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HAITI.
[1804-05
l'univers entier de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination. » En même temps, le général en chef Dessalines adressa un manifeste au peuple d'Haïti qui se résume en deux mots : indépendance ou la mort. A cette époque, la population totale de l'île était réduite à 400,000 habitans. La guerre civile et la guerre servile avaient dévoré en 14 ans 500,000 âmes ! Les Haïtiens souillèrent les premiers jours de leur indépendance par le massacre des quelques blancs qui étaient restés au milieu d'eux. Le 28 avril, Dessalines, nommé gouverneur-général, fit une proclamation écrite en lettres de sang, où, pour justifier un aussi lâche attentat, il accusait ces malheureux «d'avoir comblé la mesure en méditant de nouveaux forfaits. » — C'était le dernier coup de la lutte à mort qui avait éclaté entre les maîtres et les ilotes. Dessalines avait toujours été un très mauvais esclave, souvent marron, on l'avait maintes fois taillé avec violence; tout son corps portait les stigmates de ces ignobles corrections, et chaque fois qu'il revêtait ses brillans uniformes, chaque fois qu'il portait les yeux sur lui-même, il s'écriait en fureur : « Tant que ces honteuses marques paraîtront sur ma chair, je ferai une guerre d'extermination à tous les blancs. » Ainsi, l'horrible exécution de 1804 est encore un écho du fouet de 1789 ! ! Sous la domination du nègre surnommé le libérateur d'Haïti, il suflisait d'être blanc pour mériter la mort, comme sous la domination des blancs, il suffisait d'être noir pour mériter l'esclavage; c'est un doute pour moi de savoir où est la plus grande férocité. L'histoire entière de la vie de Dessalines atteste qu'il n'était pas d'un naturel impitoyable, malgré les actes de vengeance barbare qui la déshonorent; mais le souvenir de la servitude jetait son âme ardente et son esprit inculte dans des vertiges de rage. Il voulut mettre entre Haïti et son ancienne métropole une mer plus infranchissable que l'Océan , une mer de sang.