Sky Blue Review - N°2

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SK Y BLUE

G E N T L E M A N ' S R E V I E W POST MODERN LOVE, NUMÉRO II, 2020


C O T O H P


O R C

D E PP


Page

récédente,

total

Look

:

Ludovic

de

Saint

Sernin,

photographié

par

Go

Minami


SK Y BLUE G E N T L E M A N ' S R E V I E W POST MODERN LOVE, NUMÉRO II, 2020


Numéro

2,

Janvier

Périodique Directeur

semestrielle de

James 6

la V.

rue

de

Saint

75008,

6

2020

publication: Thomas Petersbourg Paris

SKY BLUE


Dépôt

légal

Impression Offset M.

Janvier faite

Printing K.

LT-03100

par House

Čiurlionio

: KOPA

g.

Vilnius,

ISSN Prix

2020

82a,

Lithuania 2678-7830

de

vente:

21,00

Conseil, distribution , diffusion internationale par

KDPRESSE

-

NUMÉRO II

Eric

Namont

7



I

Post Modern Love I


S

M M A I R E

13 par

James

EDITO

V.

Thomas

SHOULD BE HIGHER

18 photographié

Valentin

GONE

36 par

Jean-Assem

42 photographié

10

Giacobetti

BABYLONE Privé

MÖBIUS

Tom

de

Peyret

DANGEREUX

Damien

Testu

THE ART OF SEDUCTION StarNight BOY BLUE

64 photographié

94 by

par

JE

56 par

82 by

B.

par

Go

Jules

Minami

Romm

D.G. AT YOUR SERVICE Dorianne

Gray

SKY BLUE


CONTRIBUTEURS James V. Thomas Jules Banide Go Minami Valentin B. Giacobetti représenté par The Art Board Tom de Peyret représenté par Frenzy Jules Romm Jean Assem Privé Damien Testu Ikki Casting India Salvy Guide Théophile Mottelet Clément Poiret Demachy Matthieu Laudrel représenté par La Frenchie Michaël Delmas représenté par Atomo management Isis Moenne Loccoz REDACTEUR

EN

CHEF

GRAPHISTE

PHOTOGRAPHES

AUTEURS

POUR

AYANT

DIRECTION

ASSISTANTS

COIFFEURS

CE

NUMERO

CONTRIBUÉ

À

CE

NUMÉRO

CASTING

AYANT

ET

CONTRIBUÉ

À

CE

NUMÉRO

MAQUILLEURS

NUMÉRO II

11


12

SKY BLUE


Chers

Lecteurs,

Qu’est-cel’amourpost-moderne?Oùsommes-nous arrivés en 2020 ? Et pourquoi Post-moderne ? Le post-modernisme doit forcément évoquer un esprit des années 80, des images et des éléments architecturaux aux faux airs grecs - L’ironie de tout. Est-ce un défaut de pouvoir rire de soi-même ? Qui a raison à la fin ? Le génie ou l’idiot ? Vivonsnous mieux dans le refus de l’information ? NUMÉRO II

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Si nous sommes très informés, sommes nous à même de réaliser un tri de ce qui nous importe vraiment ? Nous voilà en 2020, une nouvelle décennie, et notre monde dans ses changements semble aller vers un point de non-retour. Que nous ayons peur me semble naturel, mais d’un autre côté, ne nous laissons-nous pas trop influencer par le flux constant des nouvelles ? Comme nos grands parents, nous sommes en train d’assister au changement comme les tabacs 14

SKY BLUE


qui font peau neuve en se transformant en bar à bentos, ou les boutiques pour les femmes d’âge mur qui cèdent la place à des salles de sport par électrostimulation de 20 minutes, etc. notre monde est en train de finir de trouver sa nouvelle identité. D’un coté, les médias nous persuadent d’un pouvoir sur soi et mettent en exergue les concepts de body image et de droit à l’erreur. De l’autre coté, la réalité est très différente vu les contraintes du monde professionnel et des NUMÉRO II

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codes sociaux, à la difference qu’on n’en parle pas ouvertement d’où le “ghosting” et autres tendances anti-sociales. On vit dans un monde où l’on parle d’être son véritable soi-même, des cheveux jusqu’aux formes physiques, mais en même temps l’on fait de la chirurgie plastique poussée ainsi que de nombreuses heures d’exercice pour apparaître autant sexualisé que possible. L’ironie de ces paradoxes me semble frappante, mais avec le changement d’une ère à l’autre, 16

SKY BLUE


qui s’en rend compte vraiment, et puis : who cares ? Est-il possible d’exister en dehors de tout cela ? Tellement de questions, tellement de possibilité, tellement de tout… Je crois dans le pouvoir de l’être humain, dans sa beauté à réaliser son avenir, et dans sa capacité d’évoluer avec le monde. Je vous emmène sur le thème de l’amour façon post-moderne, et c’est à vous de décoder la reste.

James

V. NUMÉRO II

Thomas 17


Yannick,

Blouson

:

CELINE

par

Hedi

Slimane,

Chemise

:

Brioni

disponible

chez

Mr.

Porter,

Pantalon

:

Corneliani,

Cravate

:

Vintage


SHOULD BE HIGHER D O M I N O

D A N C I N G Photographie Valentin B. Giacobetti représenté par The Art Board Réalisation James V. Thomas

Mise en beauté : Michael Dumas Directeur de casting : Nicolas Bianciotto pour Ikki Casting Mannequins : Erik Kettschick chez Marilyn Yannick Hansen chez The Face Assistante Styliste : India Salvy Guide Remerciements 20 000 Lieux

NUMÉRO II

19


20

SKY BLUE

Pullover

:

Canali

disponible

chez

Mr.

Porter,

Costume

:

Dunhill


Yannick,

Erik,

Veste,

Pantalon

gilet,

:

pantalon

Dires

et Van

chaussures Noten,

:

CELINE Ceinture

:

par

Vintage,

Hedi

Slimane, Chaussettes

Lunettes :

:

Gucci Falke,

disponible Chaussures

:

chez

Pierre

Matches

Hardy

Fashion


En

Erik,

Yannick,

en

page

Manteau

de

:

page

Rochas,

gauche,

Col

Veste

:

AMI

roulé

,

:

de

Bottega Chemise

:

Dries

Veneta Noten,

disponible Van droite,

:

Matches

Pantalon

chez

Fashion, CELINE

par

Hedi

Pantalon

:

Total

Slimane,

Lunettes

Balenciaga, :

Gucci

ceinture

Vintage, disponible

look

: chez

Matches

Chaussures

:

:

Fashion,

par

Chaussures

CELINE :

Pierre

Hedi

Prada

Hardy

Slimane


NUMÉRO II

23


24

SKY BLUE

Erik,

Yannick,

Veste

Costume

: :

Dries Sandro,

Van

Noten, Foulard

Pantalon :

: Vintage

Corneliani


NUMÉRO 1

25


26

SKY BLUE


Erik,

Yannick,

Veste

:

Valentino,

Blouson

Haut

:

:

Arturo

Obegero,

Gucci Pantalon,

ceinture,

disponible et

chaussures

chez :

CELINE

matches par

fashion, Hedi

Slimane,

Pantalon Lunettes

:

Gucci

: disponible

Acne chez

Matches

Studio Fashion



29

Total

look

:

Y/Project


Total

look

:

Balenciaga


NUMÉRO II

31

Manteau

:

Cerruti

1881,

Chemise,

Pantalon,

et

ceinture

:

CELINE

par

Hedi

Slimane,

Cravate

:

Dior

vintage,

Chaussures

:

Y/Project



Veste

:

Dries

Van

Noten,

Pullover

:

Vintage,

Pantalon

:

Sandro,

Ceinture

:

CELINE

par

Hedi

Slimane


34

Total

look

:

Paul

Smith



G O NE

P A R 36

B

J E A N - A SKY BLUE


A B Y L O NE

S S E M

P R I V É NUMÉRO II

37


Pas de nuage en vue, l’horizon est clair et pourtant l’air reste étouffant. Saïd se penche par-dessus la fenêtre pour pouvoir contempler l’unique et petite portion de mer et de collines qui lui reste dans son champ de vision. Il fut un temps, il admirait le va et vient constant des bateaux venus du monde entier se poser sur la Marina, les gens qui en sortaient et qui découvraient avec stupéfaction un monde nouveau, à la rencontre entre l’Orient et l’Occident. Beyrouth était alors le centre névralgique de la région, les banques, la diplomatie, la culture et les décisions politiques de grande envergure se prenaient sur son sol. De 1950 à 1970, Beyrouth était devenue la destination privilégiée des grands de ce monde, pas une star ne manquait de fouler son sol pour découvrir des plages sublimes comme celle de Chiyah ou des hôtels mythiques à l’image du Saint-Georges avant de prendre le volant de sa Cadillac pour se rendre dans une des nombreuses adresses qui faisaient vibrer la ville. L’opéra faisait alors salle comble avec en tête d’affiche, symbole de ce Liban cosmopolite, la grande chanteuse Fayrouz qui avait réussi avec les Frères Rahbani à moderniser la musique arabe. Toute la région avait les yeux tournés vers le cinéma libanais. Des auteurs de renommée internationale tels que Amin Maalouf, voyaient le jour. Dans un élan nostalgique, Saïd se rappelait également que par le passé, sa maison de style Ottoman datant du xixe siècle ne faisait pas exception. Au coin de la rue, l’une d’entre elles appartenait notamment à la grande Asmahan qu’il vénérait, princesse druze et chanteuse rivale d’Oum Kalthoum, qui a malheureusement vécu une fin tragique certainement liée à son alliance avec les britanniques pendant la seconde guerre mondiale. Il descendait alors la rue pavée, bordée de maisons du même style, avec des jardins de palmiers somptueux et des orangeraies vibrantes dont le parfum se dissipait une fois que la corniche se révélait à ses yeux, et que l’odeur de la mer et du café à la cardamome du vendeur de rue, enivrait ses sens. Ces souvenirs prenaient fin lorsqu’il, revenant à la réalité, se rendait compte qu’il était entouré de gratte-ciel et que le Beyrouth qu’il a connu, fait de belles maisons pas plus hautes qu’un étage, de rues

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pavées avec pour fond de toile des collines chatoyantes, n’existait plus. Il suffoquait alors en pensant à ce que la guerre civile de 1975 à 1990 avait fait à sa ville et à son pays, à la douleur de la mémoire, que ces monstres géants de verre tentent aujourd’hui d’effacer. “ Saïd ! Cherches-tu encore à tout hasard, la mer ou le Mont Sannine ? Viens plutôt me rejoindre, j’ai ouvert la bouteille de Chassagne Montrachet. Il est temps.” lui criait Farid. Saïd et Farid s’étaient rencontrés à l’ouverture du Casino du Liban en 1959, l’événement le plus emblématique de l’âge d’or de Beyrouth. Le champagne coulait à flot, toute la troupe du Moulin Rouge avait été affrétée pour donner différentes représentations le soirmême et les délégations du monde entier étaient présentes. Le bâtiment s’érigeait sur une falaise au-dessus de la mer Méditerranée, à quelques kilomètres de Beyrouth, proche de la cité balnéaire de Jounieh. Le Casino comprenait plusieurs salles de jeux, une discothèque, un cabaret, un restaurant et deux bars. Saïd et Farid ont échangé pour la première fois au Jazz Bar, se présentant l’un à l’autre, le premier poète et le second à la tête d’un studio de cinéma. Pour Farid, les effluves de jasmin et de fleur d’oranger qui émanaient du corps de Saïd, lui ouvraient alors la perspective d’un bonheur infini. Après de longues heures de discussion acharnée sur la géopolitique, les rêves de voyage et la philosophie de la vie, ils se sont assis sur la terrasse contemplant dans l’abysse de la nuit, Beyrouth illuminée en majesté. Et au moment où ils comprirent que cette lumière serait leur avenir, leurs regards se croisèrent et Nat King Cole à l’enceinte entonna les paroles de sa célèbre interprétation de Nature Boy d’Eden Ahbez : “ la chose la plus importante que vous apprendrez dans la vie, est d’aimer et d’être aimé en retour.” Farid sert à Saïd dans un verre de Murano, le Chassagne Montrachet. — Es-tu sûr que c’est le moment et qu’il n’y a plus aucun espoir ? demande Saïd — Nous avons eu la chance de connaître ce rêve qu’était Beyrouth avant la guerre. Depuis nous ne portons en nous que misère et déception. Nous avons eu une longue vie mais à part les murs de cette maison et nos reliques du passé,

SKY BLUE


plus rien ne nous attend, le ciel est de plus en plus gris. répond Farid — Très bien, nous allons dire au revoir à cette ville inconnue à nos yeux mais d’une belle façon, comme tu me l’avais promis. — Oui, je me rappellerai du passé une dernière fois avec toi mon amour. C’est ainsi que Farid tenu sa promesse faite à Saïd trente ans auparavant, au lendemain de la guerre. Lorsque leur combat pour faire renaitre tel un phénix leur ville d’antan serait sans espoir, ils se remémoraient alors leur moment préféré une dernière fois, en ouvrant ce grand cru millésime offert par le réalisateur britannique Peter Bezencet à Farid pour avoir soutenu et mis en place la première production d’un film international sur le sol libanais en 1965, le célèbre 24 hours to kill. Saïd raconta la première histoire, lorsqu’il rencontra Elizabeth Taylor au détour d’un couloir du Saint-Georges. Le Saint-Georges était l’hôtel de Michel Nader, homme d’affaires qui a hérité d’une petite fortune de sa grand-mère et qui avait alors décidé à l’époque de se donner le défi de faire de la côte Beyrouthine, une Riviera unique en son genre. Le 3 octobre 1932 correspond à l’ouverture de cet hôtel mythique qui va faire vibrer la région pendant 40 ans. Il est le premier à proposer des cabines de spa, des chambres luxueuses, des restaurants, bars, des terrains de sport, une plage privée, une piscine et une marina, le tout en un seul concept, celui du Yacht Club. Cette initiative va être très rapidement copiée et la ville va se transformer en une Riviera flamboyante. Qui dit Riviera dit étoiles du cinéma, de la musique, interprètes, hommes d’état et d’affaires et même les plus grands espions de l’époque. Il n’était donc pas rare de croiser dans les couloirs de cet hôtel, une célébrité. Un jour ensoleillé comme souvent à Beyrouth, Saïd qui écrivait alors son second recueil de poèmes faisait face au cauchemar de la plage blanche. Il travaillait sur une oeuvre complexe où il parlait à la première personne, du point de vue d’un homme originaire du Moyen-Orient qui fantasmait le monde Occidental. Quoi de mieux alors que de se rendre au Saint-Georges où il était sûr que la clientèle venue d’Europe

et des Etats-Unis lui donnerait bien de quoi remplir sa page blanche. Il enfila alors une chemise légère en lin taupe et un pantalon palazzo noir, car on se devait d’être chic lorsque l’on se rendait au Saint-Georges. Le tramway qui l’attendait au bout de sa rue, dévalait les allées de cèdres pour arriver directement sur la corniche. Arrivé sur place, il s’installa sur la marina et commanda un Pepsi, première boisson américaine à avoir foulé le sol libanais et qui a immédiatement fait fureur. Il contemplait le mouvement incessant des femmes sur la plage, des françaises, des anglaises, qu’il trouvait bien moins cocasses que les libanaises. Son regard amusé interpellait le serveur qui lui fit une confidence. “ Vous savez, les libanaises ont déjà plus d’avance que les parisiennes ! Elles sont plus libérées d’après elles. Je dirais plus qu’elles sont dévergondées, ce sont les seules à porter des maillots mi-cuisse quand même les européennes portent le maillot en-dessous du genou.” La remarque du serveur amusait Saïd et l’interpellait. Est-ce que finalement le sujet de son recueil ne serait pas trop obsolète au vu de la vitesse à laquelle va son pays ? Au vu du mélange qui s’opère maintenant depuis des années ? Peut-on séparer les occidentaux des orientaux ? Peut-on même séparer un libanais du sud d’un libanais du nord ? Sur ces doutes, Saïd décide d’aller visiter l’hôtel qu’il n’avait jamais encore eu le temps de trop apprécié et dans le but de s’aérer l’esprit. Réalisé par l’architecte français Auguste Perret, l’hôtel prend la forme d’un bateau et s’articule avec un hall ouvert sur la mer, et des suites à l’étage. Le fameux hall accueille un escalier central, quatre grands ventilateurs de plafond, un accueil et un bar en acajou. Le bar est ouvert sur la mer et on aperçoit le littoral libanais. Saïd observe au loin le bleu des vagues qui se fond au ciel quand il sent autour de lui une agitation. “ La reine descend, tous au gardeà-vous” s’exclame le maitre des lieux. Saïd se demande alors bien de quelle reine peut-il s’agir. Il aperçoit comme par magie des souliers d’un or étincelant, puis la mousseline de soie d’une robe qui vole au grès du vent dans un mélange explosif de rose bonbon, jaune citron et bleu azur, des yeux d’un violet hypnotisant et un port de tête gracile surplombé

NUMÉRO II

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d’un chignon aux cheveux noir de jais. “ Mais c’est Elizabeth Taylor !” dit-il à voix haute. “ Oui c’est la reine des gringos ! Qui a apparemment jouer la reine des égyptiens dernièrement, je n’ai pas très bien compris comment une américaine peut se prendre pour une égyptienne” lui dit le serveur en chuchotant. En effet Elizabeth Taylor était au firmament de sa carrière. Elle tenait le rôle principal de la Reine Cléopâtre dans le film à succès Cleopatra de Joseph Mankiewicz, qui venait de sortir en salles en 1963. Elle et son compagnon Richard Burton avait pour habitude de descendre une fois par semaine chaque été au Saint-Georges où ils avaient leur suite personnel et ce depuis 2 ans. Voyant cela comme un signe et comme la réponse à ses tourments, Saïd décida d’approcher l’actrice. — Vous êtes rayonnante, telle une apparition madame, affirme Saïd — Je vous remercie jeune homme, à qui ai-je l’honneur ? demanda Elizabeth Taylor — Saïd, un simple citoyen de ce beau pays qui a le plaisir de vous voir fouler son sol et qui écrit actuellement un recueil sur ce que nous, habitants du Moyen-Orient, pouvons penser de votre monde. — Oh cher Saïd, nous vivons simplement dans le même monde. Le monde va vite, tout s’accélère, nous échangeons et nous nous mélangeons. Nous faisons d’autres cultures les nôtres. Hier j’étais Cléopâtre, aujourd’hui je suis Elizabeth Taylor et demain je serai quelqu’un d’autre. Aujourd’hui je porte un caftan imaginé à l’origine par l’Empire Ottoman mais qui a été retravaillé et désigné par un créateur italien contemporain à Florence, Emilio Pucci. Aujourd’hui je suis à Beyrouth, demain je voyagerai en Inde et je retournerai en Amérique. Je ne vois pas votre monde comme un autre monde mais comme une continuité, un tout. Lorsque je suis à New York, vos parfums envoutants et le charme de votre nonchalance me manquent. Lorsque je suis ici le simple jaune des taxis de ma ville et l’atmosphère bruyante me manquent. C’est ainsi que je vois le monde, fait de mille possibilités et désirs. — Madame Taylor, vous êtes ma lumière du jour, ce que le phare est au marin perdu dans la nuit, la solution à mon énigme.

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— Vous m’en voyez ravie très cher. Cependant, la prochaine fois que nos chemins se croiseront, appelezmoi Elizabeth tout simplement. Et c’est ainsi qu’Elizabeth Taylor éclaira l’esprit de Saïd en donnant des réponses à ses questions, qu’il pensait être le seul à se poser. Ce n’est malheureusement que plus tard qu’il se rendra compte que d’autres personnes venues de son monde, se posait toutes ces questions, au point de traverser une crise identitaire commune qui changera son histoire et l’histoire de son pays. C’était au tour de Farid de raconter son histoire préférée. Un soir de pleine lune, l’air humide et chaud, Farid sort avec Saïd et des amis dans le nouveau quartier vibrant de la capitale, Ras Beirut, sur la corniche Ain Mraisseh. Leur destination était un bar-club qui faisait beaucoup de bruit et qui animait jusqu’au petit matin les soirées du début des années 70 : le Crazy Horse. Nommé d’après le mythique cabaret parisien d’Alain Bernardin réputé pour ses nuits chaudes, le club se situait rue de Phénicie, rue qui liait la corniche au coeur du centre-ville. L’intérieur était configuré et décoré comme un cabaret : une scène principale pour les représentations et qui se transformait en dancefloor une fois celles-ci finies, des lustres scintillants, des rideaux en velours d’un rouge pourpre, des balcons Art Deco et des tables rondes qui font face à la scène. La particularité ici, c’est que l’on pouvait admirer de véritables spectacles de danse orientale, fumer le narguilé, écouter les histoires et légendes d’un mystérieux étranger rencontré au détour d’un regard et danser sur du rock’n’roll entouré de ceux qui façonnaient le nouveau monde. Le club comme toute l’activité de nuit qui se développait à Beyrouth profitait de la fin du Caire cosmopolite où depuis longtemps la grande Badia n’était malheureusement plus la reine des nuits orientales et Samia Gamal, plus grande danseuse de l’histoire, s’arrêtait d’ensorceler la foule tandis que le pays se renfermait de plus en plus dans un nationalisme forcé. Farid et sa bande comptaient bien alors profiter de cet engouement pour leur ville afin de s’amuser et de tisser de nouveaux liens avec de potentiels futurs collaborateurs. En effet, Farid était un peu à l’arrêt

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avec son studio de cinéma qui permettait à de belles productions de voir le jour mais pour qui il manquait toujours un gros coup de poker, le film qui propulserait sa carrière. Ils avaient réservé une table dans leur coin préféré droit de la scène d’où ils pouvaient admirer le vrai spectacle du soir, le ballet de serveurs faisant couler l’arak et le champagne à travers les volutes de fumée qui émanaient des cigarettes et des narguilés. Tandis que les amis parlent, du coin du regard, Saïd aperçoit une femme qui observe langoureusement Farid, il l’avertit. Se retournant discrètement, Farid n’aperçoit pas les yeux charbon de la femme dissimulés sous la voilette d’étoiles noires de son béret mais se laisse fasciner par le blond épi d’or de sa chevelure courte ondulée et son smoking croisé double boutonnage porté à même la peau, qui laisse entrevoir les petites émeraudes de son collier qui coulent le long de son coup. Hypnotisé par son allure et encouragé par Saïd qui savait qu’il y avait là surement un coup à jouer, Farid s’approcha d’elle. — Il m’a semblé avoir éveillé votre curiosité mais je n’ai pu le confirmer tant vos yeux sont impénétrables Mademoiselle, lui dit Farid. — Madame, lui répondit la femme. — Madame bien sûr, autant pour moi. Et à qui ai-je l’honneur ? — Oh, à vous de me le dire ! — Je dirais dans ce cas, Marlène Dietrich dans Morocco de Josef Von Sternberg. — Ah, un fin connaisseur du septième art. Il est vrai que je vous ai remarqué parmi toute cette bande de hippies mal fagotés, vous avez l’air d’un dieu grecque, où vous vous habillez ? — C’est un créateur du nom de Gianni Versace, que j’ai rencontré à Milan et qui n’a pas encore de marque mais que j’encourage fortement. Nous sommes devenus amis et il me confectionne beaucoup de tenues. On se sent incroyablement puissants dans ses chemises à motifs baroques et ses pantalons aux symboles de la Grèce Antique. — Il deviendra grand. J’ai très bon goût et je ne me trompe jamais. Il vous a donné la confiance et la force pour m’interpeller. Je sens en vous le désir brulant de me poser une question, ne vous gênez pas. — Que fait une grande dame comme

vous seule dans un club rempli d’hippies mal fagotés comme vous vous amusez à le dire. — Vous m’avez eu. J’observe le monde moderne et je m’évade de Los Angeles, pour ne pas finir seule dans un manoir d’un silence glaçant au 23e jour de tournage du 4e film que mon mari a décidé de tourner pour cette année seulement. — Vous êtes au bon endroit, Beyrouth est exactement l’évasion qu’il vous faut et je serais ravi d’en être votre guide. — Ne vous donnez pas tant de mal. Vous travaillez dans le cinéma ? — Ce serait un réel plaisir pour moi. Et oui j’ai monté mon propre studio ici même qui s’appelle Levant movies production et avec lequel je souhaite faire de Beyrouth un lieu de tournage incontournable pour Hollywood. — Je vous souhaite alors bon courage pour votre projet. Et en l’espace d’une seconde, l’odeur d’ambre et de tabac froid qui émanait de sa chevelure s’évaporait alors qu’elle quittait les lieux, laissant Farid perplexe face à la situation. Cette fin abrupte n’empêcha pas Farid, Saïd et leur bande d’amis de laisser leurs corps s’échapper au grès des ombres dansantes, de frôler le velours des rideaux comme la caresse du fouet sur la peau. La soirée terminée, les amoureux comme à leur habitude s’étendaient sur la plage de sable blanc, contemplant le lever du soleil. Le lendemain, alors que Farid arriva à son bureau, le téléphone sonna. Après plusieurs minutes d’une conversation dont le sujet semblait très important, Farid se regarda dans le miroir et sourit à son destin. Il venait de parler au réalisateur Peter Bezencet qui avait entendu parler de son studio par sa femme et qui souhait discuter d’un futur projet à réaliser ensemble. Commença alors la grande carrière que Beyrouth, lui offrit sur un plateau. C’est ainsi que les deux amoureux regardèrent à travers la fenêtre une dernière fois la ville qui leur avait donné la vie, le verre vide en main, faisant fois de leur promesse tenue. Ils entamèrent une dernière valse avant l’oubli pour ne faire qu’un, le corps en érosion, le coeur en éruption, l’odorat en distorsion, l’amour en illusion.

NUMÉRO II

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MÖBIUS D A Y

Photographie : Tom de Peyret représenté par frenzy Réalisation : James V. Thomas

T I M E

Mise en beauté : Clément Poiret Demachy Directeur de casting : Nicolas Bianciotto pour Ikki Casting Mannequins : Swann Guerrault chez Premium Najib Abdi chez The Claw Ariel Maxime chez Rock Men Assistant styliste : India Salvy Guide Assistant Photographe : Théophile Mottelet Remerciements XXO.com - loueur de meuble

42

SKY BLUE

D R A M A


NUMÉRO II

43

Swan,

Total

look

:

Balenciaga


Najib,

Veste

:

Dries

Van

Noten,

Pantalon

&

Gilet

:

Corneliani


NUMÉRO II

45

Chemise

et

cravate

:

Dries

Van

Noten,

ceinture

:

CELINE

par

Hedi

Slimane


46

SKY BLUE

Haut

et

pantalon

:

Gucci,

Lunettes

:

Balenciaga

sur

MatchesFashion.com


Najib,

Swan,

Veste

:

Arturo

Pantalon Obegero,

Pantalon

et

ceinture

: :

CELINE

par

Hedi

Slimane

Y/Project


48

SKY BLUE

Chemise

:

Gamut,

Pantalon

:

Acne

Studios,

Cravate

:

Dries

Van

Noten,

Chaussettes

:

Falke,

Chaussures

:

Y/Project


NUMÉRO II

49


Swan

Najib,

porte,

Gilet

Total

:

Arturo

look Obegero,

Pantalon

: :

Acne

Studios,

CELINE Chaussettes

par :

Falke,

Chaussures

Hedi :

Slimane Y/Project



Veste

:

Acne

Studios,

Pullover

:

Bottega

Veneta

disponible

chez

MatchesFashion.com,

Pantalon

:

Corneliani,

Chaussures

:

CELINE

par

Hedi

Slimane


Débardeur

et

pantalon

:

Arturo

Obegero


54

SKY BLUE

et

Veste

Swan,

:

Veste

Veste

Najib,

Ariel,

Dries

et

Van

chemise

:

Noten,

pantalon

Chemise

Corneliani, :

Pantalon Figaret,

: :

Prada,

Pantalon

Dries :

Van CELINE

Noten, par

Chaussettes

Hedi

Noeud

:

Slimane,

Papillon

Falke,

Noeud

et Papillon

gants

: :

Gucci

Vintage,

Chaussures

:

disponible

Fleur sur

en

:

MatchesFashion.com,

poche

CELINE

Chaussures

CELINE

par

:

Hedi par Pierre

Hedi

Hardy

Slimane

Slimane



JE

DAN

P A R 56

D A M I SKY BLUE


GEREUX

E N

T E S T U NUMÉRO II

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SKY BLUE


Je frappe le sac de glaçons sur le comptoir. Une fois, deux fois. La glace est pilée. Après l’avoir glissée soigneusement dans mon verre, ma main s’empare du shaker. Délicatement, je verse le mélange et regarde la glace remonter à la surface. Après cette folle journée, je mérite bien un cocktail. Je ne suis pas un acteur raté comme beaucoup d’entre eux. Je n'espère pas à tout prix utiliser ma situation comme un tremplin. Je ne fais pas cela pour l’argent non plus. J’aime le sexe, un point c’est tout. La folie des corps, des odeurs. L’impression de me dépasser un peu plus à chaque fois, de repousser mes limites. Le regard fixe des gens et les caméras aussi. C’est ça mon métier. Sans être mon quotidien - je dépends trop des studios ou des réalisateurs indépendants qui font appel à moi dès qu’ils en ont besoin - il rythme mes journées et mes pensées. Je ne peux pas y échapper mais plutôt qu’une prison, j’y vois une certaine forme de liberté. Le commun des mortels pense au sexe toute la journée. Moi ? Je suis payé pour ça et pas que : je peux m’y adonner avec plaisir et sans appréhension. Dans le métier, je suis ce que l’on appelle communément un twink. Je suis élancé, imberbe. Jeune. Passif. Avec un air innocent et une envie irrésistible de me faire dominer. Ceci dit, je suis plutôt exigeant : je ne vais pas laisser n’importe quel sosie de Rocco Siffredi s’occuper de moi. Je commence à boire mon cocktail et machinalement, ma main droite glisse vers mon téléphone. Mon outil de travail. Il me sert à tout faire : des photos et des vidéos que je vends sous forme d’abonnement mensuel, mes commandes régulières de sous-vêtements, sex toys et autres accessoires nécessaires à mon plaisir. D’un swipe vers le haut, je le déverrouille. Mon doigt cherche une application de rencontres parmi d’autres. A minuit passé, je viens de succomber à l’une de mes nombreuses addictions. A chaque fois que je tombe dedans, c’est comme un trou noir. Des sables mouvants sans fin, un puits sans fond. Je n’arrive plus à remonter à la surface et à reprendre conscience. Souvent, les photos se suivent et se ressemblent. Des torses plus ou moins bien sculptés, des visages banals qui me semblent trop familiers. Parfois ma respiration se coupe à la vue d’une bouche bien dessinée ou d’un nez grec. Je clique alors sur la photo, hypnotisé par l’envie d’en voir plus. Souvent déçu par quelque détail médiocre, je finis souvent par abandonner et reprendre mon marché, en solitaire. NUMÉRO II

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Parfois, on me reconnaît et alors commence enfin une conversation intéressante. C’est le cas ce soir. L’homme de l’autre côté me parle de moi, de ses scènes préférées qu’il a regardées en boucle. Il chante mes louanges et me dit attendre mes nouvelles vidéos avec impatience. Surtout, il souhaite désespérément me voir et n’en revient pas d’être tombé sur moi. Effectivement, à cet instant, il ne sait pas que c’est son jour de chance. Je commence à me préparer en écoutant Madonna. Ce que les autres prennent pour un caprice ou une manière d’attirer l’attention, c’est en fait moi. Et une manière d’exprimer mes désirs les plus profonds après avoir dû les garder enfouis pendant si longtemps. Si les années soixante ont connu leur libération sexuelle, pourquoi pas moi ? Reprendre contrôle d’un corps que je n’ai jamais aimé, d’une sexualité que je n’ai jamais voulue. Mes bras trop longs, mes fesses trop plates, la bosse de mon nez que j’ai longtemps rêvé de pouvoir changer. Mon homosexualité qui m’a éloigné de ma famille, poussé à partir vivre dans une grande ville qui n’a finalement rien de l’eldorado que j’imaginais. Pourtant, j’ai réussi à construire ma vie. Un appartement correct, un job que j’aime, des garçons à la pelle. Une réussite. Ma réussite à moi. Envers et contre tous. Oui, je me suis lancé par nécessité. Mais je ne voulais pas être riche. J’avais juste besoin d’être moi. Sans attaches, sans responsabilité. Je ne savais pas me perdre, lâcher prise, me faire confiance. Il m’était de plus en plus difficile de contenter tout le monde et d’acquiescer sans cesse. Un jour, j’ai enfin dit non. J’avais un job médiocre dans une petite épicerie près de mon premier appartement. Mes études de lettres ne me plaisaient pas. J’adorais Annie Ernaux, Sagan, Duras et Albert Cohen mais je préférais les vivre à ma manière, les intégrer à mon quotidien, les dévorer ou les laisser dans un tiroir jusqu’à ressentir un manque, le désir profond de les retrouver et de les terminer. Les analyser, les décortiquer un lundi matin à huit heures ne me satisfaisait pas. J’en avais marre de cette vie. Une nuit, j’ai été contacté sur un site de tchat en ligne qui n’existe plus aujourd’hui. On m’a proposé une audition filmée en me promettant que si elle était réussie, on me paierait 100 euros. Elle était réussie. Avant mon premier tournage avec un autre garçon, j’ai vomi. L’idée de me mettre en scène de la sorte me répugnait. Je m’imaginais pantin ridicule, comme un petit garçon qui joue à l’adulte. Drew Barrymore 60

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au studio 54. Entouré de personnes plus mûres, plus aguerries, plus désabusées aussi. Pour qui tout ça est normal. Aujourd’hui, je suis à l’aise avec l’idée. En répondant à l’homme que je vais bientôt partir de chez moi, je me dis peut-être être devenu tout ce que je n’étais pas. Je ne sais pas à quel moment tout a basculé ou si c’était graduel. Je crois qu’en me réveillant un matin, je me sentais changé sans trop savoir pourquoi. Je regardais de vieilles photos sur mon téléphone parce que c’était tout ce qui me raccrochait au passé quelques fragments numériques qui peuvent disparaître aussi vite qu’ils sont arrivés. Je mets mon blouson, attrape mes clés et sors dans la nuit. Elle et moi ne faisons plus qu’un et je marche vers l’homme, potentiel maillon manquant de la chaîne de ma vie. Arrivé devant son immeuble, je lève la tête vers le ciel. Le numéro est le bon. Après avoir pianoté sur les nombreuses touches à l’entrée, je me rends compte que le code l’est aussi. Parfois les garçons mentent et te laissent dehors pour ne pas avoir à aller jusqu’au bout. Avec le temps, j’ai appris à les démasquer et à éviter de perdre mon temps. En montant dans l’ascenseur, je sens un poids sur ma poitrine mais le temps presse : il habite au deuxième et me voilà déjà arrivé. Je sors de l’ascenseur : lui aussi écoute Madonna. Il est content de me voir. Mais il n’y a pas d’embrassade ni de geste trop chaleureux. Après tout, nous sommes deux inconnus. Je passe le pas de la porte et pose mes affaires alors qu’il avance lentement vers la cuisine.

TU VEUX BOIRE QUOI ? CE QUE TU VEUX. C’EST TOI QUI COMMANDE. VIN ROUGE ? COMME TU VEUX. Il sort la bouteille avec un sourire satisfait. Comme si mon manque de personnalité - ou plutôt ma volonté de n’exprimer aucune contradiction - lui plaisait plus que tout. Oui, j’ai tendance à me calquer sur l’autre, à disparaître en lui. Ma thérapeute dit que c’est une manière pour moi de me sentir sécurisé. Si je tends à adopter ce mécanisme, c’est peutêtre parce que je ne sais pas encore bien qui je suis, ce que j’aime et ce que je fais là. Le découvrir ? Je ne suis pas sûr d’être prêt pour ça. Je me déshabille sous les yeux de son désir. Il ne me reste plus que jockstrap et chaussettes. Il m’embrasse à nouveau, sa main sur mon cou. Je sens qu’il veut enchaîner, commencer les hostilités. Je lâche sa bouche et me NUMÉRO II

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tourne pour qu’il puisse m’admirer. Du coin de l’oeil, je vois que ma technique habituelle marche toujours aussi bien. “Viens-là !” Il me prend par les cheveux et m’entraîne vers le lit. Avant de s’allonger, il enlève son tee-shirt et dévoile un torse comme j’en ai vu des centaines. Je finis la tête contre son ventre alors qu’il m’intime d’user de mes techniques qu’il a vues lui aussi des centaines de fois dans mes vidéos. Je relève la tête et lui lance un regard coquin avant de me lever. Mon téléphone est sur le comptoir de la cuisine. En le déverrouillant, je ne vois pas les douzaines de notifications qui polluent mon écran d’accueil. Plutôt que de me concentrer sur le virtuel que je déteste tant, je préfère profiter de l’instant présent. “Qu’est-ce que tu fous ?” Il me supplie presque de le rejoindre. Je pose mon téléphone à l’horizontale, appuie sur “enregistrer”. Ce moment furtif je le connais par coeur et pourtant, un frisson toujours nouveau me parcourt. Bien sûr je ne suis pas Kim Kardashian ou Paris Hilton. Loin d’être cynique, je n’espère pas un jour leur ressembler et m’attirer les foudres de la planète entière ou des hypocrites qui jugent les sex tapes des personnalités ou des anonymes mais regardent un porno immédiatement après. Bien sûr, il est au courant que j’aime ça. C’est en partie pour ça qu’il voulait me voir. Savoir qu’il serait vu par mes fans, qu’ils se donneraient du plaisir en nous regardant, qu’ils rêveraient d’être à sa place comme lui-même avait pu le faire avant cette nuit-là. Ce soir, il accomplit enfin quelque chose d’important pour lui. “Bedtime Story” se mue doucement en “Take A Bow” et je suis toujours allongé devant lui, mes lèvres au travail. Je sais exactement quel impact chacun de mes gestes aura. Quelle tête, quel soupir ou quel regard je vais entrevoir. Je cambre un peu et laisse sa main s’égarer sur mes fesses nues. Il adore ce que je porte, chaussettes incluses. J’attends qu’il ferme les yeux longuement. Jusqu’ici, c’était plutôt par à-coups. Tu ne verras pas la main habile qui quitte ta cuisse. L’expression de mon visage quand je me prépare à ton dernier soupir. Le couteau de poche caché dans ma chaussette. Pourtant je le saisis et le plante droit dans ton coeur. Buffy n’a qu’à bien se tenir. Tes cris étouffés se mêlent à la musique. Du sang sort de ta bouche. Tes yeux sont exorbités et leur lueur se fane. Le sang commence à couler. Il fallait faire attention à toi. Je t’avais prévenu que je ne cherchais rien de sérieux. Si j’étais un de plus pour toi, 62

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tu étais un parmi tant d’autres pour moi. Les garçons, ça va, ça vient. Tu n’es pas le premier et tu ne seras pas le dernier. Il y en a eu d’autres avant toi. Des dizaines, des douzaines, j’ai arrêté de compter. Tout ça n’a pas vraiment d’importance quand on y pense. Aujourd’hui tout le monde connaît la règle par coeur : en amour, on quitte ou on est quittés. J’ai choisi mon camp. Je ne me suis jamais vu comme un tueur. Un bourreau des coeurs oui, peut-être. Mais faire souffrir gratuitement, non jamais. Que ceux qui me voient seulement comme un corps se méfient, je suis beaucoup plus que ça. Des émotions fortes, une envie d’aimer et d’être aimé pour ce que je suis. Tout ce que je n’ai jamais vécu. C’est romantique non ? La recherche de quelqu’un qui pourra peut-être te faire aimer la vie. La transcender. Et puis l’amour de quelqu’un, ça te permet de te regarder un peu plus longuement dans le miroir. Tu n’es plus seul. Tout ça, j’ai mis du temps à le verbaliser. Et quand je pense avoir fait une bêtise et que je suis à deux doigts d’appeler une ambulance, je me retiens. Tu sais j’ai passé tant d’années à me détester, vouloir sauter du quatrième ou hurler dans mon oreiller. Aujourd’hui, je m’aime enfin et c’est peut-être un peu grâce à toi et à ce bref moment qu’on a partagé ensemble.

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Photographié par Go Minami Réalisé par James V. Thomas

the Art of

Seduction

La plupart des gens pensent que les cocktails sont trop compliqués à réaliser, et n’osent pas se lancer dans leur préparation. Ils sont en réalité assez aisés à préparer et souvent cinq minutes suffisent. Vous disposez des ingrédients de base et de jolis verres, vous pourrez réaliser des cocktails faciles et classiques sans les complications que vous imaginez peut-être. J’aime que mes cocktails restent simples - c'est aussi une très bonne façon de commencer votre éducation. J’ai ainsi commencé à

Coiffure : Matthieu Laudrel représenté par La Frenchie Mise en beauté : Isis Moënne-Loccoz Directeur de casting : Nicolas Bianciotto pour Ikki Casting Mixologiste : Nicolas Liget

préparer des John Collins, des Manhattans ou des Blue Lagoons, avant de pousser plus loin mes expérimentations. J’ai eu le plaisir dernièrement de rencontrer Julien de France, le fondateur d’une société de mixologie qui s’appelle “Likidostyle”. Je lui ai demandé de m’aider pour cette série et il m’a dépêché un de ses mixologues qui s’appelle Nicolas Liget. Il nous a préparé les jolis cocktails que vous allez voir sur les pages suivantes. Les glaçons sont un autre facteur que je trouve important dans l’esthétique des cocktails. Jusqu’à

maintenant les plus jolis glaçons que j’ai vu étaient servis au Japon, mais cette culture s’étend vers l’ouest où l’on commence à trouver des glaçons de toutes tailles et formes. Je cherchais des fabricants des glaçons à Paris, et j’ai eu l’opportunité de rencontrer Brittini et Joseph, un charmant couple Franco-Américain. Ils ont créé une société “The Nice Company” qui fournit des glaçons pour des évènements, et nous a donnée les glaçons pour réaliser les images de cette série.

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Vous pouvez trouver les cocktails de Julien et Nicolas via Instagram @likidostyle ainsi qu’en ligne à likidostyle.com .

Brittini et Joseph de The Nice Company sont également sur Instagram @thenicecompany et ont un site en ligne thenicecompany.com . Pour votre santé, l'abus d'alcool est dangereux. A consommer avec modération

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Blue Lagoon L e Blue Lagoon est un cocktail à base de vodka, de curaçao bleu et de jus de citron. Il est aussi appelé le “lagon bleu” par sa traduction. Il fut créé par Andy MacElhone au Harry's New York Bar à Paris, en 1960. Andy MacElhone n'est autre que le fils de Harry, fondateur du Harry's New York Bar et inventeur du White Lady. Au moment de l'apparition du curaçao bleu sur le marché des liqueurs, il a voulu rendre hommage à son père en réalisant une variante du White Lady, en remplaçant le triple sec par du curaçao (qui est aussi un triple sec, mais bleu) et le gin par la vodka.

pour 2 personnes : 8 cl de vodka 6 cl de curaçao bleu 4 cl de jus de citrons

étape 1 Réalisez la recette “Blue Lagoon” au shaker.

étape 2 Pressez le jus d'un demi-citron, ajoutez dans leshaker avec les autres ingrédients et des glaçons.Frappez puis versez dans le verre en filtrant. Afin qu'il soit plus frais et léger, remplissez auparavant le verre de glace pilée.

étape 3 Servir dans un verre de type “verre à martini”.

étape 4 Un long zeste de citron vert.

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Manhattan Une tradition populaire prétend que cette boisson a été créée au Manhattan Club de New York au début des années 1870 lors d'un banquet donné par Jennie Jerome en l'honneur de Samuel J. Tilden, candidat à l'élection présidentielle. Le succès de ce banquet fit que le cocktail devint à la mode, les gens le demandant en se référant au nom du club d'où il provenait (le cocktail du Manhattan). C ependant, des experts en histoire des cocktails ont trouvé des références plus anciennes à une recette de cocktail baptisé Manhattan et servi dans l'île de Manhattan.

pour 2 personnes : 8 cl de whisky (bourbon, whiskey) 4 cl de vermouth rouge (martini, cinzano) 10 gouttes d’angostura bitters

étape 1 Réalisez la recette “Manhattan” dans un verre à mélange.

étape 2 Versez les ingrédients dans un verre à mélange avec des glaçons et agitez vigoureusement avec une cuillère à mélange. Passez dans le verre préalablement rafraîchi en retenant les glaçons.

étape 3 Servir dans un verre de type “verre old-fashioned”.

étape 4 Une cerise au fond du verre.

Note de l'auteur Utilisez de préférence du rye whiskey, sinon du bourbon.

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John Collins Le John Collins est l’invention du New Yorkais Vincent Collins qui travaillait dans le secteur du vêtement, et dans une taverne en soirée pour arrondir ses fins de mois. Il a créé d’abord en 1850 le “Tom Collins” à base du gin adouci “Old Tom”, puis en 1870 le “John Collins” d’après le nom de son frère, en remplaçant le gin par du bourbon.

pour 2 personnes : 12 cl de bourbon 18 cl d’eau pétillante 2 cerises au marasquin 1 orange 2 cuillères à café de sucre 6 cl de jus de citron 2 traits d’amers d’angostura

étape 1 Verser tous les ingrédients liquides et le sucre directement dans un shaker rempli de glaçons.

étape 2 Remuer doucement, puis verser dans les verres highball.

étape 3 Garnir avec une cerise au marasquin et une tranche d’orange.

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B A L E N C I A G A


StarNight

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retrouvez l'ensemble de la collection sur frenchdeal.biz - foulard : Balenciaga vintage

French Deal

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Veste

:

Brunello

Cucinelli,

gilet

:

Gucci

disponible

à

Matches

Fashion


Ludovic de Saint Sernin This provocative number will be sure to seduce everyone in the room with its chrome details and close fit.

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Veste

:

Ermenegildo

Zegna

disponible

chez

Vestiaire

Collective,

pull

:

Bottega

Veneta

disponible

chez

Matches

Fashion,

écharpe

:

Lanvin

vintage


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PAR HEDI SLIMANE 79


Rochas SKY BLUE

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Slimane Hedi par CELINE : ceinture Collective, Vestiaire chez disponible Miayke Issey : top Cucinelli, Brunello

Photographie : Go Minami Réalisation : James V. Thomas

:

Coiffure : Matthieu Laudrel représenté par La Frenchie

pantalon

Mise en beauté : Isis Moenne Loccoz

et

Directeur de casting : Nicolas Bianciotto pour Ikki Casting

Veste

Mannequins : Matthijs Pol chez Next Francis Van Rossbroeck chez Next Cédric Saintil chez Elite NUMÉRO II

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8:15 AM “Like cod liver oil,” his step-daddy, Carl, grumbled, squinting into the searing sunlight from beneath the hood of his Chevy Silverado. The parts bled like intestines. “Blood oil”, Mama often called it, though not foreseeing how the dark, thick syrup matched the state of affairs in their rancher house, right there on the far end of Rockingham Road. They were moved into their third state of the continental U.S. – Washington – And while they accustomed just fine at first, the endings would find Mama on the last twig of a bird’s nest in Winter; Crying for help, cawing for a worm. In the end, left hanging from those neon nails, from the trunk, from the bark, of the same, tired tree. The northwest continued to exist in record heat. At four, Nils tried frying an egg on the gravel. By fourteen, he did all but fuck on it. Relief came from the last few sucks of an I-CEE pop – That lemon-lime staining his tongue as he did doughnuts in a Grand Am in the parking lot of the Del Frio Dollar Thrift. He pushed the bridge of his redlensed sunglasses higher onto his nose – The colour itself transfiguring the sky into a mean shade – Matching the contention just over his shoulder and through the wireframed front door. He bit on a blue 84

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sucker and saw the world collide as his back tooth screamed in objection – Causing Nils himself to wince along with it. “Quit dreaming, boy,” Carl chided. “I need that wrench by your foot.” “Not dreaming,” Nils mumbled under his breath. “What’d you say? Boy, I swear...” “Nothing. Here,” Nils offered, standing up to offer him the tool. Next to Carl, he towered – an average 5’10 in comparison to a stocky 5’6 never failed to make Nils wonder how a man so small, could enforce such control. “What’re you doing up so early, anyhow?” “Pico’s picking me up. We got a job raking leaves on West and Barry.” “Raking leaves, huh. Since when does that fruity friend of yours work? Don’t his folks own some big grocery chain? More devil’s lettuce than five counties combined.” “It’s 2002. You can’t use words like ‘fruity’ anymore,” Nils scoffed, before being stopped stiff by Carl’s hand squeezing tight around his neck, disturbing the mess of dark blonde hair he had spent taming in the foggy mirror of the shared, hallway bathroom. “It’s 2002 and I’ll say whatever damn word comes into my head, you got it? That pretty face is only gonna take you so far, boy, ’cause I pay for this house… AND I pay for your Mama’s pleasure.” • The cherry paint glossed on the old Harley. A family heirloom of Pico’s, it had been kept in impeccable shape, over a far-less impeccable period of time. “You’re fidgeting a lot back there,” Pico observed, his dark, shaggy hair trying its best to blind his view as they rode into the violent wind. Mama once said Pico reminded her of a boy she once knew, growing up in Dillon, South Carolina. ‘The poor man’s Gable, she would say. ‘White trash, born ’n bread’. “Feeling uneasy, is all,” he started. “Carl.” “What’d that stupid son-of-a-bitch do now?” “Grabbed my neck, you know, I hate him.” “Huh?” Pico shouted, an eighteenwheeler riding parallel – Its sound, something Jurassic, looked like something equally-Jurassic, too. “I said, ‘I hate him’. Don’t know what my Mama sees in him. Except maybe dollar signs, I mean, he supports her whole goddamn life.” “A dick,” Pico smirked. “She sees a dick.” “A dick? I saw his dick once,” Nils laughed. “This time, this one time, he didn’t lock the door of the bathroom and I had to take a shit so bad, man. Walked right into NUMÉRO II

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him stepping out of the shower, he looked like a barnyard animal – All wet and panting. I’m telling you, man, I’m telling you...” “Telling me what? Spit it out, already.” “You ever see one of those fur coats, like in the window at strip malls?” “Yeah? So?” “It’s like a button in one of them coats,” Nils shook his head. “I’m telling you, man, it’s just like that.”

9:39 AM Turning onto the cobblestone, Nils leaned back and up, into the sun. Inhaling, he placed his hands loose behind his neck, as to not anger the already-angry. The houses were varying shades of white -- Structural blonde titans -- Kings of another era -- The kinds only conjured in the imaginations of the wealthy and over-achieving. Each home, enraptured in green shrubbery, also served as placemats to winding driveways, antique cars, and gardeners in tiny, camel-coloured hats. These were the houses - And this was the neighbourhood - That’d make Mama shout her usual, ‘Fuck me, molasses’! “This is it, I think. Twenty-seven,” Pico stated, leaning just-so over the handlebars to grant himself a better view. The driveway had to have stretched a full city block, Nils thought to himself, pulling his body back upright, fishing for a tissue in his pants pocket. “Who is this guy again?” Nils questioned, his eyes wide like pies beneath his sunglasses. “He plays tennis on the same court as my old man. Dad said he’s real private - Old money - Wouldn’t tell me his name - Says we shouldn’t ask too many questions or expect any answers.” “This isn’t ‘The Great Gatsby’, for fuck’s sake,” Nils exclaimed, rolling his eyes. “That’s exactly what I think this is.” • “You’re Don’s boy?” a robust, deep voice asked from ahead. Turning off the ignition and pushing the kickstand, the man walked slow, intentional, down the parade of cedar steps and onto the lip of the driveway. He couldn’t have been more than sixty, toned, dressed in dark green trousers and a white collared shirt beneath a woolen, navy sweater. The gilded ring on his left pinky shined just as bright as the pair of brown aviators - Disenabling them from garnering a better view of the man behind the estate. “That’s me,” Pico smiled, outstretching his hand. “Pico. This is Nils.” 86

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“Pleasure,” the man shook, his straight, salt and pepper hair slicked, just so, behind both ears. “Sorry, we didn’t get your name. My old man only gave me your address.” “Yes, I prefer to keep my identity concealed. For now, you can call me Blue.” “Blue?” Nils asked, critical. “We haven’t seen any blue around here. Only colours I’ve seen in this neighbourhood are white, wood and swiss marble...” “Ssh’up,” Pico hissed. “It’s alright. I’m a private man. I live a private life. I prefer to keep it that way. So, that name good enough for you boys?” “Yes, sir,” Pico nodded. “By the way, how old are you two? Your father made it out to be you were very young.” “We are, sir. Both twenty-three.” “Twenty-three? I remember my twenties. Just getting started out in my twenties.” “Getting started out?” Nils questioned. “The tools are in the garage. I need front, sides, and back raked. You can put the leaves in the trash bags - Set them by the curb. Lunch is at 12:15.”

NOON “Listen to this,” Nils ordered, crouching on a small box as he opened one of Blue’s dusty leatherbound books.

APRIL 7 1979 Today, I dropped Luke’s sax from a three-story window and swore him off for good, for forever. They don’t know I’m gay yet - Mom and Dad - But they know something is amiss. I drink. I drink all the time. I smoke. That, too, I do all the time. I’m moody, but rich. I’m tired, but young. It’s too hot to go outside, but too cold in the club to stay in. Being sucked off is the highlight of every weekend, despite having the key changed time and time again by Kim Jo Huong. I sit at the piano, legs spread, feeling the keys as I feel his tongue between my legs. He eats me whole, but he drinks me slowly. I don’t mind. I don’t mind it at all. This is life on the interstate - And it has me longing and lonely. I bed the vulnerable to feel, yet pleasure myself to feel nothing. All I can think about is my next drink and my next meal. In what kind of glass? How high? Scrambled or sunny-side? As a boy, I’d wet the pants, but as a man, I’m wetting others’. And though I am a man, they can’t let my name fool ’em. I won’t let my name fool ’em. NUMÉRO II

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“Holy shit,” Nils exhaled, turning the black leather over in his hands. “A club owner? And gay? I didn’t get the sense, did you?” “I don’t know. What is that, his diary? Put it back, man, before he comes out here and sees us with it.” “So tense,” Nils chuckled, motioning his hands around in an effort to match the dramatics flooding from Pico. “I mean, he’s not ugly. Got that slicked thing going on. If he grew out some facial hair, I’d let him offer me a moustache ri-” “You done?” Pico interrupted, with force. “Sorry. It’s...this is six-hundred bucks and I’ve been thinking, like, I want to maybe take some classes… Maybe even go somewhere new…” “And since when did you make this list?” Nils inquired, doubt and envy in his voice - Muffled by the cigarette hanging loosely from between his teeth. “I don’t know, we never do nothing, man. Don’t you get tired of not doing nothing?” “Let’s rip the chopsticks. You’re not getting laid. Am I right?” Nils stated, knowingly, desperate to change topics. “Not since you and I and that was, what, six months ago, wasn’t it?” “Something like that,” Nils affirmed. “You’re not still mad at me, are you?” “Mad at you? We were drunk, man, you know...things happen.” “Well apparently, things never happen,” Nils cut off, setting fire to his smoke. “Apparently, things never will.”

12:37 PM “Boys are late,” Blue declared, sitting at an old, brown Steinway in what appeared to be his study -

THE FEET HELD UP BY THE OLD WORKS OF OLD, WHITE MEN FROM EVERY OLD, HUNDRED-CENTURY MARKER. “Yeah, um, we’re sorry. We lost track of time,” Pico offered, as Nils rolled his eyes. “It’s no gold off my trombone,” Blue matched. “My housekeeper made you a plate, just in there,” he gestured with his chin. As they walked in the general direction, being guided by roasted meat and steamed asparagus, they were met with wall after wall after corridor adorned in framed photography. The interior read like something from a gilded, seventies soap opera - Green, marbled vases, tarnished brass ceramics, and taxidermy. Approaching the dining room, they were halted by an elderly black woman in a yellow, linen apron. Her hair, a fine, snowy white, was pinned in a manner replicating that of yester-year. 88

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“Mr. Baillie, Mr. Blue,” she quickly corrected, “Said you boys might like somethin’ fillin’, with all that hard work you’re puttin’ in out there. Should be plenty there.” “Thank you, ma’am,” Pico smiled, politely. “You said, ‘Mr. Baillie’ before. Is that his real last name?” Nils pressed. “My mistake. Mr. Blue,” she replied, with kind force. “But the name you said before that-” “Was neither here, nor there,” Blue quipped, causing the housekeeper to stand to attention and the boys to jump. “I’m sorry, Mr. Blue, it was an accident.” “Quite alright, Mrs. George. I think I’m going to join them for lunch. No plate needed,” he winked. • Nils struggled to fish the lump of potato from his gums, above his front two teeth - A “phlpphlp” sound occurring each time he moved his tongue side to side like a set of shears on a springtime bush. He looked to Pico, then to Blue, then to Pico again, noting the silence but accepting the reality of the afternoon, thus far. It had been strange, but soothing, somehow And a day spent away from Carl and Mama was a day worth holding onto, worth recanting, worth reliving time and again until a new proposition, a new setting introduced itself. “You boys, you...you went to school together? Forgive me, your father didn’t say,” Blue addressed to Pico. “No, well, not anymore. We did. We… graduated early,” Pico fibbed. “Sure. Sure, I know what that means,” Blue chuckled. “Hell, I graduated early myself. Graduated right onto the road. Father, God, and Sonny Jesus. I couldn’t count the miles… couldn’t count the smoked stogies… couldn’t count the number of lovers if you paid me to. There’s something about that life. I can dream about it, I can tell any old bastard at the lil’ convenience mart about it, I can play melodies that sound something just like it, hell, I can even jerk off to it...but I could never...I could never replicate it. The years slip from my fingers like pennies in the rain; And there I am, back to boyhood, on my hands and my knees trying to catch them so I can get home in time for my Mama’s stock gravy. I try to catch the pennies before they drop. But I can’t.” “Wow,” Pico reacted, wide-eyed. “Onto the road? Did you own clubs or something? ’Cause I can’t figure it out,” Nils asserted. “That’s what you got out of that?” Pico scoffed. “No, I didn’t own clubs. Not exactly,” Blue assured, chuckling. “How are you two making out, out there?” “Should be finished by three, three-thirty.” “I’ll tell you what,” Blue exhaled, NUMÉRO II

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thumbing the tiny, gold spoon to the right of the steaming peas as he leaned onto the table with both forearms. “I’d need your full disclosure here, of course, but… before you finish with them leaves… why don’t you finish… me first?”

1:24 PM Nils inhaled Stetson, face-down on the thick, plaid bedding. As Pico entered him from behind, he sucked Blue as he stood on the California king, straddling Nils’s lithe frame. “You alright up there?” Pico asked, pausing to cock his head up to Blue, noticing the tiny hairs peering from both nostrils - The tiny beads of sweat taking shape, too. “Ohhh yeah,” Blue exhaled in pleasure. “I’m just fine. You know... not a word of this to your old man. Not a word to no one. Alright now, keep going, keep going…” Nils groaned in time with each pump Both feet elevated as he held onto his left ankle with one hand for relative balance, while keeping his manhood out of the way with the other. “Let me at him,” Blue insisted, looking down at Nils. “I want him.” Pico flipped Nils over, exchanging sides. “This is what I want,” Blue grinned, spitting into his hand as he thrust into Nils from behind - His pale, though firm backside pulsating against Blue’s abdomen turned Pico from a flushed pink, to a maniacal purple. “You’re as tight as I pictured. Andevery-single-time,” he’d exaggerate with each thrust. “Okay, that’s enough,” Pico nudged, gripping Nils’s wrists, held firmly against his chest for support. “I need longer. Just a little longer.” Pico pressed his lips together as Nils kissed the side of his neck. “What’s your problem?” Nils whispered. “Nothing, fine,” Pico shook off, reaching for Blue’s shoulders before pinning him down onto his side. Licking his hand, he smoothed over his cock and entered Blue, motioning for him to stroke Nils, just above his own head. “Oh fuck,” Nils sighed, leaning his neck back. “I haven’t had someone jerk me off since Junior Fucking High, but fuck...” Pico slapped Blue’s behind and noticed his handprint becoming more visible, more drawn-out, each time. He wrapped the same arm around his groin - Getting caught in the tuft of pubic hair - Coarse, wild, soaked in sweat. “I’m close,” Pico sighed. “You’re going to make me…” he couldn’t finish Seeing the same colourful lights as his childhood Lite-Brite. Plug them into black, watch them go boom. “You want to get in there?” he asked Nils. 90

SKY BLUE


With Nils, this time, at Blue’s back, Pico leaned back onto the oak headboard, satisfied. In front of him, was a movie. On his cycle, parked out front, was a movie. But most importantly, he concluded, his bond with Nils - Was a movie; A movie he could never dare to replicate, just as Blue spoke of at that dining room table. “That’s it, that’s it, that’s it, that’s it,” Nils whispered, releasing his cock to allow his cum to flow both out - And down. “That’s it.”

2:04 PM Dressed, the boys followed Blue back downstairs, into the study. Fixing his misbuttoned blouse, Pico was stopped by Mrs. George, holding two glasses. “Would you boys like some ice water?” she asked, kindly. “Yes, thank you,” they both reached, held captive by her maternal smile. As she released the glasses, she picked up the hem of her apron, turning to offer a knowing wink And a knowing nod. “You two into jazz? Blues? Older music of any kind?” Blue asked, opening up a scorebook engraved with the initials, BBB, along with Checkertown Recordings. “Wait, you’re Boy Blue Baillie.” Nils realized. “You? King Fisherman certified-gold record-having , opening up for Tennessee Hal Halston… You got drunk and almost lost a finger at the Motown Anniversary special in ’97. That’s… you’re him?” “That’s right,” he smirked, sitting down at that same grand piano. “And I’m here to play you a tune.”

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Adieu Norman, Bon Jour to and Joan Jean-Paul to

by Franck O'Hara

It is 12:10 in New York and I am wondering if I will finish this in time to meet Norman for lunch ah lunch! I think I am going crazy what with my terrible hangover and the weekend coming up at excitement-prone Kenneth Koch's I wish I were staying in town and working on my poems at Joan's studio for a new book by Grove Press which they will probably not print but it is good to be several floors up in the dead of night wondering whether you are any good or not and the only decision you can make is that you did it

yesterday I looked up the rue Frémicourt on a map and was happy to find it like a bird flying over Paris et ses environs which unfortunately did not include Seine-et-Oise which I don't know as well as a number of other things and Allen is back talking about god a lot and Peter is back not talking very much and Joe has a cold and is not coming to Kenneth's although he is coming to lunch with Norman I suspect he is making a distinction well, who isn't I wish I were reeling around Paris instead of reeling around New York I wish I weren't reeling at all it is Spring the ice has melted the Ricard is being poured we are all happy and young and toothless it is the same as old age the only thing to do is simply continue is that simple yes, it is simple because it is the only thing to do can you do it yes, you can because it is the only thing to do blue light over the Bois de Boulogne it continues the Seine continues the Louvre stays open it continues it hardly closes at all the Bar Américain continues to be French de Gaulle continues to be Algerian as does Camus Shirley Goldfarb continues to be Shirley Goldfarb and Jane Hazan continues to be Jane Freilicher (I think!) and Irving Sandler continues to be the balayeur des artistes and so do I (sometimes I think I'm "in love" with painting) and surely the Piscine Deligny continues to have water in it and the Flore continues to have tables and newspapers and people under them and surely we shall not continue to be unhappy we shall be happy but we shall continue to be ourselves everything continues to be possible René Char, Pierre Reverdy, Samuel Beckett it is possible isn't it I love Reverdy for saying yes, though I don't believe it

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1

DOR I A N N E GR AY AT YOU R SERV ICE FOR E AC H I S SU E D OR I A N N E W I L L HAND SELECT Q U E S T I O N S TO BE ANSWERED H E R E I N H E RR A DV IC E COLU M N

ecently I have been speaking to an ex boyfriend from many years ago and I am starting to have some sexual feelings, but nothing romantic. I am wondering if I should try to approach him or not, as I think he is more seriously interested in me… what should I do? Sincerely, Forever-single

Well, Both of you are adults. You are allowed to have a lighter interest than your ex-boyfriend might have in you. Hang out and have fun with him. That’s fine. But after a few dates, if you feel that your interest doesn’t change at all, and his expectation is more serious than your’s, you might need to tell him about your lack of feelings. D.G.

PL E A SE SE N D YOU R I NQU I R I E S TO D O R I A N N E @ S K Y B L U R E V I E W. C O M 94

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I

have been actively engaged in a long distance relationship for about a year now. My boyfriend and I make an effort to see each other once a month as we live within three hours of each other by plane. We have been struggling a bit lately, and I was wondering if you have any tips for someone like me? Sending you my love, Gordon

Never have a long a distance relationship - I did! Here are some tips for a long distance couple. 1. Make rules for visiting: One of the main issue for long distance couples is the cost of travel: there are 2 choices. A. Always take turns going back and fourth between where he lives, and where you live. If one person is constantly making the effort to go to the other person’s hometown, it’s not simply not polite. B. One person in the couple might have financial difficulty to visit the other often. In this case, split the travel costs - except if one or both people in the couple are in a more than comfortable financial situation. 2. Fix a precise time for phone calls: Most problems come from “unable to reach out, whenever you want”. The main, and bad, condition of long distance is not being able to see each other as

often as you want. You have to accept this condition. But the couple could enforce the time for phone calls. 11pm no matter what happens, for example. In case of some difficulty, or problems with a changing schedule, simply send a message to tell the other, before the agreed upon call time. 3. Believe your partner: If you don’t trust your partner, there is no reason to continue, especially about fidelity issues. Even for couples that live together, it’s the same. But for Long distance couples, we could feel doubt more easily than couples that live together. (As you can’t check what time he came back home last night, or his boxers are insideout, etc…) What can you do? Just believe him. But if he doesn’t respect tip no1 and tip no2. Think about your relationship again. D.G.

3

I

have been seeing the same guy for a while now, I would say almost one year. We see each other almost every night, but he has yet to really let his friends or family know that we are together… Do you think he’s embarrassed of me? Best, François

IEveryone has different tempo; He could be a little bit slower than you are. 1 year is short, but somewhat of a long time for a couple. But definitely 2020 is a decisive year to define if this coupling is serious or not… Why not present your family and friends to him first? Then talk with him about how much you appreciate his presence in your life. He might take more time, but you’ll be very appreciative if he presents you as a serious boyfriend to his entourage. D.G.

4

I

am in love with two men and don’t know which one I should commit to more seriously - I am typically a very monogamous person. One is named George, and he’s an engineer. My mother really likes him, which is great - he’s an overall nice guy, I can tell he’s ready to take our relationship further into a real solid couple. The other is named Charlie. He’s tall dark and handsome, and gets me very excited… I dont know which one I like best. George is great for the day, but Charlie is better for the night. Which one do you think is the best for me? Love, anonymous

Would you be able to tell them both simultaneously: “George, you are good for the daytime, but Charlie, you are good for the nighttime, I love both of you. I am so lucky!” ? If not, You should choose one judging with your most important criteria. Be careful! Once you choose, you have to act faithful to that one.

5

W

What’s the difference between a husband and a lover? Curious about your answer… an admirer

A Husband is family. And with Family, we don’t have a sex. (do you know what incest is? That’s the case) That’s the difference between a Husband and a lover. Sorry, that was a joke ( but that’s totally true!) The difference is having a mutual trust, a feeling of respect beyond a sexual and romantic feeling. The title “A married couple” or “in stable relationship” allows us to present each other as a husband, or a partner. This relationship requires a lot of responsibility. And through these responsibilities, we can have a sort of fellowship, that we often call “Family”. So I’d like to say the difference between a Husband and a Lover is having a fellowship. D.G.

You cannot have the best of both worlds. D.G.

*Editor’s comments: By the way, Dr. Dorianne will be married in few months, after 3 years of maintaining a long distance relationship. And Dr.Dorianne has respected all of these three rules ;-) NUMÉRO II

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