Voyage a Surinam description des possessions néerlandaises dans la Guyane

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CHAPITRE VIII.

Les

Bosch-Nègres ou Nègres-Marrons.

Leurs Mœurs.

P o u r savoir quelle est l'origine de cette espèce de nègres libres qu'on appelle Bosch-Nègres,

ou nègres-marrons, il faut remon­

ter à l'époque de la conquête de ce pays p a r les Européens qui

Leurs Habitudes.

Leurs Croyances.

En 1690, ils s'étaient déjà tellement accrus, qu'on estimait leur n o m b r e à environ cinq ou six mille. Aujourd'hui ils peuvent s'é­ lever à 25 o u 30 mille individus.

vinrent s'y fixer, en amenant a v e c eux leurs esclaves ou leurs

Les attaques q u e ces m a r i o n s dirigèrent contre la colonie, d e ­

noirs, originaires des c ô t e s de la Guinée ou d'Angola e n Afrique.

vinrent si fréquentes, et elles étaient toujours accompagnées d e

Ils conservent toujours les coutumes religieuses et civiles de leur

tant d'atrocités, q u e les issues des plantations étaient devenues

pays natal, a i n s i q u e leur c o u l e u r , lorsqu'ils ne s'allient q u ' e n t r e

en quelque sorte le théâtre d'une g u e r r e continuelle. Dans les

eux, Leur taille est forte ; ils ont les membres gros et t o i t s , la p o i ­

années 1730 et s u i v a n t e s , leur exemple eut p o u r résultat d'en­

trine large et b i e n développée, le visage et le nez plats, les lèvres

courager les esclaves des habitations à se révolter à leur tour, et

épaisses, l e s d e n t s belles et très-blanches. Leurs cheveux et leur

les colons ne pouvaient plus y rester en s û r e t é , pressés entre le

barbe consistent e n u n e laine cotonneuse, forte, courte et crépue.

double danger qui les menaçait au dedans et au dehors. On se

Dans

détermina donc à organiser des patrouilles ; on envoya contre les

u n âge avancé, ils deviennent gris comme les

Euro­

péens (Fig. 9 1 . c).

marrons de forts détachements bien armés et bien décidés ; mais

Ces bosch-nègres tiennent donc leur origine d e quelques es­

toutes ces mesures restèrent sans succès, quoique l'on parvînt

claves noirs, que l'on appelle aussi M a r r o n s , et q u i , après s'être

quelquefois à les disperser, à ruiner leurs habitations, leurs vil­

soustraits à l a domination de leurs m a î t r e s , profitèrent des t r o u ­

lages et leurs r e t r a n c h e m e n t s , à détruire leurs provisions et à

bles intérieurs qui régnaient dans la colonie et qui étaient causés

faire des prisonniers. Mais, si r u d e q u e fût la g u e r r e qu'on n e

par les invasions des e n n e m i s , p o u r échapper à l'esclavage. Ils se

cessait de leur faire, et si g r a n d e q u e fût l'ardeur qu'on mettait à

fixèrent

le long des rivières, dans des forêts et a u milieu de m a ­

les poursuivre, les alarmes qu'ils répandaient n'en continuaient

rais presque inabordables, dans lesquels il était impossible de

pas m o i n s , et eux-mêmes grossissaient chaque j o u r en n o m b r e

pénétrer, et o ù , sous le c o m m a n d e m e n t de quelques c h e f s , ils

et croissaient c h a q u e j o u r en audace.

s'étaient retranchés p o u r se mettre à l'abri des attaques qu'on aurait p u diriger contre eux p o u r les reconquérir.

Dans le premier chapitre d e cet ouvrage nous avons dit quelles luttes les habitants de la colonie eurent à soutenir, à l'origine,

Ainsi leur n o m b r e allait s'accroissantn tous les a n s , des esclaves

non-seulement contre l e s I n d i e n s m ê m e s d u pays et contre l e s

fugitifs qui parvenaient à se soustraire à leurs maîtres, et se sen­

flibustiers, les Anglais et autres ennemis de ces établissements,

taient entraînés vers cette vie de liberté q u e menaient les tribus

m a i s aussi contre les nègres-marrons, qui, refoulés au fond des

de leurs compagnons sur les terrains demeurés vagues à certains

savanes après s'être échappés des plantations, avaient à la fois à

points de la lisière de la colonie.

se venger de leurs m a î t r e s et à chercher de quoi subvenir à leurs

Vers 1650 à 1660, c e s marrons commencèrent à inquiéter l e s

besoins. Ce fut par d e s attaques réitérées contre les colons qu'ils

colons anglais par des incursions violentes qu'ils firent dans les

satisfirent a ce premier besoin, et ce fut par des rapines con­

plantations.

s t a n t e s dans les établissements qu'ils satisfirent au second. Ces 15


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