Un voyage d'été aux tropiques

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UN VOYAGE

D'ÉTÉ AUX

TROPIQUES

ou qui sommeille, la tête penchée. Un jeune homme se réveille au moment où je passe, me dirigeant vers ma cabine; il tourne vers moi des yeux noirs particulièrement lumineux, des yeux créoles. Il vient sans doute des Antilles. Le matin est encore gris, mais le soleil dissipe la brume. Peu à peu la grisaille disparaît et un bleu vaporeux, pâle et beau, — un bleu immatériel du Nord, — colore l'eau et le ciel. Soudain, un coup de canon fait vibrer l'air pesant : c'est notre adieu à la côte d'Amérique. Nous bougeons. L'embarcadère recule et se voile d'une teinté bleuâtre. Des buées diaphanes semblent avoir capté la couleur du ciel, et même les grands dépôts rouges prennent un léger reflet bleu à mesure que nous nous en éloignons. L'horizon a maintenant un rayonnement vert... Autrement l'impression est pareille à celle qu'on éprouve en regardant à travers des verres très légèrement bleutés. Nous passons sous la voûte colossale du pont immense : puis la statue de la Liberté se dresse au-dessus de nous pour quelques instants, semblant tourner vers nous, puis détourner, la beauté solennelle de son impassible visage


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