Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

avant qu'il devînt en usage, encore un siècle s'écoula. Les documents de 1626 et de 1635 — que nous citerons — n'en font pas mention. Quand alors on parlait des îles semées dans l'échancrure des deux Amériques, l'idée commune était au Pérou. Certaines cartes tracées après 1525, époque de l'introduction des Espagnols au Pérou, nomment les Antilles Iles du Pérou1, et l'on appelait en France péroutiers les écumeurs de ces parages'. Les péroutiers, ne pouvant prendre part à l'exploitation des mines d'or et d'argent, que les Espagnols s'étaient réservée, épiaient la sortie des navires retournant en Espagne avec un chargement et employaient toute leur bravoure, toute leur habileté, à enlever en gros ce qu'il leur était interdit de recueillir autrement. L'un de ces péroutiers devint le fondateur de la colonisation française aux Antilles. Pierre Belain d'Esnambuc, baptisé le 9 mars 15853 au village 1 Pour expliquer cette ancienne expression géographique, il faut se souvenir que le port de Carthagène d'Amérique, qui recevait le produit des mines du Pérou par toutes sortes de voies, était un des points principaux où allaient charger les galions. Un auteur appelle ce Carthagène « l'entrepôt du Pérou ». Il faut se rappeler aussi qu'en France, vers le commencement du XVIIe siècle, on rangeait parmi celles du Pérou, sans les confondre, aussi bien les mines du Mexique que celles d'Hispaniola (Haïti) alors en pleine activité. De cette manière, les Antilles pouvaient êtres considérées comme des « isles situées à l'entrée du Pérou. » Il n'y a donc pas là, comme on l'a dit, « une erreur manifeste. » Voici d'ailleurs, pour donner une idée de la richesse de ces mines, à cette époque, l'extrait d'un mémoire remis par Colbert à Louis XIV en 1663 et conservé aux archives coloniales. « Il se voit sur les registres de Séville en Espagne que, depuis l'an 1519 jusques en 1615, on apporta, dans cette seule place (Séville), des Indes occidentales, un milliard cinq cent trente-six millions de livres d'or. » 2 Le premier fut un dieppois nommé Legrand. Monté avec 50 hommes déterminés sur une barque sans canon, il s'empara par surprise d'un galion isolé, pendant que l'équipage de ce bâtiment dormait ou jouait aux cartes Legrand revint à Dieppe avec sa prise chargée de richesses. Cet exploit (qui eut lieu vers 1610) — connu de toute la Normandie, sur les côtes d'Angleterre et même en Hollande — enfiévra ces pays de la passion des aventures. De là mainte autre expédition que le succès ne couronna pas toujours. 3

P.

Margry, vide infra page 41.


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