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HISTOIRE
PHILOSOPHIQUE
colonie Efpagnole , d'abord fi considéraMe , n'étoit plus rien. Oubliée de fa métropole , elle avoit perdu elle-même le fouvenir «de fa grandeur passée. Le peu qui lui restoit d'habitans vivoient dans l'oisiveté. Leurs efclaves n'avoient d'autre travail, que celui de les bercer dans leurs hamachs. Bornés aux befoins que la nature feule pouvoit fatisfaire , la frugalité les faifoit parvenir à une vieillesse rare fous un ciel plus tempéré. Il est vraifemblable que leur indolence ne fe feroit pas réveillée , fi une activité trop entreprenante & trop audacieuse ne les eût pourfuivis à mesure qu'ils s'éloignoient. Défefpérés de voir leur tranquillité continuellement troublée, ils firent venir du continent & des isles voisines, des troupes qui coururent fur les Boucaniers difperfés. Elles furprenoient ces barbares en petit nombre dans leurs courfes , ou pendant la nuit dans leurs cabanes. Plufieurs furent massacrés. On peut croire que tous ces aventuriers auroient successivement péri , s'ils ne fe fussent attroupés pour fe défendre. Ils fe féparoient nécessairement pendant le jour , mais ils fe rassembloient le foir. Si quelqu'un manquoit,