Les peaux noires : scènes de la vie des esclaves

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LES PEAUX NOIRES.

bois blanc qui meublait la chambre où elle était enfermée, et ouvrant en même temps la croisée dont elle avait mesuré la hauteur du sol, elle y noua le drap de son lit, et poussa avec terreur le cri : « Au feu ! au feu ! » En même temps, la lueur rougeâtre de l’incendie éclaira la petite maisonnette. Au premier cri, la femme du sereno était accourue et avait ouvert précipitamment la porte de la chambre. Elle y entra au moment où Tobine, accrochée au drap, se laissait glisser jusqu’à terre et prenait la fuite. Tobine s’était rendue tout d’abord à l’hôtel de M. de Laverdant, où elle avait appris qu’André était parti, ainsi que José qu’elle ne put pas prévenir. Elle courut, alors, à l’hôtel Daguilla : la marquise était sortie. Quant au marquis, il était à la sucrerie de la Felicitade, lui répondit le seul domestique qui fût resté. Il était trop tard ! le malheur allait donc s’accomplir. En quel lieu? C’est ce que Tobine ne pouvait pas deviner. Elle alla se cacher dans la chambre de sa maîtresse, comptant les heureset les minutes, écoutant tous les bruits du dehors et de l’intérieur. Enfin, lorsqu’elle entendit monter l’escalier, elle s’était blottie derrière un meuble. Nous avons assisté à la scène qui se passa entre elle et sa maîtresse, et on sait le reste.

Revenons aux événements qui suivirent. José fut inquiet de voir la nuit s’avancer sans que son maître rentrât. Il n’y avait pas eu de réunion ce soir-là à la Filarmonica, ni à aucun des cercles de la ville ; il n’y avait point eu de bal ni de fête dans aucune des maisons principales de la Havane où André avait accoutumé d’aller. Et, d’ailleurs, il prévenait toujours son fidèle mayoral lorsqu’il devait passer la nuit en réunion, au jeu ou au


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