Vers une communauté européenne des énergies territoriales

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Thierry Lepercq et

Michel Derdevet

Vers une Communauté européenne des énergies territoriales Publication: 06/07/2012 ENVIRONNEMENT - L'élection de François Hollande et l'accent qu'il a mis sur la nécessaire croissance replacent l'énergie au cœur des débats européens, la transition énergétique qui va s'engager dans notre pays faisant écho à l'Energiewende décidée Outre-Rhin. Dès 2007, Jacques Delors plaidait pour la création d'une "Communauté Européenne de l'Énergie", afin de relancer le projet européen autour d'un chantier industriel majeur. Mais de quel modèle énergétique parle-t-on ? Est-ce du "modèle énergétique libéral", issu des différentes directives sectorielles dérégulant l'électricité et le gaz depuis 1996, dont l'échec est patent avec des marchés nationaux juxtaposés, des oligopoles renforcés et des consommateurs oubliés ? La dette des grands énergéticiens a explosé dans tous les pays de l'Union, les énergéticiens alternatifs accumulant eux-mêmes des pertes abyssales, alors même que les investissements à envisager, dans les décennies à venir, se chiffrent en centaines de milliards d'euros. Est-ce du "modèle énergétique Grenelle", traduction de la stratégie fondée des 3x20, réponse ambitieuse au défi du changement climatique ? Ce "modèle" n'est pas aussi une franche réussite. Les nouvelles normes d'efficacité énergétique dans le bâtiment ont renchéri les coûts de construction, grevant la compétitivité d'une industrie-clé. Quant aux tarifs privilégiés d'achat des énergies renouvelables, la crise aidant, ils ont été sensiblement réduits partout en Europe. On estime ainsi aujourd'hui à 25 milliards d'euros, à la charge du consommateur européen, le surcoût annuel contracté pour les seules installations solaires déjà en service, qui fournissent seulement 2% de la production électrique européenne. Pourtant, dans ce paysage plutôt désolé, des lueurs d'espoir apparaissent, et elles viennent de nos territoires, au point qu'on pourrait désormais parler de "modèle énergétique territorial". La transition énergétique s'engage positivement "par le bas", au plus près des consommateurs/acteurs. L'approche nationale n'est plus la voie une et unique d'une politique énergétique. Il s'agit d'abord d'un principe simple : la proximité À côté des offres existantes des grands opérateurs nationaux, les consommateurs locaux pourront, demain, s'approvisionner auprès d'un énergéticien local qui lui-même génèrera, localement, une énergie renouvelable (solaire, hydraulique, biomasse, biogaz, éolien...) et intelligente (gestion de la demande et efficacité énergétique). Cette approche territoriale nouvelle suppose aussi de la frugalité ; le système ne marche que s'il est autoporté financièrement. Il permet de mobiliser une épargne locale et de créer des débouchés pour une industrie compétitive locale (créatrice d'emplois durables), avec une appropriation collective par des sociétés publiques locales.


A cet égard, la baisse forte des coûts de certaines énergies renouvelables, notamment le solaire, participe de la réussite de ce modèle qui a déjà ses symboles. La communauté de communes du Mené (Côtes d'Armor) sera autosuffisante à l'horizon 2020, et deviendra alors un territoire 100% énergies renouvelables, valorisant le vent, le soleil, le lisier, le bois et l'huile de colza. En Poitou-Charentes, le projet ESTER (Electricité Solaire des Territoires), structuré autour d'une SEM, prévoit la construction de 120 mégawatts d'infrastructures solaires dans le cadre de contrats d'approvisionnement d'énergéticiens locaux à prix de marché, dans une démarche dite de "bouclier solaire" pour contenir à terme les prix de l'énergie. Les énergies territoriales sont donc un enjeu stratégique de première ampleur, avec le bâtiment à énergie positive, la mobilité électrique et les réseaux intelligents, car elles sont porteuses de filières industrielles (qui doivent être compétitives) et de centaines de milliers d'emplois durables, justifiant la mise en place d'outils de financement paneuropéens. Les infrastructures énergétiques, nationales et interconnectées, seront bien sûr vitales pour échanger, de manière solidaire, entre tous les territoires européens et être le lien essentiel entre eux. Elles devront être maintenues, développées et modernisées à cet effet. L'Europe doit aujourd'hui savoir inspirer dans ses territoires, au niveau le plus proche, le plus populaire, un projet fédérateur pour tous ses citoyens. Une "Communauté Européenne des Energies Territoriales" serait en ce sens une initiative porteuse d'espoir !


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