela : « Le but complet de l’idéal de l’architecture organique n’est jamais atteint. Il n’est pas nécessaire de l’atteindre. Quel idéal valable n’est jamais atteint ?» La manière dont Frank Lloyd Wrigt ce détache de certains de ces principes rappelle ainsi la vision claire dont ce dernier détenait de la manière qu’il souhaitait construire Fallingwater, préférant alors suivre son intuition que répondre mécaniquement des modèles établis.

A partir du mouvement moderne et de l’architecture organique, Frank Lloyd Wright élabore alors sa propre théorie de l’architecture, et invente le terme Usonia (altération de United States of North America). Ce dernier qualifie alors la vision de l’architecte du paysage des Etats-Unis et la posture architecturale qui y est associée : une architecture parfaitement inscrite dans le paysage des Etats-Unis, entièrement fondée sur le mode de vie américain. Frank Lloyd Wright conçoit alors des maisons dites «usoniennes» en harmonie avec l’environnement dans lequel elle s’inscrivent. Ces dernières sont ainsi marquées par la présence de lignes horizontales, de toits plats, de larges avant-toits en saillie et de piliers rappelant grandement l’architecture corbuséenne. Frank Lloyd Wright exprime alors que l’horizontalité de l’architecture usonienne fait directement écho au paysages des grandes plaines américaines : l’architecte se détache ainsi de l’idéal universaliste du modernisme pour proposer une vision nationaliste de l’architecture. A la même période aux Etats-Unis se développe un style architectural entre tradition et innovation, en rupture avec les conventions architecturales européennes : le style Prairie. Caractérisé par des bâtiments aux silhouettes basses et dominées par une forte horizontalité, le style Prairie est souvent considéré comme le prolongement de l’architecture organique, permettant de réconcilier le citadin et le naturel, pour le bien-être de l’un dans le respect de l’autre. Chef de file du style prairie, Frank Lloyd Wright tire alors profit de la mécanisation et des nouvelles technologies constructives tout en s’éloignant de l’esthétique industrielle en privilégiant les matériaux traditionnels (briques, pierre et bois) à la manière du mouvement Arts & Crafts. Le style architectural de Frank Lloyd Wright a ainsi exercé une influence particulière à échelle internationale, tant sur les amateurs que les professionnels d’architecture. Mais sa contribution la plus révolutionnaire s’est effectuée dans le domaine de l’espace intérieur. Entourée de 4 murs, d’un plancher et d’un toit, la pièce existe depuis que l’homme construit des habitations pour se loger. Wright choisi alors de la remodeler en définissant l’espace de manière implicite au lieu de l’enfermer : en «cassant la boîte». Désormais la maison est alors avant tout imaginée comme un espace intérieur, conçu pour y vivre, et non comme une structure en soi.

41


VII. Conclusion

Depuis sa construction en 1936 de l’eau a coulé sous les terrasses de Fallingwater. Pour autant, du fait de sa spécificité et de son ingéniosité, l’œuvre de l’architecte Frank Lloyd Wright continue de constituer l’un des symboles les plus forts du renouveau de l’architecture du XXème siècle et du génie de son architecte. Fallingwater reste ainsi, plus de 80 ans après sa construction, perçue par un grand nombre de passionnés et amateurs, comme une charnière dans l’histoire de l’architecture. Confié au Western Pennsylvania Conservancy en 1963 par Edgar Kaufmann Jr à la mort de ces parents, Fallingwater continue d’incarner un mythe, un symbole international de perfection de l’architecture moderne et organique, comptabilisant ainsi 150 000 visiteurs par an en moyenne.

Cependant, dès le début de la construction, Fallingwater fascine. Cette popularité internationale fait alors naître de vives réactions : la presse est alors tantôt élogieuse, tantôt condescendante. Fallingwater se voit alors souvent considérée comme : « une maison en osmose avec la nature, tout sauf écologique ». Le journaliste et architecte Lloyd Alter, spécialisé dans le développement durable exprime ainsi au propos de Fallingwater : « C’est probablement l’un des bâtiments les moins durables jamais construit. Il réclame des soins et des travaux constants pour lutter contre l’humidité. C’est un défi et des frais permanents. ». Ou encore : « Choisissons quelque chose de beau et naturel et construisons pile par-dessus, voilà qui va à l’encontre de toute démarche que retiendrait un architecte environnementalement correct. ». Fallingwater est ainsi perçue par certains aux antipodes d’une architecture que Frank Lloyd Wright qualifiait de « naturelle », « respectueuse de l’environnement », et plus généralement «organique». Cette dernière est alors bien souvent jugée comme : trop grande, trop chère et trop loin de la ville pour une maison de week-end Le mythe développé autour de Fallingwater, ventant une villa épuré, ingénieuse et naturelle s’est alors bien souvent vu remit en cause. Écologique ou non, Fallingwater reste pour autant plébiscitée comme l’une des plus impressionnantes maison d’architecte.

42


VIII. Bibliographie et sources Ș Livres • Daniel Treiber, Frank Lloyd Wright, édition F.Hazan, 1986 • Dominic Bradbury, Maisons cultes, édition Parenthèse, 2018 • Frank Lloyd Wright; Edgar Kaufmann; Ben Raeburn, Frank Lloyd Wright, Writings and Buildings, édition Cleveland 1969 • Simon Unwin, Twenty Buildings every architect should understand, Edgar Kauffman Jr, Fallingwater, a Frank Lloyd Wright Country House, edition Abbeville Press Inc, 1986

Ș Essais • In the Cause of Architecture, Essais de Frank Lloyd pour le magazine Architectural Record, 2016

Ș Site Web • Site officiel de Fallingwater (consultable à l’adresse : https://fallingwater.org/) • Franck Gintrand, Les 20 plus célèbres maisons d’architectes construites de 1928 à 1940, 2017 (consultable à l’adresse : https://franckgintrand.com/2017/09/08/les-20-plus-celebres-maisons-darchitectesconstruites-de-1928-a-1940-la-modernite-devient-internationale/) • Agnès Zamboni, Maison iconique : la Fallingwater house, un manifeste d’architecture organique, 2014 (consultable à l’adresse : https://www.maison.com/architecture/histoire/maison-iconique-fallingwater-housemanifeste-arch-8061/) • Fallingwater, «la maison sur la cascade» (consultable à l’adresse : https://www.clg-fraissinet.ac-aix-marseille.fr/spip/sites/www.clg-fraissinet/spip/ IMG/pdf/hda_004-5_la_maison_sur_la_cascade_flw-2.pdf) • Frank Lloyd Wright, Fallingwater (consultable à l’adresse : https://www.khanacademy.org/humanities/ap-art-history/later-europe-andamericas/modernity-ap/a/frank-lloyd-wright-fallingwater) • Franck Gintrand, L’histoire de la maison la plus célèbre au monde, 2017 ( consultable à l’adresse : http://www.slate.fr/story/146838/histoire-maison-celebre-monde-wright) • «La maison sur la cascade», Frank Lloyd Wright, 2017 (consultable à l’adresse : http://prepa-hida.blogspot.com/)

Ș Vidéos • Fallingwater & Frank Lloyd Wright, 57 minutes - 1995 ( consultable à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=UDmlzRtyVNM&t=801s) • F.LL.Wright 1936 Fallingwater Kaufmann House, 25 minutes - 2014 ( consultable à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=Rz-F_FgxZPQ&t=426s) • The Falling Water House, 28 minutes - 1976 ( consultable à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=qvQZbC1OOZc )

43


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.