L'immigration indienne en Guadeloupe (1848-1923). Partie 2

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439 directement avec elle42. Le ton général de cette correspondance est toutefois très différent de celle échangée entre les deux administrations de la Guadeloupe et de Pondichéry, probablement parce que les deux partenaires ne sont pas ici sur un pied d'égalité43 et que l'agent d'émigration de Calcutta est autrement plus vulnérable aux "suggestions" venues des Antilles que le gouverneur des Etablissements de l'Inde ; les lettres envoyées de Basse-Terre sont beaucoup plus directives, pour ne pas dire parfois impératives, et les réponses de l'agence sont celles d'un subordonné qui rend des comptes44. Pour autant, il n'est pas évident que l'administration de la Guadeloupe ait beaucoup plus d'influence sur les opérations conduites à Calcutta qu'à Pondichéry ; la forme est autre, mais les contraintes de la distance et de la technicité demeurent.

b) La préparation de la campagne dans les agences d'émigration Alors que l'émigration vers la Réunion et Maurice est ouverte toute l'année, les contraintes de la navigation à voile dans l'Océan Indien et surtout au franchissement du cap de Bonne-Espérance font qu'il n'est possible d'expédier des bâtiments à destination de la Caraïbe que pendant un peu plus d'un semestre par an

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; cette période, qui s'étend de fin juillet à

début mars, correspond à ce que l'on appelle la "campagne d'émigration". Les agences d'émigration qui recrutent uniquement ou principalement pour les colonies américaines doivent donc suspendre leur activité pendant plusieurs mois chaque année. C'est une des raisons pour lesquelles en 1862, au moment de la création des agences françaises, avait été posé le principe de leur compétence inter-coloniale générale, de façon à pouvoir les maintenir en fonctionnement pendant toute l'année, priorité étant plus particulièrement donnée aux Antilles-Guyane pendant les premier, troisième et quatrième trimestres, et monopole à la Réunion au cours des autres mois46 ; la même logique préside également au regroupement des agences anglaises à partir de 1870, où l'on fusionne essentiellement des destinations chronologiquement complémentaires, l'une à l'est, l'autre à l'ouest du Cap : Fidji et Trinidad,

42. ANOM, Géné. 117/1008, M. Col. à gouverneurs Antilles, 19 décembre 1872, et réponse de celui de la Guadeloupe, 7 février 1873. 43. Comme le montrent bien les formules de politesse employées à la fin de leurs lettres. Le gouverneur et le directeur de l'Intérieur adressent à Lamouroux puis Charriol de simples salutations, tandis que celles des deux agents successifs d'émigration à leurs interlocuteurs de la Guadeloupe sont "les plus respectueuses". 44. Voir par exemple, ANOM, Géné. 117/1008, Couturier à Lamouroux, (n. d.) février 1873 et Laugier à Charriol, 2 juillet 1884 ; en sens inverse, Charriol à Couturier, 26 janvier 1877, 5 novembre et 9 décembre 1878. 45. Voir infra, chap. XII. 46. ANOM, Géné. 125/1092, rapport du directeur des Colonies au ministre sur les problèmes posés par l'exécution de la Convention, 17 janvier 1862.


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