Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 2

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

Et comme le docteur se récriait, l'Indien reprit : — Sa mère vient de mourir. Je n'ai pas de lait à lui donner, moi. Que veux-tu que j ' e n fasse ? Il vaut bien mieux lui attacher une pierre au cou. Les aïmaras lui enlèveront les soucis de la vie. — Veux-tu me le donner ? Je l'élèverai. — Tiens. Le Peau-Rouge disparut. Le docteur confia l'enfant à une négresse. Il grandit. Son père adoptif l'instruisit autant que le permit la nature du petit sauvage. Quinze ans après, son père revint, le réclama et l'emmena. Le jeune homme qui adorait son bienfaiteur, mais que le mystérieux besoin de la vie nomade sollicitait depuis longtemps, ne passait jamais plus de trois mois sans revenir à Mana. Il atteignit l'âge de vingt ans, et épousa la fille du chef de sa tribu qui passait aussi pour connaître le secret de l'or. Le docteur V... quitta sur ces entrefaites le bourg de Mana et vint se fixer à Saint-Laurent. Jacques, c'est le nom qu'il avait donné à son fils d'adoption, désirant prouver sa reconnaissance à son bienfaiteur, lui avoua, au cours de sa dernière visite, en 186., qu'il connaissait enfin, lui aussi, ce fameux secret de l'or. Le docteur accueillit avec réserve cette confidence et voulut, avant d'avoir des détails, en conférer avec son ami le commandant du pénitencier. Il amena un soir Jacques avec lui ; mais le jeune homme, comme jadis l'indien de M. Pariset, chercha à se rétracter. Le commandant le traita de menteur et le mit au défi de rapporter une parcelle d'or. Alors, Jacques, honteux de voir suspecter sa véracité, s'écria : — Non ! Je n'ai pas menti. Vous savez, commandant, quelle vénération j ' a i pour mon père adoptif. Eh bien! Je vous le jure sur sa tête, avant un mois, je veux vous conduire là-bas, où se trouve l'or, termina-t-il d'une voix devenue tout à coup tremblante. — Que crains-tu donc, mon enfant, demanda affectueusement le docteur ? — C'est que vois-tu, père, mon amour pour toi me rend parjure. J'ai révélé le secret de l'or !... Le secret de l'or est mortel !... « Il tue ceux qui le révèlent. Le diable me fera mourir!... Sa voix devenue rauque, ses yeux égarés, ses traits crispés, tout indiquait qu'un violent combat se livrait en lui. Il reprit peu après d'un ton plus calme : — Tu m'as sauvé tout petit. Ma vie t'appartient, ô mon père. Et d'ailleurs, je n'irai pas jusque-là. Tu iras, toi, avec le commandant. Le diable des PeauxRouges a peur des blancs.


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