Lettres politiques sur les colonies sur l'esclavage et sur les questions qui s'y attachent

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- 204 — récent du code-Bouillé, appelé ainsi du nom de son auteur, le général Bouillé, ancien gouverneur de la colonie. Ce recueil est aujourd'hui fort rare ; et cependant nous tenons à votre disposition un exemplaire, M. le curé, car nous en possédons deux, imprimés en 1827 dans la colonie, avec la signature de M. le comte de Bouillé, gouverneur pour le roi. Ce document sort des mêmes presses typographiques de l'imprimerie du Roi, et du Gouvernement, où vous avez fait imprimer votre livre avec l'approbation de M. Mathieu, gouverneur aussi pour le roi. Voici, en attendant, le texte de l'article relatif aux messes et aux pains bénits : « Défendons pareillement ces réunions d'esclaves des deux sexes qui ont pour prétexte des messes et des pains bénits, et tout luxe ou vêtement extraordinaire dans leurs convois funéraires. » 11 était aussi recommandé « très expressément aux ministres du culte d'user de leur influence pour empêcher ces démonstrations superstitieuses qui blessent la religion et nourrissent des idées de désordre, » Or, ces démonstrations superstitieuses consistaient tout simplement à se cotiser pour faire chanter solennellement une messe que ces esclaves payaient, alors, un doublon (quatre-vingts francs), au révérend père Mathias, curé des nègres, au Fort-Royal, lequel, il faut l'avouer, les défendait et les protégeait à l'église, en empêchant la police et la maréchaussée d'y pénétrer pour les arrêter. Mais là, se bornait la protection du révérend père, c u r é des nègres; la messe une fois dite, et hors de l'Église, il n'y avait point de salut pour ces pauvres diables, qui étaient impitoyablement saisis, appréhendés au corps, et conduits à la geôle, où, sans distinction de sexe, ils recevaient à nu vint-neuf coups de fouet, pour avoir fait chanter une messe, et avoir offert le pain bénit, à l'intention d'un saint, patron de telle ou telle profession ou métier, en contravention à la loi coloniale. Disons, que ces réunions ne causaientjamais aucun désordre, ni ne troublaient la tranquillité publique; le seul scandale qui en résultait commençait à l'issue de la messe, à la sortie de l'église, au moment où la police et la maréchaussée déployaient leurs forces pour arrêter les membres de la confrérie ou de la corporation, les assistants à la messe. A côté du scandale de ceux qui défendaient aux esclaves de se réunir sous prétexte de messes et de pains bénits, on voyait une fois tous les deux mois, s'assembler en gaoulé, (c'est le t e r m e flibustier) les seigneurs et maîtres de la colonie, faisant chanter à leur tour une mess» du


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