Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages Extraordinaires de Jules Verne [...]

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Terminons cette parenthèse onomastique par une nouvelle qui donne libre cours à la fantaisie : Une fantaisie du docteur Ox (1874). Dans cette nouvelle burlesque, le docteur Ox et son assistant Ygène (OxYgène) réveillent une ville endormie en diffusant de l’oxygène en grande quantité. Le rythme du temps s’accélère : « Où les andante deviennent des allegro et les allegro des vivace » (chapitre VII). C) - Une géographie à la recherche de nouveaux « points suprêmes » 1 - « Le point suprême et l’âge d’or à travers quelques œuvres de Jules Verne » Dans son Essais sur les modernes, Michel Butor évoque ces différents « points suprêmes » que l’on retrouve dans les Voyages Extraordinaires. Le titre de cette section est emprunté directement à l’essai qu’il a publié pour la première fois en 1949. Îles, grottes, comètes, Lune, sous-marin, villes souterraines, pôles, volcans, centre de la terre, sources d’un fleuve, chutes d’eau, etc. constituent autant de « points suprêmes » que l’écrivain-géographe met en scène dans ses romans. Ils sont ce point ultime, sublime, suprême que le héros vernien veut atteindre. Ils évoquent cette géographie extraordinaire, ce monde parallèle, cet univers où l’homme peut commercer avec les dieux : « Décrire les mondes connus, cela semble fort clair et fort simple dans le positif XIXème siècle ; si, d’autre part, quelqu’un tient à nous présenter des mondes inconnus, pour la raison lumineuse qu’ils n’existaient pas avant d’être contés, il nous apporte de cette façon un imaginaire théoriquement pur qui peut être plaisant, en tous les cas parfaitement gratuit et réconfortant. Mais quelle est cette manière de mêler les deux domaines, de passer si insensiblement de l’un à l’autre que l’on ne peut plus savoir où se trouve la limite entre l’imaginé et l’appris ? Le rêve accompagne et suit la description la plus positive sans que la moindre faille se produise entre eux deux »739. Comme nous l’avons vu précédemment, atteindre le « point suprême » c’est résoudre les antinomies. L’oxymore vernien assure rhétoriquement cette (ré)-solution : « On le voit : le pôle signifie bien ce point central dont parlait Breton, d’où le jour et la nuit, le ciel et la mer cessent d’apparaître contradictoires »740. La référence à André Breton renvoie à l’idée même

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Butor Michel. « Le point suprême et l’âge d’or à travers quelques œuvres de Jules Verne », op. cit., p. 40. Ibid., p. 65. Jules Verne joue très souvent avec les antinomies dans ses romans. Que l’on pense ainsi au combat du feu et de la glace au pôle nord (Voyages et aventures du capitaine Hatteras), à la mer intérieure illuminée (Voyage au centre de la Terre), la journée gagnée en voyageant vers l’est (Le Tour du monde en quatre-vingts jours), les aurores boréales qui dans les nuits glaciales du cercle polaire arctique (Le Pays des fourrures), le volcan qui éclaire les vestiges cachés de l’Atlantide (Vingt mille lieues sous les mers), etc.

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