Des risques d'inondation à La Confluence ? Evolution d'un rapport irrationnel au territoire

Page 1

Des risques d’inondation à La Confluence ? évolution d’un rapport irrationnel au territoire


2


Des risques d’inondation à La Confluence ? évolution d’un rapport irrationnel au territoire

Mémoire d’initiation à la recherche Soizic SALOMON Soutenance Automne 2018 Directeur de mémoire : Julie CATTANT Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon DEM AMTH - MArch / MVEU

3


sommaire

Remerciements

7

Perception du territoire

9

O. Introduction au risque

10

I. Evolution de la vision du risque lié au territoire de la Confluence

22

A. du XVème siècle à nos jours A.1. Un rapport historique à la crue A.2. Un rapport régional au fleuve : entre protection et maîtrise A.3. Une évolution du rapport d’usage au territoire fluvial

23 23 31 33

B. Des mesures nationales à une application locale B.1. Une politique de (re)sensibilisation au risque B.1.a. Pour une réunion avec l’eau dans toutes ses dimen sions : le développement durable B.1.b. Pour une protection des usagers et une réduction de la vulnérabilité : les réglementations B.1.c. Pour une réduction des destructions potentielles : l’aspect économique B.2. Communiquer sur le risque, de l’État au citoyen B.2.a. Des citoyens concernés, mais confus et/ou peu impliqués B.2.b. avoir mieux vivre avec le risque : amélioration du chaînage communicatif intra/inter échelles C. Pour aller plus loin : apport théorique sur les définitions du risque

38 38

II. Comprendre l’existence du risque entre enjeux, vulnérabilité et contraintes au sein du projet urbain. A. La compétition mondiale entre contraintes et attractivité A.1. Cristallisation d’enjeux A.1.a. Généralités : l’eau comme un enjeu primaire pour le développement A.1.b. Échelle européenne A.1.c. Lyon et le potentiel de La Confluence A.2. Un projet centré autour de l’eau A.3. Une coopération renforcée entre acteurs

4

38 40 43 44 44 46 49

52 53 53 53 55 55 58 63


B. Opposition entre risque et développement territorial B.1. L’échelle nationale : la réalité du risque B.2. L’échelle de la collectivité : l’antagonisme entre risque et développement B.3. Le risque non prioritaire et non représenté

66 66

C. Des impacts variés du risque d’inondation C.1. À l’échelle urbaine : pollution de la nappe et ressource en eau C.2. À l’échelle architecturale : organisation des chantiers et économie de projet

75 75

III. Le risque entre négociations et potentialités

80

A. Remise en cause de la pertinence du risque actuel A.1. Apport théorique : hiérarchie et tensions entre les acteurs du risque A.2. Un rapport au risque non objectif gouverné par des visées politiques B. Le risque utile pour le projet urbain B.1. Le risque d’inondation comme outil législatif ? B.2. L’eau comme ressource dans le projet architectural B.3. Un argument de poids

82

IV. Conclusion Bibliographie

70 72

77

82

86 90 90 91 95

98 103 109

Annexes

5


6


remerciements Un grand merci à ma directrice de mémoire, Julie CATTANT, qui m’a grandement accompagnée et soutenue durant ce travail. Mes remerciements vont ensuite aux chercheurs Ludovic GHIRARDI et Joseph GHOUL dont les conseils m’ont permis un déclic nécessaire; et à Anne-Sophie RIGAL et Marie-Paul COASSY pour leur temps et leurs réponses franches. Sans eux, ce mémoire n’aurait pas été possible. Je souhaiterais également remercier l’ensemble des enseignants que j’ai rencontrés, dont l’enseignement constitue la base de ce mémoire Enfin, je tiens à remercier à mes proches, qui m’ont toujours épaulée avec patience et considération au fil de mes études. 7


8


Perception du territoire “Les perceptions des sens et les jugements de l’esprit sont des sources d’illusion et des causes d’incertitude.” Anatole France, « Crainquebille »1

L’aménagement du territoire se fait par le travail des homme . Ceux-ci perçoivent et analysent leur environnement pour ensuite le remanier selon leurs besoins et leurs envies. Les lieux sont donc interprétés depuis toujours par leurs aménageurs et leurs usagers, en vu de répondre au mieux à des nécessités induites par une culture. Cette dimension est fondamentale dans la perception de l’espace comme l’explique E. T. HALL. “La perception de l’espace n’implique pas seulement ce qui peut être perçu mais aussi ce qui peut être éliminé. Selon les cultures, les individus apprennent dès l’enfance, et sans même le savoir, à éliminer ou à retenir avec attention des types d’informations très différentes.” E.T. HALL2

Or la culture, qui repose sur des fondements géographiques et temporels, est évolutive. De plus, elle induit des choix sélectifs et orientés des individus qui viennent structurer et limiter leur perception de leur territoire. Les perceptions “ impliquent des opérations d’abstraction et de mise en ordre qui introduisent des biais.” Roger BRUNET3

Dès lors, on peut dire que le territoire est un espace soumis à la perception partielle et subjective de ses occupants à travers le prisme de leur époque (social, temporel, géographique). Au fil de mes études en école d’architecture, j’ai été amenée à renforcer mes capacités d’analyse d’un site pour pouvoir y intégrer un projet architectural. Cette capacité d’évaluation est propre à l’ensemble de mes pairs. Pourtant, chaque projet est systématiquement différent, malgré des sites pouvant être identiques. Si la la sensibilité de chaque architecte y est bien sûr pour quelque chose, sa perception de l’espace joue aussi un rôle. C’est cette dimension perceptive pouvant engendrer une multitude de résultats, aussi bien dans l’urbain qu’en architecture, qui m’a guidée lors de la recherche d’un sujet de mémoire.

1 http://www.regards-et-perceptions.com/citations_perceptions.ws 2 COURTIAL Louise, 2011. “De l’intention aux perceptions: Peut-on parler d’un langage de l’architecture du lieu ?” Projet de Fin d’Études. Page 30 3 COURTIAL Louise, 2011. “De l’intention aux perceptions: Peut-on parler d’un langage de l’architecture du lieu ?” Projet de Fin d’Études. Page 29

9


territoire eau

risque

définition

acteurs

vulnérabilité prévention

contrainte décision

Figure 1. Schéma. Le risque à l’amorce Production personnelle

10

inondation

homme

objectivité ?

aléa

analyses

péjoratif

aménagement actualité développement urbain complexité

fleuve

désastre

temps

géographie

O.


INTRODUCTION au risque Risques et territoire : un sujet du siècle dernier toujours d’actualité Dès les années 1980, la perception territoriale a beaucoup évoluée du fait de l’émergence de notions telles que celle du développement durable4. Le territoire gagne en dimensions lorsque les politiques territoriales viennent prendre en compte des problématiques qui lui sont propres, de la biodiversité à l’impact des usagers en passant par les risques qui lui sont inhérents ou associés, à travers ce que Frédérique Blot appelle “les nouvelles politiques territorialisantes”5. Ceci induit une nouvelle culture, et donc une nouvelle perception du territoire. Comme l’exprime P. Berger, un éminent sociologue autrichien de l’Université de Boston, “Nommer les choses, c’est déjà légitimer leur existence”6. En parlant de risques, les administrateurs politiques et les organisateurs du territoire leur donnent une substance et une réalité autre, même si ceux-ci font, voir ont toujours faits, partie de la vie quotidienne des habitants concernés (inondation, pollution, destruction, incendie, etc.) La notion de risque a évoluée pour devenir aujourd’hui le centre des préoccupations et des décisions prises, non seulement dans le domaine spatial mais aussi dans notre notre société toute entière. Celle-ci se définit de nos jours comme une “société mondiale du risque”. Stéphane Callens7 va même jusqu’à écrire, en citant les écrits d’Ulrich Beck, que “le risque est devenu la mesure de notre action”8. Ceci est selon lui positif, puisque cette transition d’une société de l’information vers une société du risque engendre deux choses. Tout d’abord, il observe dans le cadre du risque climatique l’émergence d’une quantité d’acteurs cosmopolites, auxquels Beck se réfère en parlant de “communautés cosmopolites du risque climatique”. Ensuite, le grand public possède une meilleure connaissance de ces risques à diverses échelles, notamment sur le plan environnemental. Ceci provoque par contre, selon P. Berger, une extension de l’insécurité chez les individus, négative. On peut donc en conclure que le risque est devenu un élément primordial dans la chaîne décisionnelle de notre société, à la fois globale et appliquée au territoire. Cette notion s’est renforcée simultanément à l’émergence du développement durable. Elle reste d’actualité du fait des enjeux liés au dérèglement climatique, qui entraîne une complexification de la prévision d’épisodes naturels dangereux tels que les inondations, toujours plus intenses. 4 Conférence de Rio, 1992 – Le concept de développement durable est en défini par la commission de Brundtland “ Our Common Future) en 1987 (PRADHAN Biswajeet, 2017. « SPATIAL MODELING AND ASSESSMENT OF URBAN FORM - Analysis of Urban Growth : from Sprawl to Compact using Geospatial Data ». Unknow, Springer International Publishing, pages 1-40) 5 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 2 6 (Berger P. , Luckmann T. (1996), La construction sociale de la réalité, Paris, Armand Colin. Page 36 ; cité par BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 2 7 Stéphane Callens est économiste et historien des sciences. Spécialiste des questions de risque et d’incertitude, il a publié l’ouvrage « Les Maîtres de l’erreur « (PUF, 1997). 8 CALLENS Stéphane, 2015. « Ulrich Beck (1944-2015) et la société mondiale du risque ». Développement durable et territoires. Page 2

11


État de l’art Le risque est une notion qui, bien qu’ancienne, a été particulièrement abordée par le monde scientifique durant la dernière décennie. Il est intéressant de noter que sur les 67 500 occurrences rencontrées sur le site du CAIRN, les chercheurs se questionnent sur le risque de façon à peu près égale dans des champs disciplinaires très variés (sociologie et société, économie et gestion, sciences politiques, histoire, …)9. Le lien entre territoire et risque à travers une prise de conscience de la vulnérabilité de nos sociétés contemporaines est effectué en 1986 en Allemagne par Ulrich Beck, un sociologue polonais expert, dans son ouvrage “Risikogesellschaft”10. En parallèle, Claude Gilbert, directeur de recherches au CNRS de Grenoble, initie la recherche en sciences sociales sur les risques en France , à travers le laboratoire PACT sous l’onglet “Risques collectifs et situation de crise”. Au-delà des sociologues, ce thème est aujourd’hui plus souvent saisi par des géographes, urbanistes ou ingénieurs. On citera par exemple Thierry Coanus, un ingénieur chercheur de l’ENTPE docteur en urbanisme, sur le travail thésaugraphique duquel on s’appuiera au fil de ce mémoire. Celui-ci est aussi l’auteur d’un ouvrage conséquent sur Lyon, “La ville inquiète”, autour de la question particulière du territoire, publié en 200011. Si ce type de sujet de recherche semble pertinent au regard de “chercheurs qui s’intéressent à la ville et à l’urbain et, plus précisément, aux enjeux politiques, économiques et sociaux liés à l’aménagement des territoires“12, on peut alors se demander pourquoi les architectes ont si peu saisi ce thème. La notion de risque et de territoire est en effet une thématique pertinente au regard de sa dimension multi-disciplinaire interrogeant l’urbain et l’architecture. Elle pourrait éventuellement devenir l’un des outils systématiques pour mettre en place les stratégies de projet de demain.

Définition du risque Étymologiquement, on considère que le risque apparaît pour la première fois dans la langue française en 1578 comme un « danger, inconvénient plus ou moins prévisible » Il est associé à de multiples sujets au fil des époques. Au XVIème siècle, on l’adjoint par exemple spécifiquement aux activités commerciales maritimes (économie, militaire). Il est plus tard intégré à des champs lexicaux de catastrophes naturelles, mais aussi de droit civil (théorie du 9 https://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchIn=all&searchTerm=%22risque%22 10 Ulrich Beck (1944-2015) fut un sociologue polonais éminemment reconnu dans son milieu d’expertise, ses sujets favoris étant le risque, la globalisation et le lien social contemporain. Il écrivit « Risikogesellschaft. Auf dem Weg in eine andere Moderne », édité en 1986 puis traduit en 35 langues. 11 COANUS T. (dir.), DUCHENE F., MARTINAIS E., 2000, La ville inquiète. Développement urbain, gestion du danger et vie quotidienne sur trois sites « à risque » de la grande région lyonnaise (fin XIXème – fin XXème), rapport pour le programme « Génie urbain et environnement », contrat de plan État-Région Rhône-Alpes, laboratoire RIVES (ENTPE) 12 https://www.entpe.fr/laboratoire-de-recherches-interdisciplinaires-ville-espace-societe-evs-rives

12


risque), de commerce, de politique, de santé ...13 Il est défini en 2011 par Yvon Pesqueux, Professeur du Cnam et titulaire de la Chaire « Développement des systèmes d’organisation », comme “une référence qui peut circuler à l’intérieur de plusieurs communautés en conservant le même nom sans pour autant recouvrir les mêmes « réalités » sans qu’elles ne soient pour autant disjonctives. Elle permettrait ainsi de satisfaire aux « besoins » informationnels et de compréhension de différentes communautés de pensée en étant utilisée de manière à la fois robuste et flexible tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de celles-ci, tenant aussi bien à la fois du concret que de l’abstrait.”14 Le risque rassemble donc de multiples notions, qui évoluent et s’adaptent au fil du temps et des sociétés. On s’appuiera ici initialement sur la définition “objectiviste” du terme15, utilisée par les experts techniques et les collectivités.

Risque = Aléa x Vulnérabilité

Figure 2. Schéma d’illustration de la définition du risque16

Selon Géo confluences, un portail de ressources géographiques mises à disposition par l’ENS-Lyon pour les enseignants, l’aléa est correspond à un facteur d’endommagement. C’est “un phénomène (naturel, technologique) plus ou moins probable sur un espace donné”. La vulnérabilité traduit le niveau d’effet prévisible de l’aléa sur les enjeux d’un site donné17. A noter que l’évaluation des risques comporte une certaine part d’incertitude, et qu’un risque peut être considéré comme variablement acceptable. Cette définition sera mise à l’épreuve au fil du mémoire. 13 H. Estienne, Deux dialogues du nouveau lang. fr., éd. P.-M. Smith, p. 145, par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales http://www.cnrtl.fr/ 14 Pesqueux, Y. (2011). Pour une épistémologie du risque. Management & Avenir, 43,(3). Pages 460-475. doi:10.3917/mav.043.0460. https://www.cairn.info/revue-managementet-avenir-2011-3-page-460.htm 15 COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». Page 434 16 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Lyon, Zone Atelier Bassin du Rhône. Page 39 17 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/risque-s

13


Thématique générale Si les thématiques de définition et de compréhension de risques divers et variés sont des sujets déjà traités et loin d’être innovants, bien que toujours d’actualité du fait de cette évolution perceptive culturelle, l’utilisation des risques est en revanche une notion peu traitée. Ce mémoire vient s’inscrire dans la continuité de ces réflexions en lien avec le risque. On développe ici une pensée critique autour du thème général de la perception du territoire et de son aménagement à travers la notion de risque. On cherche aussi à comprendre ce que la définition du risque donne à voir d’un rapport à l’espace. Autrement dit, on a choisi de se focaliser sur les perceptions d’un territoire par ses différents acteurs via un risque, et la façon dont la perception et la définition actuelle de ce risque vont venir engendrer un aménagement particulier de ce territoire.Cette rédaction s’adresse donc aux différents acteurs des territoires, à la fois aménageurs et usagers, sachants techniques et économiques, politiques et étudiants.

Questionnement initial et constat La majorité des planifications visent à l’heure actuelle, la prévention d’un désastre spécifique : peur d’un désastre naturel, d’un changement ou du développement ; dans un contexte pouvant être - négatif : accident sur l’autoroute et régulation de la vitesse par des aménagements routiers, - positif : développement urbain, économique, industriel, augmentation des niveaux de vies et protection des zones naturelles avec les parcs nationaux, - ou bien neutre : catastrophes naturelles et zones de danger liées aux séismes avec l’échelle de Richter et un design architectural de bâtiments spécifiques adaptés18. Le risque génère des constats sur la base d’analyses, eux-même perçus comme des contraintes (réglementations) ou des opportunités (ressources) dans le projet. L’objectif de ce travail est de comprendre dans un premier temps comment le risque est considéré à l’heure actuelle dans les projets urbains et quels acteurs sont concernés, à travers une posture d’architecte. Il nous semble que le risque est une clef d’entrée intéressante en vue de mieux comprendre les interactions (acteurs-acteurs et/ou acteurs-territoire) et les jeux de pouvoir en place, que l’architecte se doit de saisir en temps que partie prenante de la construction et du renouvellement de l’urbain. Ensuite, on voudrait étudier en quoi le risque génère des contraintes ou des potentialités dans un projet, architectural ou urbain. Celles-ci sont en effet des opportunités que les architectes peuvent être à même de percevoir et d’exploiter dans leurs projets, notamment grâce à une capacité de lecture pluriscalaire. Enfin, nous voudrions analyser la façon dont la perception spécifique du risque par ces acteurs va venir engendrer des décisions, en lien avec des enjeux et des problématiques spécifiques parfois en conflit. Ces différents questionnements seront abordés de façons plus ou moins concomitantes au fil de ce mémoire

18 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Rotterdam, édité par nai010 publishers, 296 pages.

14


La posture d’étudiante en architecture permet ici d’allier des questionnements pluridisciplinaires (sociaux, urbains, politiques, techniques, et de projet). Nous souhaiterions effectuer un état des lieux circonscrit à un site caractérisé par une situation complexe, le travail d’un architecte étant finalement de gérer cette complexité à travers de multiples paramètres, que ce soit dans le détail ou à l’échelle de l’urbain. Cela se traduit ici par le croisement de différentes thématiques en vu de faire émerger de nouveaux questionnements singuliers, à propos de l’exploitation du risque dans le projet. De ce fait, ce mémoire est à la fois un travail universitaire à visée de recherche sur une thématique spécifique, et un prélude à une entrée dans le monde professionnel via une analyse des acteurs de l’urbain à travers le prisme du risque.

Corpus On a fait le choix de se focaliser sur la question de l’eau et plus particulièrement du fleuve, puisque celui-ci concentre finalement une partie conséquente des débats et des questionnements liés au développement urbain depuis l’émergence des politiques de développement durable dès la fin du Xxème siècle.19 En vue de parvenir à une analyse plus complète, on s’est donné une étude de cas à proximité, le site de La Confluence à Lyon, dans le but de pouvoir communiquer avec les acteurs locaux. De part son positionnement géographique et son histoire, elle est un bel exemple de l’évolution urbaine d’un territoire en fonction de la perception que les sociétés d’époques successives ont eu de son usage et de ses potentialités. Si on s’appuie sur le travail de synthèse historique de divers auteurs, comme celui de la doctorante Séverine Oswald, retranscrit par S. Bolaud20, ou de Maryannick Chalabi dans son ouvrage “Lyon: le confluent : derrière les voûtes.”21 pour analyser les évolutions de Lyon et de la Confluence à travers le prisme du risque d’inondation; le terrain d’étude choisi se concentrera temporellement sur la période actuelle (début du XXIème siècle). Spatialement on se focalisera sur la délimitation des ZACs de La Confluence.

19 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». 3 Pages 20 Séverine Oswald est une chercheuse au Laboratoire C2SO : Communication, Culture et Société du Centre Norbert Elias (ENS Lyon / Institut Français de l’Éducation). (https://etsionenparlait.hypotheses.org/1173) 21 Chalabi, Maryannick, Véronique Belle, Nadine Halitim-Dubois, Françoise Lapeyre-Uzu, Eric Dessert, Jean-Marie Reffle, et Paul Cherblanc, 2005. « Lyon: le confluent : derrière les voûtes. » Lyon, Lieux dits. 159 pages

15


Figure 3. Vue aĂŠrienne Production de M. Desvignes et Herzog et De Meuron pour la SPL Confluence 16


17


Reprise

quartier Perrache quartier Ste-Blandine zac 1 zac 2

Figure 4. Délimitation des ZACs de La Confluence Reprise personnelle d’un plan d’Herzog et De Meuron, paysagistes du projet

18


Problématisation Au fil d’une recherche plus ciblée du projet de La Confluence en vue de mieux comprendre le panorama des enjeux en place et de leur implication pour la multiplicité d’acteurs concernés, on a abouti à la notion de risque d’inondations. C’est donc le choix et l’analyse de l’étude de cas qui ont permis de déterminer la problématique finale de ce mémoire. A la confluence entre enjeux économiques (prix de construction), politiques (viabilité du projet et impact de son développement sur la métropole), sociaux (ressenti des habitants), d’usages (contraintes et potentialités), le risque d’inondation est à la fois un sujet évident de part la position du site de projet entre deux cours d’eau importants, et concomitamment une thématique questionnée voir rejetée par des arguments de maîtrise de notre territoire. Pourtant, cette même notion n’est que très peu, voir jamais évoquée dans les communiquées de presse (de la SPL, l’aménageur du projet par exemple). Cette thématique, délicate et partagée au niveau profane, l’est encore plus dans le monde scientifique. On a interrogé deux chercheurs effectuant leur thèse sur le Rhône, l’un sur sa totalité et l’autre plus particulièrement sur son bassin hydrographique au Nord de Lyon, afin de savoir si le fleuve rhodanien (sans parler de son pendant séquanien) engendrait des risques d’inondation. L’incertitude a été assez claire puisque le premier a répondu non tandis que le second a donné une réponse positive. Pourtant, il est certain que chacun de ces deux scientifiques est expert de son sujet et avait appuyé sa réponse sur des sources reconnues et une réflexion solide. Dès lors, comment se fait-il que l’étude de documents différents puisse apporter une réponse si diamétralement opposée ? Comment se peut-il même y avoir un manque de clarté, une incertitude sur un territoire qui concentre tellement d’attention et d’enjeux pour la métropole lyonnaise, avec un réel impact sur son développement futur à l’échelle européenne, voir mondiale ? Pourquoi, finalement, se pose-t-on même la question ? Dans ce mémoire, nous venons interroger la définition (les définitions) du risque que nous savons nuancée. On considère le risque comme un sujet paradoxal, qui se veut scientifiquement objectif tout en étant irrationnel. On le présume contraignant mais subjectif, variable au cours du temps dans sa nature et pourtant constant dans son objet. Le risque d’inondation est supposé comme une notion partiellement propre à chaque acteur concerné qui la percevra d’une manière un peu différente. Nous pensons donc que le risque est par conséquent une thématique générant des dialogues variablement productifs entre les acteurs de l’urbain concernés. Selon différentes perceptions du territoire, il peut être simultanement et justement nié et objectivé en vu de servir au mieux leurs objectifs dans le cadre du développement de la ville. Plus largement et principalement, nous émettons l’hypothèse que le risque d’inondation, thème centralisant de nombreux enjeux dans le projet urbain, est un sujet dont l’étude approfondie donne une clef de compréhension de l’évolution du rapport anthropocène entre l’homme et son territoire.

19


À travers une étude ciblée sur La Confluence à Lyon, nous utilisons la thématique des risques d’inondations pour venir questionner de façon particulière notre perception du territoire et notre rapport à celui-ci, en tant qu’aménageur de l’urbain.

Méthodologie Ce mémoire est l’aboutissement d’une série de réflexions en entonnoir. De la complexité au renouvellement urbain, nos recherches nous ont mené à la thématique du fleuve et de son rapport varié à l’urbain. A partir de cette phase, on a effectué le choix des ZACs de La Confluence comme terrain d’étude priviligié. L’étude de celui-ci s’est réalisée à travers l’analyse de différents éléments recueillis (plans, communiqués) utilisés par les différents acteurs du projet, et par des entretiens. Ceux-ci ont été effectués avec Anne-Sophie Rigal, associée chez l’agence d’architecture AFAA qui a eu à la fois un rôle de maîtrise d’oeuvre et de conducteur de travaux ; et avec Marie-Paule COASSY, l’une des chefs de projet de la SPL Confluence. L’entièreté de ces entretiens est retranscrite. Ils sont disponibles en annexes à la fin de ce document. C’est l’analyse croisée des informations recueillies, à la fois via des documents rédigés ou des échanges oraux (avec des professionnels, des chercheurs de l’ENSAL ou de l’ENTPE), qui a permis d’aboutir spécifiquement au thème des risques d’inondation et à des questionnements sur leur réalité, remise en cause et objectivation.

Plan Dans un premier temps, nous expliquerons l’évolution de notre vision du risque en lien avec le site de La Confluence, puis nous questionnerons les dimensions politiques et économiques dans le projet urbain à travers une ambivalence entre enjeux et vulnérabilités, projet de développement et protection vis-à-vis du risque. Enfin, nous développerons une réflexion autour de l’objectivation du risque générant une irrationalisation de la notion, et de son impact potentiellement positif dans le projet.

20


21


I.

22


Évolution de notre vision du risque lié au territoire de la Confluence

“Jamais les hommes n’ont autant vécu dans la proximité du fleuve, que durant les siècles antérieurs à la remontée de la Saône par le Pyroscaphe de Jouffroy d’Abbans, exploit modeste, mais qui, rompant avec une pratique millénaire, ouvrait l’aire de la maîtrise recherchée ou proclamée de l’homme sur le fleuve.[…] l’eau était à la fois le moteur d’activités multiples et le lien qui unissait les hommes. On ne peut pour autant évoquer un système de relations stables entre le fleuve et ses riverains. Les emprises saisonnières tant urbaines que rurales se sont progressivement faites durables avec l’érection des premières digues, le creusement des premier canaux, la multiplication des ponts succédant aux gués. Au temps des compromis et des relations prudentes a succédé, sans qu’il y ai jamais rupture, le temps d’une maîtrise humaine longtemps incertaine, mais qui est allée s’affirmant avec le Siècle des lumières, jusqu’à ce que la vapeur relaie les équipages et que le Service du Rhône, né de la catastrophe de 1840 n’ouvre une ère nouvelle au terme de laquelle le fleuve sera asservi à la volonté des hommes.” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P22

Le questionnement du rapport entre développement urbain et protection contre le risque d’inondation est présent depuis toujours sur le territoire de Lyon, tant du côté de la Saône que du Rhône comme nous le verrons ci-après.

A. du XVème siècle à nos jours

A.1. Un rapport historique à la crue

En lien avec les propos de Séverine Oswald, doctorante lyonnaise, on peut expliquer que les nécessités du développement économique et urbain ont entraîné une implantation progressive dans des sites à risques propices aux inondations, par exemple comme sur la rive gauche du Rhône ou à la Confluence, ou comme on l’appelait autrefois, au Confluent23. L’endroit “derrière les voûtes” a pourtant été perçu pendant longtemps comme un lieu inexploitable, empêchant 22 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 86. 23 S. Oswlad est doctorante en Communication à l’ENS Lyon au C2SO. Elle a réalisé en partenariat avec l’Université des ballades urbaines thématisées sur le risque (historique) d’inondation. BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? »

23


Figure 5. Plan 1607. Antiqua Urbis Lugdunensis ad Rhodanum delineatio levé par Philibert Lebeau. DELFANTE C. ET PELLETIER J., 2009. “1350-2030 - Plans de Lyon - Portraits d’une ville”. Page 22.

24


l’urbanisation de la zone de la Préhistoire au XVIIème siècle24. Le développement urbain tardif de la zone fut amorcé grâce aux travaux d’agrandissements de la Presqu’île dirigés par l’ingénieur Antoine-Michel Perrache. Au fil de l’intensification de l’usage du Confluent, le fonctionnement de l’écosystème fluvial lyonnais a été progressivement modifié, ce qui en a augmenté l’aléa. Le lit mineur a par exemple été modifié et ses fonds exhaussés. L’ajout d’habitations, d’espaces à visée commerciale, d’infrastructures (industries, transport) ou l’implantation d’aménagements à visée productive énergétique par la CNR ont elles contribuées à augmenter la vulnérabilité du site.…Tout ceci a en conséquence renforcé le risque d’inondation. “Les cours d’eau possèdent des caractères déterminés par leur bassin, incluant des traits en partie invariant (géologiques) et des traits contingents, car dépendants du climat, de la végétation et des sols, eux-mêmes soumis au changement climatique et aux impacts des activités humaines. C’est émettre l’hypothèse que les paysages fluviaux ont du varier au fil du temps.” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P 25

La création des foires lyonnaises au XVème siècle entraîne un développement urbain démographique et infra-structurel notable. Selon S. Oswald, on a dès cette époque des informations quand à de nombreuses inondations, du fait de l’instabilité climatique entraînant de fortes précipitations, conséquence d’un « petit age glaciaire »26. On date de cette période les premiers endiguements du côté de la rivière Saône dans le cadre du plan Perrache. En guise de mesure supplémentaire est construite au XVIème siècle la digue des Brotteaux, pour lutter contre de fréquentes inondations rhodaniennes. S’ensuit l’application du plan Morand dans les années 1770s, ayant pour but l’urbanisation d’une plaine désormais considérée protégée selon les normes de l’époque.

Figure 6. «Vue perspective de l’agrandissement à la partie méridionale de la ville de Lyon. Dédié à Monsieur frère du Roy. Par son très humble et très obéissant serviteur Perrache». Gravure par B. LALLEMAND et A.-E. GAUTIER DAGOTY CHALABI, Maryannick, 2005. « Lyon: le confluent : derrière les voûtes. ». Page 29.

24 CHALABI, Maryannick, BELLE Véronique, HALITIM-DUBOIS Nadine, LAPEYRE-UZU Francoise, DESSERT Eric, REFFLE Jean-Marie, et CHERBLANC Paul, 2005. « Lyon: le confluent : derrière les voûtes. » . 159 pages. 25 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 50. 26 BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? »

25


Figure 7. Plan 1776. Projet du sieur Michel-Antoine Perrache. DELFANTE C. ET PELLETIER J., 2009. “1350-2030 - Plans de Lyon - Portraits d’une ville”. Page 55.

26


Au début du XIXème siècle, le projet de Michel-Antoine Perrache crée la partie Sud de la Presqu’île en venant gagner du terrain sur la confluence du Rhône et de la Saône par des travaux d’assainissement et de comblement du site, très marécageux. On sait que les crues du Rhône sont connues et documentées dès cette même période (milieu du XIXème siècle). On retiendra alors particulièrement du XIXème et du XXème siècles des périodes de grandes crues, dont les plus dévastatrices ont été les crues de 1840 et 1856. En 1840, la force du courant est telle que Lyon assiste à la rupture de la digue des Brotteaux (ancien réseau de digues). C’est une catastrophe dévastatrice : le secteur de Vaise est sous 4 mètres d’eau et la Presqu’île est totalement submergée27(voir Annexe 3). 16 ans plus tard, la deuxième grande crue est tout aussi destructrice pour la ville lyonnaise. Son impact est par contre plus limité à l’échelle de la zone de confluence du fleuve et de la rivière, la Saône n’ayant pas débordé28. La ligne d’eau de la crue de 1856 est devenue une référence pour la constitution de dispositifs de protection, notamment de digues dans le cadre de l’expansion et du renforcement du système de transport ferroviaire de l’époque. C’est aussi la crue historique de référence pour les politiques publiques de prévention actuelles29 (voir Annexe 3).

Ces deux inondations successives importantes entraînent une forte prise de conscience des lyonnais. S. Oswald parle même de “traumatisme psychologique” : l faut se défendre contre le territoire et renforcer sa maîtrise. “La crue catastrophique de 1856 marque le début d’une politique générale de lutte contre les inondations qui s’oriente au XXe siècle vers la prévention par la maîtrise de l’urbanisation en zone inondable” Jean-Paul BRAVARD30

En conséquence, l’État lance la mise en place du plan Kleitz. Celui-ci est réalisé selon un phasage en deux temps. Tout d’abord, une élévation des quais obligatoire a minima un mètre au-dessus du niveau maximal de crue de 1856 et la création de digues de première urgence, la plus connue étant la digue insubmersible des Brotteaux. Ensuite sont définis des champs d’expansion des crues, et des territoires urbains ou campagnards sont alors classés inconstructibles. Leur inondabilité est considérée acceptable, c’est-à-dire que ceux-ci pourraient être “sacrifiés” en cas de crue pour protéger le centre ville31. Cette dernière mesure déclenche une opposition évidente de la part des citoyens concernés (décalage local/national). Le plan Kleitz est aussi discuté à l’échelle régionale à travers un prisme de solidarité territoriale (décalage métropole/campagne). En effet, si l’agglomération est protégée, le phénomène d’inondation sera répercuté plus au Sud de la région. Ces mesures engendrent un sentiment de sécurité relative, irréel. Le Rhône et la Saône sont considérés domptés, le risque d’inondation maîtrisé dans une dimension acceptable pour tous. Suivront pourtant d’autres crues en 1926, 1944 et 1957, moins importantes qu’en 1856 mais toujours impactantes pour les locaux. En conséquence seront réalisés des travaux réduits : la mise en place de quelques champs d’expansion supplémentaires, la création de quelques 27 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône » Carte de zonage. 28 La hauteur de la Saône en 1840 est mesurée à 8.89m contre 6.78m en 1856. 29 Jean Pelletier fut professeur à l’Université de Lyon 2. PELLETIER Jean, ?. « Cartographies et modalités de l’inondation de 1856 ». 5 pages. 30 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 38. 31 BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? »

27


28


Figure 8. Plan 1840. Plan des inondations de 184 par A. Baron. DELFANTE C. ET PELLETIER J., 2009. “1350-2030 - Plans de Lyon - Portraits d’une ville”. Page 78. Figures 9 et 10. Les inondations en mai 1856 à Lyon Bibliothèque municipale de Lyon, Fonds Jules Sylvestre

29


digues en amont. Les bâtiments commencent à être imperméabilisés, on amorce les techniques de caisson étanches. Les digues peuvent être potentiellement rehaussées en cas de crues par l’utilisation de batardeaux (objets en bois rehaussant la digue d’1 m, non utilisés de nos jours)32. Des mesures législatives visant à mieux contrôler l’urbanisation du territoire viennent ensuite compléter les moyens de contrôler le risque inondatoire. En 1935, l’État instaure le plan des surfaces submersibles. Celui-ci garantit la pérennité du libre écoulement des eaux et des champs d’expansion des crues en cas de nouvelle construction. On vise ici plutôt une garantie de bon fonctionnement du fleuve pour réduire les aléas du risque d’inondation. En 1982, la loi relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles impose aux collectivités des mesures de prévention/protection33. C’est à proprement parler le début de la maîtrise de l’aménagement dans des zones exposées par les collectivités. Ce texte de loi est aussi représentatif d’une prise de conscience à l’échelle nationale (de l’importance) des impacts possibles d’une inondation, aussi bien humains que financiers. Finalement sont instaurés en 1995 les plans de prévention des risques inondation (PPRI) par la loi Barnier. Dans la continuité du plan Kleitz du fait de la classification de zones par les services de l’État, ces zonages réglementaires participent à la prévention des risques d’inondation par un contrôle de l’aménagement du territoire. Ils permettent une réduction des dommages (collatéraux) conséquents aux inondations. On observe bien une prise de conscience progressive du danger lié aux inondations fluviales, dont le risque est variablement acceptés au fil des époques. On remarque par contre que le risque d’inondation est complètement focalisé sur les réseaux fluviaux. La problématique des remontées de nappes (inondations indirectes) n’est seulement abordée qu’à partir du XXIème siècle. Le risque est donc soumis à une temporalité et à des sociétés qui font varier à la fois le contenu de cette notion.

Des aménagements et des mesures sont mis en place au fil du temps dès le XVIème siècle, même si le tournant « psychologique » se produit 350 ans plus tard. A partir du XIXème siècle s’effectue un vrai changement de posture, puisque le risque d’inondation devient un problème « réalisé » qui dépasse la quotidienneté locale pour engendrer des prises de mesures nationales. Le risque prend une dimension supplémentaire, à la fois en politique et dans l’aménagement. Ces mesures participent à générer un rapport protectionniste au territoire dans la région rhône-alpine, qui exploite l’eau et les fleuves tout en s’en abritant.

32 BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? » 33 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 25.

30


A.2. Un rapport régional au fleuve : entre protection et maîtrise Les multiples ouvrages de protection et d’exploitation des fleuves (barrages) participent à un imaginaire collectif de maîtrise du fleuve dans la région Rhône-Alpes. La construction d’infrastructures de protection (digues, seuils) et la maintenance de zones de rétention naturelles (champs d’expansion de terres submersibles) forment en effet la première partie du dispositif de protection contre le danger d’inondation, puisque permettent un contrôle relatif sur le phénomène lui-même. Il existe en effet une possibilité de rétention partielle des crues par les ouvrages hydroélectriques jusqu’à leur pleine capacité. Cette gestion en régime de crue permet la limitation de l’aggravement des incidences du phénomène hydrologique mais doit prendre en compte l’obligation de production électrique nécessaire selon la temporalité (période de pointe, saison touristique) ce qui peut contraindre le débit requis et donc la capacité de rétention. De plus, des épisodes hydrauliques mobilisent parfois des volumes d’eau disproportionnés par rapport aux capacités de stockage des ouvrages. Dans ce cas, il est évident que la gestion des affluents prend un rôle prépondérant dans la maîtrise des fleuves. De même, la constitution de zones d’expansion de crues, la restauration de zones humides et la limitation du ruissellement lié à l’imperméabilisation sont autant de stratégies applicables à l’échelle du grand territoire ayant un impact significatif sur la réduction des épisodes de crues des affluents des fleuves, et par conséquent la maîtrise du débit de ceux-ci34. Ces infrastructures ne permettent toutefois pas un effacement complet du risque inondatoire. “Il faut admettre que le Rhône n’est pas entièrement domestiqué et que malgré des périodes d’accalmie, il garde sa dynamique et peut se manifester violemment au moment des crues importantes.” Jean-Paul BRAVARD 35

Le propos n’est pas de les décrire comme inutiles mais de remettre en cause leur efficacité de protection au regard des standards de risques acceptés actuellement (statistiques, culture) et de l’évolution potentielle des crues. Selon des variables climatiques, des inondations pourraient de produire malgré la présence des infrastructures de contrôle. Par exemple, dans le cas du Rhône, la probabilité potentielle d’inondation reste existante bien que très faible (inférieure à 1 pour 100036) malgré la multiplication des ouvrages de surveillance dont la précision peut encore être grandement améliorée (entre 5 et 10 % de marge d’erreur lors de des calculs de débits37), rendant nécessaire la mise en place de prévention en vue 34 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 9. 35 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 14. 36 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 33. 37 SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 - Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Page 73.

31


de réduire les enjeux exposés aux dégâts. Selon le communiqué du de la ZABR, « la relative rareté des crues importantes depuis un siècle et demi permet difficilement d’évaluer l’évolution de l’importance des crues » même si les statistiques ne “montrent pas de tendance significative à une aggravation des pointes de crue”38.

Figure 11. Les différents modes de submersion. Photothèque CNR, COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 11.

Si le risque d’inondation est ici considéré comme négligeable, on peut voir que le pourcentage d’incertitude technique est considéré comme trop élevé par les institutions qui mettent alors en place des mesures complémentaires aux ouvrages d’aménagement. A noter que la notion de responsabilité entre aussi en compte, les institutions voulant se couvrir au maximum au vu l’ampleur que peuvent prendre des dégâts inondatoires. A l’échelle régionale, selon S. Oswald, 45 % des communes de la région sont concernées par les risques d’inondation. Le risque est aussi croissant à plus grande échelle, malgré une perception de maîtrise du territoire, qui date à Lyon de la mise en place du plan Kleitz. A l’échelle nationale, on considère que 7 500 des 36 000 communes françaises sont concernées par le risque d’inondation. Malgré des mesures législatives (PPRI), “15 % de la population française (neuf millions de personnes) » vit « dans des secteurs qui, à plus ou moins long terme, seront touchées par une inondation d’intensité remarquable»39. Au niveau mondial, le nombre de désastres liés à l’eau (inondations-sécheresse) a doublé entre 1996-2005 par rapport à 1950-1980, en causant 5 fois plus de dégâts. Au vu des modifications climatiques, la tendance ne peut que augmenter dans les années suivantes40. 38 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 8. 39 Douvinet, Johnny, et al., 2011. « Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (Ppri) ». Page 8. 40 HOYER Jacqueline et al., 2011. « WATER SENSITIVE URBAN DESIGN : Principles

32


Des mesures sont prises en vue de garantir des usages les plus effectifs possible des espaces concernés ainsi qu’une sécurité pour les usagers. Elles sont fondées sur une culture de la protection historiquement présente dans la région, par exemple du fait de la présence des barrages. Si ces aménagements constituent un moyen efficace de limiter les risques d’inondation, ils ne sont toutefois pas considérés comme des barrières infranchissables. La prise de conscience d’une maîtrise relative du territoire (à des échelles variées) engendre alors la mise en place de solutions complémentaires.

A.3. Une fluvial

évolution

du

rapport

d’usage

au

territoire

“Il fut un temps où le cœur des villes battait sur les berges et les quais du Rhône. Puis un temps où des quais maçonnés et rehaussés séparèrent les villes du fleuve et où les berges progressivement délaissées servirent pour l’essentiel au stationnement des automobiles. Vient maintenant le temps des retrouvailles, là où du moins l’ouverture des villes sur des quais rénovés est encore possible. Encore faut-il observer que ce processus de réhabilitation et de réappropriation ne saurait être le même d’une ville à l’autre, et qu’il s’inscrit dans un diagramme de forces partagé entre un regard nouveau sur le fleuve, la gestion des héritages et la menace latente de l’aléa face aux aménités de l’eau.” J. BETHEMONT41

Figure 12. Bateaux de lavandières sur le quais du Rhône. Orientations d’ aménagement PLAN BLEU - Communauté Urbaine de Lyon

and inspiration for substainable stormwater management in the city of the future ». Berlin, édité par Jovis, 143 pages. 41 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 325.

33


Figure 13. Parc des berges de Saône, La Confluence L’internaute - Montage Depaule-PAD-Asylum

Alors que pendant plusieurs siècles, les fleuves ont été perçus comme des forces de la nature bien au-delà du contrôle humain, voir comme des éléments déifiés prenant ou donnant la vie selon leur bon vouloir, la vision relativement récente des fleuves « sous contrôle » dont l’usage est sans risque, a permis de développer un aspect récréatif où l’environnement devient le support privilégié d’espaces de détente42, en phase avec une société de plus en plus centrée sur ses loisirs. Ces évolutions dans la perception et les usages sont passées par différentes phases. Au XIXème siècle, Lyon fut par exemple un port, ce qui a fortement favorisé son développement socio-économique et culturel via des échanges. Les berges de La Confluence furent industrialisées en vu de profiter de ces aménagements de transport. “L’inondation n’est pas perçue comme un danger, mais comme la contrepartie de la croissance économique et de l’accès à une voie d’eau.” Mathilde GRALEPOIS43

Selon Mathilde Gralepoix, du point de vue historique, le risque d’inondation a été une contrainte à gérer du fait de l’exploitation. Vivre avec le risque était quotidien. Le fleuve était perçu comme une menace obligée, mais avait déjà perdu la révérence que les habitants des rives lui vouaient auparavant. Eau potable, fertilisation des sols, construction de routes, source d’énergie, route de transport commercial … étaient et sont toujours autant d’activités qui ont garanti l’attractivité des sites stratégiquement placés le long de réseaux fluviaux44. Les fleuves ont toujours généré des usages multiples, aussi bien fonctionnels ou pratiques, de l’échelle locale à une dimension (multi-)nationale. Mais le cours d’eau est aussi source d’un lien émotionnel des populations qui s’identifient à un élément majeur de leur quotidien et de leur territoire. Aujourd’hui, les fleuves ne sont donc plus seulement des ressources d’exploitation mais des lieux de détente. Leur aménagement est 42 43. 43 44 22.

34

HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page

GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 26. HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page


de plus en plus tourné vers/pour le grand public, qui profite des lieux tout en conservant cette culture historique du risque d’inondation. Autrement dit, on a une acceptation des usagers du fleuve à la fois comme un élément quotidien contraignant générant des risques, et comme un atout paysager qualitatif. “La relation au territoire est au cœur même de l’identification et de la gestion des risques” Mathilde GRALEPOIS45

Les PPRI (Plans de prévention des risques d’inondation) appuient cette hypothèse. Dans le cas de la Confluence, une partie des berges du Rhône et de la Saône (totalité des berges naturelles) sont concernées par le zonage R1, c’est à dire qu’il est estimé que les rives seront inondées de façon relativement violente (aléa fort et champ d’expansion dans une zone non urbanisée) selon une occurrence de crue centennale, deux fois tout les cent ans46. L’objectif des réglementations est d’éviter une augmentation de la vulnérabilité des sites pour limiter les dégâts lors de débordements. Les berges servent de marge de sécurité quotidienne comme champ d’expansion de proximité, permettant une fluidification de l’évacuation de l’eau en cas d’épisode de crue mineur. Les contraintes du PPRN parlent de « favoriser les échanges hydrauliques pour permettre la rétention des volumes d’eau tout en autorisant un usage raisonnable de ces espaces. »47. Le lit du fleuve ou de la rivière s’élargit alors simplement sur les parties basses, prévues inondables, ce qui ne nécessite pas de prise de mesures particulières autre que la limitation temporaire de l’usage de l’espace. Pourtant, les berges du Rhône et de la Saône sont aussi des espaces public extrêmement importants dans la vie lyonnaise. Or cette contrainte dans l’usage de l’un des espaces publics les plus iconiques de Lyon est complètement intégrée de la part des habitants, puisque cette notion de risque fut historiquement et spatialement présente. En parallèle, dans le contexte actuel que le chercheur J. Bethemont associe à une “menace latente de l’eau”, les problématiques climatiques induisent aujourd’hui des questionnements variés. M. Gralepois explique que la gestion du risque, quel qu’il soit, est de plus en plus incertaine due à la complexification des procédés de prévision en lien avec une incertitude climatique, parallèlement à une recrudescence des aléas, ce qui engendre de nouvelles visions particulières du territoire. Se développe en lien avec les avancées techniques appliquées à la maîtrise du territoire une posture intermédiaire. Vivre avec un risque connu, pondéré, compris, saisi dans son ensemble devient peu à peu la norme dans un monde où l’homme connaît de mieux en mieux son environnement. En effet, du fait d’un manque de connaissances scientifiques sur le territoire, le risque était auparavant connu mais moins défini donc difficile à anticiper. De nos jours, malgré les difficultés prévisionnelles pressenties, nous sommes capables de prévoir les potentiels dangers d’inondation en amont, voir même d’y intégrer l’aspect aléatoire climatique. 45 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 9. 46 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 7. 47 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 8.

35


Figure 14. Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône secteur lyon villeurbanne, cartographie du zonage réglementaire (Voir annexe 3.) COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». 36 Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.


A noter que les changements climatiques sont pris en compte dans les politiques traitant du littoral avec la montée des eaux, mais pas dans les politiques de prévention liés aux fleuves, à cause du manque de données48. On peut dire que cette faille est un vrai problème dans le développement des villes fluviales comme Lyon, particulièrement sur des projets urbains de long terme. En effet, nous risquons de nous trouver dans une impasse avec un aménagement territorial inadapté réalisé, par manque d’anticipation et de flexibilité, avec des dégâts éventuels très importants.

Le risque dépend de constructions socio-temporelles. Son contenu peut varier évolutivement, même si celui-ci est centré autour du même objet, les inondations fluviales lyonnaises par exemple. Étant un élément perçu par une société, la définition du risque change donc en fonction des considérations de celle-ci en lien avec une perception du territoire ancrée dans le temps. De fait le risque d’inondation inclut par exemple différents éléments au fil de sa construction. S’il constitue un fil rouge constant, son contenu varie. L’intégration du danger d’inondation indirecte qui concerne la totalité de La Confluence en est une illustration, alors que cette dimension était absente jusqu’au siècle dernier, malgré une reconnaissance de la problématique des inondations dès le XVIième. Ceci remet en cause la définition réglementaire du risque qui n’inclut pas ces paramètres. Ce contenu est aussi variable en terme d’échelle. C’est-à-dire qu’une inondation moindre serait aujourd’hui considérée beaucoup plus risquée que dans le passé, du fait de l’augmentation des enjeux et de la vulnérabilité en place. Cette variation dépend, au-delà de la conception mathématique du risque, d’une acceptation de celui-ci. Pourtant, du fait d’une conception protectionniste régionale, le risque est aujourd’hui nié tout en étant mieux connu. L’existence même du risque dépend donc de la relation au danger générée par un territoire et les aménagements qui y sont réalisés. Nous verrons comment l’État est venu tenter de réintégrer cette dimension du risque dans la quotidienneté des habitants, par des mesures progressives et des postures évolutives complémentaires d’ouvrages de protection antérieurement réalisés.

48 BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? »

37


B. Des mesures nationales à une application locale

B.1. Une politique de (re)sensibilisation au risque

B.1.a. Pour une réunion avec l’eau dans toutes ses dimensions : le développement durable La notion de durabilité comme concept clef en urbanisme et en développement urbain émerge dans les années 1980s pour éviter une destruction environnementale à grande échelle49. Elle est enrichie par l’émergence de la question du développement durable une décennie plus tard. On marque l’arrivée de cette notion à la conférence de Rio en 199250. Y sont abordées des considérations territoriales à travers des prismes économiques, sociétiaux et environnementaux, qui sont érigées en tant que normes dans les « nouvelles politiques d’aménagement du territoire »qui ont suivies, selon Frédérique Blot. Les discours politiques évoluent et acquièrent une nouvelle vision du développement et de la gestion des ressources où le territoire devient une denrée précieuse. La ressource en eau apparaît alors comme le support privilégié de ces nouvelles stratégies de construction et de développement du territoire51. En France, les schémas directeurs de développement urbain identifient par exemple le Rhône comme un “axe migratoire, corridor ou continuité écologique”52. L’enjeu écologique devient donc permanent et l’environnement est perçu comme une ressource à exploiter dans sa globalité, du paysage à la contrainte (risque) en passant par la biodiversité. La qualité de son intégration, qui bien souvent vient confirmer la réussite ou non du projet, dépasse largement la question écologique pour impacter des dimensions qui se veulent aussi bien territoriales qu’économiques, urbanistiques, politiques, sociales ou encore sanitaires53. “La renaturation des eaux urbaines est un levier du renouvellement urbain qui dépasse l’intérêt écologique.” Alexandre BRUN54

Ces nouvelles politiques incitent les aménageurs de l’urbain à prendre en compte les risques en vue de maintenir et d’améliorer les conditions de vie globales des habitants, tout en favorisant le développement d’une conscience dite “citoyenne” liée au territoire et notamment à sa qualité environnementale. Cette démarche inclut la favorisation de l’émergence d’une “culture du risque locale”. L’objectif est de créer une conscience collective autour des dangers liés à un 49 PRADHAN Biswajeet, 2017. « SPATIAL MODELING AND ASSESSMENT OF URBAN FORM - Analysis of Urban Growth : from Sprawl to Compact using Geospatial Data ». Unknow, Springer International Publishing. Pages 1-40. 50 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 2. 51 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 2. 52 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 44. 53 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». 574 pages. 54 BRUN Alexandre & CASETOU Évariste, 2014. « Renaturer les rivières urbaines. Le projet du ruisseau des Planches à Lyon ». Page 1.

38


territoire55. Les cours d’eau, souvent dénaturés par des exploitations industrielles, sont requalifiés du fait de leur potentiel de développement découlant d’une attractivité certaine, en lien avec les politiques de développement durable prônant un renforcement des usages connectés à l’environnement. On est par exemple dans ce cas sur le sujet de la Confluence et du Rhône, depuis longtemps exploité pour le commerce fluvial. Les aménageurs ont tenté de reconstituer une connexion perdue avec les cours d’eau séquanien et rhodanien. “Waterfront locations were turned into a hard and apparently predictable and controllable infrastructure with dispatching appeal, accelerated by the advent of industrial pollution. The cities shut themselves off, turning their backs on the river. This rendered riverscapes of no interest for other uses or actually made them inaccessible over an extended period.” Christoph HÖLZER 56

Dans cette recherche de reconnexion avec le territoire, des mesures plus douces (op. aménagements lourds type digues) sont favorisées, en lien avec une étude approfondie de ces sites en vu de pouvoir au mieux les maîtriser et les exploiter. Il a par exemple été établi que les risques d’inondation peuvent être réduits grâce à une contrôle de l’imperméabilisation des sols, dont la couverture engendre des inondations plus nombreuses et violentes. Une réflexion a été menée à ce propos dans le cas de la ZAC 2 de La Confluence, au niveau du quartier du Champ. Présenté comme un parc paysagé habité, les sols y sont très peu imperméabilisés par rapport à la zone plus dense localisée au niveau de l’ancien marché de gros. La question du parc permet aussi de venir aborder des problématiques d’un rapport plus doux à un territoire, selon des parcours adaptés à une topographie, en lien avec des noues paysagères qui viennent contribuer à la qualité esthétique du site tout en favorisant l’évacuation et la filtration des eaux de pluie dans le sol57.

Figure 15. Un rapport doux à l’eau et au territoire - Le quartier du Champ COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 11.

55 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 19. 56 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page 23. 57 MASBOUGNI Ariella, 2011. « Le paysage en préalable : Michel Desvignes, Grand Prix de l’Urbanisme 2011, Joan Busquet, Prix spécial ».128 pages.

39


B.1.b. Pour une protection des usagers et une réduction de la vulnérabilité : les réglementations Cette prise d’importance du territoire dans les politiques où il acquiert une dimension privilégiée engendre par conséquent un renforcement du lien entre territoire et usagers au sein des projets. Ce rapport génère toutefois un accroissement des risques liés aux dangers inhérents au site, du fait de cette proximité renforcée. L’outil réglementaire forme le second moyen d’agir sur le risque en garantissant une réduction de la vulnérabilité (usagers, activités de loisirs ou de commerce, enjeux financiers, bâtis …) des territoires concernés par une maîtrise de leur urbanisme, selon la définition réglementaire du risque. Ces limitations peuvent se traduire par des réglementations impactant les usages actuels ou les développements futurs, selon une gradation allant de l’information incitative à l’interdiction58. “La prévention des risques repose sur la maîtrise de l’urbanisation en zone inondable” Jean-Paul BRAVARD59

Comme nous avons pu le voir plus tôt à travers un prisme historique, il existe des réglementations et des mesures législatives en lien avec le risque d’inondation de la Saône et du Rhône depuis plusieurs siècles. L’ensemble du travail mené dans cette direction aboutit aujourd’hui à la loi Risques, publiée en Juillet 200360. Celle-ci fut votée à la suite d’un constat plutôt négatif, remettant en cause la politique liée au risque de l’État. Il a été constaté que le renforcement des infrastructures de type digues était insuffisant pour réduire le danger d’inondation : d’une part, l’aléa des inondations est aujourd’hui plutôt bien maîtrisé, particulièrement dans la région rhône-alpine avec la CNR (Compagnie Nationale du Rhône). D’autre part, le calcul des aléas se fait à partir de calculs statistiques prenant en compte le risque d’occurrence des catastrophes. Des décisions logiques en lien avec des investissements financiers sont ensuite prises : il n’est alors pas forcément cohérent de se prémunir contre une crue qui risque de se produire tous les 500 ans, notamment en prenant en compte d’autres enjeux (paysagers, économiques, urbains …) tout aussi importants, parfois même plus considérés. Une culture dite “du risque” a alors été développée par les administrateurs pour réduire la vulnérabilité des territoires en croissance, en partant du principe qu’avoir des citoyens avertis et responsabilisés réduirait cette vulnérabilité du fait d’actions adaptées au territoire, sans pour autant trop freiner le développement de celui-ci.

58 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». 26 pages. 59 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 38. 60 publiée le 30 Juillet 2003 la loi n° 3003-699 Risques « relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages » par le gouvernement, en vue de limiter les destructions causées par des épisodes naturels. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000604335) Elle s’articule autour de cinq axes : 1. le renforcement de l’information et de la concertation autour des risques majeurs ; 2. la maîtrise de l’urbanisation dans les zones à risques ; 3. l’information sur les risques à la source ; 4. l’amélioration des conditions d’indemnisation des sinistrés ; et 5. « le développement d’une conscience d’une mémoire et d’une appropriation du risque ». »

40


Cette nouvelle politique, qui se traduit par la loi Risques 2003, se focalise sur le renforcement des communications dans l’objectif d’une limitation des dégradations par exemple conséquentes à des épisodes de crues et d’inondations. En effet, l’ignorance et l’absence de préparation des habitants est dénoncé comme étant la principale cause de dommages causés par des épisodes naturels61. Dans ce but, le texte de loi établit que « des habitants mieux informés prendront des précautions pour réduire les conséquences générées par l’occurrence d’une inondation et réagiront avec efficacité au moment de sa survenue.». Cette obligation informative est révélatrice de l’émergence d’une «conscience du risque » et de son appropriation par les différents acteurs62, de l’administrateur à l’habitant, et constitue la troisième et dernière forme de limitation des risques. L’État réforme l’annonce des crues en 2006 à la suite de la loi Risques de Juillet 2003 pour poursuivre et renforcer ce travail d’information. On passe à un fonctionnement prévisionnel grâce à une diffusion d’informations en temps réel accessible à tous les acteurs, en vue de mieux anticiper et gérer les crises engendrées par les épisodes inondants. Dans le cas de Lyon, la sous-unité des services de prévision des crues (SPC) « Rhône amont et Saône » est chargée de la surveillance, de l’anticipation et de la transmission d’informations sur la zone lyonnaise63. Des informations clefs dans la définition des crues et leur anticipation, soit le débit, la hauteur d’eau (en particulier à des points historiques) et les données pluviométriques sont transmises en temps réel par des stations localisées sur le cours d’eau rhodanien mais aussi sur ses affluents en vue d’une meilleure prévision. Celles-ci sont ensuite gérées par la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) ou par l’État. L’ensemble de ces informations est synthétisée sous forme d’une carte « Vigilance crues » qui est accessible sur le site de la DIREN (Direction régionale de l’environnement, www.vigicrues. ecologie.gouv.fr). Les risques y sont classés selon 4 entrées : de crue majeure, de crue génératrice de débordements importants, de crue génératrice de débordements, pas de vigilance particulière requise.

Figure 16. Carte nationale Vigicrues https://www.vigicrues.gouv.fr/

61 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 1. 62 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 1. 63 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 5.

41


Elles sont également transmises aux maires via les préfectures selon un schéma plus traditionnel, ceux-ci étant ensuite chargés d’informer les habitants64. “Le maire doit mener plusieurs actions : connaître les phénomènes et leurs incidences ; assurer lorsque cela est possible une surveillance des phénomènes naturels ; informer ses administrés sur les risques encourus et sur les moyens de se protéger ; prendre en compte ces risques dans les actes d’urbanismes et l’aménagement ; adapter les installations actuelles ou futures, et les protéger face à des événements futurs en tirant les leçons des événements passés.” J. DOUVINET65

Les stratégies gouvernementales (institutionnelles) favorisent donc la prévention à la réduction des aléas. Cette dernière réduit véritablement l’impact l’environnemental des crues grâce à une sensibilisation des populations, alors moins tentées d’effectuer des choix potentiellement dangereux (produits chimiques non protégés au bord des berges, constructions non aménagées ou stockage dans des zones inondables par manque d’informations, chantiers à la merci des crues …). Une connaissance et une compréhension renforcée des inondations par les locaux est de plus en phase avec les idéaux et valeurs environnementales de développement durable valorisées à l’heure actuelle où l’homme s’adapte à son environnement et le protège, et non l’inverse. On est donc plutôt dans une dynamique de soft power (communication, mesures douces …) et non plus de hard power (politique des grands travaux, digues, modification du territoire à grande échelle)66.

Cette prévention n’est pas seulement individuelle, mais concerne aussi les entreprises qui sont de plus en plus poussées à mettre en place des plans d’urgence : La totalité des mesures prises en cas d’inondations concernent la limitation des dégâts, à la fois par des mesures préventives (réaménagement des installations, plan de prévention), d’accompagnement (maintien d’un service minimal des infrastructures) et post-épisodes (remise en fonctionnement rapide) qui visent parallèlement à maintenir des niveaux de sécurité et de fonctionnalité sociaux, sanitaires et administratifs acceptables. Sont aussi bien concernés les services hospitaliers ou de police que les infrastructures de transport type TCL67.

On a donc pu assister à une revalorisation du risque dans les dernières années, grâce à une communication renforcée et à des mesures législatives. Depuis l’émergence du développement durable, le risque redevient un élément d’importance à considérer, aussi bien par les instances que par les entreprises et les habitants. Les locaux deviennent à partir de 2003 des acteurs importants dans la réduction de la vulnérabilité des territoires.

64 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 4. DIREN Rhône-Alpes : Direction régionale de l’environnement de la région Rhône Alpes 65 DOUVINET Johnny, et al., 2011. « Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (Ppri) ». Page 6. 66 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes». Page 23. 67 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 22.

42


B.1.c. Pour une réduction des destructions potentielles : l’aspect économique La maîtrise de notre environnement est primordiale en vue de limiter des dommages d’ordre humain, psychologique ou matériel, mais possède aussi une dimensionnement économique très importante, que vient aborder la prévention, notamment via la loi de 2003. A titre d’exemple, il est estimé qu’une inondation conséquente à une crue dite “forte” (crue de retour) dans l’agglomération lyonnaise pourrait causer plus de 6 milliards d’euros de dégâts68. Économie des assurances, coûts de remboursement pour l’état, travaux de réhabilitation pour les entreprises,… Il est considéré que les inondations sont les plus dommageable pour les particuliers, qui sont souvent peu au fait des recours possibles. Ne pas prendre en compte le risque inondatoire, ou de façon trop limitée, représente un coût.

Figure 17. Répartition des dommages causés par la crue du Rhône en 2003 DIREN étude SIEE juin 2015 : Inventaire des zones inondables, des enjeux, des dégâts. COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 19.

Ce schéma rend bien compte des potentiels dégâts que pourrait engendrer une inondation importante. On peut observer que la crue de 2003 a impacté les ouvrages de protection, qui doivent de fait être régulièrement entretenus. Se protéger du risque lié à l’eau est une charge financière constante, puisque les protections doivent être constamment adaptées et mises à jour. Dans le cas illustré ci-dessus, les dommages ont été estimés supérieurs à 1 milliard d’euros. On compte plus de 600 000 millions d’euros de dégâts concernant les particuliers. Les entreprises paraissent moins vulnérables (370 millions). Les conséquences peuvent être très impactantes sur l’équilibre financier des habitants, ce qui justifie l’importance des communiqués sur la thématique des risques, en vu de réduire des comportements à risque qui tendraient à faire augmenter les dégâts.

L’état a donc un vrai rôle d’information par rapport au risque, qui peut être financièrement et psychologiquement dévastateur, aussi bien à l’échelle individuelle que collective, pour des acteurs privés ou publics. On verra dans la partie suivante quels sont les processus et les enjeux de communication de cette prévention. 68 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 19.

43


B.2. Communiquer sur le risque, de l’Etat au citoyen

B.2.a. Des citoyens concernés, mais confus et/ou peu impliqués Si la logique de la loi Risques 2003 est tout à fait positive pour les habitants et ne peut être remise en cause, il est toutefois intéressant de noter l’évolution de la posture gouvernementale qu’elle révèle. Dans un contexte d’instabilité climatique, les limites des politiques de protection basées sur « la technique et la maîtrise du risque » sont de plus en plus dénoncées. Il est graduellement apparent que si elles sont efficientes dans la plupart des situations, des épisodes exceptionnels sont à prévoir. Les digues peuvent être submergées ou rompues, et une protection dite « totale et systématique » est impossible, du fait de l’incapacité de prévision de certains événements naturels ou du coût financier trop élevé d’installations en vue de contrer des événements trop improbables. Ceux-ci ne pouvant pourtant être évités, il devient donc prioritaire d’informer les populations sur les meilleurs comportements à adopter en cas de crise. Il est aussi nécessaire de sensibiliser les populations locales concernées sur un risque existant bien que faible, trop souvent ignoré ou nié, en vu de limiter les plus lourds dommages, humains ou matériels69. “Une vigilance accrue des populations, par une meilleure connaissance des phénomènes (cartographie des zones inondables, repères de crue, information des locataires et acquéreurs) et des consignes à prendre en cas de crise, alliée à une amélioration du dispositif de prévision des crues, réduisent notablement le risque. Plus globalement, c’est la culture du fleuve et la conscience du risque qu’il faut conforter pour généraliser les comportements individuels et collectifs appropriés, en lien avec le Rhône mais pas en l’occultant.” Anne CLEMENS70

Cette évolution dans les modes de gestion entraîne une valorisation des pratiques horizontales à l’échelle locale opposées à des politiques verticales passées appliquées à grande échelle sur l’ensemble du territoire (économies d’échelles, uniformisation des normes sur le territoire national, manque d’adaptation aux enjeux locaux…). Cette prise de conscience des limites de la technique a pour conséquence une prise de place croissante et valorisée de la participation des locaux via différents biais : adaptation des comportements consommateurs, exploitation des ressources, production d’énergie, mobilisation des acteurs locaux sur la question de travaux de renforcement des ouvrages de protection... Ce rapport de communication pluri-scalaire (national-local/communal-local) génère différentes problématiques, par exemple sur la chaîne informative mise en place. Des services spécialisés de l’Etat ont le devoir d’informer les collectivités locales sur les risques indentifiés. Ces rapports doivent être validés par un préfet, et des mesures mises en place par les maires. Ceux-ci, acteurs locaux centraux, ont alors le rôle d’informer les citoyens. Cette mission de sensibilisation des habitants par les collectivités locales, primordiale, génère des questionnements stratégiques de promotion territoriale. Le risque est en effet contraignant de par sa nature répulsive associée au champ lexical de la catastrophe. Les représentants ont donc tendance à valoriser les ouvrages de protection, plutôt que le danger potentiel en lui-même.

69 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». 5 pages. 70 COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Page 40.

44


Figure 18. Schéma : la propagation longue de l’information, de l’État à l’habitant Production personnelle

. C’est en effet un objectif complexe que de forger une culture du risque non pas fondée sur un protectionnisme technique uniquement, mais sur un partage des connaissances idéalement cohérent sur les échelles sociales verticales et horizontales, engendrant une véritable compréhension des enjeux inhérents au territoire concerné par tous les acteurs71. Il y a une énorme différence entre sensibiliser les populations autochtones à leur possible implication en cas d’épisodes à risques et les raisons de ceux-ci (RISQUE); et informer sur la fonctionnalité des ouvrages de protection en écartant/minimisant la possibilité de tels épisodes (PROTECTION)72. Par exemple, dans le cas de la région Rhône-Alpes, la culture technique du fait des nombreux barrages est difficile à remettre en cause. La représentation collective est en effet tellement liée à la maîtrise et à l’exploitation des éléments naturels qu’il est difficile de sensibiliser les habitants à la question des risques, la “culture de la protection” étant trop forte. Cette culture de la protection n’est pas forcément liée à un territoire. Elle peut se développer suite à une prise de conscience collective du risque, par exemple à la suite d’une sensibilisation mal gérée par les collectivités (réactions anxiogènes). Elle empêche alors parfois la constitution d’une « culture locale du risque », et donc des comportements associés recherchés lors de la mise en place de la loi Risques 2003. S. Durand constate aussi sur le terrain bien un éloignement aux objectifs initiaux de la loi Risque du fait des stratégies de communication des maires (promotion à l’origine d’une culture du risque mais forçant la communication sur la thématique des ouvrages de protection73). “Les travaux de protection qui transforment fortement l’environnement, associés à leur importante valorisation médiatique, contribuent à encadrer socialement la mémoire locale. La communication politique locale en valorisant les dispositifs de protection participe ainsi d’une certaine invisibilisation du danger.” Séverine DURAND74

Ces deux politiques, entre technique et prévention, ne sont pourtant pas opposées. Par exemple, S. Durand ne dénonce pas dans son article l’inefficacité des « techniques » mais met plutôt en perspective leur utilité et leurs limites en vue de leur intégration dans un système plus 71 72 73 74

GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 11. DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 5. GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 17. DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 5.

45


participatif, équilibré, local et donc adapté75. Si on constate aujourd’hui un détachement progressif du recours unique à l’expert scientifique pour un croisement des connaissances plurielles de sources variées76, l’habitant en temps que sachant local est encore peu impliqué. Les zones inondables ne sont par exemple pas mises en place avec ceux-ci, ce qui traduit un manque de coopération entre élus locaux et habitants/ citoyens usagers de l’espace. Il n’y a donc pas assez d’échanges sur les besoins et les objectifs de chaque acteur à propos de l’urbanisation et de la prévention/sécurité77. “La connaissance empirique des riverains se heurte à une double légitimité : celle de l’expert et celle de l’État. En ce sens, les gestionnaires du risque ont tendance à monopoliser la description et l’analyse du réel, ce qui constitue, de mon point de vue, une réelle vulnérabilité de notre dispositif : l’efficacité des actions entreprises en direction des riverains s’en trouve affaiblie.” Thierry COANUS78

Au-delà de leur histoire territoriale, les habitants et usagers locaux se sentent souvent peu ou pas concernés du fait d’échanges mal gérés ou d’informations insuffisamment claires, méconnues et/ou peu accessibles. La complexité du système de propagation des informations liées aux risques est en cause, la mise en pratique de la loi Risques 2003 étant encore loin d’être optimale. De même, la multitude du nombre d’acteurs ne favorise une clarification79 de la thématique.

B.2.b. Savoir mieux vivre avec le risque : amélioration du chaînage communicatif intra/inter échelles A l’échelle de l’État, il est nécessaire d’améliorer les stratégies sur l’ensemble du territoire nationale en développant des outils plus pointus et précis, à la fois dans la prise et dans la distribution d’informations ; et de règles plus adaptables aux situations/enjeux locaux. On a en effet pu observer que des réglementations trop génériques pouvaient être un obstacle à la génération d’une culture du risque80. “Et c’est des documents [les PPRN] qui sont incompréhensibles. enfin incompréhensibles ... Ça n’est pas fait pour faciliter la vie des gens.” A.-S. RIGAL81 A l’échelle des maires, les politiques mises en place doivent être restructurées, notamment de prévention et de sécurité, sur le territoire d’intervention concerné et au-delà, c’est-à-dire au moins à l’échelle intercommunale voir même régionale. De fait, les communes ont aujourd’hui tendance à sortir de zonages réglementaires trop limités pour aller vers des stratégies collaboratives, adaptées au site potentiellement concerné par des dangers d’inondations par exemple (fonctionnement en groupes de communes).

75 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 1. 76 processus d’identification des risques variés : scientifique, profane, technique … 77 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 11. 78 Thierry Coanus dans un article de BERTRAND Coraline, 2012. « À la rencontre de Thierry Coanus, chercheur à risques » 79 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 17. 80 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». 5 pages. 81 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 9.

46


On peut prendre pour exemple le Plan Bleu. Cette alliance régionale de 57 communes date de 1991 et a été initialement focalisée sur la protection environnementale , le développement d’espaces de loisirs et l’aspect sécuritaire via des mesures d’ingénierie hydraulique. Suite à un remaniement en 1998, le Bleu Bleu remet en cause l’usage peu attractif des berges, servant de parkings à l’époque. En lien avec un marketing urbain très fort sur les cours d’eau, sources d’identification fortes pour les habitants et/ou les visiteurs, les berges deviennent un projet prioritaire phare proposant un espace public de loisirs de grande qualité connecté avec les quartiers adjacents. La collaboration renforcée des collectivités locales a donc permis la réalisation d’un projet de grande ampleur, qui vient aujourd’hui être complété par le projet de requalification des berges de La Confluence. “réaffirmer la protection des sites et des paysages, d’étendre la réflexion aux nouveaux enjeux urbains, d’améliorer les usages récréatifs du fleuve, d’engager une réflexion sur une nouvelle dimension de l’économie du fleuve.” Objectifs du Plan Bleu 1991, J. BETHEMONT82

Figure 19. Schéma des objectifs territoriaux du Plan Bleu BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. « Pour saluer le Rhône ». Page 329.

Enfin, à l’échelle des particuliers et dans le cadre d’une sensibilisation au risque idéal, ceux-ci auraient un positionnement actif vis-à-vis des risques existants, via des prises d’information régulières, une connaissance acquise des actions à effectuer en amont/pendant/après un épisode d’inondation, etc. A noter que cette sensibilisation ne se fait pas forcément par les biais de communiqués divers82 Le Plan Bleu concerne les Orientations d’aménagement des berges de la Saône et du Rhône BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. « Pour saluer le Rhône ». Page 329.

47


es, mais peut aussi être implantée dans l’espace public, donnée à voir de façon quotidienne. Des contrôles visuels de la hauteur de l’eau, les échelles limnimétriques, sont par exemple visibles sur les berges du Rhône et donnent à la fois un moyen de contrôle supplémentaire aux équipes en charge tout constituant un moyen plus ludique que des communiqués d’impliquer les citoyens dans la compréhension et la gestion de leur environnement. Enfin, l’efficacité de la prévention et la rapidité de l’émergence d’une culture du risque dépend aussi du niveau de perméabilité des locaux à la sensibilisation, élément plus ou moins difficile à gérer selon les collectivités.

Figure 20. Une échelle limnimétrique au bord des quais, un outil de sensibilisation quotidien à la montée des eaux Photo personnelle.

48


Dans le cadre d’un changement du rapport au territoire majeur dès les années 1980s, le réseau d’interlocuteurs concernés par le risque s’est considérablement étoffé, ce qui a engendré une complexification des échanges. On remarque de vrais problèmes de communication, en terme d’objectifs et de transmission, sur le risque entre les différentes échelles d’acteurs, sans parler de confusions sur la nature et la définition même du risque (échelle, impact, sens). Si la nouvelle posture de l’État s’appuie sur des pratiques locales, les habitants ne prennent toutefois aucune part décisionnelle dans le processus d’élaboration des documents sur le risque. On a donc une opposition entre les locaux, profanes et pourtant premiers acteurs concernés, experts de leur habitat, et les instances nationales, regroupant des sachants théoriques du risque. Cette opposition se traduit par des problèmes de communication entre les collectivités et les locaux. Les propos des instances locales sont parfois peu en phase avec les objectifs recherchés au niveau national et les communications sur des dangers potentiels constituent un exercice délicat. En vue de parvenir à un fonctionnement plus efficient, il est donc nécessaire de tendre vers un système plus optimal, à la fois dans le global et le particulier.

C. Pour aller plus loin : apport théorique sur les définitions du risque

La notion de risque héberge aujourd’hui différents contenus qui peuvent avoir de multiples sens. Une clarification serait donc nécessaire du fait de la systématisation de l’usage du mot, qui peut porter un sens différent selon les protagonistes83, et est souvent associé voir confondu avec le danger ou la catastrophe. “Les deux notions [risque et catastrophe] tendent à se confondre, notamment pour le sens commun médiatique.” Thierry COANUS84

Cette incertitude sémantique participe à la vulgarisation et à la disparition du sens que porte le terme de « risque », dont l’utilisation suit des tendances temporelles variables. Rien d’étonnant alors, à ce que les populations locales se sentent peu concernées par cet élément incertain et confus, dont l’existence est de fait même parfois remise en cause. Selon T. COANUS, un risque doit être défini via la clarification de multiples composants, élements multiples variant selon sa nature, sa fréquence, ses vulnérabilités sur le territoire associé (échelle, type : biens, personnes, économie, …) ; et les acteurs concernés (intérêts, perception selon un champ d’étude spécifique …)85. 83 84 85

COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». Page 427. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 431. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 428.

49


De plus, le risque peut être considéré comme “réel” ou “construit”. En effet, au-delà de du sens (des sens?) temporellement évolutif que le mot héberge, il est perçu et défini différemment selon les acteurs, comme on a pu l’entrevoir à travers une analyse des rapports entre les différentes échelles d’intervenants. Le “caractère composite de la thématique du risque” pourrait être défini selon 4 “champs d’activités”, qui engendrent autant d’incompréhensions et d’incohérences. - les sciences expérimentales (naturel, techno, sanitaire …académiques) - les acteurs de la gestion opérationnelle (instances de toutes échelles, exploitation concrète des résultats académiques, souvent à court terme) - les sciences humaines et sociales (même si elles participent à l’information, ont peu d’influence quand à la définition de ce qu’est le risque lors d’un événement donné de par leur caractère fondamentalement social moins “dur” et donc plus soumis à l’influence de facteurs externes) - les médias (influence sur la perception du grand public d’un événement donné, et donc sur la prise de décision de politique publique antérieure ou postérieure à la diffusion de communication(s) sur cet événement) D’une part, l’ensemble de ces actifs s’échangent des informations qu’ils ne sont pas à même de comprendre dans leur totalité du fait d’un manque de connaissances, ce qui engendre une édulcoration des datas, une augmentation des incertitudes et un manque de pertinence quand aux décisions prises (sur la base de ?..). D’autre part, il n’est pas certain que ces acteurs s’entendent sur la définition même attribuée au risque, à la fois entre les différents champs d’activités et au sein de ceux-ci. Selon la définition majoritaire, le risque est un objet réel. Revendiquée par les sciences expérimentales et les gestionnaires du risque, celle-ci prône une réalité du risque dite “naturaliste” ou “réaliste”, réalisme remis en cause par les philosophes ou les SHS “parce que les théories scientifiques ne constituent que des représentations approchées de la réalité physique ou naturelle”. Selon certaines positions, le risque naturaliste peut donc être remis en cause car les outils que l’on utilise pour percevoir, analyser, évaluer celui-ci sont en fait dépendants de notre façon humaine de comprendre le monde qui nous entoure, ces objets étant donc finalement subjectifs à celle-ci86.

“risque = aléa (probabilité d’occurrence) + vulnérabilité (conséquences)”,

On retrouve bien la définition communément communiquée par les instances administratives, qui fait office de principe général. Cette définition se focalise sur les “phénomènes générateurs de risque, et sur les moyens de pallier leur effets sur l’Homme.” (COANUS) De fait, cette posture engendre une hiérarchisation des sachants (du spécialiste ingénieur et des gestionnaires au riverain) qui valorise l’expertise scientifique plutôt que l’expérience locale quotidienne. Il est intéressant de voir que, au-delà de la remise en cause de cette définition du risque par une partie des champs d’activités, celle-ci, qui est pourtant privilégiée par les gestionnaires de l’espace, entre en conflit avec la posture nationale. En effet, comme on a pu le voir, la différence entre expert et profane est aujourd’hui marquée mais non hiérarchisée, vue de promouvoir un mode de gestion collaboratif, et notamment horizontal.87

86 87

50

COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 429. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 431.


D’autres types de postures seraient aujourd’hui éventuellement plus pertinentes selon Thierry COANUS. Par exemple, la posture culturaliste reconnaît la posture objectiviste88 tout en y ajoutant une dimension d’erreur, d’interprétation, de perception. Elle permet de mettre en évidence le décalage entre le risque réel et perçu89. Par contre, si cette forme de pensée autorise une remise en cause de résultats scientifiquement obtenus, elle n’intègre pas la dimension sociale, relationnelle, politique, parfois conflictuelle, des acteurs du risque. Selon la perspective constructiviste : “le risque devient […] une catégorie de pensée, et donc revêt un caractère contingent; il est dépendant d’un contexte, d’un moment, plus largement d’une configuration mêlant acteurs, savoirs et rapports de force.”90

Figure 21. Les 4 grandes postures possibles pour aborder le risque COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 434.

Dans le prisme constructiviste, la réalité du risque est subjective à la perception d’un individu ou d’un groupe et peut donc être débattue, de son intensité à la question même de son existence. Les adeptes du risque réaliste étudient des événements/facteurs/individus selon une classification alors les constructivistes le perçoivent au travers d’une société contemporaine. Leur perception dépend donc du lieu, de l’époque, de la société. On s’appuiera sur cette définition du risque dans la seconde partie de ce mémoire.

88 89 90

Risque = Aléa x Vulnérabilité COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 432. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 430.

51


II.

52


Comprendre l’existence du risque entre enjeux, vulnérabilité et contraintes au sein du projet urbain. “Dans le contexte qui est ici le nôtre – celui du risque – on voit donc l’intérêt qu’il peut y avoir à s’interroger sur les modalités tout à la fois ‘objectives, subjectives et conventionnelles’ selon lesquelles les sociétés humaines, par leurs pratiques et représentations de (et dans) l’espace, ‘produisent’ tout à la fois du risque et ‘font avec’ la présence de sources de danger localisées dans l’espace et le temps” Thierry COANUS91

On a voulu démontrer dans la première partie que le risque est une notion changeante en fonction du temps et des sociétés aujourd’hui revalorisée, dont l’implémentation aux différentes échelles est complexe. La seconde séquence de cette étude se construit dans la continuité en s’appuyant sur les écrits théoriques de Mr. Thierry COANUS. Son objectif est de venir clarifier l’existence du risque au sein du projet urbain, à travers des considérations pouvant être partiellement, totalement ou pluralement sociétales, libérales, pratiques, collaboratives, politiques, scientifiques et économiques.

A. La compétition mondiale entre contraintes et attractivité

A.1. Cristallisation d’enjeux

A.1.a. Généralités : l’eau comme un enjeu primaire pour le développement

“les villes rhodaniennes ont longtemps entretenu une grande familiarité avec l’eau, à la fois ressource, lien et cadre de vie, ce qu’André Guillerme appelle le sentiment d’aquosité. Qu’il s’agisse de Seyssel, de Lyon, de Valence ou d’Avignon, gravures et peintures décrivent les mêmes attirances pour le fleuve”

91

COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 436.

53


“Cette familiarité ne va pas sans contreparties néfastes, à commencer par les dégâts et les crises consécutifs au crues qui affectent tantôt une partie du fleuve ou de ses affluents, tantôt l’ensemble du bassin. A l’échelle urbaine, ce sont des problèmes d’hygiène” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P 92

On observe une attractivité historique ambivalente des fleuves en Europe : leur esthétique est valorisée par de nombreux artistes, on loue leur topographie avantageuse, mais ces éléments sont aussi associés à des risques naturels de crues ou de maladies dont le fleuve est le vecteur principal. “Today, many of these inland water routes are little used for freight or human transport, yet it is only recently that urban planners have appreciated their opportunities for tourism and revigorating decaying urban areas.” A. Mc INTOSH 93

Au fil du temps, les rivières ont été successivement positivement intégrées dans les processus de développement socio-urbain, par exemple via les transports fluviaux ou la culture, ou rejetées lorsque des usages nuisibles comme pendant l’industrialisation en ont réduit sensiblement les qualités sanitaires94. Dans notre société post industrielle, comme l’argumente C. HÖLZER, l’importance croissante des loisirs et des moyens financiers y étant dévolus entraînent une attention de plus en plus importante au cadre de vie. De multiples villes s’inscrivent dans une dynamique désormais internationale en valorisant leurs berges et leurs attributs paysagers pour se distinguer tout en offrant une meilleur qualité de vie, en vue de répondre à à une conscience écologique et environnementale croissante de la part des usagers95. “Attractive, lively city landscape do not evolve as a matter of course, but are only created with the restoration of waterfront locations as a stabilizing and identifying factor in the planning processes.” C. HÖLZER96

Dès les années 90s, les fleuves deviennent le cœur de nombreux projets de régénération urbaine97. Ils génèrent de nombreuses potentialités : un espace large non constructible qui vient aérer la ville tout en offrant des points de vue avantageux sur le cœur historique de celle-ci, des espaces de loisirs très qualitatifs et attractifs, un facteur décisif pour la venue de nouveaux habitants et de business, un élément significatif du paysage pouvant être utilisé facilement dans les stratégies marketing de la ville. L’utilisation des fleuves dans le développement urbain consiste à remettre en valeur un élément existant en fonction de son histoire et de ses usages passés. Le paysage fluvial peut alors être considéré comme un facteur d’identification clé de la ville. Sa restauration passe notamment par la réhabilitation et la multiplication des accès aux berges, l’installation de sites dédiés à des activités multi-générationnelles et multi-culturelles accessibles au grand public, la présence d’espaces naturels offrant une faune et une flore locale, et la construction ou la 92 93 94 22. 95 24. 96 25. 97

54

BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 115 MCINTOSH Angus, 1997. « Town and cities – Competing for survival ». Page 48. HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page

HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page

HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page

MARSHALL Stephen, 2009. « CITIES, DESIGN & EVOLUTION ». 342 pages.


rénovation de bâtiments en lien avec leur environnement, en vu de créer une relation privilégiée entre usager et eau qui inclut les risques. “les agglomérations urbaines – doivent faire face à une concentration et à une imbrication d’enjeux qui démultiplient les potentialités de dommages en cas d’inondations.” Mathilde GRALEPOIS98

Au niveau du développement urbain, le fleuve est donc un élément incontournable de la ville de demain puisqu’il rassemble des facteurs sociaux, économiques, écologiques... Dans la littérature écrite autour de ce sujet, C. HÖLZER exprime son approbation dans l’ouvrage incontournable qu’il a rédigé sur le sujet : la ville de demain (en transformation aujourd’hui) valorise ses atouts territoriaux en vu de générer une attractivité suffisante pour prospérer. Le fleuve, par exemple à Lyon, en est un aspect clef dans son développement.

A.1.b. Échelle européenne Au niveau mondial sont recensés en 2010 plus de 160 projets et réalisations en lien avec des cours d’eau (fleuves, rivières), souvent dans des milieux urbains, dont 75 % en Europe et en Amérique du Nord. La réhabilitation de l’eau urbaine reste par contre un sujet qui, s’il émerge graduellement, reste peu prioritaire dans les pays en développement99. Jacqueline HOYER et ses co-auteurs abordent par exemple le projet SWITCH. La recherche est sponsorisée par l’UE et inclut plus d’une trentaine de partenaires dont l’UNESCO IHE et divers universités (Birmingham, Hafen, Hamburg…). Le projet de recherche d’innovation SWITCH concerne le management de l’eau dans la ville du futur, avec une orientation voulue vers des solutions plus cohérentes et intégrées dans leur environnement100. Il traite particulièrement du changement de paradigme par rapport à l’eau urbaine, des façons dont les eaux usées ou eaux de pluie peuvent être gérées, des institutions concernées, des types de gouvernances possibles …

La gestion de l’eau à l’échelle urbaine est donc bien un sujet actuel, ancré dans les préoccupations européennes, voir mondiales comme on a pu le voir. Il nous rassemble tous, quelque acteur que l’on soit, autour de différentes problématiques aussi bien techniques que sociales ou paysagères, et constitue au vu de ces recherches un élément fondamental de la ville du futur. A.1.c. Lyon et le potentiel de La Confluence A grande échelle, Thomas Sieverts note une absence de concept global appliqué aux bordures fluviales régionales de Bad Honnef à Leverkusen. Globalement, ce manque de coopération est visible à travers l’ensemble des fonctions techniques ou communautaires liées au Rhin. Malgré tout, un très fort potentiel dans de multiples domaines permet au fleuve de devenir un atout majeur dans une stratégie de développement régional, grâce à une possibilité de “chevauchement” des différentes fonctions existantes. Peuvent être développées de façon concomitante les transports, l’industrie, les infrastructures ou les espaces dédiés aux loisirs.101 98 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 19. 99 BRUN Alexandre & CASETOU Évariste, 2014. « Renaturer les rivières urbaines. Le projet du ruisseau des Planches à Lyon ». Page 1. 100 HOYER Jacqueline et al., 2011. « WATER SENSITIVE URBAN DESIGN : Principles and inspiration for substainable stormwater management in the city of the future ». 143 pages. 101 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page

55


De la même manière, le Rhône pourrait être aménagé de façon globale. Si des itinéraires comme la Via Rhôna ont été mis en place sur plus de 815 km, que peut-on dire de la région lyonnaise ? Est-il possible d’y retrouver un concept d’aménagement propre à l’agglomération lyonnaise ? Comment le projet des ZACs de La Confluence vient-il s’établir dans la continuité d’un travail reconnu mené de 2003 à 2008 sur les berges du Rhône ?102 Comment vient-il consolider l’attractivité du quartier mais aussi celle de la ville, en renforçant son image ? L’objectif communiqué par le Grand Lyon pour le projet de La Confluence est de doubler le centre-ville lyonnais via un projet ambitieux de nouveau quartier du XXIeme siècle, créatif et innovant, tout en s’inscrivant dans les politiques nationales contre l’étalement urbain103. Situé sur un territoire en hypercentre avec un fort potentiel de connexions, ce nouveau territoire est à la fois ciblé par diverses entreprises (fonctions tertiaires) et par de nouveaux habitants attirés par l’environnement moderne et dynamique proposé suivant les standards actuels en terme d’architecture, d’urbanisme, d’environnement et de fonctionnalité. La métropole, guidée dans cette optique par Gérard Collomb, souhaite clairement renforcer le rayonnement lyonnais à l’échelle régionale, nationale et internationale par ce projet, en valorisant ses atouts. “La progression historique illustrée par la succession des places et espaces publics de la presqu’île ne demande qu’à dépasser les barrières du centre d’échanges et de la gare de Perrache pour atteindre enfin le confluent des fleuves, lieux de toutes les ambitions de Lyon.” Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase104

Le projet de la Confluence fut depuis les années 1995 un objectif de développement de l’urbain primordial dans la sphère lyonnaise, avec un poids politique important qui a garanti son aboutissement. Lancé tout d’abord par Raymond Barre, le maire de l’époque, sous le nom de mission Lyon-Confluence, le projet fut ensuite repris par Gérard Collomb en 2001 dès son élection comme maire de Lyon. La même année, un Agenda 21 créé par une commission du conseil de développement du Grand Lyon fixe des objectifs, notamment au niveau territorial et environnemental (impacts). A noter que G. Collomb participe au sommet de Johannesburg en 2002 où il prend conscience de l’importance des problématiques de développement durable en lien avec le territoire105. Le projet porté par des politiques puissants est donc généré dans un contexte de développement durable porteur. Son « concept » est en accord avec les politiques contemporaines de développement urbain. Constituée en 2 phases, La Confluence est lancée en 2003 avec la ZAC 1, puis se poursuit en juin 2010 par l’amorce de la ZAC 2. D’une surface totale de 150 hectares, inédite en centre-ville, le projet se veut « Proposer une ville durable alliant densité, mixité, confort des habitants et des usagers et ancrée dans la proximité » 106. Le Grand Lyon investit 1,165 milliard € pour la phase 1 seulement, dans l’objectif de construire sur la totalité des ZACs 1 million de mètre carrés supplémentaires générant 16 000 habitants et 25 000 emplois supplémentaires.107 18. 102 Archives du Grand Lyon. https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/institution/archives-repertoires/20160920_gl_archives_0001ir006_bergesdurhone-fondsphoto-2003-2008.pdf 103 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 5. 104 Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase, page 43 105 LEFEVRE Pierre, SABARD Michel, 2009. « Les éco-quartiers ». 261 pages. 106 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 7. 107 Dossier de Presse juin 2015, page 41. Site de Lyon Confluence.

56


Figure 22. Plan masse du projet Lyon - Confluence, mars 2010 Le Moniteur, 2010

57


Les objectifs et les moyens mis en œuvre sont donc conséquents et génèrent une vulnérabilité non négligeable du fait de la densification et de la superposition hyper-intensive des fonctions urbaines. Comme l’exprime Mathilde GRALEPOIS, il existe une répartition non uniforme des risques dans le territoire. Un risque en engendre d’autres, selon un phénomène d’accumulation108. “un quartier à caractère de centre-ville constitué d’un tissu urbain contemporain, diversifié, intense et attractif ouvert sur un système d’espaces publics d’agréments, de loisirs et de détente.” Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase, page 8. “Les fonctions du fleuve au niveau des zones urbaines vont des services à la navigation (ports et quais), à la protection (digues) et à l’urbanisme (fonctionnel et esthétique. Selon les lieux, telle ou telle fonction prévaut sans être jamais exclusive. Cependant, c’est à Lyon, tant dans la ville qu’à ses abords, que l’imbrication des multiples fonctions atteint son maximum d’intensité et d’intérêt.” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P 109

A.2. Un projet centré autour de l’eau

Alors qu’à l’origine, l’accent fut mis sur l’utilité du site du confluent pour l’installation d’infrastructures, on valorise aujourd’hui par opposition un « romantisme » des fleuves présent dans l’imaginaire collectif. Le prisme de perception de l’eau a changé, de même que son rôle, multiple, devenu inévitable dans le développement des villes. Les usages changent et la ville se réoriente sur l’eau. La Saône et le Rhône constituent alors des potentiels uniques pour Lyon. “les aménités du fleuve tiennent une place essentielle dans le paysage urbain et dans la perception qu’en ont les lyonnais, avec la fréquentation des quais restaurés” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P 110

Une stratégie centrée autour du fleuve dans la continuité de l’existant participe à garantir l’attractivité de la métropole de l’échelle régionale à l’échelle européenne voir mondiale, et viabilise son développement dans la « compétition urbaine mondiale » conséquente à la mondialisation111. L’un des facteurs clefs de réussite dans le développement et la réussite d’un projet est l’attrait d’une jeune population par une qualité de vie et un dynamisme d’activités (loisirs, recherche, travail) centrés autour du fleuve. Pour ce faire a été développé à La Confluence un focus sur un élément “colonne vertébrale”, la Saône. Celle-ci constitue la base des éléments paysagers du projet et génère une quantité et une qualité d’espace publics rares.

http://www.lyon-confluence.fr/fr/projet-urbain/chiffres-cles.html 108 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 10. 109 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 326. 110 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 337. 111 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page 19.

58


“Il y a la qualité des espaces extérieurs et des espaces urbains qui sont plus généreux que dans la ville historique, qui sont ouverts et qui font qu’il y a une vraie qualité de vie urbaine que les gens viennent rechercher aussi. On n’est pas sur un quartier historique, on n’a pas encore une dynamique de quartier avec des commerces, etc, mais ça c’est en train de se mettre en place, ça demande un peu de temps. Mais par contre, il y a une qualité de ville qui existe peu ailleurs que là, à Lyon.”A.-S. RIGAL, architecte et associée chez AFAA, une agence d’architecture lyonnaise112.

Figure 23. Importer la Saône dans la ville pour en faire un spectacle. Esplanade F. Mitterrand COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 29.

Le Rhône constitue quand à lui un élément structurant (déplacement) qui vient alimenter de façon positive le reste du projet. Si le projet de contournement sera finalement effectué plus tard que prévu (report à 2025), on sent bien une volonté du Grand Lyon de rétablir une proximité durable avec son fleuve par l’aménagement d’un boulevard urbain amenant sur un nouveau projet de berges113. Le déclassement de l’autoroute A7 s’inscrirait de plus dans la continuité de l’aménagement des berges du Rhône, qui permettent de parcourir le centre-ville de manière à la fois partique et qualitative. Le fleuve sert de colonne structurante pour rendre cohérente l’insertion du projet dans l’ensemble urbain, tout en prônant une diversité et une identité spécifique. La Confluence au confluent. Les aménageurs revalorise le lieu en amplifiant sa géographie naturelle114. 112 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 8. 113 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 26. 114 Notion de géographie amplifiée. Conférence de Michel Desvignes à L’ENSAL le

59


Figure 24. Recréer le rapport au fleuve pour une meilleure qualité de vie. Plans d’aménagement du quai Perrache COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact 60 du projet de voiries ». Page 25.


“Le projet joue sur l’évocation des méandres de l’eau toute proche” Gérard Collomb, président du Grand Lyon115

Cet objectif de lien fort entre bâti et paysage, soutenu par Michel Desvignes, paysagiste du projet de dimension internationale, joue sur la transition entre l’eau et la ville, le rapport entre les fleuves, l’architecture et l’urbanisme. Le fleuve (l’appellation concerne à la fois le Rhône et la Saône pour les lyonnais) est déterminant pour la production de La Confluence, son identité et son image. « Promouvoir l’histoire et la géographie du site (le génie du lieu) en mettant en valeur les fleuves, les qualités paysagères et le patrimoine industriel et logistique du site. » « il représente une entrée majestueuse de la ville et du centre offrant à Lyon et à son agglomération une image forte et emblématique. » Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries »116

Figure 25. Qualité spatiale des berges de Saône, La Confluence http://www.insolites-architectures.fr

Le rapport à l’eau est soulevé de façon constante dans le projet de la Confluence, d’abord du fait de la spécificité de l’agglomération lyonnaise qui se définit à travers ses fleuves, et ensuite à cause des enjeux extrêmement importants de la ZAC dans le développement de la ville (politique, économie, image, attractivité). Les fleuves jouent donc un rôle tellement central que l’ensemble des problématiques inhérentes à ceux-ci doivent être abordées en profondeur, entre complicité et affrontement. La question des loisirs, d’une qualité de vie et d’un paysage patrimonial, mais aussi la problématique des crues, des risques, et des inondations directes (par le fleuve) ou indirectes (par la nappe phréatique adjacente). 21/11/2018 115 LEFEVRE Pierre, SABARD Michel, 2009. « Les éco-quartiers ». 261 pages. 116 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Pages 7 et 43.

61


Figure 26. Un projet de territoire très soutenu par le pouvoir politique en place CHALABI, Maryannick, 2005. « Lyon: le confluent : derrière les voûtes. ». Préface. Page 13.,

62


“La relation de la ville au fleuve offre deux visages correspondant à deux temps. Celui des promenades sur les quais, des baignades et des joutes. Celui des grandes eaux, des rues embourbées, des digues qui ploient et menacent de rompre.”117 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P.

Pourtant, si le risque doit être traité, il ne peut toutefois paradoxalement pas constituer un obstacle infranchissable à l’aménagement du fait de l’importance primaire des enjeux évoqués en amont. On verra en quoi le poids (politique) du projet participe à générer une communication entre les acteurs concernés en vu de dépasser les contraintes ou obstacles identifiés.

A.3. Une coopération renforcée entre acteurs

“Il y a eu énormément d’aller-retours. En fait à la Confluence, ... Dans les ZAC c’est souvent le cas quand même. Quand tu fais un projet en ZAC, tu es sur un territoire où tu as des gens, au niveau de la métropole pour Lyon par exemple, qui sont vraiment dédiés au projet. C’est-à-dire que leur temps de travail est uniquement dédié à ce qui se passe sur ce territoire-là, et comment s’organisent les choses. C’est des gens qui travaillent avec tout leurs prestataires, qui font tous les abords et qui vont gérer toutes les parties publiques de la ZAC. C’est des gens qui travaillent aussi avec les promoteurs, par exemple qui achètent les terrains, et qui s’occupent de toutes les négociations de terrain ... Et qui travaillent avec les équipes d’architectes. Ils ont beaucoup de choses à côté mais voilà, les grands secteurs d’intervention, c’est ça. Ça veut dire qu’ils ont énormément de temps pour s’occuper et se préoccuper des projets. Donc ils sont là aussi pour être disponibles et qu’on discute avec eux. Et pour le coup, la Confluence à Lyon, c’est une des ZAC où les gens sont les plus présents et interviennent le plus dans les projets.” A.-S. RIGAL118 “Il y a une sorte d’énergie qui fait qu’on est pas dans un contexte de projet classique et lambda, et que tout le monde a envie de se surpasser parce que c’est ce projet-là. Que ce soit la plupart des bureaux d’études, les entreprises de chantier, le client... Il y a une synergie qui s’est créée autour de ce projet qui a été assez incroyable, et qui a portée tout ça pendant 5 ans.” A.-S. RIGAL119

Du fait de l’importance des enjeux identifiés en terme de visibilité, de politique (objectif de valorisation européenne du projet par G. Collomb) autour de la question de l’eau et de l’aménagement territorial pour le projet des ZACs de La Confluence, on a une participation et une collaboration renforcée de la part des acteurs concernés. Ceux-ci, très divers et nombreux depuis la multiplication croissante des protagonistes gérant la prévention et la gestion des risques dès les années 1980s, se rendent disponibles pour faciliter le déroulé du projet. De même, des moyens financiers conséquents sont mis en œuvre120. On peut donner comme exemple le renforcement de la politique d’acquisition foncière du Grand Lyon121. Celle-ci permet son engagement dans de multiples grands projets urbains pour un investissement total de 742 millions d’euros dont les grandes lignes sont structurées par l’Agenda 21, mis en place localement122. À La Confluence, c’est en effet le Grand Lyon qui a racheté les 117 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 337. 118 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 5. 119 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 7. 120 Entretien avec A.-S. RIGAL, Annexe. Page 5. 121 1,1 millions en 2002, 11 millions en 2004, 20 millions en 2005 122 LEFEVRE Pierre, SABARD Michel, 2009. « Les éco-quartiers ». 261 pages.

63


Figures 27 à 30. Caractéristiques des scénarios de crue simulés par la CNR, Profondeur de la nappe pour les scénarios Q10, Q50, Q100. SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Pages 57, 64, 66 et 68.

64


parcelles nécessaires au projet de façon indirecte, par la SPL Lyon-Confluence. Cette dernière, dont l’indépendance revendiquée est discutable, ayant G. Collomb comme président, a ensuite pu revendre les terrains aux promoteurs. Les PPRI, renouvelés en 2009 ont été ici un facteur aidant puisque bloquaient l’utilisation des anciens bâtiments, la grande majorité de ceux-ci n’étant plus aux normes. Il était donc nécessaire de réhabiliter les anciennes infrastructures, très cher, ou de nettoyer et revendre les sites, ce que qui a été nettement appuyé au niveau politique par les collectivités. De même pour la signature des permis de construire, rapide au vue de la complexité du projet. “‘La collectivité souhaite par notre intermédiaire, l’outil aménageur, souhaite acheter des terrains.’ Donc c’est vraiment l’aménageur qui devient propriétaire. Ensuite, chaque terrain est négocié avec chacun des propriétaires sur la base d’un plan d’aménagement qui explique “On voudrait acheter telle parcelle » sachant qu’elles étaient côté Ouest principalement, beaucoup sans activités, et puis certaines c’était des activités en cours de déménagement. On était principalement sur de la friche. […] c’est la collectivité qui décide non plus d’affecter ce terrain à une industrie mais de l’affecter à un projet urbain, avec du logement, des équipement, des espaces verts, du public ... Donc c’est à la collectivité de prendre en charge le changement d’usage entre un terrain industriel et un terrain qui n’est plus avec des caractéristiques admissibles dans l’industriel.” M.-P. COASSY 123

Les architectes de l’agence AFAA ont ont eu un rôle de coordinateurs, grâce à de multiples échanges et une relation privilégiée avec l’ensemble des acteurs. Les enjeux et la pression politique en lien avec la promotion territoriale engendrent de très fortes exigences dans la maîtrise du projet (urbain, architectural …), contrebalancées par des partenariats poussés rendant possible la réalisation. “Pour nous, ce sont de vrais partenaires, et on travaille et on échange énormément avec eux. Et qu’ils ont aussi des exigences qui sont très élevées, d’un point de vue archi et d’un point de vue environnemental. […] Donc là, pour la Confluence, pour le concours il y a eu 3 ou 4 passages avec Herzog et avec les gens de la SPL sur A3. Après c’était une présentation du projet sur chaque fin de phase, c’était des présentations de projet à [Gérard] Collomb. Chaque fois que le projet avançait, il fallait qu’il soit validé par nos clients, mais aussi par la SPL, tout le temps. En chantier, on a fait des prototypes. La validation finale a été faite une fois que les archis, le client et la SPL étaient d’accord; donc tous les intervenants, ont validés. Ils sont vraiment très investis dans les projets, donc ils échangent énormément, donc on parle beaucoup beaucoup, et on parle de tous les sujets.” A.-S. RIGAL124

Leur connaissance, notamment de la sphère des acteurs concernés et des législations françaises, leur a permis de jouer un rôle de facilitateur entre les différents structures concernées, publiques ou privées, françaises ou étrangères. Ceci a notamment permis une bonne compréhension de ce qu’était le risque, par exemple par les architectes étrangers et donc une intégration de mesures adaptées dans le projet. “on était une sorte de pilier et de pivot entre les architectes étrangers qui ne connaissent pas la culture française, parce qu’ils sont suisses ou mexicain donc on a des cultures différentes, qu’ils ne sont pas lyonnais, donc ils ne connaissent pas l’ensemble des interlocuteurs : la SPL, la ville, les services instructeurs de permis ...[…] Tous les points législatifs, toutes les manières de construire, justement vis-à-vis des risques, etc. Et du coup, on était un peu dans une position de pivot par rapport à ça, et à prendre en compte un peu toutes les contraintes et les problématiques de tout le monde, et à essayer de 123 124

Entretien avec M.-P. COASSY. Page 3. Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 6.

65


faire en sorte que tout ça fonctionne et qu’on arrive à avoir un projet qui satisfasse tout le monde d’un point de vue usages, archi, etc.” A.-S. RIGAL125

Toute la portée du projet urbain, en terme d’image, d’échelle, d’enjeu politique ..., a donc eu un impact globalement positif sur le déroulé du projet, avec des acteurs disponibles, volontaires pour communiquer et faire au mieux du fait des moyens humains et financiers mis en place. Mais qu’est ce que « faire au mieux » pour ces différentes structures ? Un promoteur visera une rentabilité économique tandis qu’une instance publique, type commune, se focalisera sur une vision à plus long intégrant des paramètres qualitatifs plus développés. On peut donc se questionner sur les variations de moyens et d’objectifs des différents acteurs, notamment sur la question du risque, la façon dont il est définit et perçu et comment il vient s’intégrer ou non dans les stratégies urbaines. On analysera tout d’abord les incohérences qui peuvent être présentes au niveau des instances publiques, de l’échelle nationale à l’échelle locale.

B. Opposition entre risque et développement territorial

B.1. L’échelle nationale : la réalité du risque

Figure 31. Les terrasses de la Guillotière sous les inondations de janvier 2018 Le progrès 2018

125

66

Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 6.


“La ville de Lyon, qui avait tant souffert pendant les crues de 1840 et de 1856, a fait l’objet d’une remarquable attention depuis plus de 150 ans, tant sur la protection qui lui a été assurée par l’amont, que par sa ceinture de digues qui a été renforcée dans les années 1860. La protection actuelle contre les déversements serait assurée pour des crues de retour 200 et 500 ans, ce que beaucoup de grandes villes pourraient envier à la capitale rhodanienne et la très bonne tenue des défenses de la ville lors de la crue centennale de 1928 sert de référence aujourd’hui. Le risque pourrait cependant venir de remontées phréatiques à travers les graviers du substrat alluvial de la ville en cas d’une crue durant plusieurs jours ou d’infiltrations par des réseaux oubliés.” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P.126

L’État commissionne régulièrement des études et des zonages réglementaires type Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN) sur les territoires. Ils sont définis grâce à deux facteurs, les aléas et la vulnérabilité, comme on a pu l’exposer dans l’introduction. Le croisement de ceux-ci permet de qualifier le risque selon l’importance de l’événement et la vulnérabilité du site concerné. Une cartographie de ces études doit ensuite servir de support à une application locale rigoureuse des directives ministérielles127 (Voir annxe 3).

Figures 32 et 33. Grilles d’évaluation des aléas (1) et des risques (2) COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.

Figure 34. Exemple d’application - cartographie des risques COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.

Selon le Plan de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI, voir annexe 3) approuvé en mars 2009, le site des 2 ZAC se trouve hors zone inondable, à l’exception de deux sites. Le quai Ram126 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 306. 127 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 7.

67


baud serait inondé en cas de crues exceptionnelles, et les berges du Rhône passeraient sous le niveau du fleuve en cas de crues centenaires ou exceptionnelles. L’étude des aléas permet de constater que le site n’est pas non plus concerné par des ruptures de digues. Pourtant, la totalité du site du projet de Confluence est concernée par de potentielles remontées de nappe et de réseaux, ce qui selon les dénominations n’est pas considéré comme zone inondée directe, mais indirecte. Les remontées sont toutefois directement liées au comportement du fleuve et de la rivière, du fait de leur relation hydrodynamique à la nappe, et peuvent causer des dégâts potentiellement importants (coût, social ..) d’où l’importance d’un urbanisme maîtrisé (implantation verticale, densité, imperméabilisation…) et d’une gestion raisonnée des réseaux et des flux (évacuation des eaux de pluie notamment). Il est à noter que les zones de remontées possibles sont indiquées à titre informatif sur les cartes du PPRN (zonage vert) mais ne font l’objet d’aucune prescription spécifique. Pourtant, elles concernent la totalité de la zone de projet dans le cas de la Confluence, et matérialisent le potentiel risque d’exposition du premier niveau de sous-sol. Cette problématique d’inondation des sous-sols est récurrente sur le territoire lyonnais, particulièrement à proximité de ses deux cours d’eau principaux, et concerne « les secteurs soumis à un risque d’inondation lié soit à une remontée du niveau piézométrique de la nappe, soit au débordement d’un réseau d’assainissement suite à sa saturation. »128. Il est toutefois annoncé qu’une étude hydrogéologique menée par le Grand Lyon est en cours, et servira à compléter les informations et les prescriptions relatives à ce type de risques dans les années futures. Cette étude a été lancée dès 2004 avec le BRGM, une instance reconnue au niveau national, pour mieux comprendre des risques d’inondation potentiels pouvant être majeurs129. Cette démarche est cohérente, la priorité de l’agglomération étant de mettre en place une politique toujours plus adaptée en terme de prévention et de protection, identiquement à l’État. Une étude spécifiquement centrée sur la question des remontées de nappes est d’ailleurs menée. De fait, la relation hydrodynamique entre la nappe peu profonde et les cours d’eau (Rhône et Saône) entraîne une possibilité élevée de débordement par remontée de nappe en cas d’augmentation du niveau et du débit du Rhône et de la Saône. Au vu du territoire concerné, il était donc absolument nécessaire de comprendre les enjeux en sous-sol avant l’amorce des conceptions architecturales et le début des travaux de façon à mettre en place des restrictions claires adaptées, protégeant à la fois le territoire lyonnais et le projet. “Ce risque [d’inondation] est complexe car il résulte de la combinaison d’une vulnérabilité forte dans une zone urbaine particulièrement développée et d’un aléa hydraulique lié aux débordements possibles du Rhône et de la Saône, du ruissellement pluvial urbain et d’une remontée de la nappe pluviale sous-jacente.” 130

Pour ce faire, 3 simulations ont été effectuées pour des crues décennale, quinquennale et centennale. Ces simulations mettent en évidence des zones de l’agglomération lyonnaise dites 128 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 10. 129 Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) est le service géologique national français. Créé en 1959, cet établissement public fait office de référence dans les domaines des risques du (sous-)sol et de la gestion des ressources. L’étude commissionnée par le Grand Lyon s’effectue dans le cadre d’une Convention pluriannuelle de Recherche et développement partagés, de 2004 à 2008. 130 SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 - Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Page 5.

68


« à risque » où le « risque d’inondation par remontée de nappe est élevé. »131. Le rapport cite le secteur de la Presqu’île (jusqu’à la Confluence).

Figure 35. Caractérisation statistique globale des niveaux du Rhône et de la Saône SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Page 27.

On peut tout d’abord observer que l’amplitude potentielle des fleuves est très conséquente en cas d’inondation. On a une très grande variabilité des niveaux des cours d’eaux (3.64m pour le Rhône et 3.91m pour la Saône) au cours du temps. Ceci confirme l’importance d’une bonne compréhension du comportement de la nappe phréatique sous-jacente en lien avec les caractéristiques des cours d’eau, dans l’objectif de mettre en place des mesures adaptées. De plus, en cas de Q50 (modélisation crue quinquennale) et Q100, le niveau de nappe à proximité du Rhône remonte à 2m du sol (élévation de 3.5m) en cas de Q10, Q50 et Q100 une zone importante (variable en fonction de l’importance de la crue de retour) comprise entre le barrage de Pierre Bénite et la Confluence est concernée par un niveau de nappe alarmant, éloigné de moins d’un mètre de la surface voir affleurant. Le projet de la Confluence est donc considéré comme secteur très vulnérable avec une profondeur de nappe à 3m environ dans le scénario Q10 et inférieure à 2m dans les scénarios Q50 et Q100. “Si la crue centennale de la Saône (type 1840) reste très dangereuse à Lyon, la crue décennale est plutôt bien écrêtée et n’y est pas dangereuse.” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P.132

Alors que les PPRI favorisent une réduction de la vulnérabilité au risque d’inondation via un contrôle de l’urbanisation et de la densification urbaine, en prônant un éloignement des constructions du fleuve, l’étude du BRGM constitue un support de données scientifiques. On peut donc considérer que le savoir produit par le BRGM est globalement plus affranchi d’influences extérieures (analyse pure), donc plus neutre. Si on peut éventuellement relativiser les résultats de l’étude du BRGM, qui pourraient selon la structure gagner quelque peu en précision, l’analyse fournit toutefois une perception exploitable des territoires à risque à l’échelle de l’agglomération lyonnaise. 131 SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 - Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Page 5. 132 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 305.

69


“Limiter l’aggravation du risque inondation par la maîtrise de l’occupation des sols” L’un des objectifs définis pour les PPRN133

Les conclusions sont les mêmes entre les 2 types de documents : à La Confluence existe un risque réel d’inondation, reconnu par une communauté d’experts à la suite d’études poussées. Dans ce cas, quid de La Confluence ? On ne peut en effet pas nier que sur le principe, l’intensification de l’usage de ce territoire vient à l’encontre des réglementations supposées la limiter. Si la maîtrise des risques naturels (dont les inondations) est allée en s’accroissant au fil des siècles, l’étude de ces documents pousse à constater que cette maîtrise reste relative et incomplète. “ Au fil des siècles et à la veille de la première révolution industrielle, les rapports entre les hommes et le fleuve sont passés de la circonspection à une certaine familiarité. Mais cette familiarité devait inéluctablement déboucher sur une maîtrise qui, sans jamais être totale, ne pouvait aller qu’en s’affirmant” BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P. 134

B.2. L’échelle de la collectivité risque et développement

:

l’antagonisme

entre

Pourtant cette réalité du risque est remise en cause par les collectivités locales. “La crue catastrophique de 1856 marque le début d’une politique générale de lutte contre les inondations qui s’oriente au XXe siècle vers la prévention par la maîtrise de l’urbanisation en zone inondable. Aujourd’hui, la doctrine Rhône donne les règles communes de constructibilité pour prendre en compte de manière cohérente et équitable le risque d’inondation dans l’aménagement des territoires.” Jean-Paul BRAVARD et Anne CLEMENS135

La première prise en compte des risques dans la conception de l’urbain se fait lors de la mise en place des plans d’urbanisme (zonages). A ce stade collaborent des services de l’état (déconcentrés en préfecture ou dans les directions départementales aux territoires) et des collectivités locales. La caractérisation de l’aléa hydraulique s’effectue par un zonage brut grâce aux connaissances existantes et à des études complémentaires en cas de besoin (évolution de la situation …). Les aléas sont calculés à partir de deux types d’événements de références, la crues exceptionnelle et la crue centennale. L’application des plus forts aléas connus à l’espace, génère la zone inondable maximale, en vue d’une protection optimale en cas d’épisode majeur. Son objectif est de renforcer la prise de conscience/en compte du danger d’inondation des politiques locales. Il entraîne toutefois des réactions plutôt négatives de la part des collectivités puisque 133 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 5. 134 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. “Pour saluer le Rhône”. Page 117. 135 Les objectifs des PPRI. COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». 41 pages.

70


engendre à la fois une peur de l’aléa, présenté dans sa pire visualisation, et une crainte de son impact, qui pourrait complètement bloquer le développement urbain local136. Ensuite un zonage des risques appliqués aux enjeux territoriaux est réalisé par les services délocalisés de l’État, à la suite de l’envoi par les communes de leurs enjeux (comprendre projets de développement). Sont combinés dans cette carte les enjeux et les aléas antérieurement définis. La production centralisée de ces deux cartographies est fortement décriée car elle ne permet que très peu de porosité entre les deux instances, incapables de communiquer sur leurs enjeux respectifs (choix de critères d’aléa, intérêts locaux). Les communes n’ont aucune prise décisionnelle sur les zonages effectués, peu transparents. De plus, on peut s’interroger sur l’objectivité et le pragmatisme des choix effectués par un service ne connaissant pas forcément de façon approfondie le territoire (confrontation entre des “experts” dont la connaissance est remise en cause et des habitants “profanes” experts de la pratique des lieux)137. À savoir que de toute façon, le risque et le développement sont des notions qui s’opposent. En effet, un développement sous-entend un renforcement de la concentration des usages sur un territoire, et par conséquent un renforcement de sa vulnérabilité. Le risque augmente donc. Selon Séverine Durand, les territoires considérés comme attractifs vont de pair avec des risques concomitants138. Si on reviens à l’exemple de La Confluence, c’est un terrain qui, malgré un historique fortement marqué par des épisodes d’inondations, possède une très forte attractivité de par son statut annoncé de deuxième centre ville urbain moderne, mais surtout grâce à sa localisation privilégiée entre la Saône et le Rhône. Or cette localisation engendre des contraintes d’inondation et de gestion de l’eau, qui sont toutefois acceptées du fait de l’attractivité conséquente. Le risque peut donc être toléré en fonction de l’importance accordée au développement urbain (et des moyens qui en découlent). Au-delà du projet urbain même, le risque peut être une contrainte dans la “promotion territoriale”139, qui fait aussi parti du développement urbain des collectivités. Le risque accepté, dit “résiduel” par S. Durand, peut être délicat à communiquer. Le risque est alors obstacle. La communication sur la sensibilisation des thèmes liés aux risques existants entre la collectivité et ses habitants est délicate. La reconnaissance des risques résiduels et leur communication peut entrer en conflit avec la volonté de valorisation (foncière) des sites en vue de leur développement par les administrés locaux. Par exemple, dans le cas de La Confluence n’est pas fait mention du risque d’inondation, notamment indirect, dans les communiqués de presse140. Pourtant, l’aléa potentiel est prouvé, notamment par des acteurs scientifiques reconnus. Selon eux, au vu de la vulnérabilité du territoire du fait de la concentration intensive des enjeux, le risque peut prendre des proportions très importantes sur le territoire aménagé. S. Durand questionne ce conflit entre compétitivité territoriale et promotion du développement qui poussent finalement les collectivités à communiquer de façon insistante sur la sécurité et les dispositifs de protection. Celles-ci sont en effet dans l’obligation de renseigner sur les risques et les possibilités de catastrophes, et cette approche leur évite de traiter d’un sujet 136 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 41. 137 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». 5 pages. 138 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». 5 pages. 139 DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Page 5. 140 Dossiers de Presse octobre 2012, janvier 2014, juin 2015. Site de Lyon Confluence. http://www.lyon-confluence.fr/fr/projet-urbain/chiffres-cles.html

71


sensible pour nécessaire. Autrement dit, le risque résiduel est pondéré voir effacé par une protection pour des raisons économiques et politiques.

Figure 36. Le discours des collectivités aux habitants ? Enjeux. Production personnelle

B.3. Le risque non prioritaire et non représenté “L’application du Ppri aux échelles locales s’inscrit dans une problématique plus large, portant sur les relations entre l’homme et son milieu, avec le risque naturel d’une part et l’aménagement du territoire d’autre part. En effet, le maire doit souvent faire le choix, en particulier quand une large partie du territoire communal est concerné par le risque, entre les contraintes imposées sur l’occupation des sols par le Ppri et le développement local qui induit des implantations d’habitations, de commerces, d’industries, etc. Les élus font également face aux instances institutionnelles, qui sont en charge d’appliquer cet outil réglementaire, et aux promoteurs ou industriels qui trouvent des avantages (prix peu onéreux, proximité de pôle urbains saturés) à s’installer dans ces communes. Fait connu et avéré, le maire subit finalement une pluralité de pressions.” Johnny DOUVINET141

Le risque d’inondation n’est pas seulement confronté au développement territorial, mais aussi à d’autres objectifs et politiques publiques. “Parce que d’autres politiques publiques doivent aussi être prises en compte dans l’aménagement, la prévention des inondations entre en concurrence, par exemple, avec le développement économique, le maintien des terrains agricoles ou la croissance urbaine.” Mathilde GRALEPOIS142

Au milieu des années 1990, dans une période où le développement durable prend son essor, 141 DOUVINET Johnny, et al., 2011. « Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (Ppri) ». Page 11. 142 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 24.

72


les populations locales sont sensibilisées à leur territoire. Émerge alors un désir de renforcer leur rapport à celui-ci, ce qui s’effectue par une urbanisation rapprochée des berges mais aussi via un renforcement de l’accessibilité, une réhabilitation et une augmentation des espaces naturels, etc. Cette évolution dans le désir de rapport au territoire s’accompagne d’enjeux. Ceux-ci, tels que le développement commercial, la création d’équipements publics, la mise en place de logements de haut-standing architecturalement innovants, ne sont pas des priorités du point de vue sécuritaire mais garantissent par contre la viabilité (économique) et donc la réalisation, voir le fonctionnement, du projet urbain. Ils sont donc priorisés par rapport aux enjeux de risques, parce que tout autant nécessaires et bien plus visibles. Le risque d’inondation est donc plus ou moins considéré (comme contraignant) en fonction de sa concordance avec ses objectifs et des contraintes qu’il engendre par rapport à ceux-ci. On peut prendre pour exemple le projet phare de la Confluence, qui vise à favoriser le développement de la globalité de la métropole. Malgré l’intégration d’ouvrages techniques, l’urbanisation renforcée à proximité des cours d’eau, la superposition d’activités et de réseaux multiples et la densification générale de la ville lyonnaise continuent à augmenter la vulnérabilité du territoire en en accroissant et en concentrant les enjeux143. Or la superposition et l’imbrication des nombreuses fonctions caractéristiques d’une métropole (résidentiel, commercial, administratif, politique …) rend le danger potentiel causé par une inondation supposée infinie. De plus, ces activités contribuent à modifier la morphologie des fleuves (réduction, limitation des zones inondables, exploitation …), ce qui augmente les aléas initiaux. “les aléas d’origine naturelle sont engendrés par la conjonction de facteurs climatiques et morphologiques aussi bien que par les effets du développement – imperméabilisation des sols, déforestation..” Mathilde GRALEPOIS144

Il y a donc un vrai décalage entre les politiques urbaines et les analyses scientifiques qui peuvent être faites. Si d’un point de vue mathématique il est aberrant de continuer à densifier, lorsque l’on commence à considérer d’autres enjeux comme le manque d’espace en centre ville, la surface de zone inondable concernée, les besoins de développement urbain (résidentiel et activités) etc, on se rend compte que des choix doivent être effectués en vu de poursuivre la croissance urbaine. Conséquence des politiques de décentralisation de 1982-86 qui provoquent une mise en concurrence des agglomérations, celles-ci ne se cantonnent plus à une fonction unique en vu d’être de plus en plus performantes, attractives, qualifiées … sur la scène internationale. Les stratégies de développement intègrent donc de plus en plus de fonctions croisées, toujours plus proches des sites naturels attractifs du territoire, ce qui génère des risques accrus. Ces choix sont faits par les politiques responsables en place en acceptant des risques résiduels choisis, pondérés. L’antagonisme entre risque et développement est bien présent. Les inondations sont prises en compte sur site, notamment du fait du contexte historiquo-culturel, même si c’est à travers un prisme très technique de maîtrise de la CNR145. Pourtant, du fait de l’évolution urbaine concurrentielle et du choix de Lyon de se positionner comme métropole européenne, les instances urbaines ne peuvent pas limiter le développement et choisissent de vivre avec un risque choisi, 143 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 28. 144 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 29. 145 « Surveiller le fleuve, gérer les écoulements, entretenir les ouvrages et le lit du fleuve, informer les usagers du Rhône : tout cela fait partie d’un dispositif rigoureusement encadré et parfaitement maîtrisé afin de garantir la sûreté hydraulique. » Site internet de la CNR https://www.cnr.tm.fr/le-modele-cnr/la-surete/nos-engagements-securite-et-surete/

73


toléré. Des régulations sont existantes même si comme on l’a vu précédemment, les documents induisant ou générant ces mesures peuvent être discutés et remis en cause. Il semble toutefois impossible d’être totalement considérant, en ceci que le risque est perçu comme une contrainte ou un enjeu parmi de multiples paramètres qui doivent tous être considérés dans le projet urbain. Selon Mathilde Gralepois, ceci peut être expliqué par le manque de représentativité du risque sur l’échiquier politique et au sein des structures administratives. Il y a par exemple une dissociation faite par les gestionnaires du territoire entre le risque et le développement durable. Par exemple, il n’y a pas d’intégration de “la prévention des risques dans une conception territoriale globale.”146, alors que le développement durable est à l’origine de l’intégration des risques dans les politiques de maîtrise du territoire par l’urbanisme, et que celui-ci est constamment présent dans les projets d’aménagement depuis les années 1990. De même, politiquement, elle explique qu’il n’y a pas d’engagements pris sur le risque alors que le développement durable est une thématique récurrente. “La prévention des risques est une action publique sans projet politique et social débattu” Mathilde GRALEPOIS147

Cette différence est expliquée par le fait que la société associe le développement durable au « projet » positif alors que le risque est lié à la « crise » ou à la « contrainte », négatives. Pourtant, ces deux notions pourraient aller de pair en vu de garantir de meilleurs projets, durables sur le long terme … “Le développement durable conceptualise les évolutions territoriales à long terme et la prévention des risques remédie localement aux dysfonctionnements urbains.” Mathilde GRALEPOIS148

Le risque d’inondation est un paramètre à considérer pour l’aménagement du territoire prouvé par des instances scientifiques reconnues. Il reste malgré tout contesté car perçu comme une contrainte par les gestionnaires des projets urbains. En effet, selon les réglementations actuelles, la notion de danger potentiel vient directement faire obstacle au développement métropolitain tel qu’on le conçoit de nos jours (superposition et multiplication des fonctions urbaines). Du fait de l’image négative qui y est associé, le risque demeure un sujet de fond : peu saisi directement par les médias et les politiques sauf en cas de catastrophe, le thème reste finalement surtout abordé à travers des questions de protection et de maîtrise de terrritoire. Le risque est donc une entrave qui vient s’opposer aux enjeux des projets urbains (par exemple cas de la Confluence) qui causent une vulnérabilité croissante des territoires décidée et acceptée par les gestionnaires en place. On verra en quoi le risque peut être impactant, et par conséquent contraignant, à diverses échelles territoriales pouvant même dépasser le site du projet.

146 147 148

74

GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 53. GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 56. GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 54.


C. Des impacts variés du risque d’inondation

C.1. À l’échelle urbaine : pollution de la nappe et ressource en eau

Selon les PPRI, la totalité de la région de la ZAC de La Confluence est concernée par des remontées de nappes, toutefois sans communiquer de mesures spécifiques. En effet, la législation sur les remontées de nappes indirectes dans le cadre des PPRN n’existe pas encore149, même si c’est aujourd’hui une question en suspens sur laquelle les instances commencent à travailler. Pourtant, la nappe phréatique est localisée à 162 mètres NGF quand le niveau général du projet de la ZAC est mesuré à 166,95 mètres NGF pour limiter les mouvements de terrestre en vue de respecter la volumétrie globale initiale du site150. Or, comme on a pu le voir dans la première partie, ces 4 mètres d’entraxe correspondent à l’écart potentiel de hauteur d’eau qu’on peut observer sur le Rhône et la Saône en cas de crue. Par conséquent, du fait de la relation hydrodynamique entre la nappe et les cours d’eau adjacent, le niveau global de celle-ci est variable et peut monter à fleur de sol151, voir au-delà vu la proximité des niveaux standard relevés. Cette dynamique peut être considérée comme un potentiel vecteur de pollution, transportée des eaux fluviales vers la nappe. Une variation trop importante de niveau d’eau pourrait aussi causer un dérangement des pollutions dites « stables » localisées dans des régions plus basses de la nappe phréatique, risquant de les faire remonter. (L’étude d’impact lancée par le Grand Lyon explique aussi qu’il y a une « absence d’impact significatif de pollution » malgré le passé industriel du site. Ceci est important, puisque ne veut pas dire que le site (et donc la nappe) n’est pas pollué, comme l’expliquent l’architecte Anne-Sophie Rigal et la chef de projet M.-P. Coassy.) “Et aussi dans la ZAC 1, comme il y a eu des pollutions historiques, dont certaines ont été enlevées en surface. Mais dans la nappe elles restent, comme on ne peut pas pomper la nappe pour traiter les pollutions. C’est infini en fait. Il y a certaines pollutions stables qui sont restées dans la nappe. Donc on ne peut pas la déstabiliser.” M.-P. COASSY152

Une double surveillance est donc effectuée : d’une part, la qualité des eaux fluviales est contrôlée. Le Rhône alimente en effet les nappes souterraines situées au Nord de l’agglomération, permettant l’accès à une ressource de proximité abondante et de qualité, et considéré comme « le champ captant le plus vaste d’Europe. »153 La Métropole est donc très dépendante du 149 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône » Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages. 150 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 50. 151 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 43. 152 Entretien avec M.-P. COASSY. Page 11. 153 LEONE J., GRANJEAN Henri (Eau du Grand Lyon), conception graph. MÉDIACITÉ, 2015. « L’eau de la métropole de Lyon ». Page 3.

75


Rhône et de la bonne qualité de ses eaux, puisqu’ y puise entre 91 % et 95 % de l’eau nécessaire au bon fonctionnement journalier de la ville, soit 240 000 m³/jour pour 1 309 878 habitants. Le Grand Lyon est responsable de « Fournir aux habitants une eau de qualité en quantité suffisante et permanente », de dépolluer l’eau usagée et de la réinjecter dans le milieu naturel. A noter que selon les publications de la métropole, l’eau phréatique exploitée puis rejetée dans le fleuve n’est pas catégorisée potable mais est considérée « compatible avec le milieu naturel ». Son épuration est supposée « se poursuivre naturellement dans les cours d’eau sans compromettre l’équilibre de l’environnement »154, ce qui pose question par rapport à la pureté (ou du taux de pureté) attendue du fleuve et de la nappe, et de la durabilité dans le temps de ce fonctionnement ... D’autre part, les interventions potentiellement déstabilisantes pour la nappe sont limitées. “En fait, la liaison entre tout ça, c’est que l’eau qu’on récolte dans l’îlot, soit elle s’infiltre directement comme dans n’importe quel terrain... Alors l’eau qu’on récoltait nous et qu’on stockait nous, on a pas le droit de l’infiltrer dans la parcelle parce que les sols sont pollués et que du coup on impactait encore plus la pollution de la nappe. C’est pour ça. Donc on avait une obligation de la rejeter avec un débit maîtrisé et contrôlé. Ça a impacté l’aménagement paysager parce qu’il a fallu qu’on le fasse, maintenant on le fait beaucoup ... On a maintenant plus le droit de rejeter complètement comme on le faisait avant et sans maîtrise du débit les eaux dans le réseau urbain, parce que ça pose de très gros problèmes de traitement d’eau et ça coûte très cher.” A.-S. RIGAL 155

La qualité des eaux est garantie par des réglementations diverses, notamment en cas d’inondation. Ces textes législatifs concernent aussi bien les rejets dans le fleuve, que l’organisation des chantiers, notamment dans le cadre de situations d’urgence. En cas de dépassement du niveau de la nappe, des dispositifs de protection adaptés seraient mis en place selon l’étude d’impact mise à disposition par la métropole, sans préciser lesquels.

Le risque d’inondation concerne donc bien, au-delà des réglementations existantes, un panel de sujets varié, comme la question sanitaire. Sujet saisi à l’échelle du projet, il pourrait impacter de façon très réelle bien qu’indirecte le mode de vie des habitants de la totalité du Grand Lyon, voir au-delà. Le risque d’inondation s’intègre dans un schéma global rizhomique où le danger potentiel met en lien différentes problématiques, à des échelles temporelles et spatiales variables (dégâts instantanés ou impacts sur le long terme, du grand territoire, au porjet urbain ou à l’immeuble de logement.).

154 LEONE J., GRANJEAN Henri (Eau du Grand Lyon), conception graph. MÉDIACITÉ, 2015. « L’eau de la métropole de Lyon ». Page 4. 155 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 2.

76


C.2. À l’échelle architecturale chantiers et économie de projet

:

organisation

des

On peut voir que le risque d’inondation génère aussi des contraintes spécifiques à l’échelle hyper-locale, lors du déroulement de chantiers sur des lieux potentiellement en danger, par exemple au niveau organisationnel. La phase de chantier risque nécessairement d’engendrer une pollution et des dégâts des sols notables, notamment à cause de l’érosion de sols nus non protégés par ruissellement. La probabilité de production de pollution accidentelle augmente aussi de façon conséquente à cause des risques de déversements de produits de chantier. Des mesures sont donc mises en place pour limiter ces risques de dégradation qui pourraient, si trop dangereux, requestionner des aménagements importants (en terme de volumétrie, de pollution et de coût financier) du projet156. Des précautions sont particulièrement prises côté Saône dans la cas de La Confluence. “Après on fait aussi prendre aux entreprises pendant les suivis de chantier des mesures de protection pour ne pas avoir de conséquences sur l’eau. Donc là, pendant le chantier Rives de Saône, on a un suivi par Artelia, qui fait un suivi de chantier pour s’assurer que le chantier est bien conforme aux exigences du dossier Lois sur l’eau en terme de protection de l’environnement, et donc surtout, là pour le coup il y a une notion de risque, c’est la proximité du chantier avec la Saône qui génère des mesures de protection supplémentaires anti-pollution. Il y a aussi eu des identifications d’espèces protégées (nénuphars). Ce qui fait qu’on demande aux entreprises de respecter ces plans de protection et de mettre en place des mesures nécessaires. Bacs anti-pollution, s’ils doivent faire décanter des produits, il ne faut pas qu’il y ai des fuites et que ça tombe dans la Saône. Et donc ça, c’est des mesures qui sont vraiment liées. Donc en cas crue, alerte ! Il faut que tout soit rapatrié sur les quai haut. Les engins ... Non seulement ils ne peuvent pas travailler parce que ça peut être gênant, mais il faut aussi que tout ce qui est matériel et qui peut pollué soit remonté dans une zone non inondable. Donc il y a des liens directes entre la tenue de chantier et les risques en bord de Saône. Et après la protection des ouvriers aussi, avec des gilets et des bouées de sauvetage à disposition. […] Je me rend compte que la tenue du chantier est aussi impactée. D’ailleurs dans le CCAP, on met que l’entreprise doit se référer à Vigicrues et qu’ils doivent réagir en cas d’alerte. Ils ne peuvent pas nous dire qu’ils n’étaient pas informés qu’il y avait une crue. On leur demande, nous dans le contrat qu’on passe avec eux, on leur impose de se tenir informer sur les messages d’alerte.” M.-P. COASSY157 “il y a un sujet sur l’inondation : c’est le parking.” A.-S. RIGAL158

Concernant l’architecture elle-même, ce sont les risques d’inondation non plus directs mais indirects qui sont les plus impactants. Comme on l’a vu plus haut, le niveau moyen de la nappe phréatique est proche du niveau moyen du terrain assez plane du projet. Il se localise aujourd’hui à seulement 5 mètres environ du sol159. Par conséquent, des niveaux de protection sont 156 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 67. 157 Entretien avec M.-P. COASSY. Page 15. 158 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 4. 159 On sait que les niveaux de nappes évoluent localement en lien avec les fleuves, mais aussi que leur niveau moyen peut beaucoup changer sur le long terme en fonction notamment de l’exploitation humaine et du climat. BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. « Pour saluer le Rhône ». 400 pages.

77


donnés par le maître d’ouvrage, qui concernent les sous-sols des projets architecturaux. “le niveau de protection souhaité par le maître d’ouvrage est celui de la crue décennale au niveau d’eau de 163,60 NGF. Par conséquent, les buses de décompression seront installées dans les murs périphériques au niveau 163,60 NGF. Au-delà de ce niveau, le sous-sol sera inondé. L’infrastructure est rendue étanche jusqu’au niveau 163,60 par des dispositions “relativement étanches” au sens du DTU.” A.-S. RIGAL 160

On remarque d’abord que le bâtiment doit être relativement étanche, c’est-à-dire qu’il n’existe pas d’étanchéité réelle des parties enterrées, celle-ci dépendant seulement du système constructif en béton. Selon l’architecte, on tolère un ruissellement d’eau faible dans les parkings, ce qui peut être contraignant du point de vue de l’usage (caves). De plus, des aménagements spécifiques (canalisations, cunettes intérieures, pisserottes) doivent mettre mis en place, ce qui a un coût dans les projets. Localisées à 1.5 mètre de haut, les pisserottes sont considérées comme un dispositif de sécurité. Elles permettent une inondation des parkings au-delà du niveau de crue communiqué, une contrainte acceptée pour des raisons financières et structurelles. Enfin, une construction qui descend au raz de la nappe phréatique évite de devoir réaliser des systèmes de pompage. De fait, le cahier des charges des ZACs communiqué par la SPL interdit aux bâtiments de descendre au-dessous du niveau -1. Sauf que la législation vient en fait seulement réaffirmer une décision initialement prise pour des raisons économiques (coût d’un cuvelage)161. “ça coûte très très cher. On pourrait être en utopie en disant ‘On autorise les constructions de sous-sol qui ne descendent que au droit des immeubles’ et pas en débord pour avoir de la pleine terre et pouvoir planter en pleine terre autour des immeubles. Donc si un immeuble avait un bilan économique suffisamment confortable pour faire 3 niveaux de sous-sols, il pourrait. Seulement dans la nappe, ça coûte tellement cher que ça n’est pas possible au final. On s’en tient au premier niveau de sous-sol et après on concentre les efforts financiers sur les parkings mutualisés [financés par le domaine public][…] c’est que le coût de construction dans la nappe est tellement élevé qu’en fait l’opération ne peut pas le prendre en charge. Chaque immeuble ne peut pas se payer de coûts de construction aussi élevés pour faire des parkings en sous-sol.” M.-P. COASSY. 162

La mesure économique intervient bien ici, donnant une nouvelle dimension au risque d’inondation, qui engendre des prises de décisions particulières. Au-delà d’être considéré comme une contrainte parmi tant d’autres, il peut devenir un point bloquant pour le développement du projet de part son impact sur l’équilibre financier de celui-ci.

160 Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 4. 161 “Sur un précédent projet, on l’a calculé. On avait à peu près 50 000 € pour 30 places. Là j’en ai 135, donc il faut faire le ratio. Je sais pas, je pense que c’est entre 2 et 300 000 € de cuvelage, ce qui est important. » Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 3. 162 Entretien avec M.-P. COASSY. Page 5.

78


Figure 37. Le niveau de la nappe phréatique par rapport aux parkings. MDP et HERZOG & DE MEURON, 2012. “Lyon Confluence II - Cahier des charges urbanistique et architectural - îlot A3 - Août 2012”. Page 104.

Grâce à l’importance de l’eau et des fleuves au sein de La Confluence, le risque d’inondation est une dimension incontournable du projet qui augmente la vulnérabilité du site par son développement. La promotion territoriale fait donc émerger la question du risque, même si en pratique ces deux notions sont opposées pour les collectivités. Il rassemble donc bien différents dimensions au sein du projet urbain. D’une spatialisation se jouant des définitions administratives, le risque peut être fortement impactant à diverses échelles pouvant aller au-delà de l’aménagement territorial défini. Le panel de contraintes engendré, très varié dans le temps et l’espace, concerne aussi bien les aménageurs que les instances publiques de toutes tailles, les architectes, les promoteurs et les services sanitaires. Du fait des enjeux d’image, de développement et d’attractivité du projet, l’ensemble de ces acteurs s’investissent fortement temporellement et financièrement pour dépasser ces contraintes. Malgré tout, la justification des décisions prises n’est pas parfois pas en lien avec des préoccupations environnementales et/ou sécuritaires portées par des réglementations, mais avec des prétextes économiques allant le même sens (réalité économique du risque). La prise en compte du risque reste donc relative puis que n’étant qu’une donnée parmi tant d’autres, en dépit d’une réalité scientifiquement prouvée. On verra dans la troisième et dernière partie en quoi le risque peut être, au-delà de sa connotation contraignante initiale, une potentialité dans le projet. 79


w

80

III.


Le risque entre négociations et potentialités

Alors que le risque d’inondation a été historiquement perçu comme un mal nécessaire puis combattu du fait de l’exploitation des fleuves ou du développement urbain, sa connotation négative est aujourd’hui en train d’évoluer. D’une part, le risque est une notion changeante qui est un sujet d’actualité du fait des défis environnementaux émergeants (instabilité climatique, raréfaction des ressources …). D’autre part, il est porté par une vague politique centrée sur le développement durable, bien que le rapport établi entre les deux notions soit questionnable. Le risque est donc de nos jours un sujet récurrent au sein des politiques territoriales. On revient donc dans cette introduction sur la notion de territoire. On s’appuierra sur la définition de Thierry COANUS qui explique le territoire comme un espace spécifique avec des usages sociaux163. Cette spécificité, appliquée au risque, peut être caractérisée par des frontières formalisées ou bornes, telles que des délimitations administratives instituées ou un zonage représentatif de l’étendue supposée/probable/observée d’un aléa. Ces limites peuvent aussi prendre la forme d’une appropriation ou d’une identification sociale, matérielle et symbolique, alors plus complexe à établir de manière distincte. On peut par exemple se référer à l’espace pratiqué par un habitant qui marchera au bord des berges, ou encore habitera sur une péniche. “La notion de territoire peut même devenir un véritable enjeu social : portée par des agents qui cherchent à faire prévaloir “leur” vision du territoire, elle peut se trouver prise dans une lutte concurrentielle pour le contrôle de la définition légitime de ce dernier.” Thierry COANUS164

Le territoire étant construit notamment grâce à son usage, il est par conséquent en constante évolution. On peut en conclure que comme les différents acteurs concernés par le risque ont un rapport différent au territoire, ils ont une perception différente des dangers potentiels appliqués à leur lieu d’usage, qui pourraient impacter ce territoire, et potentiellement le modifier. “tous les risques ont une dimension spatiale et qu’ils contribuent à modifier les qualités intrinsèques des teritoires.” Mathilde GRALEPOIS165 163 164 165

COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 435. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 435. GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 10.

81


Par conséquent, au-delà des postures naturalistes, objectivistes ou constructivistes des différents acteurs concernés par le risque, ceux-ci peuvent en avoir une perception fondamentalement différente dans ses aspects, même si sa nature reste constante. Par exemple, un usager lambda n’aura pas conscience des problématiques engendrées par une inondation potentielle pour un directeur de chantier, pourtant ils en comprendront tout les deux la définition initiale liée au débordement fluvial. Il est donc possible d’avoir de deux visions/perceptions d’un même territoire (usage, préoccupations, priorisation d’enjeux... différents) qui sont tout aussi justes bien que parfois antagonistes. Ceci entraîne notamment une remise en cause des méthodes de production de la connaissances (incertitudes scientifiques)166. Ceci génère deux questionnements. D’une part, comment des acteurs comprenant partiellement les mêmes notions peuvent-ils être amenés à collaborer de façon efficace ? D’autre part, comment intégrer la totalité des problématiques soulevées sachant que ces acteurs n’ont pas la même influence ou le même poids ? On verra dans cette dernière partie en quoi le risque tel qu’on le connaît peut être remis en cause du fait des négociations entre ses acteurs, et en quoi l’évolution de sa perception est symptomatique d’un changement de notre rapport à notre territoire.

A. Remise en cause de la pertinence du risque actuel

A.1. Apport théorique : hiérarchie et tensions entre les acteurs du risque

On catégorise le risque selon 3 axes principaux dans sa mise en relation avec le territoire : Selon les écrits de T. COANUS, on peut parler de territoire-aléa, c’est-à-dire d’un espace borné représentatif de l’étendue d’un phénomène observé et/ou projeté, de territoire-gestion qui inclut les acteurs institutionnels et organisationnels tels que la SPL par exemple; et enfin de territoire-social. Cette dernière notion place le territoire en perspective des groupes sociaux qui participent à sa définition. Les 3 axes définis plus haut participent à produire une vision spécifique de l’espace. Par exemple, les acteurs concernés par une perception territoriale de type “territoire-aléa” seront de la sphère scientifique. De ce fait, ils auront une définition naturaliste du risque167. Ce sont ces différents rapports au territoire, et donc par conséquent au risque, qui sont initiallement vecteurs de conflit. Ils engendrent aussi une hiérarchisation des acteurs du fait de l’évaluation de la pertinence et de la justesse des informations et des décisions communiquées. 166 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 12. 167 COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 437.

82


Figure 38. Les rapports entre les acteurs du risque à Lyon, de l’échelle nationale à l’échelle locale Production personnelle.

83


De fait, le mode de production scientifique du territoire-aléa constitue un processus reconnu pour la production de données fiable. S’il est partiellement remis en cause de façon épisodique (incertitudes, arbitrage de la pertinence des données obtenues par simulation, panel de variables intégrées insuffisemment large …), les limites spatiales définies sont toutefois perçues comme légitimes dans la très grande majorité des cas. Dans le processus de production de l’urbain, ces informations dites “expertes” sont ensuite transmises à des acteurs de type territoire-gestion. Ceux-ci sont les vrais producteurs d’une spatialité qu’ils définissent par rapport aux données scientifques communiquées, simplifiées du fait d’un manque de compréhension de la part des gestionnaires du risque lors de leurs utilisation. Par conséquent, on peut dire que les décideurs-organisateurs sont partiellement sachants et s’appuient sur les études d’experts scientiquement reconnus pour prendre des décisions impactant l’urbain. Pourtant sont observées des dissociations entre des conclusions s’appuyant sur des visions de type territoire-aléa et de type territoire-gestion168. Cette non concordance est due à une variation et une hiérarchisation des problématiques considérées. La découpe des territoires doit en effet être mutualisée en vu de gérer et d’organiser celui-ci, au-delà de considérations purement scientifiques. On a donc une sorte de rapport de force qui est établi entre les producteurs et les exploitants de l’information, en lien avec une hiérarchie particulière : celui considéré comme (empiriquement) le moins sachant est paradoxalement décideur, notamment du fait d’une perception territoriale plus globale. De même entre acteurs de types territoire-gestion et territoire-social. Un habitant dont la famille vivrait depuis des générations sur le territoire, bien que profane, aurait une connaissance profonde de celui-ci à travers une réalité perçue. Pourtant, ce type d’acteur est peu reconnu puisque questionnable dans l’absolu du fait de son manque de rigueur/empirisme scientifique. À l’inverse, la sphère institutionnelle est elle considérée experte dans son aire d’expertise territoriale malgré son apporche moins locale pouvant être influencée par des enjeux économiques, sociaux ou encore politiques indirectement liés. La perception territoriale de l’habitant est donc dépréciée par rapport à des visions scientifico-institutionnelles parce que impressionnable et influencée par des enjeux hors-thématique personnels. Pourtant les gestionnaires se trouvent souvent dans des configurations similaires. Si des méthodes d’investigation valorisées dans le monde scientifique basées sur des observations sur site sur une longue période de temps sont de plus en plus reconnues, les locaux restent malgré tout peu inclus dans le processus de définition et de décision sur leur territoire169. On a alors aussi dans ce cas un rapport déséquilibré basé sur une hiérarchie des savoirs considérés. “Il n’y a pas de risque en soi, il n’y a que des risques rapportés à un acteur singulier ou collectif.” Thierry COANUS170

Le risque est donc lié à la perception spécifique d’un acteur au sein d’une pluralité de protagonistes hiérachisés. On a des visions multiples et variées du risque en fonction des acteurs, selon leur type (rapport au territoire) mais aussi au sein de ceux-ci. Différentes institutions peuvent par exemple avoir un rapport au risque divergent du fait d’échelles d’intervention variables. Par exemple, les services régaliens sont principalement concernés par la vulnérabilité 168 169 170

84

COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 439. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 439. COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 440.


des territoires et la sécurité des habitants, tandis que les collectivités se focalisent le développement des territoires et leur attractivité171. “Ne sont plus seulement inclues les instances politiques reconnues mais aussi des acteurs économiques privés, des experts externes (bureaux d’études), des partenaires commerciaux … dans une gouvernance dite multi-niveaux. On a donc des méthodologies, cultures professionnelles, compétences, domaines d’expertise, temporalités, enjeux institutionnels et/ou écononomiques hétérogènes” Mathilde GRALEPOIS172

Cette “hiérarchie des savoirs implicite” engendre des tensions et des conflits qui viennent à la fois complexifier le travail mené par les échellons dits “hauts” (instutions sociales dominantes), en terme d’actions ou de recherche, tout en limitant l’appropriation ou la compréhension du danger par les locaux du fait de communications peu fructueuses. Les rapports de force qui en découlent sont un obstacle pour la bonne gestion des risques sur le territoire. Pourtant, il semble y avoir un intérêt à réunir les différents champs. Par exemple, la mutualisation de données technico-scientifiques et d’informations socio-historiques dans la définition du territoire-aléa participerait à permettre de prendre en compte la globalité des dimensions de ce que l’on nomme le risque. Du fait du statut urbanistique particulier aujourd’hui accordé à l’eau, celle-ci devient via les nouvelles politiques le support des constructions ou des évolutions territoriales. Cette thématique privilégiée met en scène les rapports de force entre les différents acteurs. Par conséquent, l’étude de territoires comme La Confluence permet d’observer une très grande diversité des échelles et des groupes mis en relation via cette ressource primordiale, et de fait une diversité des pratiques et des rapports, et donc des visions et des discours engendrés173. On peut observer une série de modes communicatifs, de la négociation (Etat-collectivité locale/ Grand Lyon-communes) à l’imposition (Quid des anciens habitants marginalisés ?). “La multiplicité des acteurs institutionnels impliqués dans la gestion ordinaire des risques (collectivités locales, services de l’état, acteurs économiques) induit une complexité […] qui prend très souvent la forme d’un processus de négociation, suffisamment autonome pour paraître s’éloigner de la rigueur scientifique et technique pourtant affichée […]. la présence de projets de développement (économique, touristique, etc.) portés par les collectivités locales et les acteurs économiques, conduit généralement à une alternance d’avancées et de blocages, au cours desquels le problème à gérer peut se reconfigurer plusieurs fois, jusqu’à obtention (ou non) d’un compromis. Le territoire du risque peut même se révéler plus plastique que prévu” Thierry COANUS174

Au-delà de leurs objectifs particuliers, l’ensemble des acteurs cherche à maintenir le statut quo au sein des rapports de force établis. Les tensions et les conflits entre les différents protagonistes concernés sont souvent symptomatiques d’une crispation globale des acteurs pour conserver leur statut175. Les interractions autour du risque sont donc un support de légitimisation des différents acteurs (notamment dans leur rapport à leur territoire).

171 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 43. 172 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 16. 173 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 3. 174 COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 439. 175 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 57.

85


A.2. Un rapport au risque non objectif gouverné par des visées politiques

“il peut être dangereux de réduire les inondations à des questions techniques et à des données hydrologiques, alors qu’elles sont inextricablement liées à une quantité de décisions administratives et de processus collectifs, qui forment autant d’interconnexions entre les territoires et les risques qui les constituent.” Valérie NOVEMBER, Directrice de recherche au CNRS, Laboratoire “Techniques, territoires et sociétés”176

Si le risque d’inondation est existant, il est, comme on a pu le voir, contesté car offert à diverses interprétations. Celles-ci dépendent de la perception de l’acteur concerné (formation, informations à disposition, type d’enjeux propre …), mais aussi de la remise en cause des documents informatifs communiqués et de leur mode de production, aboutissant à des discussions selon des dynamiques construites à travers des rapports d’influence en vu de trouver des accords et/ou des compromis. Les PPRN sont représentatifs de ces jeux de rapport de force. Ils sont produits sur une certaine durée par des institutions intervant à différentes échelles (services délocalisés de l’État et collectivités locales). De la récolte des informations à l’envoi final des documents passe environ 5 ans. Les PPRI sont donc obsolètes dès leur publication au vu de la rapidité d’évolution des conditions des sites étudiés, à la fois climatiques et anthropocènes, sans parler du fait qu’ils ne sont pas reconduits chaque année. Le PPRI concernant la Confluence a par exemple pu être remis en cause de ce fait par les acteurs “locaux” (échelle régionale) du projet. Au-delà de cette incohérence temporelle se pose la question collaborative. Les PPRI sont produits suite à l’envoi par les collectivités des enjeux identifiés, qui sont alors pondérés par les services étatiques selon l’aléa antérieurement défini. L’État possède par ce biais un certain contrôle sur l’urbanisme à l’échelle locale puisque les PPRI supplantent les PLU177. Cette prise de pouvoir des échelons supérieurs sur l’urbanisme et les visées d’aménagement des collectivités locales entraîne un manque de cohérence certain dans le suivi et le bon déroulé des projets en cas d’absence d’appuis politiques conséquents pour les communes, et une limitation de l’autonomie et du suivi local. Cette emprise est d’ailleurs fortement critiquée par les plus petites instances, engendrant de nombreuses frictions. Or ce rapport de force s’est inversé dans le cas de Lyon. Les dynamiques État/collectivités locales se traduisent par un rapport de force initié par l’outillage technique disponible. Ceux-ci viennent alimenter le discours des instances pour orienter le débat global dans une direction favorable aux enjeux politico-institutionnels qui ont été définis178. En conséquence, les informations obtenues ne sont pas des soutiens objectifs pour des actions politiques portées, mais en sont à l’origine179. Sont par exemple dans ce cas les PPRI.

176 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 12. 177 Les PPRI sont des réglementations juridiques de l’occupation des sols, produites par l’État. Les PLU sont des documents juridiques produits par les les collectivités en amont des PPRI, en temps que sevitude d’utilité publique. 178 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 14. 179 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Pages 14 et 20.

86


En effet, il existe une période de négociation dans la phase de production de ces documents, entre l’État et les collectivités. “les négociations des périmètres de prévention du risque d’inondation dépassent la seule modification du tracé des périmètres : elles reflètent la confrontation entre les logiques de maintien du rôle d’expertise technique de l’état et la revendication du pouvoir local des collectivités.” Mathilde GRALEPOIS180

Du fait de l’influence politique et des moyens (humains, financiers) grandissants à disposition grâce à une mobilisation de la communauté urbaine de Lyon , le Grand Lyon est à même de commissioner ses propres études et donc de remettre en cause les cartographies de l’État. Ce cas très particulier de boulversement du rapport de force établi engendre des tensions. La communauté urbaine développe de fait une expertise qui, liée à son influence, aboutit à une autorité qui supplante celle des services régaliens en la délégitimisant.

“ces choix techniques ont des implications politiques et territoriales lors de la réalisation des cartographies des périmètres de risques.” Mathilde GRALEPOIS181

Les PPRI doivent en effet être votés par les municipalités, puis sont consultatifs par les habitants dans les mairies. Si la consultation, purement informative, est finalement peu intéressante sur la question de la perception et de la définition du risque, la concertation, elle, engendre de multiples débats avec la confrontation de deux logiques disctinctes (développement/ sécurité) selon deux perceptions différentes du territoire et des risques associés. Cette concertation entraîne des phases de contestations aboutissant à des modifications plus ou moins importantes des tracés renégociés. Cette contestation est tout d’abord technique. Elle a trait à la définition des aléas et à la production des périmètres de risques. Le Grand Lyon a par exemple dans ce cas de figure fait appel à une expertise privée en vu de contrebalancer les documents nationaux. Ceux-ci sont supposés garants de la validité du processus de production des données et donc des informations communiquées dans les PPRI, qui sont initiallement considérés objectifs, neutres, justes. Sauf que le procédé ne l’est pas puisqu’il nécessite une prise de position sur des données scientifiques. Cette interprétation est par exemple utilisée pour remettre en cause la légitimité des documents. Ces questionnements ont renforcés une externalisation progressive des études par le Grand Lyon. A noter que selon la SPL, c’est surtout du fait d’un aspect pratique que des études sont reconduites, en vu d’avoir une synthèse unique claire produite par un seul bureau d’étude. “elles [les études] ont été commissionnées. On fait faire des missions à des bureaux d’études, spécialisés en études d’impact, pour constituer l’ensemble des données nécessaires au projet. Mais des études sont aussi réalisées par l’état ... Est ce que vous les utilisez ou vous ne préférez pas ? C’est pas qu’on ne préfère pas, c’est qu’en fait nous on missionne un bureau d’étude qui , lui, fait toutes les recherches de tout ce qui existe pour que l’on puisse tout compiler, qu’on ai tout. Donc oui, le BRGM, toutes les études conduites par le BRGM sont prises comme matière première et comme sources d’informations bien évidemment. 180 181

GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 43. GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 40.

87


Et après essayer de compiler pour nous faire un sorte de synthèse. Mais même la synthèse n’est pas très ... elle est très lourde. Et après en général, on va aux résumés non techniques pour savoir de quoi on parle.” Marie-Paul COASSY182

La contestation est dans un second temps liée au développement. Si l’État prône une équité de développement global entre les différents territoires pour maintenir une cohérence relative entre ceux-ci, on peut tout à fait imaginer que le projet de La Confluence est un cas de figure à part. De plus, ce type de contestation permet de façon relativement évidente de mettre en lumière la prise de pouvoir politique du Grand Lyon par rapport au territoire national. Ceci remet de plus en cause la déstabilisation engendrée par des décisions étatiques. “la déstabilisation entraînée par les contraintes des nouvelles zones à risques : gel du développement économique et urbain, appauvrissement des périmètres stigmatiséscomme dangereux, déstabilisation de la confance démocratique des citoyens” Mathilde GRALEPOIS183

Cette contestation est notamment possible du fait de la réduction de moyens (humains et budget) des services déconcentrés de l’État. Celle-ci constitue aussi en soi un problème puisqu’une réduction de l’expertise territoriale produit conséquemment une diminution de la visibilité du risque sur le territoire. Le Grand Lyon met par exemple en place des stratégies d’élargissement du problème, focalisé initiallement sur une zone unique. La problématique d’inondation est ensuite appliquée à la totalité de la communauté urbaine en prévision de négiociations ultérieures. Les services régaliens sont alors dans l’impossibilité de traiter dans les temps de telles surfaces, travail que peut effectuer la collectivité grâce à la mobilisation de moyens conséquents. Des jeux de transactions sont ensuite réalisés sur certaines zones de la communauté urbaine en vu de trouver un équilibrage constructible-non constructible. Ces transactions sont représentatives du boulversement des rapports de force politiques, mais illustrent aussi les problèmes d’influence des municipalités internes au sein de la communauté urbaine, dont les priorités supplantent finalement le développement hyper-local. La même problématique se pose pour les permis de construire. Ceux-ci doivent être délivrés plus rapidemment par les services municipaux, sous la limite d’un mois. Cela réduit le temps d’arbitrage et de recherches/études complémentaires nécessaire en cas de contestation. Peuvent être concernées des zones inondables en phase d’étude ou encore reconnues comme à risques par les habitants tout en n’étant pas encore intégrées dans le dossier fourni par l’état. Dans les deux cas, les territoires sont reconnus comme étant à risques mais leurs statut est contesté comme n’étant pas soumis à une réglementation établie, en rapport avec des enjeux autres pouvant être économiques, politiques, sociaux … On observe aussi un décalage entre les informations fournies par l’État sur l’espace et la perception/représentation/connaissance de ce territoire par les locaux. Ces décalages sont caractéristiques d’un manque de visibilité de l’État sur la complexité des enjeux locaux, d’une variable temporelle incompressible de la production à l’application des informations recueillies pour constituer les dossiers, et d’une interprétation locale, pouvant ne pas être en phase avec des risques naturels marquant finalement le territoire à une beaucoup plus grande échelle184. Par conséquent, le Grand Lyon a la possibilité de négocier les zones inondables par pondération sur une plus grande échelle. Une zone inondable nécessaire serait par exemple négociée, 182 Entretien avec M.-P. COASSY. Page 4. 183 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 43. 184 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 44.

88


et en “échange” une autre zone dite sensible serait alors qualifiée d’inondable. Serait en cause, particulièrement dans le cas de La Confluence, de très forts enjeux sur la constructibilité des territoires et les contraintes attachées, via un sujet initial positif lié au développement durable, entre économie, société et environnement.

On peut voir que le projet et les problématiques qui lui sont inhérentes sont au final objectivisés à des visées politiques, selon des rapports de force où chaque acteur essaye de conserver/renforcer sa légitimité. L’État, pour contrebalancer sa perte d’influence, insiste par exemple sur sa démarche neutre, objective … ce qu’elle n’est pas. Le Grand Lyon “réajuste” les PPRN en vu de développer son territoire selon des objectifs prédéfinis, ce qui pose de grandes questions en terme de viabilité de projet, et peut être même d’éthique. Les communes tentent quand à elles d’obtenir un statut particulier. Enfin, le rôle d’artitrage des maires est contestable. Grâce à un pouvir décisionnaire réglementaire, à la fois pour l’accord ou ou bien le refus de permis, ceux-ci ont une forte responsabilité sur l’évolution du terrritoire. Malgré tout, cette grosse marge de manoeuvre leur permet aussi de favoriser des objectifs politico-personnels185. “Dans les discours publics, les périmètres d’inondation sont présentés comme le résultat d’un processus décisionnel scientifique et hiérarchisé, c’est-à-dire exact et neutre dans la nature des résultats. Alors qu’en réalité, les zones d’aléa sont des variables de transaction pour défendre des espaces constructibleset des rapports de force politiques.” Mathilde GRALEPOIS186

La dimension du poids politique d’un territoire est en effet majeure dans la gestion des risques : on parle d’espaces protégés ou de zones sacrifiées (chanmps d’expansion des crues). Une influence politique suffisante est donc primoridale lors de l’élaboration de projets d’aménagement du territoire et/ou de mesures (positionnement du site dans le spectre régional, budgétarisation …)187. En conclusion, on peut se demander si des terrains indispensables pour le développement du projet de La Confluence mais trop contraints (du fait d’un statut “trop risqué pour ...”) auraient pu être négociés. Au vu des enjeux politiques et de développement identifiés plus haut, il semble en effet problable que le Grand Lyon est échangé sur le résultat des études, qui sont finalement le produit d’une interprétation de data scientifique appliqué à des enjeux territoriaux potentiellement renégociés, donc clairement non objectifs. De plus, qu’en est-il de Gérard Collob qui a fait de la promotion urbaine lyonnaise à l’échelle européenne son cheval de bataille, lorsque l’une de ses missions est l’information et la communication sur les risques d’inondations aux habitants ?

185 DOUVINET Johnny, et al., 2011. « Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (Ppri) ». Pages 31-46. 186 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 49. 187 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 10.

89


B. Le risque utile pour le projet urbain

Entre négation et objectivation, on a pu voir que le risque est une notion subjective parfois utilisée par les multiples acteurs concernés afin de justifier ou de favoriser des décisions. Ceci traduit un changement de posture important dans la relation anthropocène au territoire et à ses composantes. Le risque gagne en dimensions, pour n’être plus seulement un élément de contrainte (physique ou psychologique), mais aussi un atout, un argument à développer pour le projet urbain. On verra, à travers différents sujets, en quoi le risque peut être utile pour l’élaboration et la réalisation de l’aménagement urbain.

B.1. Le risque d’inondation comme outil législatif ?

S’il peut être perçu comme une monnaie d’échange lors de tractations internes aux services administrateurs, le risque d’inondation est pourtant aussi un argument de poids dans les projets urbains. Une fois établi par les PPRI, il est paradoxalement peu contestable et permet d’appuyer des intentions de projet au niveau législatif. Selon le choix effectué, le zonage de l’aléa d’inondation initial est plus ou moins important, et donc plus ou moins contraignant au niveau local, ce qui impacte les décisions prises. Initiallement, un choix est fait lors la définition même du risque en place, puisqu’on peut choisir d’utiliser soit les données en lien avec la crue la plus importante recensée (données historiques), soit la plus importante prévue (prévision statistique). On peut s’interroger sur la sélection des critères de définition de l’aléa qui engendrent des scénarios projectifs plus ou moins positifs, plus ou moins incertains, et qui varient notamment en fonction de la posture adoptée par rapport aux ouvrages de sécurité ou à l’évolution climatique (taux de précipitations par exemple)188. Par exemple, les PPRN favorisent à Lyon le prolongement des berges du Rhône. L’objectif des réglementations est en effet d’éviter une augmentation de la vulnérabilité des sites pour limiter les dégâts lors de débordements. Les berges servent ici de marge de sécurité quotidienne comme champ d’expansion de proximité, permettant une fluidification de l’évacuation de l’eau en cas d’épisode de crue mineur. Les documents de protection/contrôle du risque constiuent de plus une garantie de maîtrise du développement des bordures fluviales pour l’État et les collectivités. Les travaux d’infrastructures publics et portuaires, les installations et structures agricoles légères, les espaces de plein air et les aménagements publics légers peuvent être réalisés sous certaines conditions, En cas de nouvelle construction/extension/surélévation/reconstruction, les bâtiments doivent être en conformité avec les prescriptions du PPRN. Le document constitue une liste de mesures à respecter en vu de résister ou de limiter l’augmentation des aléas d’inondations selon les risques établis. Il concerne à la fois la structure primaire des ouvrages (fondations, résistance etc) mais aussi leur étanchéité et la mise en œuvre de leurs réseaux (protection 188

90

GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Page 38.


thermique hydrophobe des réseaux de chaleur, canalisations d’évacuations des eaux usées équipées de clapets anti-retour, étanchéité des câbles et branchements sous la côte centennale etc)189. Enfin, les restrictions d’usage sont aussi fournies pour les bâtiments existants en fonction de la zone dans laquelle ils se trouvent et selon le niveau de crue de référence choisi. Par exemple, le changement de destination d’un bâtiment préexistant localisé en zone urbanisée B1 n’est pas contestable si celui-ci est localisé au-dessus de la côte centennale « qu’à la condition qu’ils ne soient pas à l’origine d’une aggravation de la vulnérabilité. »190. Dans la zone qualifiée B2 en bordure de Saône « sont autorisés tous les travaux, constructions, installations relatifs à des projets nouveaux ou à des biens existants sous réserve » de prise en compte des effets dits « prévisibles » de la crue exceptionnelle de référence, dans leur conception et fonctionnement, de façon à pouvoir continuer à être opérationnel jusqu’à ce niveau d’aléas191. Il est donc notable que les PPR peuvent être utilisés comme des leviers législatifs pour la mise en œuvre de gros projets. Les bâtiments anciennement existants dans la zone B2 n’étant pas aux normes actuelles et donc ne pouvant être utilisés, ils ont pu facilement être détruits de manière à libérer des terrains à très forte valeur immobilière rachetés par le Grand Lyon (politique d’acquisition foncière intensive … fortuite ?) pour de nouveaux projets architecturaux. En ce sens, le risque d’inondation constitue via ses représentations réglementaires un outil incontestable pour faire évoluer l’urbain à travers l’évolution normative.

B.2. L’eau comme ressource dans le projet architectural

Figure 39. Le rapport société/eau BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 3.

189 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 14. 190 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 17. 191 COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Page 18.

91


Notre rapport à l’eau en temps qu’individu mais aussi en temps que civilisation est parfois ambigü. Selon F. Blot, l’eau peut être concomittement définie comme « un bien commun, un bien libre, un bien public mondial, une ressource naturelle, ou encore un patrimoine commun. »192. L’eau suggère donc un panel extrêment large et varié de sujets, rapportant un ensemble de notions qui ne rendent chacun que partiellement compte des « variétés de perceptions et d’usages de l’eau. », celles-ci pouvant même parfois être fondamentalement contradictoires193. Cette notion centrale omniprésente dans les nouvelles politiques est souvent désignée par le terme simplifié de « ressource en eau », impliquant de ce fait que cette ressource est « donnée », « standard », « générique ». La constance de la disponibilité de l’eau, particulièrement de l’eau douce, est un thème repris constamment depuis l’émergence des thématiques liées au développement durable et à l’épuisement des ressources. On peut prendre comme exemple la nappe phréatique lyonnaise, perçue comme une ressource dont la disponibilité dépend en fait de son taux de pollution194. Pourtant les postures évoluent. Aujourd’hui, au lieu de percevoir la nappe comme une ressource en eau potable à protéger, ou comme un vecteur de risque d’inondation contraignant l’architecture et l’urbain, les promoteurs vont plus loin dans leur démarche. La nappe phréatique est par exemple considérée comme un élément à fort potentiel (économique) dans les projets à La Confluence. Une possibilité d’y puiser de l’eau permet notamment de mettre en place un système de refroidissement non dépendant de la climatisation dans les immeubles, en lien avec les injonctions de constructions durables émises par la SPL, et les politiques.

Figure 40. Localisation des points de prélèvements recensés en 2002 SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Page 36.

192 BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Page 3. 193 BIBARD Laurent, 2012. Conférence « Pour une philosophie de l’eau ». 9 pages. 194 Entretien avec M.-P. COASSY.

92


Selon l’étude du BRGM, on estime par exemple que 38% des 106 captages d’eau souterraine recensés prélèvent de l’eau pour les pompes à chaleur, soit 66,31 millions de mètres cubes journaliers. Selon les documents, la plus grande partie des prélèvements pour pompes à chaleur sont ensuite rendus à la nappe. Une part minime est restituée en superficel ou dans les égoûts. Ces stratégies foncièrement économiques aboutissent par contre à de nouveaux questionnements. D’une part, sur l’impact que peuvent avoir les prélèvements d’eau sur les pollutions statiques de la nappe. Le puisage crée un effet de courant qui risque de les déranger et donc éventuellement de remettre en cause la potabilité de l’eau. D’autre part, la température de la ressource souterraine. Une augmentation de celle-ci engendre un fort problème écologique qui risque d’avoir de très gros impacts sur les écosustèmes en place. Enfin, la mise en place de points de captage revient aussi à produire des obstacles à l’écoulement global de l’eau, et donc à favoriser le risque d’inondation. “Après, on a aussi une problématique de température de nappe. Plus la nappe est impactée par des constructions, plus on ... Après nous on a eu des très gros sujets de discussion sur la production de chaleur de l’îlot, qui était aussi liée à la température de nappe, et savoir si on pouvait refroidir, rejeter du chaud ou pas, et cetera. Il y a beaucoup d’enjeux sur cette nappe-là. Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que plus elle est impactée par les bâtis, moins elle a de place, donc moins elle refroidit, et plus elle est chaude.” A.-S. RIGAL195

“La nappe est même perçue pour certains comme un point fort. Très vite, il y a des propositions pompage dans la nappe pour faire du rafraîchissement. On a eu plutôt tendance parfois à être obligés de calmer un peu les ardeurs sur l’utilisation de la nappe comme étant une ressource à exploiter. Pourquoi les avez-vous découragé ? Pour des questions de température ? Oui. Et puis c’est pour le cumul en fait. C’est-à-dire que si tous les immeubles voulaient pomper dans la nappe pour faire du rafraîchissement, et bien on réchauffe au fur et à mesure en ré-injectant. On a fait faire des études de cumul d’effets et donc il faut limiter. Les résultats correspondaient à quoi ? Est-ce que c’était excessivement néfaste ? Oui, il y a un cumul. Alors déjà, on a le sens d’écoulement de la nappe. Donc si quelqu’un pompe pour faire du rafraîchissement et réinjecte à une température supérieure dans la nappe, et que celui qui est juste en aval veut faire exactement le même schéma, il part lui-même avec une température d’eau peut-être supérieure, influencée par l’écoulement de la nappe qui a été réchauffée par celui qui est en amont. Il y a un cumul d’effets comme ça. ça, c’est des choses qu’on a faites étudier pour pouvoir dire ‘Oui, vous vous pouvez pomper dans la nappe, non, vous vous ne pouvez pas.’ Donc à un moment, on met des contraintes.” M.-P. COASSY196

195 196

Entretien avec A.-S. RIGAL. Page 2. Entretien avec M.-P. COASSY. Page 11.

93


Figure 41. Réglementations concernant les parkings privés d’îlots MDP et HERZOG & DE MEURON, 2012. “Lyon Confluence II - Cahier des charges urbanistique et architectural - îlot A3 - Août 2012”. Page 64.

94


B.3. Un argument de poids

Enfin on peut dire que le risque est une ressource dans les débats politiques pour appuyer le projet urbain. L’un des exemples le plus flagrant a trait au thème de la mobilité douce. Les nouveaux quartiers de La Confluence sont en effet hyper valorisés en tant que “ville marchable – lieu des nouvelles mobilités douces”197, thématique présente dans l’ensemble des communiqués de la SPL qui valorise énormement la qualité de vie urbaine générée par le projet. On sait que pourtant selon la révision du PLU adoptée en 2010, il est nécessaire d’avoir 1 place de stationnement pour 115 m² SHON soit 0,7 place par logement avec un logement de taille moyenne à 80 m². Pour les 1700 logements prévus dans la phase de ZAC 2 sont donc imposées 1 190 places de stationnement simplement pour les usagers résidentiels. Cette donnée correspond au taux de motorisation moyen observé en ville (par exemple à Lyon 02) lors du déroulement de l’étude d’impact198. Or il faut ajouter à ce nombre les places de parking prévues pour les employés de bureaux, les personnes de passage etc. Ceci entre clairement en contradiction avec plusieurs dimensions du projet. D’une part la capacité de construction de places de parking. En effet, on a limité les constructions en sous-sol au droit des immeubles en vu de pouvoir planter des arbres en pleine terre, dans le but d’avoir une végétation foisonnante, ce qui réduit fortement la surface potentielle d’accueil des parkings. D’autre part la présence de la nappe phréatique peu profonde qui constitue une barrière économique empêchant de creuser au-delà du N-1. Enfin, le statut politiquement fort d’écoquartier du projet qui prône une réduction des transports automobiles individuels, et donc des places de parking (dérogation au PLU standard)199. Au vu des capacités spatiales d’accueil du site selon les contraintes évoquées, il est évident qu’un gros travail de gestion des stationnement a du être mené en vue de garantir une ville agréable pour ses usagers. Le faible nombre de places sur voiries, limité à 250, ainsi que le manque de places souterraines ont été compensés par 2 parkings souterrains mutualisés. Financés par la ville, ceux-ci permettent un fonctionnement flexible rotatif via un partage des places de stationnement par les différents types d’usagers200. On peut donc en conclure que la volonté de limiter les véhicules motorisés en vu d’établir un quartier à mobilité douce est fortement renforcée par des contraintes (environnementales, sécuritaires, économiques) due à la proximité de la nappe phréatique limitant les parkings en sous-sol à un niveau unique. Ces contraintes, non contestables, constituent une base de négociation forte pour appuyer un aspect écologique et qualitatif du projet urbain, qui s’intègre dans les politiques de développement durable tout en augmentant la valeur du foncier, aspect 197 Dossier de Presse juin 2015, page 14. Site de Lyon Confluence. http://www.lyon-confluence.fr/fr/projet-urbain/chiffres-cles.html 198 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 11. 199 Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement de Lyon, 2009. « Le stationnement dans les écoquartiers - Quelques pratiques intéressantes tirées du concours national 2009. ». 6 pages. 200 COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Page 11.

95


économique réaliste fortement valorisable201. “Est ce que cette question de la nappe a été un facilitateur à certains niveaux ? En terme d’argument ça aide aussi oui. On va dire que le projet a pres convictions pour dire qu’on fait de la mobilité douce, qu’on fait tie de ville sans voitures donc on diminue la réglementation du le nombre de places par logement, sur le nombre de places par Vous

l’avez

Alors

diminué je

de ne

combien sais

ses proune parPLU sur bureau... ? plus...

Et ..; en revanche il y a cette volonté-là, et après elle est argumentée en plus par le fait que techniquement et économiquement, on ne peut pas construire de sous-sols. Donc ça pousse tout le monde à trouver des solutions un peu innovantes pour dire ‘Alors, si on ne peut pas construire en sous-sol ... Enfin si on ne peut pas. Si ça coûte trop cher de construire en sous-sol, comment on peut trouver des astuces pour qu’on rentre dans la réglementation?’ Parce que même si la réglementation a diminué le nombre de places, il n’empêche que sur la deuxième phase, on ne peut pas construire le nombre de places suffisant réglementairement parlant, au droit des immeubles. Mais néanmoins, on ne les autorise pas à faire des parkings sous dalle en cœur d’îlot, dans leur propriété privée. Donc à ce moment-là, il a fallu trouver une façon de bâtir le parking mutualisé. Déjà la notion de mutualisation. Elle venue un peu pour répondre à l’ensemble de ces enjeux. Pour se dire qu’on fait un parking, le public porte l’investissement. Donc il faut qu’il soit utilisé à la fois en journée par la salariée, et le soir par les habitants.”

On a pu constater que les documents du risque, et qui quelque part le définisse actuellement, sont à pondérer voir à remettre en cause. Le rapport que les acteurs de l’urbain entretiennent aujourd’hui avec leur territoire et avec ses dangers potentiels est gouverné par des enjeux politiques conséquents qui dépassent largement les aspects environnementaux et sécuritaires. Aux visées de chaque genre d’acteurs (scientifique, économique, gestionnaire, usager) s’ajoutent les objectifs individuels de chacun. De plus, au-delà de la résolution et/ ou de l’aboutissement des problématiques qui leur sont propres, l’ensemble des acteurs concernés fonctionnent selon un système de rapport de force. Le risque est donc une sorte d’échéquier où chacun défend à la fois ses intérêts propres et sa légimité via des sphères d’influence et de pouvoir. Ce fonctionnement engendre des situations où le risque est négocié, requalifié ou objectivé à des fins plus larges. Le développement urbain selon les facteurs de risques est donc irrationnel et non objectif puisque soumis à la fois des perceptions variables engendrant des qualifications différentes, et à des enjeux hors thématique.

201 BRUN Alexandre & CASETOU Évariste, 2014. « Renaturer les rivières urbaines. Le projet du ruisseau des Planches à Lyon ». Page 2.

96


À noter que si cette situation remet en cause la pertinence même du risque tel qu’il est défini aujourd’hui (selon les écrits de T. COANUS202), celle-ci participe aussi d’une certaine manière à le flexibiliser. Le risque devient un argument maléable qui peut servir les propos des acteurs de l’urbain. Ce type de ressource peut se révéler être un point fort dans l’élaboration pratique ou conceptuelle d’un projet urbain en vu d’appuyer des décisions bénéfiques sur le long terme (qualité spatiale au détriment d’un retour économique immédiat par exemple). Comme on l’a étudié dans le projet de La Confleunce lyonnaise, le point de vue des participants à la production de l’urbain par rapport au risque a évolué. Il est devenu, au-delà d’une contrainte, une ressource utile voir un argument politique fort. Toutefois, c’est aussi un possible danger pour le développement des villes si les préoccupations des acteurs prennent trop largement le dessus.

202 “le risque devient […] une catégorie de pensée, et donc revêt un caractère contingent; il est dépendant d’un contexte, d’un moment, plus largement d’une configuration mêlant acteurs, savoirs et rapports de force.”Partie 1, COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». page 430.

97


subjectivité

pratiques

irrationalité

construction socio-temporelle

interactions

imprévisible

enjeux nature

sémantique concept

perceptions

atout argument

projet démarche

imposition

maîtrise relative

objectifs danger

promotion territoriale

contraintes

décision

nappe phréatique

instrumentalisation

vulnérabilité prévention

vecteur de changement

constructivisme

98

image

fleuve

eau

risque rapport de force

multidisciplinaire

études

aménagement actualité développement urbain complexité

acteurs

économie

politiques

communication

potentiel géographie

coopération

tourisme

financiers

climatique

hydrodynamique

gestionnaires

instabilité

eau potable

usagers

durable

re-sensibilisation

définitions

développement

inondations (in)directes

homme

objectivité ?

international

analyses

négociation péjoratif aléa subjectivité

visibilité rayonnement

outil

temps

territoire

ville

adaptabilité

gestion divergences

échelle désastre

acceptation impact

réglementaires

prévention

mesures

stratégies

réalités tolérance

collecitvités

évolution architecture

positif

IV.

anthropocène urbain Figure 42. Schéma. Le risque à la conclusion Production personnelle


CONCLUSION L’analyse du risque d’inondation en vu de valider ou non son existence a fait remonter plusieurs constats. Tout d’abord, interroger la réalité “du risque” unique est obsolète puisque celui-ci revêt plusieurs dimensions physiques et sémantiques. C’est une notion qui est aujourd’hui à redéfinir, son principe scientifique selon la caractérisation adminsitrative du terme étant inadapté à l’usage qui en est fait. La notion de risque n’est pas objective. Ensuite, si sa nature liée à une problématique de présence de l’eau sur le territoire est constante (bien que se spécifiant avec le temps, par exemple avec les risques d’inondations), ce danger potentiel peut prendre de multiples formes pouvant être interprétées variablement. En effet, le risque est une construction socio-technique soumise aux problématiques définies par une société, particulièrement au travers d’un rapport au terrritoire dans lequel s’inscrit le développement urbain de celle-ci. Si le risque d’inondation a été perçu comme un danger intemporel insurmontable, une fatalité quotidien en contrepartie d’une exploitation, puis comme une contrainte urbaine forte associée à la catastrophe, c’est aujourd’hui un paramètre parmi tant d’autre avec lequel il faut composer et qui tend à devenir un argument selon la perception des protagonistes concernés. Le risque est donc un bon indicateur de l’évolution du rapport entre l’homme et son territoire qui, d’une existence (supérieure voire déifiée) incontrolable, devient un espace malléable et adaptable selon des besoins identifiés. L’évolution de ces postures, causée par une resensibilisation territoriale des politiques urbaines de développement durable, a engendré une valorisation des risques portée par un contexte d’instabilité climatique. Du fait de cette attention, le risque est aujourd’hui une notion extrêmement politisée dont le contenu est à relativiser. Il est selon les cas de figures laissé de côté, mis en valeur ou négocié selon les objectifs définis par les multiples acteurs concernés et via des modèles de reflexion fondamentalement différents (objectiviste, cultualiste, constructiviste) aboutissant à des conclusions variables, pourtant basées sur des documents scientifiques supposés neutres. Dans le cas de La Confluence et au vu de l’importance du projet, on considère par exemple que le Grand Lyon a soumis le risque d’inondation à ses intentions de projet et non l’inverse. Le sens attribué à la terminologie du “risque” est donc loin d’être objectif, voir irrationnel selon les acteurs concernés. Doit aussi être relativisée la maîtrise du risque, puisque le principe même de l’impact environnemental est de nous échapper (Fukushima effect, cygnes noirs, effet papillon). Devenu un élément central des enjeux de développement du fait de la dynamique politique actuelle, La notion de risque appliquée au territoire est une thématique pertinente au regard de sa dimension multi-disciplinaire interrogeant l’urbain et l’architecture. Du fait de son statut subjectif mais indiscutable, le risque porte un potentiel intéressant pour l’aménagement futur des villes. Il est assurément impensable de laisser de côté la notion de risque d’inondation dans un contexte territorial où les fleuve constituent la pierre d’appoint (image, communication) d’une politique de développement et de rayoonement urbain. Le risque est donc un sujet obligé qui donne lieu à des interactions complexes, de la négociation à l’imposition. Son utilisation déjà amorcée aujourd’hui, entre contrainte et outil, constitue un argument fort pour mettre en place les stratégies de projet de demain. Alors que notre relation au risque est fondamentalement basée sur la peur d’un danger203, les aménageurs urbains ont aujourd’hui l’opportunité de s’en servir comme d’un vecteur de chan203 CALLENS Stéphane, 2015. « Ulrich Beck (1944-2015) et la société mondiale du risque ». 8 pages.

99


gement204. Du fait d’une instabilité climatique entraînant une comlexification des statistiques prévisionnelles, les dangers potentiels sont de plus en plus aléatoires et difficiles à anticiper. Les changements attendus vont être conséquents d’une « perte de contrôle » technologique du fleuve, notamment du fait de l’espacement et de la forte intensification des épisodes pluviométriques. C’est pourquoi il sera nécessaire d’avoir plus de flexibilité dans les aménagements, entraînant de nouveaux potentiels d’aménagements pour d’autres usages205.

“Le suivi du fleuve dans le temps met en évidence l’alternance de lnogues phases de stabilité et de brusques ruptures, ruptures qui impliquent une adaptation au changement.” J. BETHEMONT et J.-P. BRAVARD

“Une période de’instabilité et d’angoisse liée à l’évidence d’une transition climatique. Un temps entre destruction et préservation des équilibres naturels.” J. BETHEMONT et J.-P. BRAVARD206

Des études sont d’ailleurs actuellement lancées dans ce sens. Par exemple, L’INSA de lyon et la CNR ont lancé en 2018 une chaire de recherche nommée « L’eau, énergie renouvelable et production durable »207. Celle-ci a notamment pour vocation de tenter de répondre à la forte fluctuation attendue du niveau du Rhône, qui devrait osciller du fait de fortes crues pouvant compromettre le contrôle (énergétique, économique, usage) du Rhône et de périodes de sécheresse (10 à 40 % de baisse du niveau d’eau) remettant en cause les aménagements urbains en place. Ceux-ci seront en effet obsolètes, puisque cherchant à établir un rapport protégé entre les usagers et l’eau, qui sera alors soit bien trop haute, soit inaccessible. “Fear is a reaction to control, while change is a reaction to trust.” Henk Ovink, Ministre des Infrastructures et de l’Environnement aux Pays-Bas. Interview par Winy MAAS208

Le risque et le changement en découlant, caractérisés aussi bien par leur imprévisibilité que leur inéluctabilité, ont un impact sur le territoire, positif ou bien négatif209. Le processus de conception actuel n’est pas adapté pour prendre en compte cette incertaineté due à des changements de plus en plus rapides. Des modifications éventuelles doivent pouvoir être réalisées rapidemment en fonction du territoire, par exemple des fleuves. Finalement, la planification urbaine doit être plus flexible pour pouvoir gérer des épisodes destructeurs négatifs, possiblement imprévisibles, tout en pouvant prendre avantage des risques et de leur potentielles conséquences210. Nous parlons ici à la fois de l’aménagement physique du 204 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Page 7. 205 HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Page 20. 206 BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. « Pour saluer le Rhône ». Page 391. 207 Site de l’INSA – Actualités. https://www.insa-lyon.fr/fr/actualites/compagnie-nationale-rhone-et-l-insa-lyon-lancent-chaire-recherche-l-eau-energie 208 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Page 275. 209 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Page 7. 210 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Page 24.

100


territoire mais aussi de l’organisation décisionnelle en place, dont la structure hyper-hiérarchisée pénalisée par des jeux d’influence ne nous semble pas avoir une réactivité et une souplesse suffisante. Les architectes devront participer au processus décisionnel qui s’amorce, en vu de pouvoir mettre en place des stratégies d’aménagement de l’urbain intelligentes, flexibles et adaptées aux préoccupations actuelles. En tant qu’acteur de l’urbain, il incombe donc notamment à l’architecte d’intégrer le risque de façon adaptée dans les projets en le valorisant comme un moteur favorable pour la conception du territoire à petite et grande échelle. “Spatial planning mechanisms tend to rely to heavily on available knowledge and fail to leave room for the unexpected or the absence of knowledge, but shocks don’t only cause disasters of problems, they also generate unexpected opportunities” Winy MAAS211

211 MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Page 9.

101


102


bibliographie Articles BLOT Frédérique, 2004. « Les rapports entre société et eau : territorialité et/ou technicité. L’eau à la rencontre des territoires ». Montpellier, France, 3 Pages. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00912705/document BELAUD S., 2012. « Les inondations en Rhône-Alpes : quels souvenirs pour quelles anticipations ? » Et si on en parlait. Lyon, Université de Lyon. URL : https://etsionenparlait.hypotheses.org/1173 BERTRAND Coraline, 2012. « À la rencontre de Thierry Coanus, chercheur à risques » Et si on en parlait. Lyon, Université de Lyon. URL : https://etsionenparlait.hypotheses.org/890 BRUN Alexandre & CASETOU Évariste, 2014. « Renaturer les rivières urbaines. Le projet du ruisseau des Planches à Lyon ». Métropolitiques, mis en ligne le 8 janvier 2014, 3 pages. URL : http://www.metropolitiques.eu/Renaturer-les-rivieres-urbaines. html. CALLENS Stéphane, 2015. « Ulrich Beck (1944-2015) et la société mondiale du risque ». Développement durable et territoires [En ligne], Vol.6, n°1 | Mars 2015, mis en ligne le 31 mars 2015, consulté le 17 avril 2018, 8 pages. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/10785 ; DOI : 10.4000/ developpementdurable.10785 DOUVINET Johnny, et al., 2011. « Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (Ppri) », L’Espace géographique, vol. tome 40, no. 1, pages 31-46. URL : https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2011-1.htmpage-31.htm DURAND Séverine, 2016. « Risques derrière la digue ». Métropolitiques, mis en ligne le 17 novembre 2016, 5 pages. URL : http://www.metropolitiques.eu/Risques-derriere-la-digue.html. LEVY-VROELANT Claire, 2017. « La bataille de l’eau : entre régies publiques et compagnies privées ». Métropolitiques, mis en ligne le 26 juin 2017, 5 pages. URL : http://www.metropolitiques.eu/La-bataille-de-l-eau-entreregies. html. PELLETIER Jean, ?. « Cartographies et modalités de l’inondation de 1856 ». Lyon, Archives de Lyon, 5 pages. URL : http://www.archives-lyon.fr/static/archives/contenu/old/fonds/

103


plan-g/31.htm PETITET Sylvain, 2011. « Eau, assainissement, énergie, déchets : vers une ville sans réseaux ? ». Métropolitiques, mis en ligne le 14 décembre, 5 pages. URL : http://www.metropolitiques.eu/Eau-assainissementenergie-dechets.html.

Communiqués et rapports Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement de Lyon, 2009. « Le stationnement dans les écoquartiers - Quelques pratiques intéressantes tirées du concours national 2009. ». Lyon, Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer, 6 pages. URL : file:///C:/Users/Soizic/Downloads/cete-lyon-stationnement-mutualise-dans-les-ecoquartiers-988.pdf COLLECTIF, dir. BRAVARD Jean-Paul et CLEMENS Anne, 2011. « Le Rhône en 100 Questions – 5. Les crues et inondations du Rhône ». Lyon, Zone Atelier Bassin du Rhône, 41 pages. URL : https://www.graie.org/zabr/ouvrageRhone/ZABR_QuestRHONE_ CHAP5.pdf COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages. URL : http://www.rhone.gouv.fr/Politiques-publiques/Securite-et-protection-de-la-population/La-securite-civile/Les-risques-majeurs/Lesrisques-majeurs-dans-le-Rhone/Risques-inondations-PPRi/PPRi-duGrand-Lyon COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2009. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône». Réglement. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 26 pages. URL : http://www.rhone.gouv.fr/Politiques-publiques/Securite-et-protection-de-la-population/La-securite-civile/Les-risques-majeurs/Lesrisques-majeurs-dans-le-Rhone/Risques-inondations-PPRi/PPRi-duGrand-Lyon COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND LYON dir., 2013. Dossier d’enquête publique pour la ZAC Lyon Confluence 2ème phase « Étude d’impact du projet de voiries ». Lyon, Lyon Confluence.fr, 126 pages. URL :https://www. grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/grands-projets/confluence/20130306_gl_zaclyonconfluencephase2_dep_c-etudeimpact.pdf LEONE J., GRANJEAN Henri (Eau du Grand Lyon), conception graph. MÉDIACITÉ, 2015. « L’eau de la métropole de Lyon ». Lyon, Métropole de Lyon, 5 pages. MDP et HERZOG & DE MEURON, 2012. “Lyon Confluence II - Cahier des charges urbanistique et architectural - îlot A3 - Août 2012”. Lyon, MDP, 105 pages.

104


SEGUIN J.-J., 2008. « Connaissance hydrogéologique du sous-sol de l’agglomération lyonnaise – Phase 4 - Modélisation hydrodynamique e régime transitoire au pas de temps journalier et simulation de l’impact sur la nappe de 3 scénarios de crues du Rhône et de la Saône ». Rapport final. Lyon, BRGM/RP-56676-FR, 113 pages.

Conférences BIBARD Laurent, 2012. Conférence « Pour une philosophie de l’eau ». Cycle 2012-2013 « Histoires d’eau », ESSEC, 18 Octobre 2012. Bordeaux, Centre Hâ, 9 pages. URL :http://ha32.org/spip/IMG/pdf/Texte_de_la_conference.pdf

Ouvrages

BETHEMONT J. ET BRAVARD J.-P., 2016. « Pour saluer le Rhône ». Lyon, éditions Libel, 400 pages. CHALABI, Maryannick, BELLE Véronique, HALITIM-DUBOIS Nadine, LAPEYRE-UZU Francoise, DESSERT Eric, REFFLE Jean-Marie, et CHERBLANC Paul, 2005. « Lyon: le confluent : derrière les voûtes. ». Lyon, Lieux dits, 159 pages COANUS Thierry, ?. « Risques et territoires : Food for thought ». Thèse. Paris, Lavoisier éditions., pages 427-443 GRALEPOIS Mathilde, 2012. « Face aux risques d’inondation ». Paris, Éditions d’ULM, 63 pages . HILL Kristina, 2009. « System Landschaft / Landscape as a System ». Berlin, Bund Deutscher Landschaftsarchitekten, pages 26-45. HÖLZER Christoph, 2010. « Riverscapes : Designing Urban Embankments ». Basel, Boston, Birkhäuser Basel, 574 pages. HOYER Jacqueline et al., 2011. « WATER SENSITIVE URBAN DESIGN : Principles and inspiration for substainable stormwater management in the city of the future ». Berlin, Jovis, 143 pages. LEFEVRE Pierre, SABARD Michel, 2009. « Les éco-quartiers ». Rennes, Editions Apogée, 261 pages MAAS Winy and MADRAZO Felix (the Why Factory), 2012. « City Shock : Planning the unexpected ». Rotterdam, nai010 publishers, 296 pages.

105


MARSHALL Stephen, 2009. « CITIES, DESIGN & EVOLUTION ». Londres, Routledge, 342 pages. MASBOUGNI Ariella, 2011. « Le paysage en préalable : Michel Desvignes, Grand Prix de l’Urbanisme 2011, Joan Busquet, Prix spécial »., Marseille, Editions Parenthèses, Collection Grand Prix de l’Urbanisme, 128 pages. MCINTOSH Angus, 1997. « Town and cities – Competing for survival ». Londres, New York, E&FN Spon,169 pages. PRADHAN Biswajeet, 2017. « SPATIAL MODELING AND ASSESSMENT OF URBAN FORM - Analysis of Urban Growth : from Sprawl to Compact using Geospatial Data ». Unknow, Springer International Publishing, pages 1-40.

Webographie Vigicrues - Service d’information sur le risque de crues des principaux cours d’eau en France URL: https://www.vigicrues.gouv.fr/

106


107


108


annexes annexe 1. Entretien avec Anne-Sophie RIGAL, architecte et associée de l’agence d’architecture AFAA, mandatée pour l’îlot A3 sur la ZAC 2 de la Confluence. 25/10/2018. Entretien effectué par Soizic SALOMON […] Ce qui est intéressant, c’est aussi de savoir ce sur quoi vous [AFAA] n’avez pas du tout été relancé, ce qui ne vous a pas forcément intéressé, ce qui ne vous a pas concernés non plus. Ça fait aussi parti de l’enjeu quelque part. Alors, l’histoire du projet... En fait, c’est un concours qui a été lancé par la SPL en 2012 de mémoire. C’est un appel à promoteur une charge foncière définie, un nombre de mètre carré à peu près défini, et une programmation à définir plus précisément. Des ambitions de projet à définir, des ambitions environnementales à définir aussi et cetera. Il y avait 3 groupes, enfin, 3 promoteurs distincts qui se sont tous fait accompagner d’une agence d’architecture. Nous avons accompagné Icade sur cette phase-là. Ce concours a duré 9 mois quasiment je crois, 8 ou 9 mois. Il a commencé en juillet août et a fini en janvier février, donc sur une grande plage, et a donc été une succession d’échanges. Il y a eu trois passages, trois échanges avec la SPL, avec Herzog et de Meuron qui est l’urbaniste de la ZAC 2, avec Tribu aussi. Il y avait dans notre équipe Icade, nous, il y avait aussi un bureau étude environnemental qui était Artelia à l’époque. Il y avait pas mal de gens. On a travaillé pendant tout ce temps-là avec Icade. L’objectif n’était absolument pas de définir de l’architecture, ce n’était absolument pas de définir des façades, c’était vraiment des concepts de projet, et tout un travail sur la qualité de vie qui était développée sur l’îlot. Avec comme postulat qu’Herzog et de Meuron qui étaient urbanistes intégraient la casquette d’architecte dans l’îlot puisque ils ont voulu en faire l’îlot démonstrateur. C’est vraiment l’îlot de la deuxième phase en fait, donc l’idée c’était que Herzog et [Michel] Desvignes (qui est le paysagiste qui a défini le cahier des charges) intègrent l’équipe de conception pour montrer à tout le monde qu’on était capable de le faire, qu’on pouvait respecter le coût. C’était aussi une manière de lancer le truc. On a été lauréats avec Icade en février et la ville et la SPL ont donné une liste complémentaire d’architectes à Icade en leur demandant de piocher dedans. Il était défini qu’il y aurait Herzog, nous, et il en fallait 3 ou 4 de plus puisque c’est un projet avec 8 bâtiments. Je pense que tu le visualise bien. Icade est allé chercher Tatiana Bilbao qui est une architecte mexicaine pour compléter l’équipe, Christian Kerez qui est un architecte suisse et Manuel Herz qui est un autre architecte suisse qui a travaillé aussi sur un petit projet. Donc voilà, on avait tout notre équipe de conception. Étamine a intégré l’équipe de conception aussi, du coup Artelia est passé du côté AMO, assistance à maîtrise d’ouvrage, et Étamine a rejoint l’équipe de conception de maîtrise d’œuvre pour la partie environnementale, et puis on a commencé à travailler sur la conception du projet à partir de avril 2013. C’est un projet qu’on a commencé en chantier en novembre 2015 et qu’on a livré en novembre 2017. Donc c’est 4 ans et demi ou 5 ans de projet, avec 2 ans de travaux dedans... Les enjeux du projet étaient multiples. Il y avait la qualité architecturale en préambule de tout...

avec ce côté expérimentation béton ? Alors, le côté expérimentation béton n’était pas clairement défini... En fait, le cahier des charges architectural et urbain définissait que l’on devait travailler un projet avec une minéralité, avec un camaïeu de blancs, gris, beiges. Herzog ne voulait absolument pas qu’il y est des façades rapportées. Pas de bardages, rien.

109


Donc après en prenant un peu tout ça en considération, on s’est vraiment posé la question de savoir en quoi on allait faire le bâtiment. Nous, le béton, c’est un matériau qu’on aime bien. On avait en parallèle de tout ça un concept novateur qui était en train de se développer avec une entreprise qu’on connaît bien, qui est le principe de GBE qui permet d’avoir un mur porteur intérieur et une isolation par l’extérieur, et un second mur qui n’est pas porteur parce qu’il est beaucoup plus fin en béton, qui l’est également. Ce concept-là permet d’avoir un mur coulé en place, donc permet d’avoir tout le travail qu’on a sur le béton coulé en place avec le travail sur les banches, les calepinages, la matière on fait du béton, et pas de travailler sur du béton préfabriqué qui est un truc complètement différent, qui pose beaucoup beaucoup de questions différentes. Il nous permettait de maintenir un niveau d’exigences, de performances d’enveloppe, ce qui était vraiment aussi le postulat de base. Donc en fait le béton est un peu venu comme ça. Ce n’était pas du tout Herzog qui l’avait amené. Après, il y a eu une vraie cohérence d’îlot, un vrai travail de chaque architecte qui s’est approprié les choses et qui a fait une proposition comme ça. C’est vrai qu’au final, on a 6 bâtiments en béton, un bâtiment en isolation par l’extérieur et un bâtiment en bois béton. Donc ça c’est l’enveloppe. Après, en ce qui te concerne, et sur la problématique des risques d’inondation, je t’avoue que ... Comment dire... Nous, on avait effectivement en postulat dans le cahier des charges de la ZAC que on ne pouvait pas descendre à plus de - 1. On avait l’obligation de faire un parking avec un seul sous-sol. C’est aussi pour ça que la SPL a développé en parallèle le parking silo qui est à côté, qui a une très grosse capacité. En gros, sur les places réglementaires que nous devons sur notre îlot, on en a 135 chez nous dans nos deux parkings parce qu’on a deux nappes distinctes. Juste sur un niveau, mais on a deux nappes Nord et Sud et par contre tout le complément de place, Icade l’a acheté sur un bail emphytéotique de 50 ans. Elle l’a acheté dans le parking silo de la SPL, ce qui signifie que les places de stationnement des logements en accession sont sous nos bâtiments, [les places] des bureaux sont en partie sous nos bâtiments mais qu’une partie des places de stationnement des bureaux, et toutes les places de stationnement des immeubles sociaux sont à quelques dizaines voire centaines de mètres du projet parce qu’elles sont dans le silo. Ça, c’est un peu le bémol.

Mais c’est un critère qui vous a été ... ? C’était une obligation. De toute façon, ça faisait partie du cahier des charges et il n’y avait pas le choix. C’est la SPL qui l’a défini comme ça. Après les raisons de ça, il y en a deux, je pense, enfin il y en a trois. Un, on est très proches de l’eau puisqu’on est entre les deux fleuves... On est très très proches. Après, on a des économies de projet, c’est-à-dire que plus on va descendre et plus ça va devenir problématique parce qu’il va falloir faire des cuvelages et étancher les sous-sols, donc ça c’est quand même la première chose. Après, on a aussi une problématique de température de nappe. Plus la nappe est impactée par des constructions, plus on ... Après nous on a eu des très gros sujets de discussion sur la production de chaleur de l’îlot, qui était aussi liée à la température de nappe, et savoir si on pouvait refroidir, rejeter du chaud ou pas, et cetera. Il y a beaucoup d’enjeux sur cette nappe-là. Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que plus elle est impactée par les bâtis, moins elle a de place, donc moins elle refroidit, et plus elle est chaude. Et puis donc on a dit, les problématiques d’étanchéité des constructions, la problématique de la nappe, et l’autre problématique, c’était la pollution. La Confluence est une zone qui était très polluée par ses activités précédentes, et donc du coup les sols pollués, il faut les traiter, et ça coûte très cher en fait. La question du parking sur le projet est multiple. Il y a pas mal de choses qui sont induites par ça. Et après il y a en parallèle de ça, tout ce qui vient par-dessus, qui est aussi la politique de la ville et plus particulièrement de la Confluence qui privilégie le mode doux.

Un point de détail : à combien estimeriez-vous un sous-sol qui soit cuvelé ou non cuvelé, à surface et places équivalentes, en terme de différence de prix ?

110


Sur un précédent projet, on l’a calculé. On avait à peu près 50 000 € pour 30 places. Là j’en ai 135, donc il faut faire le ratio. Je sais pas, je pense que c’est entre 2 et 300 000 € de cuvelage, ce qui est important.

Est-ce que vous avez dû pomper ? Parce que, en l’occurrence, vous avez dû quand même pomper pendant les travaux ? Non.

Pas du tout ? Non. En fait, notre projet est au raz de la nappe. Dans un projet, tu sécurises ton parking et ton bâtiment avec différents niveaux : le décennal, le trentennal. Le centennal tu ne le prends quasiment jamais en compte. Selon le client, il te demande des niveaux de protection et cetera avec les niveaux de crue qui sont annoncés. Nous, on est juste pile-poil au niveau donc on n’est pas dans l’eau. On a juste sur le parking Sud qui est quelques dizaines de centimètres un peu plus bas... Le terrain n’est pratiquement pas en pente donc on a quasiment pas de dénivelé. Ça change juste des choses sur des cunettes intérieures, des points d’entrée ... Le sous-sol est quand même inondable. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est ça. C’est-à-dire que si demain, j’ai une crue qui monte, j’ai, pour que la structure puisse suivre et que je n’ai pas des problèmes structurels qui se passent au-dessus, quand même un système qui fait que je peux remplir mon parking d’eau si besoin avec des petites pisserottes qui font que ça s’évacue.

Qui sont bloquées ou déclenchables manuellement? Qui sont toujours là mais qui sont à un certain niveau, c’est-à-dire qu’il faut vraiment vraiment que le niveau monte très haut avant que le parking soit rempli.

À quelle hauteur sont-elles positionnées ? 1.5m ? 2 mètres ? Elles sont plus hautes. Je pense qu’elles sont à 2 mètres.

Et donc ça c’est vraiment en cas d’inondation ? Oui, mais je pense qu’elles ne serviront jamais.

Donc c’est vraiment un dispositif de sécurité. Là, à quel niveau de référence êtesvous ? Trentennal ? Comment vous êtes-vous positionné par rapport aux niveaux de crue ? Sur les documents est inscrit : « le niveau de protection souhaité par le maître d’ouvrage est celui de la crue décennale au niveau d’eau de 163,60 NGF. Par conséquent, les buses de décompression seront installées dans les murs périphériques au niveau 163,60 NGF. Au-delà de ce niveau, le sous-sol sera inondé. L’infrastructure est rendue étanche jusqu’au niveau 163,60 par des dispositions “relativement étanches” au sens du DTU. »

Comment est-ce que vous avez étanché cela ? Non, en fait c’est relativement étanche. Si tu veux, il n’y a pas d’étanchéité réelle. Ce qu’il se passe, c’est que c’est le système de construction et le béton qui font qu’on est étanche. Mais on tolère qu’il y est un peu de ruissellement d’eau dans le parking, et on a des cunettes périphériques qui permettent de récupérer l’eau.

Et qui la réinjecte ? 111


Les eaux sont récoltés dans un hangar, et après, sont évacuées.

Finalement, concernant les contraintes que vous avez eu par rapport à cette question du risque, elle a vraiment seulement concerné les parkings ou est-ce que ça a aussi concerné un aménagement plutôt paysager ? Est-ce que ça a eu des impacts autres ? L’aménagement paysager a été impacté pour nous par la pollution des sols. Et la nappe. En fait, la liaison entre tout ça, c’est que l’eau qu’on récolte dans l’îlot, soit elle s’infiltre directement comme dans n’importe quel terrain... Alors l’eau qu’on récoltait nous et qu’on stockait nous, on a pas le droit de l’infiltrer dans la parcelle parce que les sols sont pollués et que du coup on impactait encore plus la pollution de la nappe. C’est pour ça. Donc on avait une obligation de la rejeter avec un débit maîtrisé et contrôlé. Ça a impacté l’aménagement paysager parce qu’il a fallu qu’on le fasse, maintenant on le fait beaucoup ... On a maintenant plus le droit de rejeter complètement comme on le faisait avant et sans maîtrise du débit les eaux dans le réseau urbain, parce que ça pose de très gros problèmes de traitement d’eau et ça coûte très cher. Aujourd’hui, on nous pousse sur tous les projets à vraiment infiltrer à la parcelle, donc on fait de la rétention et on infiltre doucement, comme l’infiltration se fait lentement. Ou alors, si on ne peut vraiment pas comme nous, on stocke, et on écoule doucement sur le réseau avec un débit de fuite qui est donné par la ville. Donc du coup, on a des noues, des grandes noues dans le paysage avec dessous des bassins de rétention. Les bassins de rétention, c’est des grandes zones avec des cailloux dessous qu’on remplit d’eau, qui se chargent et qui s’écoulent lentement. Donc voilà, le lien. L’impact qu’il y a eu pour nous, c’est plus la problématique de l’eau sur le projet. Si on regarde l’eau de façon plus générale, ça n’est pas les problématiques d’inondation, parce que clairement, en fait il y a un sujet sur l’inondation : c’est le parking. Il est géré comme on l’a vu. Après c’est plus entre ce qu’il se passe dans le projet et ce qu’il se passe dessous, et toutes les nappes d’eau qui se passent dessous.

Et tout ce qui va finalement concerner le relationnel et les interactions entre ces différents éléments. Oui. Et l’impact néfaste que le projet pourrait avoir sur ces parties-là.

Et comment avez-vous communiqué avec la SPL ? C’est eux qui vous ont donné ce cahier des charges qui a été mis en place par Tribu, par Herzog et de Meuron,... Alors en fait, le cahier des charges de la ZAC est défini par Herzog et de Meuron, Desvignes et Tribu. Donc c’est les trois : Archi, paysagiste, et bureau d’études environnementales; qui bossent tous les trois pour la SPL de Confluence. Ils définissent un cahier des charge général. Ils définissent aussi des feuilles de lots, un cahier des charges de lots plus précis. Dedans, tu as beaucoup de choses sont définies dans ce qu’il faut faire et ne pas faire, les obligations de performance... Par exemple, ça c’est toutes les limites de prestations. C’est une partie très technique, les limites de lots on va dire, entre ce qu’il se passe chez nous et ce qu’il se passe sur le domaine public : raccordements etc. Ça c’est vraiment très très très technique. Tu as les fuites d’eau auxquelles on se raccorde, tu as beaucoup de choses qui sont définies là-dedans. Règlement de chantier : ça c’est des choses auxquelles on a dû se tenir durant toute la durée du chantier. Les nuisances sonores, le rejet de l’eau, tout ça. Cahier des charges d’HDM. Ça de mémoire, c’est le global, c’est les généralités. C’est tout l’étude d’HDM qui est plutôt très intéressante que je pourrais te passer aussi. Eux ont beaucoup travaillé sur les problématiques d’ensoleillement, paysage etc.

Est-ce qu’il y a eu des allers-retours après le don du cahier des charges ? Il y a eu énormément d’aller-retours. En fait à la Confluence, ... Dans les ZAC c’est souvent le

112


cas quand même. Quand tu fais un projet en ZAC, tu es sur un territoire où tu as des gens, au niveau de la métropole pour Lyon par exemple, qui sont vraiment dédiés au projet. C’est-à-dire que leur temps de travail est uniquement dédié à ce qui se passe sur ce territoire-là, et comment s’organisent les choses. C’est des gens qui travaillent avec tout leurs prestataires, qui font tous les abords et qui vont gérer toutes les parties publiques de la ZAC. C’est des gens qui travaillent aussi avec les promoteurs, par exemple qui achètent les terrains, et qui s’occupent de toutes les négociations de terrain ... Et qui travaillent avec les équipes d’architectes. Ils ont beaucoup de choses à côté mais voilà, les grands secteurs d’intervention, c’est ça. Ça veut dire qu’ils ont énormément de temps pour s’occuper et se préoccuper des projets. Donc ils sont là aussi pour être disponibles et qu’on discute avec eux. Et pour le coup, la Confluence à Lyon, c’est une des ZAC où les gens sont les plus présents et interviennent le plus dans les projets.

Parce que c’est la ZAC [lyonnaise] où il y a peut-être le plus d’enjeux ? Parce qu’il y a énormément de visibilité, parce qu’il y a énormément de questions politiques, parce que c’est une des plus grandes ZAC d’Europe intra-muros, en centre-ville en terme de territoire. Parce qu’ils bossent avec des architectes de renom et que chaque fois, ils essayent de faire venir des internationaux. Parce qu’il y a aussi des directeurs de la SPL qui sont investis comme ça et qui gèrent ça... Enfin voilà. il y a beaucoup de raisons... Parce que c’est une ZAC où il y a beaucoup de moyens. Il y a plein de choses qui font que voilà ... C’est vrai que du coup c’est super intéressant parce que nous on a des vrais garants architecturaux. C’està-dire que pour nous, ce sont de vrais partenaires, et on travaille et on échange énormément avec eux. Et qu’ils ont aussi des exigences qui sont très élevées, d’un point de vue archi et d’un point de vue environnemental. Nous Karine Lapray, c’est quelqu’un qu’on connaît bien, on a travaillé avec elle sur plusieurs projets. Avec Karine, elle nous en a parlé déjà plusieurs fois, ils nous ont demandé des choses qui sont quasiment intenables avec des performances qui sont très très très élevées. Quand on en discute en off, hors réunion et après le projet, Karine moi elle me dit “ Mais en fait on vous demande ça pour en arriver là, parce qu’en fait on sait que c’est quasiment infaisable. Mais en fait, si on n’avait pas ces exigences très élevées, avec les problématiques d’économie, avec les problématiques techniques, ou les problématiques que ça engendre; vous allez arriver là alors que l’idée, c’est d’arriver le plus haut possible. Donc on vous demande d’arriver là, vous arrivez là et le fait d’arriver là c’est déjà très très bien”. Donc en fait si tu veux, il y a toujours une marche en avant, une volonté d’aller plus haut, plus loin qui fait que si on n’échange pas avec les gens sur ce projet là, ça ne marche pas. Donc là, pour la Confluence, pour le concours il y a eu 3 ou 4 passages avec Herzog et avec les gens de la SPL sur A3. Après c’était une présentation du projet sur chaque fin de phase, c’était des présentations de projet à [Gérard] Collomb. Chaque fois que le projet avançait, il fallait qu’il soit validé par nos clients, mais aussi par la SPL, tout le temps. En chantier, on a fait des prototypes. La validation finale a été faite une fois que les archis, le client et la SPL étaient d’accord; donc tous les intervenants, ont validés. Ils sont vraiment très investis dans les projets, donc ils échangent énormément, donc on parle beaucoup beaucoup, et on parle de tous les sujets.

En tant qu architecte, comment vous êtes-vous sentie dans le réseau de tous ces acteurs du risque qui sont la SPL, qui concernent aussi les aménageurs, les promoteurs; qui vous concerne vous, les politiques, les habitants, la ville .. ? Sur ce projet, nous on a une double casquette à l’agence. On est architecte de conception de deux projets, donc de deux bâtiments qu’on a vraiment dessiné comme tous les archis de l’îlot; et on est aussi architecte d’opération pour l’ensemble de l’îlot et l’ensemble des projets. Pour les 6 autres projets, on est architecte d’opération. Ça veut dire qu’on a travaillé avec toutes les agences d’architecture sur leur projet pour les aider à développer le projet et les amener à bien jusqu’à la fin. Cette position-là a fait qu’on était une sorte de pilier et de pivot entre les architectes étrangers qui ne connaissent pas la culture française, parce qu’ils sont suisses ou mexicain donc on a des cultures différentes, qu’ils ne sont pas lyonnais, donc ils ne connaissent pas l’ensemble des interlocuteurs : la SPL, la ville, les services instructeurs de permis ... Parce qu’aujourd’hui on parle beaucoup de la SPL, mais tu as aussi toute la partie administrative qui est gérée par la ville et la métropole. Ils ne valident rien si la SPL ne valide pas, mais si

113


tu veux, eux aussi ont un regard, beaucoup plus administratif sur les permis de construire par exemple... Donc c’est vrai que nous, on connaît les réglementations françaises, eux beaucoup moins. Tous les points législatifs, toutes les manières de construire, justement vis-à-vis des risques, etc. Et du coup, on était un peu dans une position de pivot par rapport à ça, et à prendre en compte un peu toutes les contraintes et les problématiques de tout le monde, et à essayer de faire en sorte que tout ça fonctionne et qu’on arrive à avoir un projet qui satisfasse tout le monde d’un point de vue usages, archi, etc. Nous on était un peu comme ça sur ce projet-là.

Vous aviez vraiment un rôle de communication vis-à-vis des autres architectes. On avait un rôle de facilitateur. C’était vraiment ça. Pour faire en sorte que tout le monde se parle et que tout avance bien et que tout marche bien. En parallèle de ça, par rapport aux autres projets architecturaux, la conception c’est eux qui l’ont faite. Sur les premières phases, eux avaient 80 % du boulot et nous 20 %. À la fin, ça c’est complètement inversé. Les projets, on les a développés à l’agence. On a fait 80 % du boulot à l’agence. Les PRO, on les a tous fait ici, en lien avec eux toujours, mais la balance s’est inversée.

Ça a dû vraiment être un énorme travail pour vous. Ça a été un truc incroyable. Honnêtement, c’est la première fois que nous, on était sur un projet de cette ampleur-là, et c’est top.

Et c’est très bon pour le développement de l’agence, j’imagine ? Et c’est top. Pour l’agence, mais même pour les gens de l’agence et pour nous, architectes, de bosser avec des gens comme ça, c’est une aventure humaine qui est assez incroyable.

Avez-vous trouvé que le relationnel que vous avez eu avec tous ces acteurs était plus porteur, plus intéressant que sur d’autres projets plus classiques ? Il y a une sorte d’énergie qui fait qu’on est pas dans un contexte de projet classique et lambda, et que tout le monde a envie de se surpasser parce que c’est ce projet-là. Que ce soit la plupart des bureaux d’études, les entreprises de chantier, le client... Il y a une synergie qui s’est créée autour de ce projet qui a été assez incroyable, et qui a portée tout ça pendant 5 ans. Et qui nous a permis de faire ça de cette manière-là.

Ça donne vraiment envie lorsqu’on entend parler de projets de ce type là, parce que j’ai l’impression que les rapports que vous avez eu entre vous ont été globalement tous très positifs en terme d’apports pour chacun, alors que souvent ce qu’on entend, c’est plutôt des tractations, des rapports de force.. ? Il y a eu plein de moments compliqués, il y a eu plein de choses très compliquées humainement. Un projet de cette ampleur-là, c’est entre 44 et 48 millions de travaux quand même, donc c’est beaucoup. Mais globalement, ça a été très très porteur.

Est-ce que vous avez beaucoup ressenti le poids politique du projet ? Que ce soit sur les exigences, en lien avec l’environnement, la qualité de logement, les risques, la pollution ..? Oui. Le poids politique, il est sur les exigences environnementales, sur les cahiers des charges, etc. C’est l’image de la SPL. Enfin, c’est l’image de la ZAC qui est véhiculée comme ça. Collomb, c’est clairement son bébé. Il se valorise d’un point de vue européen, voir mondial, avec ça. Il faut savoir qu’il y a régulièrement des délégations mondiales qui viennent à La Confluence. Tu as des Chinois qui vont débarquer à 20 ou 30 pour venir visiter, tu as ... Donc c’est vrai que ça attire beaucoup de gens qui sont assez curieux de voir ce morceau de ville qui se construit, les ambitions, etc. Des aménageurs, des politiques, pas simplement des personnes lambda. C’est

114


vraiment de vraies délégations qui viennent, qui doivent venir faire un tour en Europe pour des projets, et ils viennent à La Confluence. C’est vraiment très attractif et très porteur. Ça véhicule une image très importante. Donc ça c’est de manière générale par rapport à La Confluence. Après, c’est un quartier qui est très regardé par les lyonnais. Moi, j’ai une lecture de Confluence 1 par exemple qui, oui, est beaucoup décriée, parce que effectivement c’est une matériau-thèque, effectivement il y a beaucoup de choses à dire, mais en même temps c’est aussi un morceau de ville qui a été créé et qui a permis à beaucoup de lyonnais de se poser la question de savoir “ Est-ce que j’aime ? J’aime pas ? Tiens, c’est bien, tiens ça me plaît, j’aimerais bien vivre là ou pas” ... En fait, je trouve que c’est un endroit qui a permis aux gens de se poser des questions et qui a ouvert des choses par rapport à l’architecture qui est souvent très hermétique. Beaucoup de gens disent “ Ah non, je ne sais pas, je ne suis pas architecte, je n’ai pas d’avis...”. Il y a soit des gens qui réagissent en disant s’ils aiment le moderne ou non, mais il y a aussi beaucoup de gens qui disent “Moi tu sais, je ne suis pas sachant, je n’ai pas d’avis.” Alors que si en fait. Tu vis dedans. C’est ta ville, c’est ton environnement de travail, c’est ton lieu de vie, donc bien sûr que si que tu as un avis, heureusement, et sinon apprends à en avoir un. Je suis très partisane de ça en disant “Oui, il y a des gens qui ont un savoir qui est plus pointu, parce que c’est leur boulot. Mais en même temps, un tableau, c’est pas parce qu’on est pas peintre qu’on n’a pas d’avis sur une toile, ou ce n’est pas parce qu’on ne danse pas qu’on ne peut pas apprécier la danse contemporaine”. Enfin voilà, pour l’architecture, j’ai un peu cette lecture-là. Et je trouve qu’à La Confluence, Collomb a réussi à faire ça. Pour moi, ma lecture c’est ça. C’est de se dire que ça amène des choses, que les gens se posent des questions. Et du coup, ce qui est bien avec la phase 2, c’est qu’elle est aux antipodes d’un point de vue architectural de ce qui se fait sur la phase 1. Que les gens se posent du coup d’autres questions, et que ça réagit différemment. Que beaucoup d’architectes sont beaucoup plus dans la lignée de la phase 2 que de la phase 1 mais qu’on continue à se poser des questions. Il y a une vraie dynamique qu’il a réussi à créer du point de vue politique sur ça.

Et pour vous, comment se fait le rapport à la population ? Se fait-il de façon indirecte ? À travers une visée pédagogique, comme ce projet vous permet de communiquer sur beaucoup de choses ? C’est le côté ludique peut-être, et très flash de certains bâtiments qui ont permis aux gens de se poser les questions, par exemple comme le musée des Confluences. Finalement je le déteste, mais autour de moi, il y a plein de gens qui ne sont pas architectes qui me disent “Ah oui, mais tu vois, quand on passe, la lumière, la forme ...”. Et en fait ça pose des questions. Et en fait à partir du moment où ça pose des questions, pour moi, c’est déjà très positif. Il y a ça, et après avec la Confluence, ça s’est vraiment continué dans la deuxième phase. Il y a la qualité des espaces extérieurs et des espaces urbains qui sont plus généreux que dans la ville historique, qui sont ouverts et qui font qu’il y a une vraie qualité de vie urbaine que les gens viennent rechercher aussi. On n’est pas sur un quartier historique, on n’a pas encore une dynamique de quartier avec des commerces, etc, mais ça c’est en train de se mettre en place, ça demande un peu de temps. Mais par contre, il y a une qualité de ville qui existe peu ailleurs que là, à Lyon. Je pense que les gens viennent aussi de chercher ça, ils sont sensibles à ça. Donc le politique il est là, et il était aussi d’un point de vue Collomb pur et dur, maire de Lyon et président de la métropole avec les enjeux du premier îlot de la deuxième phase qui sortait, qui était complètement différente de ce qui a été fait la première fois. Qui était pour le coup le long du cours Charlemagne, alors que toute la première phase, à part le monolithe, mais c’est vrai qu’on est plus en retrait par rapport à Charlemagne. Avec Herzog et de Meuron, que Collomb est allé chercher et a amené en tant qu’urbanistes. C’est vrai que nous, on avait jamais connu ça. Les conférences de presse, etc. Des choses qui ont amené une autre dimension dans le projet. Et une exigence aussi, de tout le monde, ce qui était bien, ce qui était très porteur. Donc voilà un peu les différents impacts.

J’aurais juste une dernière question, peut-être plus technique. Est-ce que vous avez vu les PPRI et les PPRN ? 115


Non.

Vous ne les avez jamais vu ? Vous n’avez jamais mis la main dessus ? Alors pour ce projet là, non.

D’accord, c’est très intéressant ça par contre. [Rires] Parce que contexte ZAC.

D’accord. Donc en fait, il y a un intermédiaire qui vous a prémâché le travail ? Exactement. Et par contre pour le coup, j’ai un autre projet à Vienne où j’ai une zone inondable et cetera. Et c’est des documents qui sont incompréhensibles. enfin incompréhensibles ... Ça n’est pas fait pour faciliter la vie des gens ce genre de truc.

Et encore, ce sont des documents interprétés. Oui.

Alors parce que je ne sais pas si vous savez, mais j’aimerais bien avoir votre avis là-dessus, sur la façon dont on construit les PPRN. En fait ils sont produits par des services délocalisés de l’État. D’abord on produit, on va dire, un zonage brut de l’inondation maximale. Selon les critères choisis, c’est décennal, trentennal, quinquennal, ... C’est vraiment une zone dont l’idée est un peu de faire peur aux collectivités locales en leur disant “Regardez, tout peut-être inondé finalement, et donc vous ne pourrez pas du tout vous développer”. Parce qu’en fait, ça va impacter le développement en interdisant ou non la constructibilité des sites. Après, ils demandent aux communes de leur donner les enjeux de développement prévus, puis ils pondèrent ça pour créer ces cartes de PPRI. Et en fait, ce qui est intéressant, c’est qu’en fonction de l’influence politique des collectivités, en fait la carte change. Et c’est là que ça devient vraiment intéressant aussi. C’est que finalement, le risque est totalement subjectif. Ah non mais il y a des aberrations. On est sur ce projet là [pointe du doigt], qui est un concours qui n’est pas encore attribué, mais qui est un projet à Vienne. J’ai un terrain entre ce point-là et ce point-là. J’ai à peu près 4 m de dénivelé. Et je suis en zone inondable, etc, parce que le Rhône n’est pas très loin. Et on me dit “Dans ce terrain, pour définir le niveau habitable, vous faites la moyenne du maximum et du minimum que vous avez sur le terrain”. Il s’avère que j’ai 4 m, mais en fait, si j’enlève la frange, je suis directement à 3 m. Et donc en fait, parce que j’ai un terrain d’une forme super bizarre, et que j’ai un dénivelé qui remonte le long de la voie ferrée, je pénalise le truc. Alors qu’en réalité, ça changerait énormément.

Il y a un manque de cohérence dans l’information donnée et son exploitation. Oui. Je trouve que c’est des choses un peu aberrantes, mais à Lyon on est très très impactés. À l’agence, on construit quand même beaucoup à Lyon, en intra-muros ou dans la région. Mais c’est vrai qu’on est pas encore sur des secteurs qui sont trop impactés. Aujourd’hui, à Lyon, les nappes impactent les sous-sols, c’est ce dont on parlait au début, et sur la problématique économique. Ici par exemple, dans ce bâtiment là, on est sur un tout petit terrain qui fait 15 par 15 et on avait une problématique. On devait beaucoup de places de stationnement proportionnellement à la capacité, donc on est passé avec un ascenseur. Parce que si on faisait une rampe, autant te dire qu’on avait zéro sous-sol et que ça n’était pas possible. Donc on a un ascenseur à voiture qui nous permet d’avoir 6 places. C’est tout petit, on a 12 places en tout. Par contre, le parti pris

116


qu’on a pris, c’est de se dire qu’on ne descend pas l’ascenseur à personne jusqu’en bas, parce que sinon ma fosse d’ascenseur il faut qu’elle descende, et elle est vraiment très très profonde dans l’eau, et alors j’ai des problèmes d’étanchéité, de cuvelage, etc. C’est un compromis à trouver. Aujourd’hui, il y a des réflexions comme ça et comme souvent, ce sont les impacts économiques qui sont le sujet. C’est le nerf de la guerre.

Et en même temps, il est intéressant de voir que sur ce type de projet par exemple, si on avait une information un peu plus précise des risques, un peu plus décortiquée, ce serait impactant et ça serait positif pour la production de projet. Parce que finalement, le risque n’est pas seulement une contrainte. Le niveau qui est défini ici n’a pas de sens. En face de moi j’ai un très grand terrain qui est plat. Ça veut dire que eux, s’ils prennent la moyenne, ils seront au rez-de-chaussée. Et moi comme je suis plus haut, je suis alors au R + 1. Alors qu’ils sont plus près du Rhône que moi, et potentiellement un peu plus bas, puisque que le terrain a une très légère pente. Donc du coup on arrive à des trucs qui n’ont pas de sens. Ce ne sont pas des documents qu’on a beaucoup l’habitude de gérer et de voir. On va monter si tu veux, je vais te mettre sur la clé [...]

117


118


annexe 2. Entretien avec Marie-Paul COASSY, chef de projet pour la SPL Confluence, spécialisée dans les espaces publics. 26/10/2018. Entretien effectué par Soizic SALOMON [...] Lyon Confluence ou un peu plus largement dans Lyon ?

Vraiment sur La Confluence. J’ai choisi ce territoire parce c’est vraiment un territoire d’enjeux, qui concentre énormément d’investissements à la fois humains, financiers, politiques et qu’il a un vrai enjeu d’image à l’échelle lyonnaise. Alors en quelques mots, vous connaissez aussi le fonctionnement, qui on est, comment on fonctionne ...?

Alors justement c’est ma première question. Est-ce que vous pourriez m’expliquer un peu qui vous vous êtes, et comment vous vous positionnez au sein de la SPL, ce qu’elle fait, etc ... ? Je suis Marie-Paul COASSY et je suis chef de projet à la SPL , je suis principalement chargée d’espace public. Donc je fais les opérations des espaces publics côté Saône, toute la partie parc, Rives de Saône, et puis là je m’occupe de l’autre partie du Champ. On va dire que c’est les plus grosses opérations en cours. Antérieurement, je suis là depuis le début de l’opération donc j’ai aussi fait la partie préparation, démolition, dépollution, suivi des études ... La SPL en fait, on est société publique locale Nous sommes aménageurs sur l’ensemble de l’opération, c’est-à-dire que la communauté urbaine nous a passé un contrat de concession d’aménagement qui fait que nous sommes maîtres d’ouvrage à sa place, si on peut le dire comme ça.

Vous êtes sous-traitants, quelque part ? Non, c’est plus fort que ça. On est comme une filiale de la métropole.

Mais vous répondez toujours à la métropole en terme de choix, etc ? ou vous avez quand même une certaine indépendance ? On a une très grande indépendance. La métropole a créé cet outil d’aménagement pour justement être avec une certaine forme d’autonomie de gestion de projet et une certaine forme de décision politique et de conduite. On peut prendre le schéma d’une filiale qui a son autonomie.En revanche, notre président de la SPL c’est toujours Gérard Collomb au titre de président de la métropole au début, et même lorsqu’il est passé ministre, il est resté président de la SPL. SPL Part-Dieu, SPL Lyon Confluence. Donc en fait notre présidence c’est le président de la métropole. Alors, cas particulier en ce moment, c’est que le président de la métropole n’est pas notre président. On a le cas particulier en ce moment, ça va durer encore quelques mois, sinon c’était vraiment ça. Et donc la SPL tant comme une sorte de filiale, notre conseil d’administration est avec des représentants de la ville de Lyon et de la métropole de Lyon. Le capitale de notre société est 100% public. Après on a un bilan de l’opération, c’est-à-dire que toute l’opération est conduite d’une certaine manière un peu en autonomie sur ce qui est de son plan financier puisque nous sommes propriétaires des terrains. On revend les terrains à des promoteurs et on a un équilibre global avec cette part de revente des terrains; et après le reste est équilibré par une participation de la métropole. La métropole a abondé au pot de notre bilan d’opération et avec l’ensemble, on

119


équilibre l’opération. e qui fait que sur la partie espace public-aménagement, conduite des études, conduite de l’opération, on est maître d’ouvrage directement. C’est-à-dire qu’on fait des informations et des validations par la métropole de l’ensemble du projet mais après on conduit directement l’ensemble. Nous faisons aussi toutes les cessions de charges foncières. Tous les terrains sont vendus sur la base de cahiers des charges que l’on fait faire par toutes nos équipes d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour guider le contenu de chacune des opérations et on fait faire, on conduit l’ensemble des études d’urbanisme qui conduisent à ce plan.

Pour ce qui est des terrains, comment les avez-vous récupérés ? Parce que c’est vrai que c’était des terrains en friche, qui étaient plus ou moins utilisés de façon plus ou moins informelle, plus ou moins en bon état ... Comment ça s’est passé ? Alors, on a acheté les terrains à leur propriétaire industriel. En fait, ici c’était une friche, on a commencé l’opération par la partie côté Saône et ensuite on la développe côté Rhône. Côté Saône, on a commencé par là parce les terrains étaient disponibles. C’est-à-dire que c’était des anciennes friches industrielles, terrains de GDF, les Grands Moulins, les terrains de la SNCF beaucoup. C’était un ancien centre tri postal, un ancien centre de tri avec une halle TGV, voilà. Donc ça c’est des terrains que nous avons achetés. Donc c’est l’opération, l’aménageur qui a acheté les terrains. Donc ensuite il a fallu démolir, préparer, dépolluer, faire les préparations d’usages. Pendant ce temps-là toute la phase réglementaire du projet était conduite pour pouvoir ensuite préparer sur la base des études toute la trame viaire, les nouvelles rues, tous les nouveaux réseaux, et ensuite vendre les terrains. Et donc lorsqu’on commence l’opération, qui est une ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) qui a été créée. En fait on a comme une sorte de grosse opération. Le seul objet de la SPL c’est cette opération-là. On est pas aménageurs sur plusieurs sites, ce qui fait qu’on a constitué l’opération comme un puzzle avec trois grandes pièces. Donc la ZAC 1 et la ZAC 2, c’est pour ça qu’on les appelle première phase et seconde phase, pour dire qu’on est sur un tout et qu’on est pas avec des noms différents. Lorsqu’on a fait la première partie, le dossier de création de ZAC, c’est à ce moment là qu’on identifie, sur la base de l’étude d’impact de la ZAC, toutes les mesures qui seront à mettre en œuvre pour passer d’un stade initial avec des friches industrielles vers un projet urbain, et ensuite toutes les mesures réglementaires que l’on va devoir appliquer, mettre en œuvre pour pouvoir constituer les changements d’usage des terrains. Donc à ce moment-là, c’est là où on fait faire l’ensemble des études de diagnostic de pollution, et donc après le rapport aux risques liés aux bords d’eau, à la crue. Ça c’est fait dans l’étude d’impact initiale de la ZAC, donc au stade de la création, puis après c’est plus détaillé, abouti, au niveau du dossier de réalisation de la ZAC. Et après on met en œuvre l’ensemble des mesures qui sont préconisées dans le dossier de réalisation. Après on a fait la même démarche quand on a constitué la deuxième phase du projet, la ZAC 2, qui elle était essentiellement sur le marché, l’ancien marché de gros. Donc lorsque le marché a déménagé, on a pu poursuivre les études et constituer les nouveaux dossiers de création et de réalisation ensuite de la deuxième ZAC.

Et ça n’a pas été trop compliqué d’accéder aux terrains ? Comme c’était de gros industriels ? Ou ça a été fait de façon souple parce que c’est quand même la SNCF, qui est assez attachée politiquement. Alors ce sont des négociations d’acquisition des terrains qui se font dès le début de l’opération. Donc en gros dès qu’il y a une volonté politique de démarrer l’opération, il y a eu des premiers contacts pour dire que voilà “ La collectivité souhaite par notre intermédiaire, l’outil aménageur, souhaite acheter des terrains.” Donc c’est vraiment l’aménageur qui devient propriétaire. Ensuite, chaque terrain est négocié avec chacun des propriétaires sur la base d’un plan d’aménagement qui explique “On voudrait acheter telle parcelle » sachant qu’elles étaient côté Ouest principalement, beaucoup sans activités, et puis certaines c’était des activités en cours de déménagement. On était principalement sur de la friche.

120


Est-ce que vous avez des soucis en terme de constructibilité ou pas du tout ? En lien avec les PPRN ? Ou ça a été assez fluide ? Est-ce que en plus d’avoir négocié les terrains aux industries à qui vous les avez acheté, vous avez dû en plus, on va dire, renégocier l’utilisation des terrains ? Alors la difficulté ne s’est pas placée vis-à-vis la présence des fleuves. La difficulté, elle s’était surtout placée sur le changement d’usage et donc la pollution présente. Le propriétaire dépollue au niveau industriel. ça c’est ce qu’il doit avant la vente. Ensuite c’est la collectivité qui décide non plus d’affecter ce terrain à une industrie mais de l’affecter à un projet urbain, avec du logement, des équipement, des espaces verts, du public ... Donc c’est à la collectivité de prendre en charge le changement d’usage entre un terrain industriel et un terrain qui n’est plus avec des caractéristiques admissibles dans l’industriel. Sur la présence des fleuves ... Je n’ai pas pris le temps ce matin de relire les études d’impacts avant de vous en parler, mais la difficulté, elle, est plus dans le côté technique qui fait que la nappe est présente très tôt, très proche. Juste au niveau -1 en fait. Ce qui conditionne beaucoup les réalisations de sous-sol et la façon dont le projet est conduit. Après, il n’y a pas eu de, enfin on a vu rapidement qu’il n’y on va dire peu, si on peut dire peu, de risques au niveau des inondations. Parce qu’il se trouve que comme c’est un site industriel, je parle côté Saône, tout le bord de Saône était justement avec un mur Perret, tout le port Rambaud est avec une estacade qui en surplomb à 3 m au-dessus de l’eau, ce qui était justement bâti pour être hors des zones de crues et permettre l’activité industrielle en permanence. Tout le port Rambaud jusqu’au Nord de la Darce présente une estacade qui sur à peu près une dizaine de mètres de large forme une sorte de balcon au-dessus de l’eau, et a un niveau à peu près 3 m au-dessus de la Saône. Ensuite on retrouve le quai bas, qui lui est un quai inondable; Le quai bas traditionnel, à peu près à 50 cm du bord d’eau. Et ensuite on a le mur Perret qui lui tient la ville. Là, cette partie-là est inondable, mais on va dire jusqu’au mur Perret qui lui a été bâti pour pouvoir préserver la ville de la crue de la Saône. Ensuite, lorsqu’on a créé la Darce, on a pris les mêmes côtes. Alors ça je peux vous retrouver les dossiers de ZAC avec les études d’impact. Comme ça il y a les niveaux qui sont pris en compte et ensuite tout est pris en compte en fonction des risques, des niveaux de crues qui ont été identifiés. La crue centennale, la trentennale ...

Au niveau urbain, sur quel niveau de crue de référence vous êtes-vous appuyé ? J’ai eu l’occasion de discuter avec AFAA hier qui a construit notamment juste en face de chez vous, sur l’îlot A3. Et ils m’ont expliqué que eux, au niveau architectural, vous leur aviez donné comme niveau de référence la crue décennale. Est ce que vous avez utilisé la même sur le projet urbain ? C’est certainement la même. Là, comme ça, je ne l’ai pas en mémoire, mais si on vous a dit que c’était la décennal, ce sera celle-ci de partout. Donc après tous les aménagements sont faits en fonction. Alors je me souviens bien... je vais vois si je retrouve le dossier...

Ça marche. On regarde tous les impacts et toutes les mesures prises en compte. Normalement, on a les grandes phases et après on se réfère à l’état initial.

Toutes ces études ont été produites par des bureaux d’études privés que vous avez engagé ? Ou des études de l’état. Non, elles ont été commissionnées. On fait faire des missions à des bureaux d’études, spécialisés en études d’impact, pour constituer l’ensemble des données nécessaires au projet.

Mais des études sont aussi réalisées par l’état ... Est ce que vous les utilisez ou vous ne préférez pas ? 121


C’est pas qu’on ne préfère pas, c’est qu’en fait nous on missionne un bureau d’étude qui , lui, fait toutes les recherches de tout ce qui existe pour que l’on puisse tout compiler, qu’on ai tout. Donc oui, le BRGM, toutes les études conduites par le BRGM sont prises comme matière première et comme sources d’informations bien évidemment. Et après essayer de compiler pour nous faire un sorte de synthèse. Mais même la synthèse n’est pas très ... elle est très lourde. Et après en général, on va aux résumés non techniques pour savoir de quoi on parle. [...] On a identifié les sous-sols. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Presqu’île est constituée au départ des îles qui étaient avant la canalisation du bord du Rhône. Donc ça c’est sous l’ère de Perrache que le quai a été fait pour canaliser. Donc on retrouvait les bras et les îles, ce qui fait qu’en terme de géologie et de travaux, on retrouve des structures très hétéroclites et très différentes dans le sous-sol. Caractéristiques du sous-sol. Pollution des sols. Alors ça c’est une synthèse et après on a des études spécifiques pour chaque terrain, des études historiques, et ensuite on fait faire des évaluations détaillées des risques pour identifier quel niveau de dépollution on doit atteindre.

En terme de bâtiments sur la totalité du projet; on a discuté tout à l’heure du fait que les bâtiments ne peuvent normalement pas descendre au-dessous du N-1. Il y a le silo de parking qui descend au-dessous. Est ce que vous en avez d’autres ? En fait, on ne peut pas au sens économique du terme. ça coûte très très cher. On pourrait être en utopie en disant ‘On autorise les constructions de sous-sol qui ne descendent que au droit des immeubles’ et pas en débord pour avoir de la pleine terre et pouvoir planter en pleine terre autour des immeubles. Donc si un immeuble avait un bilan économique suffisamment confortable pour faire 3 niveaux de sous-sols, il pourrait. Seulement dans la nappe, ça coûte tellement cher que ça n’est pas possible au final. On s’en tient au premier niveau de sous-sol et après on concentre les efforts financiers sur les parkings mutualisés, comme celui qui est juste derrière nous et qui sera bâti ensuite pardessus ces immeubles-là. Donc ça c’est le parking qui vient d’être construit. On projette d’en faire un second plus tard dans la deuxième phase.

Au niveau du Champ ? Oui. Au Nord.

Entre la rue Paul Montrochet et les anciens bâtiments. Oui vers la Frenchthèque. Même le pôle de loisirs ne descend qu’au niveau -1. Lui, pour se protéger, a dû faire un mur en béton qui vient étancher, une paroi moulée. Mais il ne descend qu’au-1. Après il a monté la superstructure que l’on voit sur la maquette en verre pour faire des parkings en étages. Pareil, c’est sur le bilan économie de l’opération. Non, je crois qu’on a que nos parkings en silo qui descendent.

Même sur la Zac 1 ? Oui. Alors sur les bâtiments de la ZAC 1, par exemple sur les îlots A, B, C que l’on voit avec le jardin en cœur d’îlot, là il y a une nappe de sous-sol sous la partie bâti qui va au niveau -1, et ensuite il y a une deuxième nappe de sous-sol qui est au niveau du rez-de-chaussée si l’on peut dire, puisque les immeubles sont en fait avec deux rangées de constructions, l’une qui est accessible du côté de la rue donc au niveau du RDC, tandis que les immeubles côté intérieur du cœur d’îlot démarrent comme au niveau du R+1 si l’on peut dire par rapport à la rue, parce que le jardin du cœur d’îlot est sur-élevé. Il est à 6 mètres au-dessus. Ce qui fait qu(on a pu glisser des nappes de stationnement sous les immeubles sans pour autant descendre dans la nappe et sans pour autant déborder de l’emprise pour pouvoir planter à côté. Stocker la terre et planter à côté. Sinon dans la nappe, là, comme ça, je ne pense pas qu’il y est d’autres immeubles ou d’autres opérations qui descendent, parce que c’est vraiment trop coûteux.

Donc le risque d’inondation indirect, donc par la nappe, est vraiment une contrainte 122


économique ? C’est lié au coût de construction. Je pense que là, ça n’est pas tellement lié au risque d’inondation par la nappe, c’est que le coût de construction dans la nappe est tellement élevé qu’en fait l’opération ne peut pas le prendre en charge. Chaque immeuble ne peut pas se payer de coûts de construction aussi élevés pour faire des parkings en sous-sol.

Pour être rentables. Oui.

Est-ce que cela vous a par contre permis d’appuyer, on va dire des stratégies de développement ? En disant par exemple ‘On ne peut pas construire en sous-sol, donc en fait on ne peut pas avoir de places de parking, donc on va faire des mobilités douces’. Est ce que cette question de la nappe a été un facilitateur à certains niveaux ? En terme d’argument ça aide aussi oui. On va dire que le projet a ses propres convictions pour dire qu’on fait de la mobilité douce, qu’on fait une partie de ville sans voitures donc on diminue la réglementation du PLU sur le nombre de places par logement, sur le nombre de places par bureau...

Vous l’avez diminué de combien ? Alors là je ne sais plus... Et ..; en revanche il y a cette volonté-là, et après elle est argumentée en plus par le fait que techniquement et économiquement, on ne peut pas construire de sous-sols. Donc ça pousse tout le monde à trouver des solutions un peu innovantes pour dire ‘Alors, si on ne peut pas construire en sous-sol ... Enfin si on ne peut pas. Si ça coûte trop cher de construire en sous-sol, comment on peut trouver des astuces pour qu’on rentre dans la réglementation?’ Parce que même si la réglementation a diminué le nombre de places, il n’empêche que sur la deuxième phase, on ne peut pas construire le nombre de places suffisant réglementairement parlant, au droit des immeubles. Mais néanmoins, on ne les autorise pas à faire des parkings sous dalle en cœur d’îlot, dans leur propriété privée. Donc à ce moment-là, il a fallu trouver une façon de bâtir le parking mutualisé. Déjà la notion de mutualisation. Elle venue un peu pour répondre à l’ensemble de ces enjeux. Pour se dire qu’on fait un parking, le public porte l’investissement. Donc il faut qu’il soit utilisé à la fois en journée par la salariée, et le soir par les habitants. Et donc toutes les places qui ne peuvent pas être construites en sous-sol des immeubles sont prises dans le parking mutualisé. Donc les gens qui habitent dans les immeubles ont une place de parking. Une place, mais pas attribuée géométriquement dans le parking, mais un ticket d’entrée dans le parking. Et pour qu’il y est une rotation, une mutualisation, il n’y a pas une place avec une numéro et une petite barrière, qui dit que cette place est réservée à telle personne. C’est qu’en fait ils ont ont un droit d’entrée. La rotation doit se faire entre la journée et le soir donc il n’y a pas de place attribuée au sol. La notion de coût lié à la construction parce qu’il y a la nappe et toutes les mesures de protection pour éviter que la nappe puisse rentrer dans les sous-sols si c’est le cas, pour qu’on puisse construire; ces coûts-là génèrent des besoins de trouver des modes de faire et d’organisation un peu différents et un peu innovants. D’ailleurs, dans la construction du parking, notre grande surprise c’est que toute la paroi est étanche et puis il y a un pompage qui est fait au fond du parking pour pomper la nappe, constamment, qui rentre dans le parking, et on a été très surpris. C’est que les débits sont extrêmement faibles. Beaucoup plus faibles que prévu. Finalement, il y a peu de porosité donc il y a peu d’eau qui est pompée et qui ressort. On avait imaginé que ça serait beaucoup plus important que ça. Et puis je vais retrouver la carte des terrains submersibles. ça c’est les zones inondables de centre ville.

Donc vous êtes bien concerné. 123


Sur toute cette partie-là, oui. Après tout le reste ne l’est pas. On est pas identifié.

Ça veut dire quoi ? Ça veut que vous avez, en fonction de ça, mis en place des stratégies un peu particulières de d’aménagements extérieurs qui seraient adaptables en cas d’inondation, de dégâts ..? Comment est-ce que vous avez fait ? On a une carte de niveaux NGF ... [...] On voit les niveaux inondés en zones de plus en plus foncées, bleues, en fonction des crues ...

Décennal, trentennal ? Oui. On l’a quelque part. Sur le Champ, on travaille sur un nivellement. On est parti du principe que ... mais je raisonne au pluies là. En fait on a pas de difficulté de remontées de nappes.

Pourtant selon les niveaux de crues on arrive au sol ? En terme de pollution ... Mais en fait si je réfléchis à ce qu’on a dessiné sur le Champ, si on a des cumules de pluies, en fait on fait le Champ avec des creux et des bosses, avec des fossés pour récupérer les eaux de pluie. On dimensionne les fossés pour qu’ils puissent récupérer les pluies jusqu’à trentennal, et si toutefois si il y a des pluies de fréquence centennale, et bien ça peut inonder les petits chemins qui sont autour. C’est ça. Mais ça ‘est pas lié à la remontée de nappe.

C’est finalement un peu lié. Puisqu’il y a une relation hydrodynamique qui existe entre les nappes, les fleuves, les pluies ... Alors ce qu’on a pas évoqué, c’est qu’il y a une régulation de la Saône et du Rhône par le barrage de Pierre Bénite qui nous donne une sorte de constance quand même. Et qui fait que les niveaux et les variations de nappe sont moins élevés que quand il n’y avait pas le barrage, où là il y avait de très grandes variations de nappe. Et donc le fait que ce soit avec une certaine constance fait que le niveau de nappe, même s’il varie un peu, ne varie pas énormément. Parce que quand on a aménagé les jardins aquatiques qui sont le long de la Saône, on a fait en sorte que le jardin aquatique soit au-dessus du niveau de la nappe. On a mis une étanchéité en argile pour qu’il n’y est pas de contact entre les deux et que le niveau du jardin, de l’étang, soit constant, qu’il ne varie pas avec la nappe. Donc la variation du niveau de nappe est quand même assez maîtrisée. C’est vrai que je peux vous retrouver dans les études d’impact de la Saône les niveaux de crue qui sont pris en compte. Parce qu’à chaque opération, quand on dépasse un certain montant, un certain degré d’aménagement, on fait faire une étude d’impact spécifique. Donc tous les aménagements côté Saône qu’on a réalisé, ils étaient dans la continuité de toute l’opération Rives de Saône conduite par la métropole, donc on a cumulé les effets, pour voir que les aménagements qu’on fait en aval de tout ce qu’a fait la métropole ne soient pas en contradiction et ne viennent pas cumuler des contraintes sur l’écoulement des eaux de la Saône. ça je peux vous le trouver. Sur la partie port Rambaud, on est au-dessus avec notre histoire d’estacade, on est à 3 mètres au-dessus de l’eau, tandis que là, on est dans l’écoulement de la Saône. Donc on a fait faire une étude d’impact.

Et comment ça serait au niveau du quai Perrache ? Puisque l’autoroute va être déclassée en boulevard. Je suis tombée sur l’étude d’impacts de voirie et donc il y a tout un nouveau projet pour rétablir les berges, se rapprocher de l’eau, ... En terme de matériaux, comment est-ce que vous avez géré ça (étanchéité) ? Alors là aucune idée. Il doit y avoir en tout cas des informations dans l’étude de la ZAC 2 concernant le quai Perrache mais elles étaient sans doute antérieurs puisque le déclassement de l’autoroute a été prononcé il n’y a pas longtemps. Il y a certainement par contre des études

124


d’impact de la métropole sur l’autoroute. Là on doit pouvoir trouver des informations liées spécifiquement à l’autoroute. Après, c’est un peu difficile parce que là on a deux maîtrises d’ouvrage. Nous on s’occupe de l’opération mais c’est la métropole qui est maître d’ouvrage pour le quai Perrache et la requalification de l’autoroute. Donc dans ce cadre-là, en temps que maîtres d’ouvrage, ils doivent avoir un dossier d’étude spécifique et donc pouvoir sans doute répondre à vos interrogations sur le rapport au Rhône, et s’il y a des perméabilités ou pas. En revanche je ne sais pas du tout répondre, je peux rechercher si de notre côté on a quelque chose sur la ZAC 2, pour vous donnez au moins un point de départ, l’état initial ... et que vous puissiez voir après les contraintes et les effets à prendre en compte pour la requalification de l’autoroute.

Il y avait une question que je me posais : comme on a parlé de la crue décennale tout à l’heure, enfin de remontée de niveau de nappe décennale, qu’est ce qu’il se passerait selon vous si on passait au niveau trentennal, centennal ... S’il y a un aléa supérieur au niveau décennal, comment est-ce que le projet réagirait ? C’est là qu’il y a des cartes.

Parce qu’il y a différents types de risques. Dont on se protège, mais aussi des risques acceptés. Il y a une notion de risque maîtrisé jusqu’au niveau décennal, et puis au-delà on passe plutôt dans une phase de risque accepté ... avec une adaptabilité du projet, j’imagine, relative à ... Oui. Il y a eu la construction de la MJC, qui est le petit bâtiment en bois tout au bout au bord de la Saône. Là, pour le coup, les études vis-à-vis des inondations ont été poussées puisqu’il est complètement inondable. Enfin dans une zone inondable. En fait le bâtiment est construit sur deux niveaux. Il y a le niveau du quai bas, on va dire le RDC bas, et puis le RDC haut qui est sur l’estacade. Donc le RDC haut, dans la mesure où il est sur sur l’estacade, il n’est pas concerné par les crues. Le RDC bas, c’est là où il y a la capitainerie et puis des éléments techniques. Tout a été fait avec des batardeaux et il y a même des portes étanches qui ont été prévues pour que en cas d’alerte de crue (là c’est Vigicrues qui donne les alertes sur les fleuves donc sur la Saône), tout peut être fermé. Les batardeaux sont mis. C’est arrivé l’hiver dernier. Pour que la crue se passe, puisque la crue va sur le quai bas de la Darce et donc peut inonder le bâtiment. Donc le bâtiment est protégé, et protégé spécifiquement vis-à-vis des crues.

Donc tous les aménagements au niveau du quai bas de la Darce sont éphémères ? Oui. Tout est inondable. Dès que c’est sur le quai bas, on sait que c’est inondable, il n’y a pas d’ambiguïté. Par contre je n’arrive pas à retrouver comme ça les contraintes sur les RDC d’immeubles. A mon avis, je ne pense pas qu’il y est une prise en compte de la crue sur les RDC ... Comme ça. Pas de mesure spécifique sur les RDC parce que on est au-dessus des niveaux ... Comment dire... Au niveau réglementaire, il y a des réglementations pour les crues. Mais par contre même si vous êtes soumis à des remontées potentielles de nappe, est-ce que ... En fait il n’y a pas de réglementations dans les PPRN.

Les inondations sont à chaque fois liées seulement au fleuve, mais pas aux remontées de nappe ? Oui. Donc c’est rigolo puisque c’est seulement à titre informatif dans les PPRN et les PPRI, ces questions de remontées de nappe, et comme il n’y a pas de réglementations, en fait la décision découle d’une logique économique qui va dans le sens de, mais qui ne passe pas du tout par le même schéma. Oui. Ce n’est pas une notion d’imposition vis-à-vis d’un risque ou d’une protection vis-à-vis d’un risque. C’est comme si la zone bleue allait au bord de la Darce et ... Alors crues exceptionnelles, je ne

125


sais pas ce que ça veut dire en terme de niveau ... Parce que là, personne n’a jamais encore constaté un débord par-dessus l’estacade. Pour l’instant, les niveaux les plus hauts qu’on a repéré sont faits sur les quais de Saône. La crue de 1910. Chaque fois que j’étais en chantier : 2001, chantier inondé par la plus grosse crue que j’ai vu moi, ensuite l’année dernière, en chantier encore ... Sur la crue de 1910, il y a un repère vers le pont Kitchener qui est ... euh le pont SNCF pardon. Sous le pont SNCF. Et donc en fait le niveau de crue touche les quais bas mais ne dépasse pas les Perrets. Et les Perrets ont tous été construits après la décision après la grande crue de 1856, et là la ville s’est protégée. Je ne sais pas si depuis ... Enfin il y a eu celle de 1910 mais je pense qu’entre-temps, la constructions des Perrets a été poursuivie pour se protéger. Je ne sais pas s’il y a eu des cas où l’eau de la crue est passée au-delà du niveau des Perrets . Je pense qu’entre-temps, il y a eu les barrages, qui régulent, et qui malgré tout jouent leur rôle quand même de stabilisateurs. Là on a eu en début d’année un cas qui je pense était un peu spécial où les deux étaient en crue, le Rhône et la Saône, et donc là il y avait des inondations sur les quais bas du Rhône. C’est vrai que c’était assez impressionnant, mais ça reste sur les quais bas donc c’est des aménagements paysagers qui sont eux-même faits en fonction de cette notion de risques. Alors ça par contre c’est un truc que l’on prend en compte, que ces aménagements sont faits en fonction de ces risques. Donc n’a pas le droit de mettre du mobilier pour ne pas, déjà, entraver l’écoulement de l’eau, retenir des embâcles, et ne pas faire du mobilier qui s’échappe et qui part.

Donc vous avez quand même des contraintes d’usage et d’aménagement ? Oui.

Est-ce que vous avez ces contraintes d’usages pour les bâtiments comme la MJC ? Est-ce que ça a dégagé des contraintes en terme d’usage, d’aménagement ? Oui. Puisque la partie du RDC bas a été dimensionnée. En gros, c’est en hauteur la MJC, qui accueille du public très régulièrement, et la partie du quai bas qui est la capitainerie, donc qui accueille du public en beaucoup plus petit nombre, restreint. Il y a un poste d’accueil, donc il y a des gens qui travaillent en permanence, mais la surface d’accueil de public est limitée. C’est seulement des éléments techniques, du stockage, du rangement ... et après tout ce qui est chaufferie. Donc ça c’est des locaux qui sont étanchés au sein même du RDC bas. Il y a des portes étanches et un jeu d’escaliers, pour que même s’il y a des petites crues, un peu d’eau, elle ne vienne pas jusqu’au fond abîmer la chaudière. Un jeu de niveaux a été fait. Et après, s’il y a de très grosses crues, tout le bâtiment peut être fermé par des batardeaux. Là, en revanche, avec ces conditions-là, on ne peut pas imaginer mettre des salles au RDC bas qui accueilleraient du public en permanence. En tout, ça n’est pas que ce n’est pas imaginable mais ça crée un dysfonctionnement qui n’est pas admissible. ça n’est pas possible, je ne sais pas, de dire que la salle de musique ne peut pas être utilisée à chaque fois qu’il y a une crue. C’est plutôt dans le fonctionnement que ça se pose, pas tant pour le risque pour le public, mais ça génère tellement de contraintes de fonctionnement que on ne le fait pas. Sinon l’équipement ne fonctionne pas bien. Il y a aussi une histoire de sortie de secours. Il y a un escalier. C’est deux équipements distincts (RDC et premier étage), mais en revanche si tout est fermé au niveau RDC, qu’il faut mettre les batardeaux et que des gens doivent descendre, il y a quand même un accès par un escalier avec une clef qui donne accès de l’équipement de la capitainerie vers la MJC, qu’il y est un lien qui puisse se faire. Donc les deux bâtiments sont quand même liés pour parer le problème de risque.

Ça aussi, ça demande un travail en terme d’usage, de réflexion, de fonctionnement, de construction et d’architecture. Pour les coûts aussi. Oui. Et puis d’autorisation dans le fonctionnement. J’imagine que c’est quand même deux propriétaires différents qui se mettent d’accord. ‘Si c’est inondé, il faut que tu passes par chez moi pour aller chez toi.’

126


Et vous n’avez pas eu trop de problèmes pour faire valider les permis de construire ? Non. Je ne pense pas qu’il y ai eu de difficulté particulière. Quand le permis a été déposé ... Je n’ai pas en mémoire qu’il y ai eu un sujet de difficulté spécifiquement lié à ça, non. C’est plus des difficultés de montage de projet dans le fonctionnement. C’est-à-dire qu’il faut travailler avec les usagers pour relativiser tout ça et se dire que ça n’est que des cas particuliers, que ça ne va pas créer de difficultés dans la gestion du quotidien d’une MJC ...

Usagers propriétaires ou même du public sur cette question de la gestion ? Le public n’en est pas informé. Il n’est pas encore là quand on fait le projet. En revanche, c’est un projet qui est fait par la ville de Lyon, avec lesquels on travaille, et la ville de Lyon met à disposition ce local à la MJC. Donc il y a le preneur qui a voix au chapitre puisque ça va être lui qui va l’occuper. Il résonne sur : Où sont les salles d’activités ? Comment elles fonctionnent ? à quelle heure elles fonctionnent ? Comment sont les flux du public ? Et donc ça, ça a un impact. C’est un peu comme si on générait des contraintes supplémentaires en disant ‘Ah oui mais si il y a une crue et bien ...’

Parce que vous êtes bien obligés de les prévenir non ? Ah oui oui. C’est même fait avec eux. ‘Si il y a une crue, comment vous accédez à votre local de stockage, de chaufferie ?’ Donc tout ça, c’est pris en compte dans le projet. Je pense que effectivement ce bâtiment là est représentatif du problème que ça peut générer.

Et mis à part la MJC, avez-vous eu des réactions anxiogènes ? des locaux, des promoteurs à qui vos avez vendu des terrains ? Est-ce qu’ils ont été un petit peu concernés par le positionnement ou ils avaient complètement confiance ? Parce qu’on est quand même sur un territoire qui reste complètement maîtrisé. Oui.

Donc ils ne se sont pas posé la question. Je ne pense pas tellement que vis-à-vis des crues, il y est comme ça une inquiétude formulée. Après, c’est plus de la technicité, s’assurer dans le temps que la construction sera bien fondée. Et que là, comme on est dans la nappe, la technique coûte plus cher ... On en revient toujours à la même question, mais ça c’est plus sur la pérennité de l’ouvrage mais pas tant sur la présence de la crue, enfin de la Saône ou de la nappe à proximité. Je ne pense pas qu’ils ressentent ça.

Comment vous voyez-vous ? A travers la SPL, en tant que chef de projet, comment ça se passe ? Et puis par rapport aux autres acteurs, qui vont devoir traiter un peu de ces notions de risques avec la SPL (état, promoteurs, locaux, ...) qui vont être un peu en contact avec vous ? Comment vous positionnez-vous ? Avec qui communiquez-vous particulièrement sur ces notions de risques par exemple ? Ou à contrario avez qui ne communiquez-vous pas du tout ? Alors on communique nécessairement toutes ces notions-là à tous les promoteurs à chaque fois qu’on vend un terrain. Par l’intermédiaire de l’acte de vente, on donne toutes les informations, puisqu’ils doivent avoir connaissance de l’état du terrain qu’ils achètent. Donc le fait qu’il y est la nappe en dessous, que ça génère des difficultés. Je pense qu’elle est plus perçue comme une contrainte, mais pas comme un risque. C’est peut être moi qui l’interprète, mais je pense que c’est plutôt perçu comme ça. Il y a une contrainte. A Lyon, on fait un pauvre trou et on trouve la nappe. Donc c’est une contrainte de construction. Est-ce que c’est un risque ?..

127


Ce n’est pas vu comme un risque. Je ne pense pas. C’est comme si ... c’était un postulat. Il y a la nappe, il faut faire avec.

On est à la Confluence, il y a un fleuve, une rivière, donc de la boue. Mais il y a tellement d’enjeux, il y a tellement d’attractivité, il y a une question d’image qui est tellement forte, une question d’argent qui est tellement présente en terme d’investissements qu’on gère ... Voilà. Construire ici, et même construire un peu partout dans Lyon, à part à la Croix-Rousse, c’est comme ça. C’est quelque chose qui est totalement intégré dans la difficulté de bâtir quelque chose ici. Donc, ce n’est pas vraiment perçu comme un risque. La nappe est même perçue pour certains comme un point fort. Très vite, il y a des propositions pompage dans la nappe pour faire du rafraîchissement. On a eu plutôt tendance parfois à être obligés de calmer un peu les ardeurs sur l’utilisation de la nappe comme étant une ressource à exploiter.

Pourquoi les avez-vous découragé ? Pour des questions de température ? Oui. Et puis c’est pour le cumul en fait. C’est-à-dire que si tous les immeubles voulaient pomper dans la nappe pour faire du rafraîchissement, et bien on réchauffe au fur et à mesure en ré-injectant. On a fait faire des études de cumul d’effets et donc il faut limiter.

Les résultats correspondaient à quoi ? Est-ce que c’était excessivement néfaste ? Oui, il y a un cumul. Alors déjà, on a le sens d’écoulement de la nappe. Donc si quelqu’un pompe pour faire du rafraîchissement et réinjecte à une température supérieure dans la nappe, et que celui qui est juste en aval veut faire exactement le même schéma, il part lui-même avec une température d’eau peut-être supérieure, influencée par l’écoulement de la nappe qui a été réchauffée par celui qui est en amont. Il y a un cumul d’effets comme ça. ça, c’est des choses qu’on a faites étudier pour pouvoir dire ‘Oui, vous vous pouvez pomper dans la nappe, non, vous vous ne pouvez pas.’ Donc à un moment, on met des contraintes.

Vous avez vraiment intégré l’impact environnemental dans le projet urbain. Oui. Et aussi dans la ZAC 1, comme il y a eu des pollutions historiques, dont certaines ont été enlevées en surface. Mais dans la nappe elles restent, comme on ne peut pas pomper la nappe pour traiter les pollutions. C’est infini en fait. Il y a certaines pollutions stables qui sont restées dans la nappe. Donc on ne peut pas la déstabiliser. On ne peut pas pomper n’importe où, parce que quand on pompe on crée un mouvement, un courant qui viendrait déstabiliser les pollutions qui sont restées souterraines dans la nappe et qui sont stables. Donc ça aussi, c’est une autre façon d’avoir du risque sur la nappe. Don c’est plutôt comment nous, aménageurs, on a limité les envies d’utiliser la nappe comme une ressource.

Vous vous posez aussi comme garants de la durabilité du projet urbain et du territoire sur lequel il vient s’inclure. Oui. Donc la nappe, elle est par les promoteurs par perçue comme un risque. C’est une contrainte de construction mais elle est aussi perçue comme une ressource à utiliser.

C’est une autre vision. c’est très intéressant, parce que ce ça n’est pas forcément une vision qu’on va avoir au début. Oui.

Et au niveau politique, comment est-ce que vous ressentez le projet de La Conflu128


ence ? Est-ce que ce prisme politique a été un blocage, a favorisé l’avancement du projet ? Je ne parle par forcément de risques. Est-ce que vous avez l’impression que ça a vraiment été un facilitateur, du fait de l’enjeu d’image ?.. Nous, l’ensemble du projet est .. On a ... On a eu au fur et à mesure des années une sort de soutien ... C’est pas un soutien. C’est qu’on porte une ambition de projet qui est soutenue au sens politique. C’est que notre président et nos élus soutiennent le projet parce qu’ils y voient aussi, eux, un point fort pour l’image de Lyon, ce qui fait que tout est alimenté de façon positive. D’emblée, le projet a été placé sous un projecteur pour dire que ‘Voilà, on a un très gros projet sur Lyon, c’est l’une des plus grosses opérations européennes sur un cœur de ville’, avec des niveaux d’ambition qu’on a à chaque fois tenus, d’innovation ... Aller au-delà des réglementations, montrer qu’on peut faire de l’innovation dans une ville avec du paysage, bien vivre en centre ville ... Et donc ça, c’est à la fois des propositions qui sont validées par nos élus, et donc qui sont soutenues par nos élus, qui eux-même peuvent utiliser pour donner de la dynamique à l’image de Lyon. Il y a un engrenage positif qui s’est fait dès le départ.

Vous ne l’avez pas du tout ressenti comme une pression ? Parce qu’en terme d’attentes, il y a aussi énormément d’attentes par rapport au projet. C’était vraiment une attente positive, parce que les gens étaient contents, disponibles. Et puis l’attente, on l’a générée avec les années. parce qu’il y a une dizaine d’années, tout n’était pas aussi simple. Il y a des batailles qu’il a fallu mener pour aller au-delà de la réglementation sur le développement durable.

C’est-à-dire ? Et bien, quand on a commencé les premiers immeubles, et qu’on demandait aux promoteurs d’être économes en énergie, beaucoup d’isolation, pas de climatisation mais du rafraîchissement, réutiliser l’eau de pluie ... Pour eux, ce n’était que des contraintes. La notion aujourd’hui d’être écolo est passée dans les moeurs, mais il y a une dizaine d’années, ce n’était que des contraintes économiques. Au début, ils étaient très réticents. C’est vraiment des convictions qu’il faut soutenir pour nous nous qui faisons ce type de cahiers des charges, et qui répondent à la hauteur. Au bout d’un certain temps, assez rapidement, c’est devenu leur fer de lance, pour dire ‘Voilà, on fait des immeubles économes, haut qualité environnementale’ Au fur et à mesure des années, c’est devenu une évidence. Aujourd’hui, on ne reviendrait pas en arrière.

Ça a été un processus long et laborieux, dans la mise en place et la mise en œuvre. Ce qui est évident aujourd’hui ne l’était pas du tout il y a une dizaine d’années. La biodiversité, le rafraîchissement et les îlots de chaleur, des immeubles très économes... Aujourd’hui, au départ, on était donc très économes, ensuite on était passifs, maintenant on est positifs. C’est-à-dire que les immeubles produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. ça, ‘est une évolution qu’il a fallu amener. Donc les attentes, l’engouement qu’on a aujourd’hui, il a quand même pris un certain temps. Heureusement, les élus ont toujours été très positifs sur ce projet et ont toujours soutenu toutes les propositions très innovantes qu’on a pu faire faire émerger des études de cette opération.

Et au niveau local ? Avec les lyonnais ? Puisque les retours des visiteurs extérieurs sont toujours très positifs, mais très contrastés au niveau des lyonnais. Est-ce que vous avez des missions particulières de communication, de sensibilisation au territoire, au Rhône ou au rapport aux berges. Oui. Toutes les phases qu’on conduit sont concertées, on fait différents types d’ateliers de concertation pour recueillir des avis, enrichir le projet au fur et à mesure des années, et donc il y a eu aussi des phases de couture entre le quartier existant et le nouveau quartier. On a fait en sorte aussi de créer du lien avec différents types de structure. Le jardin partagé a été proposé

129


par nous, l’aménageur, aux habitants. Pour qu’ensuite il puisse se développer. Et maintenant c’est un équipement qui est pérennisé, c’est un exemple, et qui crée du lien entre l’existant et la partie nouvelle. Au fur et à mesure qu’on fait des morceaux de projet, on fait en sorte de faire de la couture de cette manière-là, et on a aussi fait faire des études d’appréciation des usagers des espaces publics et des logements. Les logements, on va dire que c’est plus fréquent d’aller au bout d’un an sur qu’est ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, ce qui est positif ... Et donc on a aussi fait faire ce type d’étude sur les espaces publics, pour avoir un retour des usagers, différents types d’usagers (les habitants, les touristes, les gens qui travaillent et qui les utilisent), pour pouvoir sur cette grande étude socio aussi alimenter la réflexion pour la suite des aménagements. Donc en fait, avec les habitants, on crée quand même régulièrement du lien pour avoir et leur avis sur ce qui a été fait, voir si on peut faire évoluer, s’il y a des manques, des choses positives, comment on les met en valeur... Les retours sur les espaces publics sont globalement très positifs, que ce soit par les habitants ou par les gens qui visitent de l’extérieur. On fait les mêmes démarches sur les logements. Il y a des approches différentes selon les îlots, et chaque année, on fait des îlots différents, chaque fois qu’ils sont livrés. Là on a plus des appréciations plus îlot par îlot, voir immeuble par immeuble selon les cas de figure. Mais ça permet aussi d’enrichir les cahiers des charges pour les futurs bâtiments.

D’accord. Est-ce que vous avez eu des retours particuliers des utilisateurs sur le berges et le fait que ça soit inondable ? Ou pas ? Est-ce que c’est mentionné ou pas du tout ? Comment voient-ils ces espaces ? Est-ce des espaces purement récréatifs ou y a-t-il quand même cette perception pratiquo-pratique de l’aménagement des berges qui sont aussi un garde-fou de contrôle aussi ? Je pense que pour les promeneurs, les usagers de ce genre là ne perçoivent pas du tout la contrainte. En gros ils se promènent, et si en hivers la berge n’est plus accessible parce qu’il y a une crue ... D’ailleurs c’est même un spectacle. Les gens vont voir les crues. ça a un côté exceptionnel. Comme les gens vont voir les tempêtes en mer du Nord, les gens vont voir la crue. C’est très spectaculaire. Là où il y a une contrainte qui est connue, c’est pour les gens qui habitent sur les péniches. Ils n’ont pas le même rapport à la crue et ils n’ont pas le même rapport à l’utilisation de la berge. Le long du quai de Saône, il y a des habitations. Tout le long sur des péniches. Eux ont un rapport au risque qui est très différent parce lorsqu’il y a une crue qui est suffisamment haute, ils ne peuvent plus rentrer chez eux de façon simple. Ils ne peuvent plus marcher jusqu’à leur passerelle. C’est arrivé l’hiver dernier. Ils sont obligé de mettre des planches, et puis à un moment, ça à atteint un tel niveau qu’ils étaient obligés de prendre une petite barque pour aller jusqu’à leur péniche. C’est assez exceptionnel. Je ne l’ai pas vu souvent, seulement 2 fois sur la totalité. Donc si vous aviez besoin d’interroger des gens qui ont un rapport plus proche à la crue et à la notion de risque, je pense qu’aller voir des habitants de péniche, c’est une autre façon de voir les choses. Après ils vivent sur l’eau, au moins ils ne sont jamais inondés dans leur maison comme le bateau monte avec la crue. Par contre, ils ne peuvent pas accéder facilement à leur bateau. Ils ont une contrainte qui est acceptée, prévue. Ils ont une autre façon de voir les choses. Et donc ça c’est sur la partie Nord, puisque sur le port Rambaud, là pour l’instant, ils sont tout le temps à l’abri des crues. Il n’y a pas de difficulté d’accès. Nous, quand on a fait en revanche tous les aménagements d’espaces publics, la notion de crues est intégrée dans le projet puisque sur le quai bas, on a fait de grandes banquettes en pierre puisqu’on ne peut pas mettre de bancs. Le jeu de terrasses que l’on a fait permet d’intégrer de bancs sur la promenade. Et sur les terrasses qu’on a constitué, tous les volumes de terre sont calculés par rapport à l’existant pour ne pas ramener de volumes supplémentaires et ne pas générer de contraintes à l’écoulement des eaux. C’est des choses qu’on intègre. Chaque élément est intégré pour pouvoir voir quels sont les effets produits, cumulés, sur les crues et l’écoulement de l’eau. J’ai aussi une étude d’impact que je peux vous passer sur cette partie.

J’aurais une dernière question vis-à-vis des PPRN. Est-ce qu’ils viennent aliment130


er cette question de qu’est-ce qui est inondable ou ne l’est pas ? Et comment on gère ça ? Est-ce que vous y avez touché personnellement ou est-ce que c’est des informations qui vous ont été transmises de façon un peu prémâchée par vos bureaux d’études ? Les architectes m’ont dit qu’ils n’avaient jamais mis la main dessus. On leur a transmis un substrat. Est-ce que vous avez eu cette synthèse aussi ? Vous avez eu les plans ? Oui, dans l’étude d’impact. En gros, on demande à nos bureaux d’étude d’étudier et de compiler toutes les sources et d’en tirer les conclusions, parce que nous on y arrive pas. Si à chacun des sujets on devait trier des informations, on ne s’en sortirait pas, parce qu’il y a vraiment trop de choses à trier. On est un peu à la croisées des chemins, mais il faut qu’on puisse avoir des synthèses, et qu’on mette en évidence les conclusions, les risques, pour qu’après nous on puisse arriver à la décision. Donc oui, on sait que les documents existent, on les voit. les lire intégralement ... Alors oui, sur les premières années, on arrive à, on a le temps de le faire. Après, les choses se complexifient, la masse de données augmente tellement qu’on commissionne des bureaux d’étude pour faire cette compilation-là.

Si j’ai bien compris, vous voyez le rôle de la SPL comme un point focal ? Vous allez prendre des décisions par rapport au informations qu’on vous donne et vous allez les réinjecter aux acteurs que ça concerne. Oui.

Est-ce que vous connaîtriez par exemple le nom des bureaux d’étude ? Je sais qu’il y a Tribu. étamine aussi. Alors Tribu sont pour nous assistants à maîtrise d’ouvrage pour ce qui relève du développement durable. Après, on a différents bureaux d’étude pour ce qui est plus réglementaire, dossiers lois sur l’eau. Avec Artelia. Puisque chacun à sa spécialité. Pour ce qui est des dossiers sur l’eau, par exemple, les bureaux d’étude vont avoir eux-même dans leur agence des spécialistes pour cibler la réglementation. Donc Tribu en plus conseille sur tout ce qui est développement durable. En revanche, pour ce qui est appliqué la réglementation loi sur l’eau ... Ce qu’il faut qu’on montre bien dans le cadre appliqué par la réglementation, c’est qu’on ne fasse pas d’erreur d’application d’articles ... il y a tout ce pan-là. Il faut que nos études soient bien cadrées.Là, il y a Artelia qui nous a fait les deux derniers. Avant on avait beaucoup travaillé avec Soberquo Environnement... Certains ont changé de noms. Après on fait aussi prendre aux entreprises pendant les suivis de chantier des mesures de protection pour ne pas avoir de conséquences sur l’eau. Donc là, pendant le chantier Rives de Saône, on a un suivi par Artelia, qui fait un suivi de chantier pour s’assurer que le chantier est bien conforme aux exigences du dossier Lois sur l’eau en terme de protection de l’environnement, et donc surtout, là pour le coup il y a une notion de risque, c’est la proximité du chantier avec la Saône qui génère des mesures de protection supplémentaires anti-pollution. Il y a aussi eu des identifications d’espèces protégées (nénuphars). Ce qui fait qu’on demande aux entreprises de respecter ces plans de protection et de mettre en place des mesures nécessaires. Bacs anti-pollution, s’ils doivent faire décanter des produits, il ne faut pas qu’il y ai des fuites et que ça tombe dans la Saône. Et donc ça, c’est des mesures qui sont vraiment liées. Donc en cas crue, alerte ! Il faut que tout soit rapatrié sur les quai haut. Les engins ... Non seulement ils ne peuvent pas travailler parce que ça peut être gênant, mais il faut aussi que tout ce qui est matériel et qui peut pollué soit remonté dans une zone non inondable. Donc il y a des liens directes entre la tenue de chantier et les risques en bord de Saône. Et après la protection des ouvriers aussi, avec des gilets et des bouées de sauvetage à disposition. C’est marrant parce que c’est comme si le risque, parfois, était intégré, et puis d’autres fois j’oublie d’en parler. Je me rend compte que la tenue du chantier est aussi impactée. D’ailleurs dans le CCAP, on met que l’entreprise doit se référer à Vigicrues et qu’ils doivent réagir en cas d’alerte. Ils ne peuvent pas nous dire qu’ils n’étaient pas informés qu’il y avait une

131


crue. On leur demande, nous dans le contrat qu’on passe avec eux, on leur impose de se tenir informer sur les messages d’alerte. Le risque est un peu partout et un peu nul part, c’est diffus.

C’est un peu cette question-là. Déjà, en terme de perception du territoire, tous les acteurs ont une vision différente du risque puisque la définition du risque est plurielle. En fonction du type d’acteur, on parle pas du même type. Et ensuite, il a plein de rôles parce qu’il est objectivisé pour tout dans les projets, comme justification de décisions, mais aussi des fois comme contrainte, ressource..; Et c’est ça qui est intéressant. La perception du territoire est complètement dépendante du prisme qu’on lui applique. Là, c’est le risque, ça pourrait être autre chose ... Et ça donne des clefs de compréhension du territoire complètes, autrement, autour d’autres points de vue.

.

132


133


134


annexe 3. Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône secteur lyon villeurbanne, cartographie des aléas COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.

135


136


annexe 3. Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône secteur lyon villeurbanne, cartographie du zonage réglementaire COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.

137


138


annexe 3. Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône secteur lyon villeurbanne, cartographie des enjeux COMMUNAUTE URBAINE DE LYON, 2008. « Plan de prévention des risques naturels pour les inondations du Rhône et de la Saône ». Cartes du zonage, des enjeux et des aléas. Lyon, Service Navigation Rhône Saône, 3 pages.

139


140


141


Des risques d’inondation à La Confluence ? évolution d’un rapport irrationnel au territoire Mémoire d’initiation à la recherche Soizic SALOMON Soutenance Automne 2018 Directeur de mémoire : Julie CATTANT Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon DEM AMTH - MArch / MVEU

Y a-t-il un risque d’inondation à la Confluence ? Des risques ? Maintenant ? Avant ? Le risque en temps que construction socio-technique évolutive dans le temps constitue un sujet d’étude pertinent pour questionner le rapport anthropocène entre l’homme et son territoire. Alors que la notion relève initialement d’un sens commun instinctif, elle est aujourd’hui partie prenante du système complexe qu’est la conception de projets urbains et architecturaux. Du fait de la prise d’importance des fleuves dans l’aménagement de la ville et de l’accroissement de la sensibilisation aux changements climatiques, le risque devient une thématique incontournable pourtant difficile à saisir. De plus en plus complexe à définir spatialement et sémantiquement, son étude laisse entrevoir un équilibre délicat entre l’ensemble des acteurs concernés qui tendent à vouloir réaliser un projet commun tout en considérant des objectifs qui leur sont propres. Que devient alors le risque au sein d’un aménagement de l’importance de La Confluence lyonnaise, dont l’image est considérée primaire pour l’amplification du rayonnement de la ville par les décideurs politiques ? Dans ce mémoire, on cherche à comprendre la signification que porte le risque à travers et pour le projet, entre contraintes et potentialités. Risque - Territoire - Projet urbain - Variation / Risk - Territory - Urban project - Change

Is there a flooding risk at The Confluence? Risks ? Now ? Before ? The risk as a socio-technical construction that evolves over time is a relevant subject for questioning the anthropocene relationship between man and his territory. While the notion is initially linked to an instinctive common sense, it is now part of the complex system of designing urban and architectural projects. Because of the importance of rivers in the development of the city and increased awareness of climate change, risk becomes an essential theme yet difficult to grasp. More and more complex to define spatially and semantically, his study suggests a delicate balance between all the actors concerned who tend to want to achieve a common project while considering their own objectives. What then becomes the risk within a development of the importance of the Lyon Confluence, whose image is considered primary for the amplification of the influence of the city by the political decision-makers? In this thesis, we try to understand the meaning of risk through and for the project, between coercions and potentialities.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.