La Guyane-au pays de l'or, des forçats et des peaux-rouge

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AU PAYS DE L'OR

Par moment, une saute de vent faisait osciller sur sa base enflammée cette masse incandescente dont le faîte venait alors s'incliner en tremblant sur les cases du village, y secouant une infinité d'étincelles et de flammèches, y déversant une température d'enfer. Enfin, une trouée vomissait par intervalle des animaux de toutes variétés qui, précipités dans une ruée d'épouvante, passaient devant nos yeux, roussis, frissonnants et rapides, en une vision de cauchemar. ... Et à la vocifération du feu dévorant, se mêlaient les modulations douloureuses des litanies plaintives que les parents et amis de Calamou psalmodiaient près de sa couche fatale. Ce fut là, peut-être, la minute la plus impressionnante et la plus angoissante que je vécus dans ce voyage. Presque seul, loin de ma patrie et des amis, égaré dans un pays inconnu, peuplé de sauvages au cerveau autrement conformé que le mien, je me sentais isolé, perdu, et attristé jusqu'au fond de l'âme, face à face que j'étais avec ces deux fléaux, ces deux agents de destruction : l'incendie et la mort; la fournaise, d'un côté, l'agonie de l'Indien, de l'autre. Cependant, la flamme diminuait de violence... le feu s'abattait, se traînait, rampait au ras du sol... la nuit s'annonçait. Un malaise inexprimable, auquel n'échappait point mes noirs eux-mêmes, planait dans l'air, s'alourdissait sur nous. Je percevais comme une contrainte dans les rapports avec les Indiens. L'état de Galamou empirait. J'étais inquiet, anxieux et non sans motif. Je me demandais si le médicastre Alepto, ennuyé de son échec, ne laissait pas supposer, n'insinuait pas même que notre présence, la présence


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