Couleur de peau et parenté chez les "Blancs-Matignon" de la Guadeloupe : entre réel et imaginaire

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Penchons nous sur cette activité agricole que menaient les « petits-blancs » et pour laquelle ils se sont déplacés jusqu’aux Grands-Fonds; l'exploitation des cultures dites secondaires, à savoir autres que la culture principale de la canne-à-sucre.

A cette époque, les « blancs » ne sont pas localisés à la seule région des GrandsFonds du Moule mais à l'ensemble géographique de la région et cela pour cause, leurs effectifs démographiques sont de très loin supérieurs à ceux d'aujourd'hui. Selon l'« Etat Nominatif des Citoyens... » de 1796-1797, on y compte 1519 blancs. A cette date, période de l’âge d'or des cultures secondaires: sur 826 habitations, les blancs en possèdent 624 soit 75,5 %, les 202 habitations restantes sont réparties entre les « gens de couleur » (166) et les « noirs affranchis » (36). Ces deux dernières classes d'habitantspropriétaires ont respectivement pour effectifs, 744 personnes et 149 personnes. Aussi, la population globale des Grands-Fonds s'élève à 20 075 personnes. La classe des habitants-propriétaires qui compte 2412 personnes ne représente donc que 12 % de l'ensemble de la population. L'immense majorité de la population des Grands-Fonds, c'est-à-dire les 17 663 personnes restantes sont des cultivateurs (11 014 esclaves), des domestiques (489 « esclaves de maison ») et enfin des charrons, des charpentiers et des couturières (72 « esclaves à talents ») qui sont tous répartis dans les habitations à raison de 10 540 esclaves (toutes catégories confondues) chez les propriétaires blancs soit 60 % d'entre eux et une moyenne de 17 esclaves par habitation, 901 esclaves chez les propriétaires « gens de couleur » soit 5 % et 5 esclaves par habitation, 134 esclaves chez les propriétaires « noirs affranchis » soit moins de 1 % et 4 esclaves par habitation.

On constate donc que durant toute cette phase de rentabilité des cultures secondaires qui accorde aux Grands-Fonds une place de choix dans l'économie de l'île, les habitations de « blancs » sont non seulement les plus nombreuses mais aussi les plus riches (à en voir le nombre d'esclaves et la superficie, même s'il s'agit d'unités de petites dimensions), érigeant ainsi leurs propriétaires en véritable élite économique de la région. Cette élite blanche dont l'effectif l'inscrit en minorité (13 %) par rapport à la majorité de la population, elle de couleur, reproduit en cela et dans l'espace délimité par les GrandsFonds, la situation de « minorité dominante » décrite par Edith Kovats-Beaudoux à - 24 -


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