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LA MAIN-D'ŒUVRE
A LA GUADELOUPE
Pour obtenir quelque chose d'eux, il fallait les occuper à des travaux qu'ils considéraient plutôt comme un divertissement que comme une peine imposée par la servitude, et les traiter comme s'ils étaient complètement libres ; car plus on leur témoignait de la douceur et de la familiarité, plus on pouvait en tirer quelques services. Cependant, il y a des travaux pour l'exécution desquels ils avaient une grande répulsion : ils ne voulaient à aucun prix sarcler les jardins, bêcher la terre, déjamber le tabac, parce qu'ils considéraient ces travaux comme la besogne des esclaves. On avait fini cependant par étudier leurs inclinations et connaître les travaux qui leur plaisaient (1). Les arouagues, par exemple « merveilleusement manigats » suivant un mot caraïbe qui veut dire intelligent, « fort libertins, stupides et gens à qui il ne faut rien dire et qu'il faut laisser faire tout à leur volonté » (2), étaient extraordinairement doués pour la pêche et pour la chasse. Ils étaient très recherchés par les gouverneurs, les officiers et les planteurs. Les femmes brasiliennes très laborieuses, fort adroites, véritables trésors des familles, travaillaient dans la colonie on qualité de domestiques et de nourrices (3). Tout ce monde, de 1670 à 1700, figurait sur la liste des recensements de la Guadeloupe à côté des nègres et négresses, mulâtres et mulâtresses esclaves, sous la dénomination de « sauvages et sauvageresses » esclaves (4). Après 1730, et à la suite d'interventions royales, sur les états de recensement on les dénomme sauvagesses et sauvages libres portant armes (5). Mais avec le développement de la traite, les colons exterminèrent les derniers autochtones et n'en importèrent plus do la Terre-Ferme. Cependant le roi, à la fondation de la colonie, avait tenté (1) Du Tertre, Histoire générale des Antilles, édition de 1667-1671, t. II, p. 486 (2) Bouton, Relation de l'établissement des Français depuis l'an 1635 en l'île de la Martinique (1640), p. 52. (3) Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, p. 486. (4) Du Tertre, t. II, P. 483. (5) Arch. Coloniales, Marine et Colonies, carton n° 40.