SOUS
L'ANCIEN
RÉGIME
63
Quant à la jeunesse, elle s'exerce à tirer de l'are, ils sont si adroits dans cet art qu'ils tuent les oiseaux en plein vol. C'est aux femmes qu'incombe toute la besogne ; celles qui restent dans la « case » font des lits de coton ; elles mettent autant de temps pour exécuter ce travail que les hommes pour construire leurs pirogues. Elles s'occupent également à exprimer des huiles de copahue et de palmiste pour graisser la tête de leurs maris. D'autres s'adonnent aux travaux agricoles : elles labourent la terre au moyen d'un gros « bâton pointu » qui est comme un pieu, car elles ne se servent jamais de houes. Elles plantent les vivres (manioc, patates, couscous, ignames, etc...) ; elles font la récolte et composent le oiiycou (1), boisson qui leur est indispensable, surtout dans leurs grandes réunions. Du Tertre observe que « ce serait une infamie à un homme d'avoir touché le travail d'une femme ». Ainsi, toute l'occupation des caraïbes, arouagues et brasiliens est « plutôt un divertissement nécessaire sans lequel la vie, même la plus douce, serait aussi insupportable qu'un pénible travail. Ils passent leur vie dans une grande oisiveté, ils ne mettent la main à l'œuvre que par la tiédeur et l'ennui... » (2). Caraïbes, arouagues, brasiliens, avaient la même aversion du travail servile. Le Père Labat qui essaya de les utiliser dans les travaux agricoles dit « qu'ils ne font que ce qu'ils veulent, quand ils veulent et comme ils veulent » (3). (1) Du Tertre dit que les sauvages font des assemblées « qu'ils appellent oiiycou, et, depuis la fréquentation des Français,vin.Ce sont des réjouissances communes dans lesquelles hommes, femmes et enfants s'enivrent comme des porcs avec du oüycou qu'ils boivent par excès sans rien manger. Toutes ces Assemblées ont plusieurs motifs différents, car ils les font quand ils ont l'idée de faire la guerre, lorsque les hommes sont déchiquetés avec les dents d'agouti, après l'accouchement de leurs femmes.; quand on coupe la première fois les cheveux de leurs enfants ; quand les pères font leurs fils soldats, ou qu'ils les mettent au nombre de ceux qui sont capables d'aller à la guerre. Ils font encore des vins lorsqu'ils veulent mettre un canot à la mer, lequel a été fait de nouveau dans les montagnes, car pour lors ils appellent tous leurs voisins, lesquels après avoir travaillé pendant quelques heures, boivent tout le reste du jour. Enfin lorsqu'ils veulent abattre un nouveau jardin on faire une nouvelle habitation... Ces vins, oüycou, ou débauches, constituent toutes leurs réjouissances ; ils sont accompagnés de chants, danses, etc... » Du Tertre, Histoire générale des Antilles, t. II, pp. 386 et 387. (2) Du Tertre, Histoire générale des Antilles, édition 1667-1671, t. II, pp. 336, 381, 382, 383. (3) Labat, Voyage aux lias de,l'Amérique (1696), t. II, p. 138.