Géographie et imaginaire géographique dans les Voyages Extraordinaires de Jules Verne [...]

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Chapitre II : Jules Verne ou l’invention de la langue : l’art de communiquer l’extraordinaire géographique À de multiples reprises les héros verniens expriment leur incapacité à dire ce qu’ils voient. Ces derniers, émerveillés par un spectacle extraordinaire, s’exclament souvent dans de nombreux Voyages Extraordinaires : « Quel spectacle ! »708. C’est ainsi que Jules Verne annonce l’impossible. L’exclamation permet de transmettre l’extraordinaire, elle donne du relief à un récit qui engage un dialogue direct entre l’écrivain, le narrateur et le lecteur. Or le point

d’exclamation

était

également

appelé

à

l’époque

du

romancier

« point

d’admiration »709. Étymologiquement, comme nous l’avons dit, merveilleux vient du latin « mirabilia : choses étonnantes, admirables »710. L’expression du merveilleux passe aussi par le choix des signes de ponctuation, et elle exige parfois d’inventer, de réinventer la langue. Mais en résulte-t-il alors une « babélisation » du projet vernien où les héros sont à la recherche de ces « points suprêmes » que nous avons évoqués ? La littérature et l’imaginaire n’apparaissent-ils pas aujourd’hui comme de nouveaux « points suprêmes » susceptibles de transmettre autrement le savoir géographique et d’y intéresser ? A) - Quels mots, quelle langue pour dire quelle géographie ? Les Voyages Extraordinaires à l’épreuve de Babel Jules Verne est un écrivain-géographe qui s’est intéressé au monde de son époque et aux nombreuses transformations vécues (et/ou souvent subies) par les populations de tous les continents. Dans ses romans, l’auteur recrée son propre univers (sa propre cosmogonie), un monde à part, un monde parallèle (l’ailleurs) qui lui permet d’analyser avec plus d’acuité les problèmes, les défis rencontrés dans la deuxième moitié du XIXème siècle : « […] l’imagination vernienne est gouvernée par les archétypes inconscients qui traduisent l’angoisse fondamentale de l’homme devant son destin, même si ces archétypes sont incarnés dans des aventures qui paraissent chanter le progrès, l’aventure victorieuse, l’homme maître du monde. Sous le vernis optimiste, très caractéristique de la seconde moitié du XIXème siècle, et de la littérature didactique, […] on aperçoit la dimension du Mythe »711. 708

Une recherche effectuée dans l’Interface Jules Verne fait apparaître 9 occurrences dans 7 romans différents. Biedermann-Pasques Liselotte. « Approche d’une histoire du point d’exclamation ». In : Faits de langues, vol 3, n° 6, 1995. p. 13-22 710 Nothnagle John. Merveilleux / marvellous, op. cit. 711 Vierne Simone. « Puissance de l’imaginaire », op. cit., p. 171. 709

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