Colloque « que sait on aujourd’hui de la schizophrénie » du 3 avril 2013 au ministère de la santé

Page 1

Colloque « Que sait-on aujourd’hui de la schizophrénie ? » du 3 avril 2013 au Ministère de la Santé à Paris, à l’initiative de l’association « Schizo ?...oui ! » . Placé sous la présidence Du Dr Yann Hodé, initiateur des Journées francophones de la schizophrénie et du Pr MarieOdile Krebs, SHU Ste Anne, Paris Il est difficile de rendre compte dans le détail de l’ensemble des idées transmises à ce colloque par un certain nombre d’experts dans le domaine de la psychiatrie. En résumé, elles s’organisent autour de 4 thèmes : 1. Une maladie complexe : ce que l’on sait, ce qu’on cherche à savoir -« Le gène » de la schizophrénie n’existe pas mais plutôt des anomalies touchant un ensemble de nombreux gènes (une centaine) produites souvent par mutations rares « de novo » (c'est-à-dire sans antécédents familiaux) et créant une vulnérabilité génétique (gènes de “susceptibilité”) associée à un dysfonctionnement du cerveau. Ces mutations de novo sont présentes dans certains cas de schizophrénie (Pr MO Krebs, Paris) -on sait qu’une vulnérabilité génétique combinée à des facteurs environnementaux aboutissent à l’expression de la maladie. On sait entre autres : que l’âge avancé du père semble être un facteur de vulnérabilité à la maladie, et par ailleurs que certains sujets pourraient présenter en outre une vulnérabilité génétique aux effets du cannabis…(Dr C. Demily, Lyon) -chez des patients schizophrènes avec des troubles moteurs mineurs, des techniques d’imagerie cérébrale ont permis de mettre en évidence des anomalies au niveau du plissement du cortex (c’est à dire un amincissement de l’épaisseur du cortex dans certaines régions), traces laissées par des perturbations lors de certaines étapes clés du développement du cerveau. L’intérêt de cette observation est l’espoir d’arriver à une détection plus précoce pour une meilleure prise en charge (Dr A.Cachia, Paris). -on sait que la détection et l’intervention précoce dans la phase « prodromique » ou après un 1er épisode psychotique ont un effet bénéfique sur l’évolution de la maladie : diminution du nombre de rechutes, du risque de suicide, réhabilitation plus facile… La difficulté est que les signes « avant-coureurs », quand ils existent, sont variés et peu spécifiques. L’entourage formé et informé et le développement d’équipes spécialisées pourraient faciliter la prise en charge des patients à risque (Pr S.Dolfus, Caen) 2. De la recherche aux soins -l’identification du mécanisme d’action des neuroleptiques en tant qu’antagonistes des récepteurs de type D2 a conduit à l’hypothèse d’une hyperactivité dopaminergique dans la schizophrénie dont l’origine serait un dysfonctionnement postsynaptique. Cette hypothèse évolue vers d’autres modèles intégrant d’autres neurotransmetteurs (Dr O.Guillin, Sotteville-les-Rouen) -résistances : on parle de schizophrénie résistante après au moins 2 séquences de traitement par des antipsychotiques appartenant au moins à 2 familles chimiques différentes sans bénéfice thérapeutique. En cas de résistance avérée, l’utilisation de la clozapine est recommandée. Si la clozapine se révèle elle-même inefficace on peut ajouter un autre antipsychotique ou avoir recours à l’ECT (Dr F. Mouaffak, Paris). On mentionne aussi l'intérêt de la stimulation magnétique transcrânienne (TMS) guidée par l'imagerie cérébrale bien que cette technique reste encore plus du domaine de la recherche que de la pratique (Dr R. Jardri, Lille) -cannabis, alcool, tabac : traitement des comorbidités. La comorbidité se définit comme l’existence d’au moins 2 troubles psychiatriques sans lien de causalité. Les patients à double diagnostic ont un plus haut risque de rechute psychotique et de rehospitalisation, de moindre compliance au traitement et un risque plus élevé de suicide et de comportement agressif. Selon le Dr Benyamina, Paris il y aurait une vulnérabilité commune entre schizophrénie et dépendance au cannabis. Dans le cas de patients ayant une comorbidité addictive, le choix de l’antipsychotique est important. L’utilisation par exemple de la clozapine ou de l’olanzapine diminuerait l’appétence au tabac (80% des patients schizophrènes sont dépendants du tabac). -tout programme de remédiation cognitive destiné à améliorer les fonctions cognitives déficitaires (attention, mémoire, fonctions exécutives, cognition sociale) doit être précédé d’un bilan neuropsychologique. Les programmes proposés sont fonction des patients : IPT pour les patients les plus régressés ou les plus inhibés, RECO pour les jeunes patients avec réinsertion possible, CRT pour des patients nécessitant un étayage soutenu, REHA-COM pour des patients avec troubles moteurs ou illettrés (Pr N. Franck, Lyon)


3. Conditions des soins, autonomisation et réappropriation du pouvoir d’agir -une enquête réalisée dans les hôpitaux psychiatriques du Haut-Rhin révèle que l’information des patients et de leurs proches est psychiatre-dépendante. Le refus de recevoir les familles (alors que 24% des psychiatres ne mettent aucune restriction à ce qu’une famille les rencontre même sans la présence du patient) peut-être contourné en s’adressant dans la mesure du possible à l’équipe soignante. A titre indicatif il est rapporté que 15% des familles disent avoir reçu une information sur les associations et 4,4% des familles seulement ont été orientées vers des programmes de psychoéducation (Mme C.Clément, Rouffach) -psychoéducation des familles : on constate que le taux de rechute est divisé par 2, équivalent aux effets des médicaments (Mme D.Willard, Paris) -non conscience du trouble, alliance et éducation thérapeutique : 60% des malades ont un défaut de perception de la maladie. Ce défaut d’insight n’est pas un déni défensif mais un problème cognitif, un défaut de traitement de l’information du à la maladie. Des solutions existent pour améliorer cet insight : psychoéducation du patient et des familles, entretiens motivationnels avec des soignants formés (Dr Y.Hodé, Rouffach) -soins somatiques : l’espérance de vie des personnes atteintes de schizophrénie est réduite de 20% comparée à celle de la population générale. Si la cause première de la surmortalité précoce est le suicide, les causes naturelles participent à cet excès avec en tête les maladies cardiovasculaires. Les facteurs de risque sont en effet plus souvent retrouvés chez les schizophrènes : sédentarité, tabagisme, surcharge pondérale, syndrome métabolique. Il est préconisé un bilan somatique minimal avant et pendant le traitement (Pr F.Limosin, Paris ; Dr M.Grohens , Paris) 4. Vivre dans la société -présentation des unités de soins de réadaptation en psychiatrie (USR) permettant une réhabilitation psychosociale et une ouverture vers le monde du travail (Dr P.Cacot, Président du SFRSRP, Paris) - présentation du projet « Un chez soi d’abord » inspiré d’expériences menées aux Etats-Unis et au Canada (« Housing First »). Il s’adresse aux SDF souffrant de troubles mentaux sévères (schizophréniques ou bipolaires). Il est mené dans 4 villes de France : Marseille, Toulouse, Lille et Paris sur une période de 3 ans (2012-2014). Un des principaux objectifs de cette étude est de fournir des éléments de réponse à la question : est-il plus efficace de trouver un logement tout de suite à des sujets en situation de précarité puis de les accompagner dans leur réhabilitation plutôt que de ne leur proposer un logement que dans un deuxième temps, après une première phase de prise en charge… ? (Dr A.Mercuel, Paris) -expérience de réinsertion par le travail en milieu ordinaire basé sur le modèle de Boston fondé sur des valeurs : respect des attentes et besoins des bénéficiaires (Mme MC Kaie, Perpignan) -les proches, leurs apports, leurs besoins : le proche dans son rôle de « veilleur inquiet » refuse d’être un dernier recours, d’être un soignant profane, d’être un hébergeur…Il souhaite être informé, reconnu par les professionnels de santé, pouvoir s’appuyer sur des relais…(Mme M.Bungener, sociologue, chercheur, Paris) En conclusion, l’objectif de ce colloque a été atteint : faire connaître au plus grand nombre l’état des connaissances sur la maladie et les nouveaux modes de prise en charge. F.Malavielle


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.