Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE DES AVENTURIERS,

chant de quel côté faire voile, ils allèrent où les conduisit le vent, et arrivèrent au cap de Gracia a Dios, sans savoir où ils étaient.

Plus de la

moitié moururent de faim et de soif, et ceux qui échappèrent furent faits esclaves par les Indiens. Ils sont encore plus de deux cents de cette race. Ils parlent c o m m e les Indiens, et vivent de m ê m e , sans avoir aucun souvenir de leur pays, sans pouvoir dire ni c o m m e n t , ni d'où ils sont venus. Les Indiens sont sujets à des maladies dangereuses, c o m m e la petite vérole, les fièvres chaudes, le flux de sang. Quand ils ont la fièvre chaude, ils se mettent dans l'eau jusqu'au c o u , et se guérissent ainsi parfaitement ; mais quand il leur survient quelque maladie d'une autre nature, ils n'y font rien. Aussi en meurt-il un grand nombre et ne se multiplient-ils guère ; car, au rapport des aventuriers qui ont le plus fréquenté cette nation, il y a plus de soixante ans q u ' o n les voit toujours dans le même état, quoique l'air du pays soit fort b o n , et que la terre en soit fertile. Voilà ce que j ' a i pu remarquer dans tout le temps que j'ai séjourné en cet endroit. J'aurais encore beaucoup de choses à dire, si j'écrivais tout ce qu'on m'en a rapporté ; mais j e ne veux écrire que ce que j ' a i vu, et que ce que j'ai appris de personnes dignes de foi. Pendant notre séjour, nous amassâmes autant de fruits qu'il nous en fallait pour gagner les côtes de Cuba où nous voulions aller, et pour ces fruits, nous donnâmes aux Indiens ce q u ' o n a coutume de donner. Nous en emmenâmes deux, qui s'embarquèrent volontairement avec nous, ayant envie de faire autant de progrès que deux de leurs camarades que nous avions ramenés de Panama, et qui en avaient rapporté beaucoup d'instruments de fer qu'ils regardent c o m m e de grands trésors. Je me souviens que, lorsque les deux premiers d o n t j e parle participaient au pillage de Panama, s'ils trouvaient quelque argent, ils nous l'apportaient, et ne voulaient pas même mettre la main sur les habits, disant qu'ils n'en avaient pas besoin en leur pays, où la douceur de l'air les rendaient inutiles. Ils ne s'attachent précisément qu'aux choses les plus nécessaires à la vie ; enfin ils boivent et mangent peu.


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