Voyages aux Isles de l'Amérique (Antilles) : 1693-1705 . Tome 2 (1)

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VOYAGES AUX ISLES DE L'AMERIQUE (Description de l'église paroissiale.)

Le lendemain, après la messe, nous allâmes saluer M. de Galifet, qui commandait toute la colonie en l'absence de M. du Casse, gouverneur, qui était allé en France. Il demeurait avec M. de Paty, un des lieutenants de Roi, dans la maison de M. du Casse. Cette maison était sur une habitation considérable, que M. de Paty faisait valoir en société avec M. du Casse. M. du Casse, que ses services et son mérite ont élevé à la charge de lieutenant général des armées navales du Roi, n'était encore alors que capitaine de vaisseau et gouverneur de la Tortue et côte de Saint-Domingue. Car ces gouverneurs n'ont pas la qualité de gouverneurs de Saint-Domingue, peut-être à cause que la partie principale de cette île appartient aux Espagnols. Ce seigneur, après avoir acquis de très grands biens dans ce gouvernement, à la prise de Carthagène et dans les deux pillages de la Jamaïque, était allé en Cour. On disait même qu'il ne retournerait plus à Saint-Domingue, ce gouvernement lui étant alors inutile. L'éclat de sa fortune a attire à Saint-Domingue quantité de Basques, ses compatriotes, et comme il est naturellement magnifique, généreux, bienfaisant,'ils n'ont pas perdu leurs pas, non plus que quantité d'autres qu'il a avancés et mis en état de pouvoir faire plaisir à d'autres, pourvu qu'ils suivent les exemples qu'il leur a donnés. M. de Galifet était un gentilhomme provençal, tout plein d'esprit. Te le connaissais pour l'avoir vu à la Martinique, capitaine d'une compagnie détachée de la marine. Il avait été envoyé, vers la fin de 1695, par le comte de Blenac, pour commander à Sainte-Croix après la mort du sieur ***, qui en était gouverneur. La Cour le nomma quelque temps après au même gouvernement. Il accompagna sa colonie quand on la transféra à SaintDomingue ; il fut établi commandant au Cap. Nous avions vu, en passant par ce quartier-là, les grands établissements qu'il y avait et quelques-uns de ceux qu'il commençait à y faire, qui, joints au pillage de Carthagène, lui ont produit des biens immenses. Comme nous le connaissions parfaitement et que notre supérieur général était de son pays, il nous reçut très bien et nous fit un millier, et plus, de civilités, verbales s'entend, ce que je crois devoir remarquer ici, parce qu'il est du devoir d'un écrivain de dire les choses comme elles sont et de conserver religieusement les caractères des personnes et de leurs pays. Nous ne connaissions point du tout M. de Paty, qui était un des lieutenants de Roi ; cependant nous en fûmes très bien reçus. C'était un homme fort poli et fort obligeant ; il était du pays de M. du Casse, qu'il regardait comme le principal ouvrier de sa fortune, qui était déjà fort considérable et en train de le devenir beaucoup plus.


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