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LA MUSE HAÏTIENNE
France, à deux mille lieues des guides et des maîtres, la Muse Haïtienne d'expression française débuta par l'exagération des erreurs et des défauts de sa grande aînée blanche. La périphase et l'abus des termes abstraits, le bric-à-brac mythologique et l'emphase contemporaine florissent dans nos premières productions. Quel délice que de trouver, dès 1817, un Jules-Solime Milscent (1778-1842) d'une élégance, d'une concision et d'une mesure toutes classiques, puisées évidemment dans le commerce d'Horace et de La Fontaine, de Boileau et de Racine. MADRIGAL Un jour d'été, proche d'une onde claire, Dormait Adèle à l'ombre d'un ormeau. L'Amour la vit ; saisissant un pinceau, En souriant il peignit la bergère, Puis s'envolant aussitôt à Cythère, A mille amants il offrit le tableau. En l'admirant chacun dit sans mystère : « Amour, voilà le portrait de ta mère. » (1817) Que c'est joli et que c'est xviiie siècle ! Isaac Toussaint-Louverture (1782, Bordeaux 1854), par ses romances et son poème épique l'llaïliade (Paris, 1828), gardera un faux air de Casimir Delavigne, puis, sous l'influence des théories littéraires du Génie du Christianisme (1802), sous l'ascendant des Méditations (1820) et des Orientales (1829), vers 1835 ou 36, dix