A LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION
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tance (1), soit que bon nombre de propriétaires n'admissent aucune restriction à leur autorité sur leurs esclaves, soit que les habitudes de la vieille discipline servile convinssent mieux à leur nature ou à leur esprit de routine. En mars 1788, un planteur du nom de Maguero ayant commis des atrocités inouïes sur les nègres de son habitation, l'intendant voulut faire un exemple « efficace et éclatant (2) ». Il en avait déjà fait quelques-uns. On le récusa, et, ajoutet-il, « des crimes évidemment prouvés demeurèrent impunis». Une sorte de complicité unissait les planteurs les plus féroces. « Il est, disait Barbé-Marbois, presque im« possible de prouver la barbarie des maîtres envers leurs « esclaves, parce qu'ils n'ont d'autres témoins que des « blancs aussi coupables qu'eux ou des nègres dont le « témoignage n'est pas reçu en justice. » Les administrateurs avaient alors recours à un moyen de police arbitraire. Ils embarquaient de force les coupables pour la France. Mais ils s'exposaient ainsi à « des accusations d'injustice et de tyrannie (3) ». Sans doute,le parti d'opposition ne se composait pas uniquement de propriétaires barbares ; il n'est guère douteux qu'il ne se trouvât parmi eux des hommes d'âme aussi généreuse que parmi leurs adversaires. Mais ils étaient soutenus par cette fraction des vieux colons qui entendaient ne pas laisser limiter leur autorité absolue, et eux-mêmes
allaient déclarer à
la Constituante que
l'intérêt du maître devait rester la seule garantie de l'humanité envers l'esclave. Aux accusations dirigées contre elle, l'administration (1) Rapport de Barbé-Marbois à Castries et à La Luzerne, 6 déc. 1788, Arch. Colon., C. 9, 2e série, carton 38. — (2) Rapport de B.-Marbois, 20 mars 1788, Arch. Colon., C. 9, vol. 160. — (3) Rapport du 6 déc. 1788.