Au pays de l'or

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AU PAYS DE L'OR

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éveillaient des échos apeurants ; le serpent qui rampe fuirait-il ? Lorsqu'une herbe le frôlait, communiquant à sa peau une impression de fraîcheur, Bournac sursautait, bondissait, pour éviter une étreinte particulièrement redoutée et dont la possibilité, d'ans son esprit, naissait surtout d'une hallucination ; le gloussement des agamis ne prêtait plus à rire, puisqu'il évoquait le tigre ; la voix des crapauds-bœufs, sorte de mugissement, familière cependant, évoquait une menace de géant dans l'incertitude des ténèbres ; il n'y avait plus, pour eux, d'animaux épiant le danger; il n'y avait plus que des bêtes à l'affût de leur proie, depuis la terrible fourmi rouge jusqu'au puma. Le fruit tombé par la secousse qu'imprime à la branche le singe en sautant, les faisait tressaillir et les tenait en éveil ; le vampire, le moustique, les êtres infiniment petits, dans un murmure universel et complexe, criaient les maux qu'ils engendrent. L'image de la souffrance et de la mort surgissait, terrible, de partout. Jusqu'au jour ils furent comme des roitelets sous une branche, avec la vision du chat-huant voisin et du chat qui passe. Un tigre assez proche prodiguait des appels aux autres tigres, sentant la présence d'hommes aussi faibles. Peut-être les préféraient-ils aux agoutis. Aux premières lueurs de l'aube, ils se remirent en marche. Ils finirent par arriver à Yamaïké. Les braves Indiens accoururent, apitoyés et secourables. Yamaïké gémissait comme s'il se fut agi de lui-même. Il pleura sur la mort du fils du Tamouchi Blanc. Et ses larmes furent sincères. — Vous avez besoin de réconfort, dit-il ensuite, en pressant ses yeux humides du revers de ses index. Vous allez manger... vous dormirez ensuite. 22


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