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L'AFFRANCHISSEMENT
DES ESCLAVES
Cependant, chose curieuse, en tant que membres de la collectivité, les affranchis et leurs descendants étaient assujettis à l'impôt. En effet, une des questions les plus agitées à propos des affranchis fut celle de la lutte incessante que ceux-ci soutinrent contre les autorités relativement à l'impôt de capitation, auquel ils voulurent toujours se soustraire. En fait, tantôt les ordonnances locales et royales et les décisions des conseils coloniaux déclarent qu'ils en sont exempts, tantôt, au contraire, ils les obligent à en acquitter le montant. En ce qui concerne la Guadeloupe et la Martinique, l'origine des premières difficultés créées pour la perception de la capitation sur les affranchis remonte à une ordonnance rendue le 12 février 1671 par le Gouverneur général de Baas(l). Il est dit dans cette ordonnance que « les mâles et les femelles créoles » seraient exempts des droits de capitation, mais seulement pour leurs personnes. Il résultait de cette ordonnance que les blancs nés dans la Colonie étaient exempts de la capitation. Les affranchis et leurs descendants nés dans la colonie prétendirent que l'ordonnance du Gouverneur général, n'établissant aucune différence ni distinction entre les créoles, devait s'appliquer également à eux, et qu'ils devaient jouir naturellement des privilèges accordés aux blancs créoles. Il ressort d'un mémoire que M. Patoulet adressait au Gouvernement royal le 20 janvier 1680, que les affranchis manifestaient déjà des résistances pour payer l'impôt de capitation à la fin du XVIIe siècle. « Les mulâtres et les nègres, écrit Patoulet, prétendaient être exempts des droits de capitation : je les ai fait payer sans difficulté. J'ai jugé que pour les mulâtres qui tirent leur naissance du vice, ils ne devaient pas recevoir d'exemption et que, pour les nègres libres, Je maître pouvait lui donner la liberté, mais non pas l'exemption du droit que les blancs originaires de France paient » (2). (1) Arch. Nat., col. F8 248, Code Martinique, p. 989. (2) Arch. Nat., col. F8 248, p. 765, Code Martinique.