REVISTA FORMA VOL 07 PRIMAVERA 13

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LUCILE MAGNIN

mayoría sauces mimbres, estaban pelados de toda hoja, (...) eran (...) esqueletos lívidos » (p. 32). Or, quelques pages plus loin, le visage meurtri de Rugendas semble tout aussi dénudé : « la frente tenía el hueso expuesto (...) y los labios, partidos y retraídos, dejaban ver todos los dientes y muelas » (p. 39). Et de même que : « un pesado techo de nubes grises pendía sobre sus cabezas » (p. 34), de même, « le colgaban jirones de piel sobre sus ojos » (p. 39). En outre, le visage parcouru d’éclairs que Rugendas montre à l’aube de la journée du malón (« la cara llena de relámpagos », p. 58) nous rappelle sans difficulté le ciel orageux de la tempête au moment du drame (« la tormenta se manifestó de pronto con un grandioso relámpago que llenó todo el cielo, trazando una zigzagueante herradura » p. 36). Enfin, à la fin du roman, le narrateur fait une analogie entre le visage de Rugendas et la lune : « La cara ocupaba los compartimentos de la noche. ¿Era la luna la que iluminaba la cara, o la cara la que iluminaba la luna? » (p. 86). Son visage est si étrange, si « grand » et si « terrible » (p. 85) qu’il ressemble à la pleine lune, creusée de cratères, et paraît même pouvoir l’éclairer. Tout s’inverse et l’invraisemblable devient concevable, du fait de la ressemblance entre l’astre et la figure du peintre qui n’en est plus une. Ainsi, le thème de la « physionomie de la nature » ne cesse de se vérifier tout au long du roman, tantôt à travers les divers visages que montre la nature, tantôt par ses points communs avec l’homme, et semble donner le la à l’ensemble du récit, comme si le genre artistique pratiqué par les personnages déteignait sur le roman de Aira et en devenait une caractéristique. Tout comme Rugendas et Krause tentent de saisir dans leurs peintures la physionomie des régions qu’ils visitent, Aira s’efforce de porter ce même regard sur le paysage argentin qu’il décrit, appliquant dans son écriture cette personnification de la nature et faisant de la physionomie un des fils conducteurs du roman.

Fig. 4 : Johann Moritz Rugendas, Puente sobre un torrente - el Puente del Inca, 3/01/1838, Crayon sur papier, 42,5 x 28,5 cm, Munich, SGS, cat. CH-D-398 (détail).

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