Mémoires de Malouet. T. 2 (2)

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LA COMPAGNIE PAULZE.

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et enfin, de réserver pour l'État une part dans le revenu, qu'on prétendait attribuer exclusivement à Monsieur. Il est à croire que de pareilles restrictions contrariaient les vues de M. Gromot, mais il ne paraît pas qu'elles eussent suffi à diminuer ses illusions sur l'affaire Bessner. C'est à cette époque que le comte de Provence installait dans son château de Brunoy l'état de maison d'un souverain. Brunoy était une petite cour où affluaient les savants et les lettrés. Le prince les pensionnait à grands frais, si bien que les dépenses de sa maison ne tardèrent pas à dépasser les ressources de son apanage. Pour rétablir l'équilibre, M. Gromot comptait sur les épices de la Guyane. Leur futur monopole lui offrait la perspective d'un nouvel apanage : mais ce monopole ne parvint jamais à se constituer sérieusement. A son arrivée à la Guyane, Malouet trouvait seulement quatre pieds de girofle, qu'on venait récemment d'y transporter, et dont l'un même, mal acclimaté, devait bientôt périr. Il prit les mesures nécessaires pour assurer l'acclimatation et le développement de ces quelques plants débiles. Il les fit réunir sur la montagne de la Gabrielle, qu'il avait choisie pour l'élablissement d'un système de pépinières, et dont une partie appartenait au marquis de la Fayette, qui fut dédommagé de la perte de son terrain. Un giroflier produisit des fruits en 1778. « L'arbre, — dit un con« temporain, — semblait avoir depuis la tête jusqu'au pied « plus de clous que de feuilles. » A la même époque, un muscadier eut des fleurs, et l'on commençait à tirer des écorces 'le quelques cannelliers. Ces premiers résultats, obtenus à grand'peine, étaient un événement: mais ce n'était la qu'une promesse pour un avenir encore éloigné. Fendant ce temps, M. Gromot, au château de Brunoy, rêvait sans doute de forêts d'arbres à épices, et recueillait, en imagination, de riches récoltes que la sollicitude de Malouet préparait en vue d'un intérêt plus général. Les combinaisons de la compagnie Paulze et les illusions de M. Gromot avaient-elles laissé quelque trace dans la mémoire du comte de Provence devenu le roi Louis XVIII? On pourrait le croire d'après un souvenir qu'aimait à rappeler un ami deMalouet, son collègue à l'Assemblée Constituante.


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