La France Puissance des Antilles

Page 26

24

LA FRANCE, PUISSANCE DES ANTILLES

de muscadier, d'iris et de giroflier. Ils proposaient enfin de tenter la traite des Mores vers le Levant et la Barbarie pour les substituer aux nègres (107). Marseille devint rapidement, grâce à son statut spécial, un centre de contrebande incroyable. Sur 1.400 à 1.500 caisses déclarées à l'entrée, on n'en déclarait pas 300 à la sortie pour les pays voisins ou étrangers. Le sucre était porté par des « casines » dans les bastides des environs, puis il sortait en fraude par une infinité de ports « obliques » dans des barques, qui allaient aborder sur les côtes de Languedoc. Le tabac faisait le voyage inverse de la Guyenne jusqu'à Marseille, d'où on le faisait passer en Italie et au Levant. Le fermier dans tous ses bureaux faisait un commerce moins important. Ces Marseillais étaient imprenables, car si on les rencontrait en mer avec leur chargement frauduleux, ils déclaraient revenir au port, et s'ils naviguaient à vide, ils disaient avoir déchargé au lieu de destination régulier et produisaient un certificat, que,pour un écu, ils avaient obtenu des officiers publics de ladite ville, lesquels ne le refusaient jamais. Tous les épiciers de Provence; de Languedoc, de Roussillon étaient approvisionnés par ces lascars et leurs prix de vente le démontraient (108). Marseille, qui en 1675, n'envoyait pas aux îles une dizaine de navires, y adressait au milieu du xviiie siècle une trentaine environ. Elle était plus particulièrement en relation avec la Martinique, où ses bâtiments finirent à la fin du siècle par être aussi nombreux que ceux de Bordeaux. Mais à Saint-Domingue, ils l'étaient trois fois moins (109). Les négociants de Bordeaux, en exagérant les faits, se plaignaient vivement de leur voisinage dans les rades des Antilles. « Le commerce, qui se fait dans le port de Marseille, a tellement, franchy les bornes qui luy avaient été prescrites, qu'aujourd'huy il n'en a plus : il envoie dans nos colonies autant de vaisseaux qu'il en peut armer et leur prodigieuse grandeur jointe au grand nombre équivaut sans contredit au nombre de ceux qui s'expédient icy pour nos colonies (110). » En 1776, il est vrai, une centaine de navires revenant des îles, tous de fort belle taille pour l'époque, car ils jaugeaient de 200 à 700 tonneaux, avaient ancré à Marseille. Dans son commerce général, dont le montant total atteignait 358 millions, le trafic du Levant était évalué à 92 millions et celui (107) Mémoire touchant le commerce que peuvent faire les négotians de Marseille, 7 juillet 1871, Arch. Nat. Col. F1615. (108) Mémoire sur les sucres, déjà cité, 1685. Col. F2o4. (109) Tableau du commerce..., 1775. Col. C8B18 et relevé général des navires, 1785, Loire-Inférieure, C. 724. (110) 17 juin 1745, Gironde, C. 4263.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.