Promotio Iustitiae 104

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seulement de profits raisonnables – qui constituent la récompense légitime de l’offre des biens et des services – mais surtout du profit maximal. Baisser les marges de profit est considéré comme un échec entrepreneurial. En 2009, un opprobre moral s’est attaché aux bonus excessifs des dirigeants, mais ce phénomène ignoble fait partie de la culture capitaliste, puisque les signifiants de la valeur sont précisément le profit et la croissance. L’avarice qui est l’un des sept péchés capitaux se définit précisément par l’excès. Le capitalisme libéral peut-il précisément accepter la notion d’excès ? Mais la peur (une forme démoralisante de conscience qui fait curieusement partie des sept péchés capitaux) a aussi joué un rôle. Si l’avarice préside à la phase de croissance de la bulle, c’est la peur qui gouverne la réaction excessive. La croissance excessive ne se corrige pas doucement par la retenue ni même par une austérité modérée. Au contraire, la bulle ‘‘éclate’’ instantanément, et semble n’avoir été qu’une illusion. La vente massive des actions fait chuter si vite les prix qu’elle ne restaure pas l’équilibre, mettant en péril l’entreprise naguère surévaluée. Le pessimisme est aussi contagieux, voire aussi irrationnel, que l’optimisme : les deux irrationalités projettent indéfiniment une tendance actuelle, comme si la tendance était irréversible et déterminée. La réponse à la crise Nous avons identifié trois dimensions différentes d’une réponse ecclésiale. Je pars de la plus générale à la plus particulière. Il y a naturellement le besoin d’une réponse théologique. Caritas in veritate en offre une bien informée, qui propose une anthropologie chrétienne holiste enracinée dans l’Écriture et la doctrine, proposant à tous, et non seulement aux chrétiens, des éléments fondamentaux (dimension interpersonnelle, transcendance, la vie comme don et la plénitude de la liberté humaine) qui forment le fondement nécessaire à une réponse à la crise. Un autre exemple est la réponse de l’archevêque de Cantorbéry, Rowan Williams, dans un discours adressé au Congrès des syndicats britanniques en novembre 2009 intitulé « Le bien-être humain et la prise de décision économique ». Il a adopté une méthode plus indirecte que celle du Pape Benoît : réfléchissant d’abord sur les conditions d’une économie humaine intégrale qui continuerait de « nourrir adéquatement les êtres humains dans leurs trois dimensions – des personnes dont les liens familiaux, la vie imaginative et la capacité de compréhension mutuelle et de sympathie seraient considérés comme tout aussi importants que leur prospérité matérielle ». Il a poursuit son discours en enracinant cette réflexion dans la foi chrétienne (comme, observa-t-il, son auditoire laïc pouvait s’y attendre !). Nous avons ensuite identifié une manière de répondre selon la spiritualité ignatienne. Ici, il n’est pas facile de donner des éléments spécifiques, puisque nous inaugurions ce qui deviendra un long chemin d’exploration. Un des

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