La R. M. Javouhey, fondatrice de la Congrégation de Saint-Joseph de Cluny. Tome II

Page 60

— 46 — elle, m’a parlé avec l’apparence de la franchise. Le Sénégal, dans sa pensée, est encore trop obscur pour qu’il puisse se prononcer sur le sort qui lui est réservé. Il dit qu’il l’a mis sur un bon pied ; qu’il a retranché les dépenses; qu’il a eu l’adresse d’amener les rois maures ses voisins à venir signer la paix dans son Gouvernement ; ensuite qu’il a fait près de deux milliers d’indigo de première qualité. Sur quoi je lui dis : « Il n’est donc pas « impossible de coloniser le Sénégal ? » Là-dessus, je crois qu’il a pénétré ma pensée, et il m’a répondu : « Je ne sais « pas trop, je n’oserais me prononcer. » C’est ainsi que la R. Mère Fondatrice, aux vues toujours grandes et élevées, s’intéressait à tout ce qui concernait l’honneur et la prospérité de la France, non moins que le bien des âmes. « Si le terrain du Sénégal, ajoute-t-elle dans sa lettre à l’ancien Gouverneur, avait ressemblé à celui-ci, que n’auriez-vous pas fait? Que je voudrais vous voir ici quelques mois ! Comme vous tireriez parti de tant de richesses qui ne servent à personne!... Si vous voyiez les belles forêts, d’où il est facile de tirer les bois les plus précieux ; les belles savanes, où l’on peut nourrir des milliers de troupeaux ; et ce sol si riche, qui rapporte 50, 100 pour un ! Et dire qu’il y a tant de malheureux en France, qui manquent de tout! Ils n’ont pas de pain, pas d’asile ! Je me trouve donc heureuse et très heureuse, dans l’espérance d’être utile à un grand nombre de malheureux, et surtout à des orphelins, qui trouveront ici des parents, une patrie, et tout ce qui fait le bonheur. » On peut juger, d’après ces paroles, de la joie et du contentement qu’elle dut éprouver en revoyant son cher


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.