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LE ROMAN DE CUBA
un coup de main qui tient du roman, les insurgés s'emparent du général Dulce, chef et représentant de l'Espagne à Cuba, et sous menace de mort, le contraignent à signer sa démission. Ce fut un entr'acte de rire dans le grand drame. C'est tout Cuba. Mais l'Espagne, avec un successeur, se venge et redouble de cruauté. C'est trop. Alors les femmes s'en mêlent. Les femmes de Cuba si jolies, apparemment si frêles, et mieux faites pour jouer de l'éventail que pour manier le fusil, se transforment en fauves au service de la patrie avilie. Combattant à côté de leurs frères, de leurs maris, de leurs pères, elles savent mourir avec grâce, comme elles avaient vécu. Le danger les exalte ; aucune menace ne les arrête, et organisées en guerillas, elles font dans les savanes reculer leur redoutable ennemi. L'Espagne avait contre elle les femmes, donc elle était perdue. Mais la délivrance n'apparaissait pas encore. A Madrid, on suivait avec angoisse les péripéties de cette mêlée sanglante. La France l'ignorait, occupée alors dans sa guerre — celle de 1871 — contre les Allemands. Les insurgés étaient parvenus à se procurer des armes de l'Amérique voisine. La difficulté n'était pas de les obtenir ; on les leur offrait. Elle était de tromper la surveillance maritime