La Guyane française et la guerre. Pour la France et pour la petite patrie

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— 44 — Le patriotisme est comme le pavillon : il peut souvent couvrir de la marchandise suspecte. En tout cas, s'il peut servir de prétexte à la violence du langage et même à des échanges de coups, au cours d'une discussion, il ne va pus jusqu'à armer le bras d'un assassin. Son inspiration est autrement respectable : elle enfante crifice et l'héroïsme.

le sa-

L'amour de la patrie ne saurait donc libérer la conscience de I homme qui supprime la vie à un nuire homme, — à moins que ce ne soit sur le champ de bataille : le café n'en est pas un, et le crime accompli dans un lieu pareil a tout l'air d'avoir pour mobile l'excitation cérébrale née d'une libation. Jaurès a été frappé dans des conditions tout à fait vulgaires comme un bœuf à l'abattoir ; il l'a été par un de ces jeunes bouchers d'un nouveau genre, un de ces exaltés qui, depuis quelque temps, s'exercent la main au « Browning « et au « Mauser » au grand détriment de la vie humaine, dont ils font si bon marché. Il méritait un meilleur sort. Ceci dit, paix à son âme ! Les journaux de France devaient nous apprendre, quelques semaines plus lard, combien nous avions été dans la note juste en donnant à la mort de Jaurès le caractère d'un deuil national. Et voilà comment, au comité de rédaction du Petit Guyanais de bons Français au cœur chaud traduisirent leurs premières impressions sur la guerre et donnèrent le signal du mouvement en avant, qui devait faciliter le recrutement et populariser l e s engagements volontaires en Guyane.

Evidemment, le Petit Guyanais n'a pas eu le monopole du patriotisme. Tribune hospitalière et libre, il ne s'esl pas contenté du seul concours de ses rédacteurs attitrés : il a ouvert ses colonnes à tous, encouragé les initiatives, signalé les actes, discours, écrits de tous ceux qui ont concouru de quelque façon à la propagande patriotique et aux œuvres de guerre en Guyane. Et parmi ces hommes de cœur et de bonne volonté, il me plait de citer mon camarade et ami Auguste Quintrie-Larnotlie, receveur p. i. des postes à Cayenne. On peut dire que celui-là s'est dépensé entre tous, notamment pour organiser, en l'honneur des conscrits et des réservistes, appelés par la mobilisation, des réceptions publiques à l'hôtel de ville, où la population venait communier dans l'amour de la patrie et l'espoir de la Revanche.


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