Les colonies et la défense nationale

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RAPPORTS COMMERCIAUX PRÉSENTÉS

PAR

L'UNION COLONIALE FRANÇAISE A LA

COMMISSION

CONSULTATIVE

COLONIALE



Monsieur Henry Bérenger, Président de la Commission Consultative Institut Colonial, Bordeaux.

Sénateur,

Mon

J'ai avez

cher

l'honneur bien

d'assister

Président,

de vous accuser

voulu

m'adresser

¿1 lu réunion

sultative

de faire

d'aujourd'hui

Je n'aurais

connaître

l'ensemble dire

au cours

que noire

qui correspondent

Association

de représentants

merce,

de Г industrie

pensé,

d'ailleurs,

e e

accrue, m'était

s

devant

qu'il

vous

demander Con-

puisqu'on pas permis,

ou mes opinions

sans

éviterai! Enfin,

d'assister

été en la

mesure sur

Commission.

diverses

géographiques

a dû sections,

de nos

d'exprimer

consulter

à

sections

и eu avec vous,

comprend

la

colo­

manière

ces sections,

les plus considérables

el de V agriculture

que l'autorité

tère de particularisme. n

pas encore

qui sont posés de l'entretien

Coloniale

regret,

de nos diverses

Il m'a paru qu'il n'était pus possible

sont composées

n

d'ailleurs

aux groupements

de voir de l'Union

oil

me

de la Commission

<) mon grand

les conclusions

des problèmes

M. Chailley,

r

de la lettre que pour

Coloniale.

celle réunion.

nies.

réception

le 6 novembre

Il ne m'a pas clé possible,

vous

Coloniale,

dans

qui

du

com­

nos colonies.

de nos conclusions ce qui pourrait

s'en

avoir

un

J'ai irouvecarac­

el dans un autre ordre d'idées,

en toule chose, de substituer à celles de l'ensemble

mes

il

doclri-

de mes collègues

de


208

RAPPORTS D E L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

l'Union.

Toutefois,

celle procédure

teur, doni l'inconvénient, la Commission

de l'Afrique

Occidentale

Elle se réunira

délibérer

sur d'autres

sera 1res prochainement colonisation toriale

me sera remis

que vous constatiez

doni j'ai été chargé

une collaboration

utile.

Enfin,

trée de donner

aux travaux

une

pratique,

efficacité

l'Etat

vis-à-vis

de l'initiative

l'autorité

et le latent

confiance

que nos délibérations

tres manifestations Veuillez lement

croire,

la

section

Je me

suis dont

délai. ces de vous que vous

compréhension

privée,

la vigueur

purement

accomplir apporter

que vous avez

vive

n'auront

explications

je veux

et mon désir la résolution

que vous niellez demeurées

Equa­

M. Metteteti,

avec lequel

mon cher Président,

Madagascar

Enfin,

de la Commission

voire

urgente

les vœux de la

à vous fournir

le soin

Bor­

de VAfrique

Président,

dans un bref

J'ai tenu, mon cher Président, la mission

de formuler

le 25 novembre.

avec son distingué

à

et si

de

sont saisies.

à Paris

réunie

une fois ou deux « P a r i s

Ile. Les sections

Colonies

se réunira

mis en rapports

déjà

La section

en mesure

et des Anciennes

le travail

len­

par la durée de

si importante

encore objets.

dans la (îrande

de l'Indochine

pour

s'est

Elle a étudié ci fond la question

de l'arachide. pour

une cerlaine

est atténué

Consultative.

La section deaux.

entraîne

il est vrai,

en œuvre,

mon­ présidez

du rôle de votre

action,

me donnent

pas le sort de tant

la d'au­

académiques. à mes sentiments

cordia­

dévoués. Le Président do l'Union Coloniale Française» .1.

11 Novembre 1914.

de

C.HARLES-BOUX.


NOTE PRÉLIMINAIRE R É S U M A N T

Q U E L Q U E S

I D É E S

G É N É R A L E S

L ' a r r ê t e ministériel qui a i n s t i t u é la Commission Consultative charge c e t t e Commission dans son § 6 « de rechercher les procédés les plus rapides pour substituer, à l'intérieur de chacune de nos colo­ nies, des entreprises françaises a u x entreprises ou maisons de com­ merce dirigées ou possédées a v a n t l'ouverture des hostilités par des ressortissants des pays a c t u e l l e m e n t en guerre avec la F r a n c e et ses alliés.» Les entreprises austro-allemandes existant dans nos colonies au m o m e n t de la déclaration de guerre se r a t t a c h a i e n t presque exclu­ sivement au commerce ou à la n a v i g a t i o n . 11 n'existait, à notre C O N N A I S S A N C E , a u c u n e firme industrielle de c e t t e origine, dans nos colonies d'Afrique ou d'Amérique. On a signalé une usine allemande de p r é p a r a t i o n de la vanille à Tahiti. S'il se t r o u v a i t d ' a u t r e s éta­ blissements industriels ou agricoles en Asie ou en Océanie, ils n ' é t a i e n t q u ' e n t r è s p e t i t n o m b r e , et l'application à ces entrepri­ ses des mesures édictées en F r a n c e contre les maisons austro-alle­ m a n d e s , semblerait le plus sûr m o y e n d'éliminer leur direction primilivc au profit de l'activité nationale. E n ce qui concerne les t r a n s p o r t s m a r i t i m e s , la disparition du pavillon allemand laisse p r é s e n t e m e n t le c h a m p libre a u x services maritimes n a t i o n a u x . La Commission trouvera tous les hommes c o m p é t e n t s en c e t t e m a t i è r e prêts à collaborer avec elle. Une flotte commerciale prospère doit être la préoccupation d o m i n a n t e d'une g r a n d e puissance coloniale. Cette i m p o r t a n t e question fera l'objet d ' u n e n o t e spéciale. 0 " a n l aux maisons de commerce austro-allemandes installées ''ans nos colonies, la déclaration de guerre a y a n t provoqué leur c e s COLONIES ET

LA

OÉFENSE

NATIONIALI:

I I


210

RAPPORTS D E L ' U N I O N COLONIALE FRANÇAISE

fermeture et l'exode de leur personnel, leur clientèle t a n t pour les achats de marchandises que pour la v e n t e des produits, a dû i m m é d i a t e m e n t se répartir entre les c o m p t o i r s français ou étran­ gers les plus proches, et l'on p e u t dire que pour le présent la substi­ tution de ces comptoirs aux entreprises germaniques est un fait accompli. Mais il reste à se d e m a n d e r s'il n ' y a pas lieu de craindre q u e ces entreprises ne se reconstituent et ne r e p r e n n e n t les affaires après le rétablissement de la paix, et de parer a u x meilleurs moyens d'y m e t t r e obstacle. On p e u t entrevoir t o u t d'abord un obstacle p r o v e n a n t des évé­ n e m e n t s eux-mêmes, qui écartera pour un t e m p s plus ou moins prolongé les initiatives allemandes du territoire national ou colo­ nial. C'est le discrédit qu'infligeront aux ressortissants des deux nations ennemies et à leurs entreprises les conditions dans lesquel­ les la guerre actuelle a éclaté et se poursuit et la ruine de la puis­ sance germanique qui en sera la j u s t e sanction. La défaveur qui s ' a t t a c h e à la défaite, m ê m e lorsqu'elle est imméritée et d o n t nos n a t i o n a u x ont t a n t souffert à l'étranger depuis 1870, devra peser plus l o u r d e m e n t encore sur la race qui a déchaîné la guerre et qui y succombera. Au surplus, éclairés par les é v é n e m e n t s sur les périls auxquels le libre c h a m p laissé à l'espionnage a exposé n o i r e défense nationale et sur les dommages que l'infiltration g e r m a n i q u e dans nos milieux industriels et c o m m e r c i a u x nous a causés dans le d o m a i n e des affaires, on p e u t s ' a t t e n d r e à ce q u e le G o u v e r n e m e n t , s p o n t a n é ­ m e n t ou sous la poussée de l'opinion publique, édicté des mesures préservatrices contre ce double d a n g e r .

Eliminer de nos colonies les entreprises austro-allemandes n ' e s t pas le seul objectif que se propose le G o u v e r n e m e n t . Dans sa lettre du 29 septembre au Président de l'Union Coloniale Française, M. le Ministre des colonies réclame son concours en v u e de recher­ cher les moyens de «substituer dans nos colonies des articles fran­ çais a u x produits de l'industrie allemande.» Le Ministre rappelle


NOTE PRÉLIMINAIRE

211

la progression rapide, dans nos possessions autres que l'Algérie et la Tunisie, de l ' i m p o r t a t i o n des marchandises de provenance germa­ nique qui a plus q u e doublé dans la période quinquennale 1907-1912 (12.625.000 francs c o n t r e 25.105.000 francs). La réponse à la question posée suppose d'abord connus les moyens grâce auxquels c e t t e i m p o r t a t i o n a réussi à pénétrer et à se déve­ lopper si r a p i d e m e n t dans nos colonies. Ces moyens o n t été depuis longtemps signalés, soit dans les r a p p o r t s officiels, soit dans des études spéciales, et ils p e u v e n t se r a t t a c h e r t a n t à l'organisation industrielle q u ' à l'organisation commerciale des pays allemands. C'est, en ce qui concerne la fabrication : 1° Le soin a p p o r t é par les industriels allemands à la recherche et à l'étude t e c h n i q u e des articles r é p o n d a n t le mieux a u x h a b i t u d e s et a u x g o û t s de la clientèle coloniale; 2° La création d'un outillage approprié, grâce auquel ils peu­ v e n t accepter et livrer d ' i m p o r t a n t e s c o m m a n d e s dans les meil­ leures conditions d'exécution, de r a p i d i t é et de prix. C'est au point de v u e de l'organisation commerciale les soins apportés par les fabricants allemands à l'emballage et au t r a n s ­ port de leurs expéditions, et les larges facilités de p a i e m e n t qu'ils accordent à leurs acheteurs. Si, en regard de ces moyens d'action et de cette m é t h o d e on recherche c o m m e n t procèdent nos industries d'exportation, il faut bien convenir, si pénible soit-il de le faire en ce m o m e n t , que, pour >e plus grand n o m b r e et en particulier pour la plus i m p o r t a n t e , l'indùstrie cotonnière, elles o n t pris en quelque sorte le contrepied des m é t h o d e s qui o n t fait le succès de nos ennemis. Ce n ' e s t pas à dire qu'il n'existe en F r a n c e des industriels a y a n t entrepris de se spécialiser dans la fabrication de certains articles coloniaux e t qui y o n t réussi. Mais, en général, les grands centres de l'industrie cotonnière se sont exclusivement cantonnés dans ' a p p r o v i s i o n n e m e n t du m a r c h é intérieur et, de l'aveu m ê m e de M. Meline, ils o n t négligé le m a r c h é colonial, le considérant seule­ m e n t c o m m e un débouché supplémentaire destiné à absorber la p a r t i e de la production q u e le marché intérieur ne pouvait pas c o n s o m m e r . (Compte r e n d u de l'assemblée générale de l'Associa­ tion pour l'agriculture et l'industrie, 20 novembre 1907).


212

RAPPORTS D E L ' U N I O N COLONIALE

FRANÇAISE

Aussi, dans son ensemble, l'industrie française, et particulière­ m e n t celle des tissus n'a-t-ellc recherché d'aide c o n t r e la concur­ rence étrangère epue dans la protection douanière et dans des tarifs différentiels de plus en plus élevés. E n 1910, par la révision du tarif général des douanes qu'elle avait provoquée t o u t spécialement contre la concurrence allemande, elle avait o b t e n u d ' i m p o r t a n t s relèvements de droits, qui o n t été rendus applicables, c o m m e on s'en souvient, dans nos colonies assimilées. L'année dernière, par la révision du tarif des tissus en Afrique Occidentale, elle a également o b t e n u une majoration n o t a ­ ble des droits de d o u a n e sur les articles étrangers. Ainsi protégée, l'industrie nationale se trouve à l'heure présente dans les meilleures conditions pour hériter, sur le marché colonial, de la place q u ' y a v a i e n t pris les produits a l l e m a n d s . Au surplus, l'état de guerre a y a n t fait t o m b e r le t r a i t é de F r a n c ­ fort, la France sera en mesure, à la conclusion de la paix, de régler avec l'Allemagne c o m m e avec l'Autriche-Hongrie ses r a p p o r t s économiques au mieux des intérêts de son industrie et de son com­ merce.

Ce serait néanmoins une erreur de croire que nos fabricants n ' a u ­ ront aucun effort à faire pour conquérir et conserver la clientèle qu'avaient accaparée les produits austro-allemands. Ils se t r o u ­ vent, en effet, dans nos colonies, en présence d ' a u t r e s concurrents qui s ' a p p r ê t e n t o u v e r t e m e n t à s'emparer de la place occupée jus­ qu'ici par nos ennemis. C'est en premier lieu l'industrie anglaise, si r e m a r q u a b l e m e n t organisée pour l'exportation a u x colonies, qui occupe déjà le premier rang pour l'importation étrangère dans nos possessions, et q u e le G o u v e r n e m e n t b r i t a n n i q u e encourage dès m a i n t e n a n t à s'enquérir et à s'emparer des débouchés perdus par l'industrie allemande. C'est la Belgique et la Hollande qui fournissent aussi à nos possessions des articles appréciés. Ce sera peut-être bientôt l'Italie elle-même, d o n t l'industrie prospère a déjà entrepris l'étude des débouchés que pourraient lui offrir nos colonies africaine.;.


NOTE PRÉLIMINAIRE

213

P o u r lutter contre ces concurrents actuels ou éventuels, nos fabricants peuvent-ils réclamer et obtenir de nouvelles mesures de p r o t e c t i o n ? Nous croyons qu'ils doivent renoncer à cet espoir. Ils n ' i g n o r e n t pas quel m o u v e m e n t d'opposition s'est développé depuis quelques années contre la politique d'assujettissement économique des colonies à la Métropole. La thèse protectionniste en matière coloniale a été réfutée et elle a été c o n d a m n é e partout où on a pu la discuter librement; ses partisans en sont présente­ m e n t réduits, c o m m e suprême et unique a r g u m e n t , à invoquer les sacrifices que s'est imposés la Métropole pour l'acquisition et l'or­ ganisation des colonies. Or, ce spécieux a r g u m e n t v a même leur faire défaut. Déjà, il y a quelques années, M. Clémentcl, alors Minis­ t r e des colonies, n ' a v a i t pas eu de peine à démontrer à la t r i b u n e du Sénat que nos colonies avaient largement d é d o m m a g é la Métro­ pole de ses sacrifices, t a n t par les profits de t o u t ordre qu'elles lui p r o c u r e n t que par le concours q u e les populations indigènes et en particulier les contingents de l'Afrique Occidentale ont a p p o r t é aux expéditions coloniales et n o t a m m e n t à la conquête de Madagascar et du Maroc. Mais q u a n d bien m ê m e cette d e t t e ne serait point encore entièrement soldée, serait-il possible, après la guerre actuelle où nos troupes coloniales concourent dans les rangs de l'armée nationale à la défense de n o t r e sol, de parler encore de sacrifices et' d'indemnité, et de songer à alourdir le t r i b u t que les populations de nos colonies paient depuis de si longues années à quelques indus­ tries de la Métropole. Gela n'est pas vraisemblable et l'on ne p e u t d o u t e r en o u t r e que t o u t e t e n t a t i v e de relever encore nos tarifs douaniers coloniaux se h e u r t e r a i t à des protestations que l'on ne saurait écarter; certai­ n e m e n t à celle de l'Angleterre qui fit déjà des représentations par la voie diplomatique lors de la révision du tarif des tissus de l'Afri­ que Occidentale; et p r o b a b l e m e n t à celle de la Belgique, d o n t la révision du tarif général des douanes en 1910 a v a i t cruellement a t t e i n t certaines industries. Loin de supposer que la politique protectionniste puisse progres­ ser encore après la guerre, on doit espérer qu'elle subira, au conra ire, un fléchissement et que les nations alliées, qui se sont unies pour abattre l'oppression germanique, seront, après leur victoire, 1


214

RAPPORTS

D E L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

conduites à étendre au domaine économique l'entente cordiale q u i les lie déjà sur le terrain politique. Nos industriels seraient donc bien inspirés et ils agiraient pru­ demment en recherchant dès m a i n t e n a n t dans une a u t r e voie les moyens de regagner le terrain laissé libre p a r l'industrie •austroallemande et de profiter de l'essor colonial qui suivra le rétablisse^ m e n t de la paix. C'est en r e m é d i a n t à certaines lacunes et à cer­ tains vices" bien connus de leur organisation manufacturière ou commerciale qu'ils p o u r r o n t le mieux y parvenir. Jusqu'ici ils n ' o n t pas c r u pouvoir imiter les méthodes et les procédés qui o n t valu à l'exportation allemande ses succès sul­ le marché extérieur. Il n'est pas nécessaire d'insister longue­ m e n t s u r ce point et il suffira de rappeler q u e c'est s u r t o u t faute d'avoir étudié avec assez de soin et de persévérance les articles convenant à la clientèle coloniale, faute de s'être pourvus de l'ou­ tillage approprié pour la fabrication de ces articles, q u e nos indus­ triels o n t laissé s'infili rei' el, progresser si rapidement les produits allemands dans certaines de nos possessions. Il faut bien toutefois reconnaître à leur décharge q u e les fré­ quentes appréhensions provoquées depuis 10 ans par l'insécurité des relations extérieures ej tes craintes q u ' o n t tait concevoir à ceux qui possedetti les leiulancos de notre politique financière, n'étaient pas de n a t u r e à stimuler leurs initiatives, à les encoura­ ger à immobiliser d ' i m p o r t a n t s capitaux dans ht création d ' u n coûteux matériel. Au surplus, l'initiative de ceux d'entre eux qui se seraient inté­ ressés aux articles coloniaux s'est trouvée parfois entravée par u n e mauvaise organisation commerciale sur laquelle nous ne croyons pas devoir insister a u t r e m e n t . P o u r y obvier en grande partie, il suffira de multiplier les r a p p o r t s directs entre, le fabricant et l'ache­ teur. Les deux sont solidaires. J a m a i s une occasion plus propice q u ' à cette heure ne s'est offerte à eux de se concerter et de s'unir pour assurer à la production natio­ nale l'expansion extérieure q u e les événements lui p e r m e i l e n i d'en­ trevoir. La défaite de l'Allemagne en replaçant la Francis au premier rang des grandes puissances restituera aux produits de n o t r e indus-


NOTE

PRÉLIMINAIRE

215

trie, qui n ' a v a i e n t jamais perdu leur r e n o m de loyauté e t de bonne qualité, la faveur du marché mondial qui va toujours au succès. lElle ouvrira pour n o t r e commerce d'exportation u n e ère de sécu­ rité, de protection efficace pour les intérêts français au dehors, qui p e r m e t t r a les grands desseins et encouragera les c a p i t a u x à s'en­ gager dans les entreprises de longue haleine. Il faut aussi espérer qu'elle introduira plus d'apaisement dans n o t r e politique intérieure, de prudence et d'économie dans la gestion de nos finances, et une plus étroite union entre l'initiative privée e t les pouvoirs publics. On doit donc prévoir q u e ces perspectives élargiront les vues de nos industriels, trop limitées jusqu'ici, c o m m e le signalait M. Méline, au m a r c h é intérieur; qu'elles stimuleront n o t r e industrie coton­ nière à étudier avec plus d ' a t t e n t i o n et de m é t h o d e les g o û t s et les h a b i t u d e s de la clientèle coloniale et la détermineront à a d a p t e r son outillage a u x besoins de ces n o u v e a u x débouchés, à modifier enfin ses habitudes commerciales, afin d'offrir plus de facilités à ses acheteurs, en ce qui concerne les mode et délais de livraison, les échéances de paiement, etc., e t c . . Pour menQr à bien cette étude, nos fabricants auraient le plus grand intérêt à s'entourer des avis et, à s'éclairer des expériences de nos c o m m e r ç a n t s coloniaux. Ceux-ci auraient eux-mêmes un réel a v a n t a g e à s e concerter* avec les r e p r é s e n t a n t s de l'industrie, cotonnière en v u e d'autres éventualités prochaines ou probables. Si mobile que soit n o t r e caractère national et si p r o m p t à oublier les plus cruelles expériences, on doit espérer q u e les leçons des évé­ n e m e n t s qui se déroulent ne seront pas de sitôt perdues, et q u ' a p r è s la guerre le réveil patriotique qu'elle a provoqué persistera aussi bien dans le domaine économique q u e dans les autres e t qu'il por­ tera le c o n s o m m a t e u r métropolitain c o m m e l'acheteur colonial à rechercher de préférence les produits n a t i o n a u x . U n indice de cet é t a t d'esprit se révèle déjà dans l'idée qui a été émise d e donner et même d'imposer une m a r q u e nationale à tous nos articles d'expor­ tation. L'accueil favorable qu'elle a reçu p e r m e t d'en entrevoir l'adoption e t c'est u n e éventualité d o n t nos firmes coloniales a u r o n t sans d o u t e à tenir c o m p t e . Elles p e u v e n t encore moins en négliger u n e a u t r e . q u i résultera du r e t o u r à la F r a n c e des territoires de PAlsaee-Lorraine. Il aura


216

RAPPORTS D E L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

pour effet de réintégrer dans n o t r e industrie nationale ses vieilles manufactures d'Alsace qui a v a i e n t p o r t é à un si h a u t degré de per­ fection et de r e n o m m é e la fabrication des cotonnades imprimées." Notre commerce colonial ne p e u t m a n q u e r d'envisager avec grande a t t e n t i o n l'appoint précieux q u e ces manufactures a p p o r t e r o n t de nouveau à n o t r e production pour les débouchés c o l o n i a u x . Le m o m e n t semblerait donc singulièrement o p p o r t u n pour con­ vier industriels, c o m m e r ç a n t s et a r m a t e u r s à se réunir et à se con­ certer sur ces divers et si i m p o r t a n t s points de v u e . On ne p e u t d o u t e r que, s'ils étaient mis en présence dans l'atmosphère d'union patrioti que qui enveloppe t o u t le pays, les vieilles récriminations seraient oubliées et q u ' u n seul sentiment dominerait leurs entretiens et les déterminerait à rechercher, dans un c o m m u n effort, les moyens d'assurer a u x produits de l'industrie nationale la plus large et la plus fructueuse expansion dans nos colonies. Ne serait-ce pas un beau rôle, pour la Commission Consultative Coloniale et la Section des reprises économiques, de p r e n d r e l'ini­ tiative d'un tel r a p p r o c h e m e n t et d'inviter les intéressés des deux parts à se grouper pour échanger leurs vues sur l'avenir de n o t r e exportation a u x colonies et sur les moyens pratiques de réaliser les v œ u x de ceux qui veulent assurer les destinées d'une F r a n c e v i c t o ­ rieuse, travaillant dans la sécurité du lendemain. Paris, le 12 n o v e m b r e 1914.

Le Président

de l'Union

Coloniale

J . CHARLES-ROUX.

Française,


RAPPORT présenté, au nom de la Section de l'Afrique Occidentale

Monsieur

le

Président,

Vous avez bien voulu nous prier de vous indiquer, afin de le t r a n s ­ m e t t r e à la Commission Consultative Coloniale, l'ensemble des mesures que n o t r e section de l'Afrique Occidentale estime néces­ saire de prendre en v u e de développer l'activité économique d u groupe de nos colonies africaines. Nous nous p e r m e t t o n s de vous exposer ci-dessous quelques considérations d'ordre général sur celte question. L'activité économique de l'Afrique Occidentale, pays sans indusfric qui ne vit que de la v e n t e de sa production agricole, dépend de trois facteurs principaux : le commerce, qui achète a u x indigènes leurs récoltes et leur v e n d des articles m a n u f a c t u r é s européens, les t r a n s p o r t s terrestres et m a r i t i m e s , qui p e r m e t t e n t d ' a m e n e r les produits de la colonie sur les marchés de c o n s o m m a t i o n , et ces m a r ­ chés de c o n s o m m a t i o n eux-mêmes, d o n t la fermeture ou l ' e x t e n ­ sion arrête ou développe nécessairement la production coloniale. Nous examinerons successivement l'influence exercée par la guerre sur ces trois facteurs et, à ce propos, nous chercherons les solutions possibles a u x divers problèmes q u e pose, en Afrique Occidentale française, la situation troublée dans laquelle nous vivons actuelle­ m e n t depuis le mois d ' a o û t dernier.

La guerre, est-il besoin de le d i r e était t o u t à fait i n a t t e n d u e dans la colonie q u a n d elle a éclaté. Dès le d é b u t de juillet 1914, au plus fort de la saison des pluies en Afrique, la p l u p a r t des a g e n t s ;


218

RAPPORTS D E L ' U N I O N COLONIALE FRANÇAISE

principaux et de n o m b r e u x employés des maisons de commerce africaines se t r o u v a i e n t , c o m m e chaque année, en congé en F r a n c e . Les comptoirs, où ne se font, p e n d a n t c e t t e période de l'année, q u e des achats et des ventes de faible i m p o r t a n c e , étaient laissés à la garde d ' u n personnel réduit et jeune, composé, pour la presque totalité, d ' h o m m e s susceptibles d'être appelés dès les premiers jours de la mobilisation. Celle-ci survenant, il était donc à craindre que la totalité des factoreries, les factoreries de l'intérieur n o t a m ­ ment, dussent être fermées, et u n e pareille éventualité ne pouvait m a n q u e r d'entraîner de graves conséquences : on devait, en effet, redouter q u e les indigènes, dans l'impossibilité de se procurer les produits d'alimentation qui leur sont indispensables, p a r suite de la brusque i n t e r r u p t i o n des transactions commerciales, ne se met­ t e n t à piller les boutiques et magasins. O u t r e la ruine commerciale que cet é t a t de choses devait provoquer, il en fallait encore a t t e n d r e des m o u v e m e n t s de révolte q u e certains émissaires islamiques auraient sans a u c u n d o u t e cherché à favoriser et à développer. P o u r ces raisons, d'ordre politique aussi bien qu'économique, il était indispensable d'assurer la c o n t i n u a t i o n des opérations de c o m m e r c e ; et ceci, on ne pouvait le faire q u ' e n é v i t a n t d'appeler sous les d r a p e a u x à la fois t o u s les employés i m m é d i a t e m e n t mobi­ lisables. Vivement préoccupés de cette question, d o n t la marche rapide des événements nous laissait prévoir la gravité, nous avons donc, au m o m e n t de la mobilisation générale, d e m a n d é à l'adminis­ t r a t i o n de ne point dégarnir c o m p l è t e m e n t les comptoirs et d'y laisser, au contraire, s u i v a n t l'importance des factoreries, quel­ ques employés chargés d'assurer, t a n t bien que mal, la marche des affaires. Nous avons o b t e n u satisfaction. Mais la mobilisation n'en a pas moins provoqué de très g r a n d e s perturbations' dans l'organisation commerciale de nos colonies africaines, p e r t u r b a t i o n s d o n t a d'ail­ leurs profité le commerce anglais, lequel, en Guinée française et à la Côte d'Ivoire n o t a m m e n t , progresse sensiblement, depuis quel­ ques mois, a u d é t r i m e n t du commerce français. C e p e n d a n t aujourd'hui, à la suite de la c a m p a g n e engagée con­ t r e les prétendus embusqués, nos c o m m e r ç a n t s sont menacés de voir réduire encore le nombre des rares agents q u ' o n avait laissés à


A F R I Q U E OCCIDENTALE

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leur disposition. Il ne se peut pas q u e les mesures d'incorporation aillent j u s q u ' à provoquer l'arrêt complet des t r a n s a c t i o n s à un m o m e n t où l'activité économique de l'Afrique Occidentale est le plus intense, à un m o m e n t aussi où certains incidents

mériteraient

d ' ê t r e pris en très sérieuse considération. Aussi, d e m a n d o n s - n o u s

à

l'administration de la guerre, c o m m e à celle des colonies, de ne pas se laisser émouvoir par les dénonciations a n o n y m e s qu'elles reçoi­ v e n t , paraît-il, en si g r a n d n o m b r e . Nous leur d e m a n d o n s de ne pas sacrifier inconsidérément la situation du groupe de l'Afrique Occi­ dentale française, en mobilisant les 125 ou 150 employés français territoriaux ou auxiliaires qui sont particulièrement visés, et nous prions la Commission Consultative Coloniale d'intervenir énergiq u e m e n t à ce sujet auprès des Pouvoirs publics, pour la s a u v e g a r d e de la tranquillité publique el du commerce français en Afrique Occidentale.

La question des t r a n s p o r t s est l'une des plus graves qui se posent actuellement en Afrique Occidentale. Nous examinerons t o u t d ' a b o r d et r a p i d e m e n t celles d e s t r a n s p o r t s terrestres. Dès les d é b u t s de la guerre, nous a v o n s signalé à M. le Gouver­ neur Général de l'Afrique Occidentale la nécessité d'assurer un approvisionnement convenable, en charbon, des différents che­ mins de fer de la colonie : M. P o n t y nous répondit que les disposi­ tions nécessaires a v a i e n t été prises à cet effet. Cependant, l'arrêt des i m p o r t a t i o n s de charbons a l l e m a n d s et belges, la diminution considérable de la production des charbonnages anglais et fran­ çais, la difficulté des t r a n s p o r t s maritimes nous font c r a i n d r e q u e si, j u s q u ' à présent, le r a v i t a i l l e m e n t des chemins de fer africains en c h a r b o n n ' a pas "présenté de t r o p sérieuses difficultés, il puisse en être différemment dans un avenir p r o c h a i n . Aussi, d e v a n t les conséquences q u ' a u r a i t , pour l'Afrique Occidentale, l'interruption du trafic sur ces voies ferrées, nous nous p e r m e t t r o n s de prier la Commission Consultative de se préoccuper de c e t t e question '.'et d ' e x a m i n e r les conditions suivant lesquelles il serait possible d'assu­ rer des voyages réguliers de navires charbonniers à destination de l ' A f r i q u e Occidentale f r a n ç a i s e .


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RAPPORTS

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Nous avons également d e m a n d é à M. le Ministre des colonies e t à M. le Gouverneur Général P o n t y d'envisager une diminution des frais de t r a n s p o r t p a r chemin de fer en faveur"de certains pro­ duits de la colonie, les arachides n o t a m m e n t , ne fût-ce q u e pour compenser, dans u n e certaine mesure, l ' a u g m e n t a t i o n très consi­ dérable des frais de t r a n s p o r t maritimes dans ces .derniers t e m p s . Il nous a été répondu q u e la diminution que nous sollicitions se heurtait, d'une p a r t à la convention conclue entre l ' É t a t e t la Com­ pagnie du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis et, d ' a u t r e part, au risque d'une exploitation déficitaire des voies ferrées des colo­ nies du groupe, e t précisément à u n m o m e n t où l'Afrique Occi­ dentale française constate un affaiblissement sensible de sfts res­ sources budgétaires. Nous ne contestons pas la valeur de ces argu­ ments, mais nous persistons à penser q u ' e n c o n t r i b u a n t à abaisser, dans la plus large mesure possible, le prix de r e v i e n t des p r o d u i t s de l'Afrique Occidentale qui utilisent le rail pour parvenir à leur port d ' e m b a r q u e m e n t , l'administration favoriserait i n d i r e c t e m e n t l'élévation du prix d ' a c h a t offert p a r le commerce au producteur noir, et q u e le •sacrifice pécuniaire qu'elle a u r a i t consenti serait lar­ g e m e n t compensé par une rentrée plus régulière de l'impôt indigène.. . La régularité et, plus encore, la fréquence des t r a n s p o r t s m a r i ­ times, présentent une i m p o r t a n c e q u e nous n'hésitons pas à qua­ lifier de capitale : t o u t e la vie économique de l'Afrique Occiden­ tale en dépend. Les relations e n t r e la F r a n c e e t la côte occidentale d'Afrique deviennent, en effet, de jour en j o u r plus difficiles e t plus coûteuses, sans qu'il soit possible d'entrevoir la fin d'une situation sur laquelle, Monsieur le Président, nous ne saurions t r o p v i v e m e n t appeler v o t r e a t t e n t i o n e t celle de la Commission Consultative Coloniale. > Sans d o u t e , les services maritimes p o s t a u x n ' o n t pas été com­ p l è t e m e n t désorganisés; ils fonctionnent m ê m e avec une certaine régularité cl, avec eux, le service postal. Mais, au point de v u e du commerce, ils [IK> présentent q u e peu d ' i n t é r ê t ; car, actuellement, les correspondances e n t r e les maisons françaises e t leurs succur­ sales de la cote d'Afrique se font principalement p a r la voie du câble. Seuls, ou presque seuls, des t r a n s p o r t s de marchandises par cargos, s'effoctuant régulièrement, préoccupent nos c o m m e r ç a n t s


AFRIQUE OCCIDENTALE

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africains; ce sont c e u x - l à s u r t o u t , nous dirions m ê m e ceux-là seuls, q u ' i l s réclament. E t il est incontestable q u ' e n ce qui concerne les services réguliers et n o t a m m e n t celui des Chargeurs Réunis, com­ pagnie subventionnée, ils sont fort loin d'avoir, j u s q u ' à

présent,

obtenu satisfaction. La Compagnie des Chargeurs Réunis, se r e t r a n ­ c h a n t derrière les t e r m e s mêmes de son c o n t r a t avec l'État, a espacé considérablement ses départs, et les compagnies marseillaises et bordelaises de navigation, d o n t une partie a été réquisitionnée, o n t été contraintes également de restreindre leurs v o y a g e s . ; D ' a u t r e part, le c o m m e r c e m a r i t i m e libre, constitué par les très n o m b r e u x affrètements que les maisons de c o m m e r c e font de navires de ! m i s pavillons pour le t r a n s p o r t des arachides dont le volume, c e t t e année, a t t e i n t 1.200.000 mètres cubes, est à peu près annihilé du fait de la r a r e t é des v a p e u r s de charge, r a r e t é d o n t la conséquence a été une a u g m e n t a t i o n énorme du prix du fret. Le c o û t du t r a n s p o r t de mille kilos d'arachides de Rufisquo à B o r d e a u x ou à Marseille qui en avril 1014 était de 22 francs, ses paye actuellement 115 francs, et même, à ce prix, on ne trouve pas de navires. A quoi cela est-il d û ? A la raréfaction du t o n n a g e t r a n s p o r t e u r : les a m i r a u t é s des pays alliés, préoccupées a v a n t t o u t des intérêts de la défense nationale — sentiment légitime et que nous ne saurions s o n g e r a leur reprocher — o n t réquisitionné à o u t r a n c e les navires m a r c h a n d s . Certains pays, qui sans ê l i e encore entrés dans la l u t t e , p r é v o y a n t leur participa­ tion prochaine aux hostilités, o n t eux-mêmes p r a t i q u é la réquisi­ tion p o u r d e s t r a n s p o r t s de blé et de munitions n o t a m m e n t ; d'au­ tres flottes neutres sont retenues par la crainte de pertes, dans la m e r du Nord, du fait des sous-marins allemands : les navires bal tan! pavillon hollandais, suédois ou norvégien, qui a u r a i e n t pu apporter au commerce africain une aide précieuse, t r o u v a n t à s'em­ ployer mieux ailleurs ne sont pas tentés, m ê m e p a r des prix élevés, de se r e n d r e au Sénégal. Le commerce africain a v a i t espéré que les dix ou douze vapeurs de la ! ompagnie W o ë r m a n n qui o n t été c a p t u r é s dans la rivière Duala, au Cameroun, par l'expédition franco-anglaise a u r a i e n t p u être utilisés à son profit. Malheureusement, ces navires dirigés sur l'Angleterre o n t tous été appréhendés par l'Amirauté b r i t a n n i q u e . La puissante compagnie m a r i t i m e

anglaise Elder D e m p s t e r a


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vu, elle aussi, ses moyens d'action considérablement réduits par suite des réquisitions d o n t elle a été l'objet. Le commerce m a r i t i m e entre l'Europe et I' Urique Occidentale, de quelque côté qu'on l'envisage, t r a v e r s e une crise d o n t les consé­ quences immédiates sont graves pour la situation économique de notre merveilleux domaine africain, et d o n t les conséquences futu­ res le seront également pour l ' a r m e m e n t national, si nous ne profi­ t o n s p a s de l'occasion pour p r é p a r e r l'avenir e t ne p a s laisser à d ' a u t r e s la part, légitime qui lui revient dans le p a r t a g e des entre­ prises allemandes. C'est dès m a i n t e n a n t qu'il faut, p a r une action effective, affirmer n o t r e droit et nos prétentions. Mais, à n'envisager q u e le présent, l'une des plus grosses diffi­ cultés q u e rencontre l'exportation des produits de l'Afrique Occiden­ tale résulte : 1° du m a n q u e de n a v i r e s ; 2" de l'élévation énorme des frets réclamés p a r les a r m a t e u r s ; 3° de l'encombrement des ports où les navires a t t e n d e n t plusieurs semaines leur t o u r pour accoster e t où la difficulté de charroyer r e t a r d e encore les opéra­ tions de d é b a r q u e m e n t déjà lentes cl difficiles, du l'ait du m a n q u e de m a i n - d ' œ u v r e . Sur t o u t e s ces questions, nous avons, à diverses reprises, a t t i r é l'attention des pouvoirs publics^ Celle concernant l'élévation du t a u x du fret n'est q u ' u n e ' r é s u l ­ t a n t e de la loi économique de l'offre et de la d e m a n d e ; elle échappe, par conséquent, en g r a n d e partie à la c o m p é t e n c e de l'administra­ tion. Cependant, u n e exploitation plus rationnelle de nos ports, une réglementation judicieuse du travail el de La m a i n - d ' œ u v r e , une organisation plus a v a n t a g e u s e du charroi, amélioreraient la situa­ tion en r é d u i s a n t les surestarics occasionnées par l'encombrement. D a n s ces différents o r d r e s ' d ' i d é e s , il y a c e r t a i n e m e n t beaucoup à faire; encore, bien q u e déjà certains progrès aient été réalisés. Sur la question spéciale du service des Chargeurs Réunis, la Com­ mission Consultative Coloniale estimera a v e c nous qu'il est déplo­ rable que depuis neuf mois de négociations, un accord n'ait pu encore se. faire e n t r e Vadministration et la compagnie. L'irrégula­ rité des départs, l'incertitude qui en résulte p o r t e n t à n o t r e com­ merce africain un p r é j u d i c e considérable qui n ' é c h a p p e r a pas à la Commission.


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Ce n'est pas t o u t . O u t r e le rétablissement des services mariti­ mes commerciaux, tels qu'ils fonctionnaient a v a n t la guerre, il y a lieu d'envisager leur extension en E u r o p e vers la Belgique et la Hollande e t plus loin encore, peut-être, en Afrique, au Togo et au Cameroun. Si nous voulons, en effet, — e t nous en avons t o u s les droits — p r e n d r e n o t r e p a r t de la place q u ' o c c u p a i e n t hier encore les Allemands, c'est chez e u x , chez les Hollandais, qu'il nous faut aller chercher le fret destiné à l'Afrique Occidentale. E t si nous voulons a p p u y e r de raisons sérieuses les prétentions q u e .nous aurons un j o u r à formuler a l'encontre du Togo e t du Cameroun, dont la possession doit é q u i t a b l e m e n t nous revenir en t o u t ou t o u t au moins en t r è s g r a n d e partie, c'est dès a u j o u r d ' h u i , a v a n t q u ' i n ­ tervienne le règlement final de la guerre et le p a r t a g e e n t r e les alliés des dépouilles de l'Allemagne, q u e nous devons prendre position e t affirmer p a r des actes nos intentions. Dans le, môme ordre d'idées, il faut encore m e n t i o n n e r le Libé­ ria. Sans entrer dans les détails de la question, nous rappellerons 'ea intérêts de plus en plus i m p o r t a n t s q u e nous avons à y p r e n d r e pied. Il y a lieu de revenir sans r e t a r d à la politique q u e n o t r e gou­ v e r n e m e n t a v a i t exercée avant, la guerre si nous voulons acquérir dans le pays l'influence politique e t les intérêts économiques a u x ­ quels sa situation géographique nous donne, plus peut-être q u ' à nos alliés anglais, le droit de p r é t e n d r e . Ici encore, p a r conséquent, ce ne sont pas seulement des raisons d'ordre commercial qui nous poussml à réclamer le rétablissement t l'extension des relations maritimes commerciales entre la F r a n c e f la côte occidentale d'Afrique, mais aussi des raisons d'ordre politique. Les unes c o m m e les a u t r e s , nous en s o m m e s persuadés, retiendront l ' a t t e n t i o n de la Commission Consultative Coloniale à laquelle nous les soumettons, en t o u t e confiance. e

,;

11 ne suffit pas d'avoir dans une colonie des agents qui soient capables d'acheter et de v e n d r e a u x indigènes, il n e suffit p a s de Pouvoir transporter en Europe la production de la colonie, il faut,


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encore q u e c e t t e p r o d u c t i o n y t r o u v e son emploi : il i m p o r t e , par conséquent, de lui assurer des débouchés. C'est là, a u j o u r d ' h u i , un problème qui soulève les plus grosses difficultés : nous ne pouvons mieux le d é m o n t r e r q u ' e n m e t t a n t la Commission Consultative au c o u r a n t des démarches nombreuses faites par l'Union Coloniale en v u e du placement de la récolte d'ara­ chides d u Sénégal. Le Sénégal a produit, en 1 9 1 3 , 2 5 0 . 0 0 0 t o n n e s d'arachides, v a l a n t environ 6 0 millions de francs. L a récolte de 1 9 1 4 - 1 9 1 5 , exception­ n e l l e m e n t a b o n d a n t e , a a t t e i n t 4 0 0 . 0 0 0 t o n n e s . Si nous faisons r e m a r q u e r q u e le Sénégal est un pays à production unique, qu'il ne fournit cjue de l'arachide et rien a u t r e où à peu près, on comprendra l'importance q u e présente l ' e x p o r t a t i o n de ses graines oléagineuses pour la plus ancienne et la plus « française» de nos possessions afri­ caines. C o m m e n t acheter la récolte? Nous l'avons examiné dès les débuts de la guerre. On pouvait p a y e r la récolte a u x indigènes en espèces ou en marchandises; mais c e t t e seconde solution, q u e l'interdiction d ' e x p o r t a t i o n qui frappe le n u m é r a i r e français semblait devoir ren­ d r e nécessaire, nous apparaissait c o m m e un refour regrettable a u x procédés désuets du troc, et, c h e r c h a n t à l'éviter, nous avons d e m a n d é à M . le Gouverneur Général P o n l y , dès les débuts de septembre 1 9 1 4 , d'étudier, de concert avec la B a n q u e de l'Afrique Occidentale, l'émission de petites coupures de 5 francs. M . P o n t y nous a répondu, t o u t en nous manifestant l'intérêt qu'il attachait à nos suggestions, q u e ses caisses de réserve c o n t e n a i e n t pour près de 4 0 millions en pièces de 5 francs e t qu'il était disposé à m e t t r e u n e b o n n e p a r t i e d e e e l l e s o m m e a la disposition d e la banque cl. du commerce. ('.elle première question une fois réglée e t les moyens financiers d'acheter é t a n t acquis, il fallait assurer la possibilité de les m e t t r e en p r a t i q u e . L ' a c h a t d'une récolte de 4 0 0 . 0 0 0 t o n n e s représentant 1.'200.000 mètres cubes de graines ne peut s'effectuer sans le con­ cours d'un p e r s o n n e l nombreux et spécial. C ' e s t ainsi que nous avons pu obtenir la libération provisoire de quarante ag en t s oo employés appartenant a u x personnels d e s diverses maisons du Sénégal cl qui, on congé a u m o m e n t de la décla-


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ration de guerre, avaient été incorporés dans les régiments de terri­ toriaux. Le décret qui a prononcé leur libération provisoire, prévoit q u ' a p r è s la c a m p a g n e des aiachides, ils seront réincorporés dans les effectifs de la colonie. Bien q u ' a c t u e l l e m e n t u n e n o t a b l e partie de la récolte n'ait pu encore être embarquée, des mesures de réintégration o n t déjà été prises. Nous ignorons encore dans quelles conditions. E n raison des difficultés de v e n t e et de t r a n s p o r t e t de l'accumulation en stocks de graines au Sénégal qui en est résultée, il a p p a r a î t r a à la commission q u e les motifs pour lesquels ces employés o n t été pro­ visoirement libérés subsistent toujours et qu'il importe de ne pas rendre vains, en les mobilisant à nouveau, les efforts prodigieux qui o n t été faits en v u e de sauver la récolte d'arachides de 1914-1915. La Commission v o u d r a certainement user de son a u t o r i t é pour que le commerce local soit autorisé à conserver le m i n i m u m de per­ sonnel qui lui est nécessaire. 11 ne fallait pas seulement q u e le commerce p û t acheter la graine, il fallait encore qu'il e û t les moyens de la revendre à l'industrie européenne, soit, p r a t i q u e m e n t , q u e celle-ci t r o u v â t des débou­ chés à sa production industrielle : les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés en cette matière sont nombreuses e t variées. T o u t d'abord, le fait m ê m e de la guerre, e n t r a î n a n t l'interrup­ tion des relations commerciales avec les pays ennemis, a supprimé le débouché très i m p o r t a n t q u e constituait l'Allemagne pour l'ara­ chide du Sénégal. Puis des décrets successifs, s'échclonnant du mois d'août au mois de décembre 1914, o n t prohibé l'exportation vers l'étranger, de l'arachide et de ses deux dérivés, huile e t t o u r t e a u x . U n correctif a bien été u l t é r i e u r e m e n t a p p o r t é à c e t t e prohibition générale mais il n e concerne q u e la graine et l'huile, d o n t l'exportation est autorisée à destination des p a y s alliés et, sur autorisations spécia­ les, vers certains p a y s n e u t r e s . Il n e concerne p a s les t o u r t e a u x , et ceci est d ' a u t a n t plus g r a v e q u ' a u j o u r d ' h u i , p a r suite de la diffi­ culté q u ' é p r o u v e n t les n e u t r e s à alimenter leur bétail — s u r t o u t 'es n e u t r e s du Nord, g r a n d s p r o d u c t e u r s de lait, de beurre e t de fromage — le t o u r t e a u d'arachide a pris u n e valeur m a r cIT) hande L e s COLONIES E T LA DÉFENSE N A T I O N A L E


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considérable, très supérieure à celle qu'il a v a i t a u p a r a v a n t , et qu'il est ainsi devenu le principal p r o d u i t de la fabrication industrielle Les huileries françaises se sont donc vues dans l'impossibilité d'exporter leurs t o u r t e a u x , produit e n c o m b r a n t dont la v e n t e devait représenter pour elles le plus clair de leurs bénéfices : elles o n t été et r e s t e n t encore, pour ce fait, dans une situation critique. Quel devait être n o t r e rôle, à nous coloniaux, dans c e t t e cir­ c o n s t a n c e ? Nous cherchions à faire acheter t o u t e la récolte a u x indigènes du S é n é g a l ; et, de plus, nous cherchions à la leur faire acheter à un prix suffisamment r é m u n é r a t e u r pour q u e les noirs, qui, d e v a n t l'inutilité p r a t i q u e de leurs efforts, a u r a i e n t p u se décourager, c o n t i n u e n t à e n t r e t e n i r et m ê m e à a u g m e n t e r leurs cultures d'arachides. Nous sommes donc i n t e r v e n u s auprès du g o u v e r n e m e n t pour q u e des autorisations d'exportations de t o u r ­ t e a u x soient accordées a u x usines, ce qui devait avoir pour résul­ t a t de diminuer les stocks et, p a r suite, de provoquer de n o u v e a u x a c h a t s do graines de l'industrie; au c o m m e r c e cl du commerce a u x indigènes. Nous n o u s sommes t r o u v é s en présence d'obstacles variés, le ministère de la guerre hésitait à nous accorder les autorisations d'exportation q u e nous sollicitions p a r suite de la c r a i n t e qu'il avait de voir les t o u r t e a u x français exportés vers les p a y s neutres, réexpor­ tés ensuite vers l'Allemagne, servir au ravitaillement de nos enne­ mis. Le ministère de l'agriculture;, de son côté, s'opposait absolu­ m e n t à foute sortie de l o u r l e a u x , car il voulait que; ce produit fût réservé à la c o n s o m m a t i o n du bétail français. Ces résistances, nous avons p u n é a n m o i n s les vaincre u n e pre­ mière fois, et nous avons o b t e n u , en décembre 1914, on crédit d'ex­ p o r t a t i o n de 30.000 t o n n e s de tourteaux, lequel a eu pour effet d'al­ léger quelque peu les usines et, par contre-coup, de faciliter l'achat de graines a u x indigènes sénégalais. Les dernières exportations de t o u r t e a u x o n t eu lieu en février 1915. Depuis pette époque, il n'a pas été exporté de France; un kilo­ g r a m m e de t o u r t e a u x : le Ministre de l'agriculture en effet — pour des raisons a s s u r é m e n t très louables en soi, mais que les laits ne vérifiaient n u l l e m e n t •— n e l'a point permis. Son opposition étaitelle a c c e p t a b l e ? Nous n e le croyons p a s . Si les agriculteurs Iran-


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O C C I D E N T A L E

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çais a c h e t a i e n t des t o u r t e a u x d'arachides, ni le c o m m e r c e africain, ni l'industrie m é t r o p o l i t a i n e n e pourraient se plaindre, bien au contraire, mais ils n ' e n a c h è t e n t que peu ou pas. Alors, pourquoi empêcher nos t o u r t e a u x de sortir de Francis, q u a n d le ministère de la guerre, principal intéressé dans la question, semble-t-il, en a u t o ­ risait l ' e x p o r t a t i o n ? Le r é s u l t a t de c e t t e opposition a été de pri­ ver n o t r e commerce d'un débouché i m p o r t a n t , sans profit pour les lins politiques poursuivies, ni pour le progrès de n o t r e élevage national. En effet, d'une p a r t les Anglais se sont mis à fabriquer et fabriquent a u j o u r d ' h u i les t o u r t e a u x que nous étions seuls à fabriquer a u p a r a v a n t , et ils e x p o r t e n t libéralement graines, tour­ t e a u x et huiles sur les p a y s n e u t r e s d ' E u r o p e . D ' a u t r e p a r t , les neutres, privés de nos p r o d u i t s , en o n t d e m a n d é de similaires a u x E t a t s - U n i s qui o n t v e n d u plus de 100.000 t o n n e s de t o u r t e a u x de coton, s a t u r a n t ainsi le m a r c h é p o u r une longue période. Nous voici loin de nos a m b i t i o n s du d é b u t q u a n d on nous d e m a n ­ dait de remplacer les Allemands sur les marchés d o n t ils d é t e n a i e n t l'accès a v a n t la g u e r r e ; les mesures prises, si elles o n t été néfastes à n o t r e industrie, o n t du moins largement profité a u x industries étrangères : le m a l fait est a u j o u r d ' h u i sans remède ! E t p o u r t a n t , nous avons conscience d'avoir t e n t é t o u t ce qu'il était possible de t e n t e r pour o b t e n i r la faculté d'exporter en pays neutres l'arachide et ses dérivés industriels. On nous réclamait des garanties de n o n - r é e x p o r t a t i o n en p a y s ennemis : nous les avons données en offrant de constituer, d'accord avec les inté­ ressés, un c o m i t é d ' e x p o r t a t e u r s e n t r e t e n a n t à ses frais des agents désignés par l'administration, et charmés de surveiller l'utilisation sur place dans le pays de destination, des marchandises impor­ t é e s : la m ê m e organisation existe en Hollandes : elle est r e c o n n u e par le G o u v e r n e m e n t anglais et fonctionne a d m i r a b l e m e n t . Le ministère dis la guerre et l'administration des douanes a v a i e n t accepté nos propositions. Le ministère de l'agriculture, pressé par nous, mis en présence des p e r t e s qu'il faisait subir à l'industrie et par suite au c o m m e r c e et qui se chiffrent dès à présent par des sommes incalculables, a consenti officieusement, sous certaines conditions que nous avons acceptées, à nous accorder un n o u v e a u crédit d ' e x p o r t a t i o n de 30.001) tonnes de t o u r t e a u x , il y a environ


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R A P P O R T S

D E

L U N I O N

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F R A N Ç A I S E

un mois. Mais, depuis un mois, sa décision n e nous a pas encore été officiellement notifiée : on a t t e n d , paraît-il, q u e soient terminées certaines négociations d'ordre économique entamées d a n s la Norvège. Quand l'autorisation aura été accordée, ce sera t r o p t a r d , c a r les prairies norvégiennes é t a n t couvertes d'herbe, la Norvège n ' a u r a plus besoin de t o u r t e a u x . E t , au surplus, c o m m e nous l'avons dit, les p a y s du Nord ne p o u v a n t se procurer chez nous les t o u r t e a u x d'arachides qui leur étaient si nécessaires, o n t acheté a u x E t a t s - U n i s d'énormes q u a n t i t é s de t o u r t e a u x de coton, pour 15 millions de francs. Non seulement n o u s n ' a v o n s pas élargi nos débouchés, mais n o u s avons laissé p r e n d r e p a r l'Ame r i q u e un m a r c h é qui é t a i t naguère encore u n e des richesses de n o t r e industrie huilière. Les a c h a t s de l'agriculture française, est-il besoin de le dire, ne se sont pas développés : ils o n t été, depuis six mois, ce qu'ils étaient auparavant. Nous nous p e r m e t t o n s de livrer ces simples faits a u x méditations de la Commission Consultative : elle c o m p r e n d r a , en les examinant, les difficultés q u ' o n r e n c o n t r e lorsqu'on v e u t faire « r e p r e n d r e les affaires», l u t t e r contre l'emprise du commerce allemand, r e n d r e à nos colonies quelque activité économique. Nous lui demanderons c e p e n d a n t d'user de sa légitime autorité auprès du Ministre de l'agricullure pour obtenir qu'il consente à lever enfin le veto d o n t sont accablées nos e x p o r t a t i o n s de t o u r t e a u x , sans aucun profit pour l'agriculture française et a u g r a n d d é t r i m e n t de n o t r e indus­ trie de l'huilerie et de nos colonies africaines. Si on n e p e u t plus m a i n t e n a n t espérer exporter de grandes q u a n t i t é s de t o u r t e a u x d'arachides dans le n o r d de l ' E u r o p e , du moins le m a r c h é suisse est-il encore partiellement o u v e r t : il serait g r a n d t e m p s d'agir a v a n t q u e ce dernier débouché n e nous soit définitivement fermé. Nous devrions prévoir q u e malgré t o u s nos efforts, une partie de la grosse récolte 1914-1915 restera a u x mains des indigènes, faute p a r les maisons de c o m m e r c e de ne pouvoir emmagasiner t o u s les stocks non e x p o r t é s . L'ensilage des arachides est une opération délicate qui, même faite avec t o u s les soins nécessaires, n e protège pas la graine de l'humidité de la saison des pluies, a fortiori, q u a n d ce m o d e de


AFRIQUE

OCCIDENTALE

229

conservation est employé par les indigènes doit-on en r e d o u t e r les effets sur la qualité de la graine. Si après un séjour en silos, les grai­ nes é t a i e n t v e n d u e s telles quelles, il n ' y a u r a i t que demi mal, mais il faut s ' a t t e n d r e à ce que les i n d i g è n e s , c o n s t a t a n t qu'elles o n t été avariées d a n s une c e r t a i n e mesure, ne les m é l a n g e n t a u x graines saines de la prochaine récolte dans l'espoir d'en tirer un meilleur prix. Cette opération serait l'équivalent d'un véritable désastre, car elle a u r a i t pour effet de déprécier dans une proportion considé­ rable la récolte t o u t entière de 1915-1916, et, pour l'avenir de n o t r e colonie du Sénégal, il est indispensable que la prochaine récolte puisse être p a y é e a u x indigènes à un prix élevé. L ' a t t e n t i o n des a u t o r i t é s locales a été t o u t particulièrement attirée sur ce point et nous espérons que des mesures t r è s sévères seront prises pour empêcher les indigènes qui, à partir de décem­ bre prochain, d é t i e n d r o n t encore des graines anciennes, de les mélanger à celles de la nouvelle récolte. Le Gouverneur du Sénégal a publié, à ce propos, une intéressante circulaire; nous lui en savons beaucoup de gré. L ' a d m i n i s t r a t i o n aura enfin à s'employer, avec t o u t e l'énergie nécessaire, pour encourager les noirs à ensemencer le plus de c h a m p s possible. La m a i n - d ' œ u v r e v a m a n q u e r du fait des n o m b r e u x enrô­ lements et la médiocrité des prix qui o n t été payés au cours de la dernière c a m p a g n e n e poussera pas les c u l t i v a t e u r s à faire de grands efforts, d ' a u t a n t plus qu'ils p e u v e n t s'imaginer q u ' u n e récolte r é d u i t e se v e n d r a i t dans de meilleures condition?. Ce raisonne­ m e n t n ' e s t pas exact. Nous estimons que les besoins seront tels, l'an prochain, que, quelle que soit l'importance de la récolte, elle t r o u v e r a preneur à de h a u t s prix. D ' a u t r e p a r t , a u simple point de v u e de la m a n u t e n t i o n , d o n t le p r i x par t o n n e reste c o n s t a n t , et qui laisse b e a u c o u p d ' a r g e n t entre les mains de la population, il est de l'intérêt de la colonie que la production soit aussi considé­ r a b l e que possible. Des instructions o n t déjà été données a u x a d m i n i s t r a t e u r s et On p e u t espérer que leurs avis et leurs conseils seront écoutés p a r les c u l t i v a t e u r s . Ce n ' e s t pas seulement sur le commerce de l'arachide du Sénégal que la g u e r r e a exercé une influence désastreuse. Les mêmes effets


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RAPPORTS D E L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

se font sentir sur les a u t r e s productions He nos a u t r e s colonies africaines. Le caoutchouc, t o u t d'abord. On sait la g r a v i t é de la crise qui sévit depuis près de deux ans, sur nos caoutchoucs africains. L'in­ tensité de la production des p l a n t a t i o n s du Moyen et de l ' E x t r ê m e Orient a ruiné, ou à peu près, l'exploitation du c a o u t c h o u c sylves­ t r e d'Afrique. Certaines parmi nos possessions de l'Afrique Occi­ dentale, d o n t foule la vie commerciale était basée sur la cueillette et l'exportation du caoutchouc, la Guinée française p a r exemple, o n t v u peu à peu leurs affaires se ralentir, les prix de réalisation en E u r o p e n ' é t a n t pas suffisant s pour les frais de transport el les droits payés, rémunérer suffisamment les indigènes de leur t r a v a i l . Les prix s'étanf relevés ces t e m p s derniers, l'exportation du caoutchouc p a r u t r e p r e n d r e d a n s une certaine mesure et ranimer le commerce de la colonie; mais, de même que pour les a u t r e s pro­ duits : arachides, sésame, coton, g o m m e , que la colonie a v a i t subs­ titués au caoutchouc défaillant. la rareté des c o m m u n i c a t i o n s maritimes a été e n c o r e un obstacle à la reprise bien nécessaire des a ria ires. A la Côte d'Jvoire et au Dahomey, le facteur le plus important de l'activité commerciale a él é, ces mois derniers, les e x p o r t a t i o n s sur l'Angleterre, qui a absorbé la presque fol alité des a m a n d e s de palme el des huiles produites p:,r ces colonies. Pour ces raisons q u e n o u s avons exposées plus h a u t , e t auxquel­ les s o n t venues s'ajouter des considérations locales, la cueillettes du c a o u t c h o u c , qui p e n d a n t de longues années a fait la fortune de la Côte d'Ivoire, a cessé d'une façon complète. L'exploitation des bois, p a r contre, s'était développée d a n s une g r a n d e mesure, les plantations de cacao commençaient à apporter un a p p o i n t inté­ ressant au c o m m e r c i » de la colonie et les e x p o r t a t i o n s d ' a m a n d e s et d'huiles s'él a n u l maini en lies, la Côte d'Ivoire, bien que le volume de ses affaires eût diminuì'' et que ses recettes douanières eussent fléchi, était encore d a n - une bonne situation. Dès le d é b u t des hostilités, la colonie a t r a v e r s é une crise redou­ table : l'exploitai ion des bois s'est arrêtée nef du l'ail el de la mobi lisation qui a pris la presque totalité du personnel blanc, et du m a n q u e de moyens de t r a n s p o r t s . L'exportation des a m a n d e s et


A F R I Q U E

O C C I D E N T A L E

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huiles s'est t r o u v é e également arrêtée non seulement faute de n a v i ­ res, mais s u r t o u t par le fait que les trois q u a r t s environ de ces e x p o r t a t i o n s étaient dirigées sur le p o r t de H a m b o u r g . Les maisons de commerce se sont alors ingéniées à ouvrir en F r a n c e de n o u v e a u x débouchés. Leurs t e n t a t i v e s o n t avorté : pas de b a t e a u x pour e m b a r q u e r les p r o d u i t s , marché français rétréci par suite de l'impossibilité de v e n d r e chez les neutres et m ê m e les alliés les t o u r t e a u x de palmistes, enfin interdiction, d'exportations directes vers les p a y s alliés. Cette dernière mesure, h e u r e u s e m e n t r a p p o r t é e , a permis à la Côte d'Ivoire d'expédier ses a m a n d e s de palme en Angleterre et c'est a u m o y e n de ces e x p o r t a t i o n s que le c o m m e r c e de la colo­ nie a pu se soutenir. T o u t ce qui précède c o n c e r n a n t les p r o d u i t s du palmier à huile, si a b o n d a n t au Dahomey, s'applique également à c e t t e colonie, d o n t la situation économique, touchée bien entendu, a pu cepen­ d a n t se maintenir grâce a u marché anglais. Cette situation mérite d'attirer t o u t particulièrement l'atten­ tion de la Commission. C o m p r e n a n t le danger qu'il y a v a i t pour les colonies de la Côte d'Ivoire et de la Nigeria à laisser t o m b e r à vil prix la valeur des a m a n d e s de palme, d o n t le débouché était l'Allemagne, l'Angle­ t e r r e a fait un effort prodigieux pour absorber t o u t e leur produc­ tion et aussi celle de nos propres colonies. P a r e n c h a n t e m e n t , pour ainsi dire, une industrie nouvelle pour le R o y a u m e - U n i , s'est créée de t o u t e s pièces, grâce à laquelle la Côte d'Ivoire et le Daho­ mey o n t pu s u p p o r t e r jusqu'ici, sans de t r o p g r a n d s dommages, les effets de la guerre. Ce qui a été l'ait en Angleterre, n o t r e industrie française de l'huilerie p o u v a i t le faire et bien plus facilement, puisqu'elle exis­ t a i t déjà et a v a i t t o u s les m o y e n s d'action nécessaires; elle n e d e m a n d e q u ' à aller de l ' a v a n t et à se substituer, pour une partie au moins, au m a r c h é allemand. Elle en fut empêchée et, une l'ois de plus, des mesures a d m i n i s t r a t i v e s m a l conçues, mal étudiées, o n t tué les bonnes volontés et les initiatives, au g r a n d préjudice de n o t r e prospérité nationale. Qu'a fait le G o u v e r n e m e n t anglais pour favoriser l'éclosion d'une


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RAPPORTS D E L'UNION COLONIALE

FRANÇAISE

nouvelle industrie qui allait assurer la vie économique de ses colo­ nies? Alors que nous fermions nos portes à l'exportation des p r o ­ duits de la t r i t u r a t i o n des graines, huiles et t o u r t e a u x , et que nous paralysions nos usines, il a o u v e r t les siennes aussi larges que pos­ sible. E t nous n e parlons p a s seulement de ses intérêts c o m m e r c i a u x . Nous estimons que les i n t é r ê t s militaires des alliés n ' a u r a i e n t q u ' à p e i n e souffert de la liberté du c o m m e r c e avec les n e u t r e s . La pré­ t e n d u e disette de l'Allemagne, soit en objets d'alimentation, soit en matières nécessaires à la guerre est une erreur : nous y sommes t o m b é s sans faire a t t e n t i o n que si c e t t e disette eût été aussi grave, j a m a i s la prodigieuse discipline de la f o r m e a l l e m a n d e n ' a u r a i t per­ mis que c e t t e faiblesse de, leur situation fût révélée au m o n d e . Il y a u r a là u n fait c a p i t a l à éclaircir plus t a r d . L ' A n g l e t e r r e , sous ce r a p p o r t c o m m e sous b e a u c o u p

d'autres,

a bien m i e u x c o m p r i s ses i n t é r ê t s que nous n ' a v o n s c o m p r i s les nôtres et c'est ainsi qu'elle a c c a p a r e peu à p e u le c o m m e r c e d ' i m ­ portation

et d ' e x p o r t a t i o n

p r é c é d e m m e n t . d é t e n u par

les Alle­

m a n d s et d o n t une b o n n e p a r t s e m b l a i t devoir nous revenir. La p a r t i e est-elle c o m p r o m i s e ? P e u t - ê t r e . E n t o u s cas, on n e p e u t pas dire qu'elle soit dès à p r é s e n t p e r d u e .

Laisserons-nous

sans l u t t e les Anglais et les Américains s ' e m p a r e r du m a r c h é afri­ cain alors que n o s i n t é r ê t s économiques et politiques sont si grands en Afrique Occidentale? Nous est-il interdit, sur le t e r r a i n com­ mercial, de l u t t e r c o n t r e e u x ? Devons-nous faire a b s t r a c t i o n

de

n o u s - m ê m e s , négliger n o s i n t é r ê t s dès lors qu'ils se t r o u v e n t en opposition avec les leurs? Nous ne le croyons p a s . Nous pensons, bien au contraire, qu'il est g r a n d t e m p s que nous n o u s ressaisis sions et que n o u s p r e n i o n s la p a r t de l'héritage a l l e m a n d qui doit n o u s r e v e n i r ; sinon... l'héritage; t o u t entier, ce n ' e s t pas n o u s

qui

l'aurons. Nous s o m m e s p e r s u a d é s que la Commission Consultative Colo­ niale sera de n o t r e avis et, nous r é s u m a n t , nous lui d e m a n d o n s i n s t a m m e n t de r e c o m m a n d e r et d ' o b t e n i r : 1° Q u ' u n n o m b r e suffisant

d'employés mobilisables soit laissé

à la disposition des maisons françaises en Afrique. La situation qui est faite a u x maisons de c o m m e r c e devient de plus en plus


AFRIQUE

OCCIDENTALE

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grave sans que l'administration de la guerre paraisse se r e n d r e c o m p t e du coup funeste qu'elle p o r t e à l'existence m ê m e de nos colonies. Après les factoreries, voici les comptoirs qui ferment leurs por­ tes faute de personnel. Des valeurs considérables en marchandises v o n t être a b a n d o n n é e s et, sans parler de la ruine générale causée par l'arrêt du commerce, on p e u t t o u t craindre d'une population déjà surexcitée par les opérations de r e c r u t e m e n t qui ont fourni à la métropole un c o n t i n g e n t de 63.000 tirailleurs. 2° Que des relations m a r i t i m e s commerciales régulières soient rétablies e n t r e la F r a n c e et l'Afrique Occidentale, sinon lesdites relations m a r i t i m e s seront assurées entre la colonie et l'Angleterre p a r des navires anglais et c o m m e t o u j o u r s la m a r c h a n d i s e suivra le p a v i l l o n . 3° Que des dispositions identiques soient prises par le Gouverne­ m e n t français et par le G o u v e r n e m e n t b r i t a n n i q u e en ce qui con­ cerne les interdictions d ' e x p o r t a t i o n s , sinon, sans l u t t e possible de n o t r e p a r t , le c o m m e r c e anglais a c c a p a r e r a t o u s les marchés neu­ t r e s -sur lesquels nous pourrions p r é t e n d r e accéder.

Ce n ' e s t p a s assez de l u t t e r sur le d o m a i n e de l ' e x p o r t a t i o n . Il i m p o r t e également que n o u s n o u s efforcions de remplacer, dans nos colonies, les i m p o r t a t i o n s allemandes par des i m p o r t a t i o n s françaises. A ce propos, nous estimons qu'il y a u r a i t u n g r a n d i n t é r ê t à orga­ niser en F r a n c e une exposition de modèles, a n a l o g u e a u x exposi­ tions similaires qui v i e n n e n t d'être inaugurées en Angleterre, et qui c o m p r e n d r a i t des exemplaires des p r o d u i t s de fabrication allemande a n t é r i e u r e m e n t i m p o r t é s dans nos colonies, avec indi­ cation de leur prix de v e n t e , du chiffre t o t a l de leur i m p o r t a t i o n dans c h a q u e colonie, et de t o u s les r e n s e i g n e m e n t s susceptibles • l'intéresser les fabricants c o m m e les i m p o r t a t e u r s . Munis de ces r e n s e i g n e m e n t s , nos industriels, nous n ' e n dou­ t o n s pas, s'efforceraient d'introduire leur production, modifiée s u i v a n t les circonstances, sur les marchés n o u v e a u x que l'absence de c o n c u r r e n c e allemande leur o u v r e a u j o u r d ' h u i .


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R A P P O R T S

D E

I.'UNION

C O L O N I A L E

F R A N Ç A I S E

Ils a u r o n t , bien e n t e n d u , à lutter c o n t r e la concurrence anglaise et a m é r i c a i n e ; l'Angleterre, au point de vue industriel et c o m m e r ­ cial, est très loin de ressentir le contre-coup de la guerre c o m m e n o u s le ressentons nous-mêmes : elle n'a pas vu envahir les régions les plus industrieuses, ses usines possèdent les trois facteurs qui, a u x n ô t r e s , m a n q u e n t le plus : la m a i n - d ' œ u v r e , la m a t i è r e p r e ­ mière; et le c h a r b o n . Q u a n t a u x É t a t s - U n i s , ils sont en pleine pos­ session de t o u s leurs m o y e n s d'action et s'efforceront de p r e n d r e une place aussi i m p o r t a n t e que possible dans le marché africain.

P a r m i les sur laquelle Consultative allemandes

différentes questions que pose la guerre, il en est une nous t e n o n s à a p p e l e r l ' a t t e n t i o n de la Commission Coloniale, celle du p a r t a g e éventuel des colonies d'Afrique.

Question p r é m a t u r é e , dira-t-on : n o u s le pensions jusqu'ici et n o u s n ' a u r i o n s pas songé à en parler si un fait survenu à n o t r e con­ naissance et un article r é c e m m e n t p a r u d a n s l'une des r e v u e s an­ glaises les plus sérieuses et les plus estimées, ne nous y incitaient. Le l'ait, le voici : la colonie anglaise de la Gold Coast semble avoir pris à sa c h a r g e les frais de la c o n q u ê t e du Togo. C'est une mesure grosse d ' i n t e n t i o n s . Le n u m é r o d'avril de The Geographical Journal, publié à Lon­ dres, organe officiel de la Société royale; anglaise de Géographie, c o n t i e n t un article de Sir Harry M. J o h n s t o n , si c o m p é t e n t dans l e s e|ue;stions africaines, sur la géographie politique a v a n t et après la guerre, article qui est a c c o m p a g n é de cartes desquelles il résulte q u ' à la fin des hostilités l e s Anglais c o m p t e n t obtenir en Afrique seulement, sans parler du reste du m o n d e : I le Sud-Ouest africain a l l e m a n d ; 2° l ' E s t africain a l l e m a n d ; 3° le tiers à peu près du Cameroun a c t u e l ; 4° la plus g r a n d e partie du Togo. Nous Français, nous n ' a u r i o n s p a r c o n s é q u e n t que : I la partie de n o t r e aneie'n ( ' . o u g o e-édée; par nous à l'Allemagne; cri 1911 ; 2° la moitié à peu près de l'ancien C a m e r o u n et une petite; partie du Togo. La p a r t à nous réservée, serait a b s o l u m e n t insuffisante' ! o

o

Sans d o u t e , ce n ' e s t pas sans une c e r t a i n e r é p u g n a n c e que n o u s


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OCCIDENTALE

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examinons ce problème fort épineux : il n ' e s t pas bon de « v e n d r e la peau de l'ours a v a n t de l'avoir t u é . » Mais puisque d ' a u t r e s le font a v a n t nous, puisque nous risquons de voir se former un m o u ­ v e m e n t d'opinion à ce sujet chez nos amis et alliés anglais, il n o u s semble q u e l'opinion française, elle aussi, devrait être préparée à formuler, q u a n d le m o m e n t en sera venu, les revendications néces­ saires. Aussi estimons-nous que —7 sans qu'il s'agisse n a t u r e l l e m e n t d'une intervention officielle de n o t r e G o u v e r n e m e n t — il y a u r a i t lieu q u e les milieux coloniaux français se préoccupassent, dès à pré­ sent, du p a r t a g e futur de l'Afrique et que le public français fût dès m a i n t e n a n t informé et de l'intérêt de la question e t de l'étendue des territoires qu'il sera en droit de réclamer au jour de l'échéance finale. A n o t r e avis, la F r a n c e devrait o b t e n i r la plus g r a n d e par­ tie du Togo, qui doublerait à peu près la superficie de n o t r e colonie du D a h o m e y , et du C a m e r o u n u n e p a r t b e a u c o u p plus i m p o r t a n t e que celle q u e lui réserve Sir H a r r y J o h n s t o n . La question du Liberia se posera également e t devra être envi­ sagée de concert avec l'Angleterre et les É t a t s - U n i s . Enfin, la question depuis si l o n g t e m p s controversée de l'échange de la Gambie pourrait être u t i l e m e n t reprise à c e t t e occasion. Ce sont là, nous t e n o n s à le dire à n o u v e a u , des considérations que nous ne nous serions pas permis d'exposer si nous n ' y avions pas été engagés par les Anglais eux-mêmes. Nous ne croyons p a s utile dis les s o u m e t t r e à l'appréciation de la Commission Consulta­ t i v e Coloniale.

Vous nous avez également prié, Monsieur le Président, vous de signaler les différentes mesures que nous estimons propres à faci­ liter dans l'avenir le d é v e l o p p e m e n t économique de l'Afrique Occi­ dentale française. Ces mesures sont nombreuses e t d'ordre t r è s divers : nous vous indiquerons les principales parmi celles q u e nous avons récem­ ment étudiées, en vous p r i a n t de les r e c o m m a n d e r à t o u t e l ' a t t e n ­ tion de la Commission Consultative Coloniale.

Agriculture.

- L'Afrique Occidentale est un p a y s essentielle­ m e n t agricole. Tous nos efforts doivent donc avoir un double but :


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RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE

FRANÇAISE

développer les cultures actuellement existantes, y i n t r o d u i r e des cultures nouvelles. Mais, pour ce faire, la colonie m a n q u e des élé­ m e n t s les plus essentiels. Elle a, à sa disposition, un service d'agri­ c u l t u r e qui fait ce qu'il p e u t avec les m o y e n s d'action t r o p réduits d o n t il dispose : elle n ' a ni le personnel agricole, ni les savants, ni les praticiens, ni les laboratoires, ni les j a r d i n s d'essais, ni les c h a m p s d'expériences qui lui seraient indispensables. Il n ' y a q u ' à consta­ t e r ce que les Hollandais, les Belges, les Allemands, les Anglais o n t pu faire dans leurs colonies, grâce a u x i n s t i t u t s agricoles admira­ b l e m e n t organisés qu'ils y o n t créés pour se r e n d r e c o m p t e de ce que nous pourrions faire dans nos possessions africaines, et s u r t o u t ce que n o u s n ' y faisons p a s . Notre a d m i n i s t r a t i o n coloniale a d e v a n t elle une œ u v r e magnifique à e n t r e p r e n d r e , œ u v r e a s s u r é m e n t lon­ gue et dispendieuse, mais d o n t les r é s u l t a t s sont assurés et qui nous p e r m e t t r a de décupler la valeur de nos colonies. Travaux publics. — Le dernier p r o g r a m m e de t r a v a u x publics, établi -par la loi d ' e m p r u n t de 1913, doit être poursuivi sans inter­ r u p t i o n et n o u s devons, dès m a i n t e n a n t , nous p r é o c c u p e r de sa future extension. A ce propos, nous tenons à faire observer q u e si la ligne la plus c o u r t e qui j o i n t un point à un a u t r e est, géomé­ t r i q u e m e n t parlant, la ligne droite, il p e u t en être différemment dès lors qu'on fait intervenir des considérations d'ordre économi­ que. Nous n o u s p e r m e t t o n s donc de s o u m e t t r e à la Commission Consultative l'observation suivante : Le t r a c é a d o p t é pour le Thiès-Kayes prévoit le passage de la rivière de la Falémé, a u village de Sénoudébou, à trois ou q u a t r e kilomètres en aval d'un rapide qui i n t e r r o m p t la navigation flu­ viale sur c e t t e rivière. E n a m o n t du r a p i d e se t r o u v e le c e n t r e minier t r è s i m p o r t a n t de la H a u t e - F a l é m é . Afin que ce c e n t r e p û t être desservi p a r la ligne sans q u ' u n double t r a n s b o r d e m e n t des marchandises d e v i n t nécessaire, nous avions d e m a n d é que le tracé du Thiès-Kayes fût quelque peu modifié, de façon à t r a v e r s e r la F a l é m é en a m o n t du r a p i d e au lieu de la t r a v e r s e r en aval : la dévia­ tion n'intéressait que quelques kilomètres et ne p r é s e n t a i t aucune difficulté t e c h n i q u e supplémenl aire : elle a v a i t le g r a n d a v a n t a g e de m e t t r e d i r e c t e m e n t en c o m m u n i c a t i o n les minières par chalands avec le chemin de fer. L ' a d m i n i s t r a t i o n J e la colonie nous répon-


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dit que le Thiès-Kayes é t a n t destiné à relier le Soudan à la côte, devait suivre la voie la plus directe possible et s'interdire t o u t e aug­ m e n t a t i o n de tracé, quelque m i n i m e fût-elle. La m ê m e réponse nous a été été faite en ce qui concerne le che­ min de fer t r a n s v e r s a l de la Côte d'Ivoire, qui, dévié vers le sud de deux ou trois kilomètres en un point de son parcours et dans une région absolument plate, a u r a i t permis de desservir des mines a p p e ­ lées à se développer dans l'avenir. Nous croyons à peine nécessaire d'insister sur les inconvénients d'une pareille manière de voir que la Commission Consultative n e saurait évidemment partager. Alcoolisme. — On a beaucoup parlé des r a v a g e s de l'alcoolisme parmi nos populations noires, et on a eu g r a n d e m e n t raison. E n décembre dernier, un décret, à la p r é p a r a t i o n et, à l'adop­ tion duquel nous croyons n'avoir pas été é t r a n g e r s , a interdit l'im­ p o r t a t i o n et la v e n t e de l ' a b s i n t h e en Afrique Occidentale. Cette mesure est excellente, et elle a été u n a n i m e m e n t a p p r o u v é e par t o u s c e u x que préoccupe l'avenir de nos races indigènes. Mais elle est insuffisante et il est indispensable qu'elle soit complétée par l'interdiction de l'importation, de la fabrication et de la v e n t e de t o u t alcool dans la colonie, en m ê m e t e m p s que par une réglemen­ t a t i o n très sévère de la fabrication locale des boissons enivrantes. A un m o m e n t où on se préoccupe avec t a n t de raison de sauve­ garder les forces mêmes de la n a t i o n c o n t r e le poison alcoolique qui la décime, l'interdiction et la r é g l e m e n t a t i o n que nous récla­ mons expressément ne sauraient être que bien accueillies et vive­ m e n t préconisées par la Commission Consultative. Loi sur les fraudes. — Il est en ce m o m e n t question d'appliquer à l'Afrique Occidentale la loi métropolitaine', sur la répression des fraudes, du 1 a o û t 1905. Dans une colonie où il n ' y a ni chimis­ tes c o m p é t e n t s , ni laboratoires convenables, l'application d'une pareille loi est p r a t i q u e m e n t impossible. Au point de v u e de la liberté et de la sécurité des t r a n s a c t i o n s , elle e n t r a î n e r a i t , p a r ail­ leurs, de graves difficultés. C'est ce que nous avons exposé au Minis­ t r e des colonies. Non point, assurément, que nous soyons, en quoi que ce fût, les adversaires d'une loi qui a pour b u t de protéger la santé p u b l i q u e : mais nous estimons q u ' u n e loi m é t r o p o l i t a i n e n e e r


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p e u t être toujours et sans modifications r e n d u e applicable à nos colonies et, flans ce cas particulier, nous pensons qu'il y aurait t o u t a v a n t a g e à faire subir au t e x t e métropolitain certaines modi­ fications de détail destinées à sauvegarder les intérêts fort respec­ tables du commerce européen et indigène, qu'il ne faudrait pas ruiner sous p r é t e x t e de Je protéger. En c e t t e m a t i è r e encore, nous sommes persuadés que la Commission Consultative ne nous refu­ sera p a s son appui. *

Telles sont, Monsieur le Président, les différentes observations que n o t r e section de l'Afrique Occidentale croit devoir vous pré­ senter et qu'elle vous serait reconnaissante de bien vouloir t r a n s ­ m e t t r e à la Commission Consultative Coloniale. L ' é t a t de guerre a a p p o r t é , dans la vie économique de l'Afrique Occidentale un trouble profond •' différentes mesures seraient susceptibles d'y porter remède. La première, la plus urgente, con­ sisterait, sans aucun doute, dans la réorganisation de nos trans­ p o r t s maritimes commerciaux à destination de la côte africaine. Mais il faudrait aussi p e r m e t t r e l'exportation des produits de la colonie et, pour cela, n e point d é m u n i r les maisons de commerce de t o u t leur personnel, ni prohiber l'exportation de ces produits ou de leurs dérivés que le marché français à lui seul est incapable de c o n s o m m e r . Il faudrait également cl ce sera la conclusion de c e t t e note — que les colonies pussent p r e n d r e dans les conseils du Gouvernement comme dans l'opinion publique française, la place qu'elles doivent y occuper. Sans doute, aujourd'hui, la défense nationale, absorbe foutes nos pensées et, réclame Ions nos i-N'orls. Mais la lutte écono­ m i q u e n'est-elle point, elle aussi, l'une des formes les plus vivanI es de la g r a n d e balaille que nous livrons en ce m o m e n t contre la coalition a u s t r o - a l l e m a n d e ? Or, c e l l e lui te économique, ce n ' e s t pas dans la métropole seule qu'elle est engagée, c'est dans le m o n d e entier, c'est s u r t o u t dans nos colonies : q u ' o n se préoccupe donc de leurs intérêts, des nécessités d e leur existence, des conditions de leur activité et de leur développement; qu'on ne les ruine; p a s i n c o n s c i e m m e n t par des mesures maladroites el inutiles; qu'on les


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protege et q u ' o n les soutienne. La p a r t magnifique que leurs fils p r e n n e n t à la défense du sol français est, pour la F r a n c e , u n e rai­ son nouvelle de la sollicitude qu'elle leur doit. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de mes s e n ­ t i m e n t s les plus dévoués.

Le Vice-Président

de la

de l'Afrique

Section Occidentale,

J U L I E N L E CESNE.



RAPPORT présenté par l'Union Coloniale Française

GABON

Monsieur le Président, P a r l e t t r e du 24 octobre, vous m ' a v e z fait l'honneur de m e d e m a n d e r de vous faire c o n n a î t r e l'opinion de la section de l'Afrique É q u a t o r i a l e sur les questions posées à la Commission Consultative Coloniale p a r a r r ê t é du Ministre des colonies en d a t e du 29 sep­ t e m b r e dernier. D a n s l'impossibilité de réunir la section en séance, en raison de l'absence du président et de presque t o u s ses m e m b r e s et t e n a n t à r é p o n d r e pour m a p a r t au désir q u e v o u s m ' a v e z exprimé, j ' a i l'honneur de vous adresser ci-dessous, à t i t r e personnel, les obser­ vations q u e p e u v e n t me suggérer la p r a t i q u e des affaires de n o t r e société. J ' i n s i s t e sur ce p o i n t q u e ses affaires se t r a i t e n t unique­ m e n t au Gabon et q u e p a r suite, je ne saurais é t e n d r e mes v u e s au reste de l'Afrique É q u a t o r i a l e . P o u r le Gabon, ce qu'il y a de plus p r e s s a n t , c'est de veiller à l'accroissement de la capacité d ' a c h a t de la colonie, car il n e servirait rien de s'occuper de l ' i m p o r t a t i o n des m a r c h a n d i s e s européennes i l'indigène n ' é t a i t à m ê m e de les a c h e t e r . Il n e faut pas se dissi­ muler q u e c e t t e c a p a c i t é d ' a c h a t est encore assez faible, t a n t en raison du peu de densité relative de la population q u e de son inertie. J u s q u ' à il y a t r è s peu d'années, l'ivoire, le caoutchouc et l'ébène c o n s t i t u a i e n t à peu près les seuls é l é m e n t s de l'exportation, ce " ' e s t qu'assez réeemmenl q u e divers bois et les a m a n d e s de palmes ° n t fourni un accroissement d ' a c t i v i t é . A ces produits n a t u r e l s il

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LES

COLONIES

ET-LA

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NATIONALE

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RAPPORTS

DE L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

du sol on ne p e u t ajouter q u e le fruit d'une seule c u l t u r e , celle du cacao. Q u a n t à l'industrie elle n e s'est a t t a q u é e jusqu'ici q u ' à la production de l'huile de palmes e t les r é s u l t a t s o b t e n u s n e n o u s paraissent p a s être sortis de la période p u r e m e n t expérimentale. Il est à n o t e r q u e sauf le cacao, auquel la d é t a x e crée u n e situation favorisée sur le m a r c h é français, t o u s ces produits o n t leur m a r c h é principal à l ' é t r a n g e r ; l'ivoire à Londres e t Liverpool, le caoutchouc à Liverpool, Anvers et H a m b o u r g , les bois d'okoumé à H a m b o u r g et les a m a n d e s de p a l m e s à H a m b o u r g et Liverpool. On p e u t m ê m e dire q u e , pour les bois d ' o k o u m é , les boules de caoutchouc et les a m a n d e s de palmes, le m a r c h é de H a m b o u r g a v a i t jusqu'ici un rôle p r é p o n d é r a n t . Il est donc g r a n d e m e n t à souhaiter de voir se développer en F r a n c e l'utilisation de ces p r o d u i t s . E n ce qui concerne les a m a n d e s de palmes, c'est une question de développement de c o n s o m m a t i o n dans la .Métropole; le p r o d u i t fourni p a r le Gabon est en effet des plus m a r c h a n d s . Mais pour les bois e t le cao u t ch o u c, il faut v a i n c r e des h a b i t u d e s ou préjugés qui paraissent en avoir restreint jusqu'ici l'emploi en F r a n c e . E n ce qui concerne le c a o u t c h o u c , le Gabon fournit depuis un t e m p s immémorial des boules dont la qualité n e saurait être c o m p a ­ rée à celle des c a o u t c h o u c s de p l a n t a t i o n s , ni m ê m e des meilleures sortes sylvestres, mais qui o n t n é a n m o i n s du nerf e t se distinguent c o m p l è t e m e n t des produits inférieurs. Le d é v e l o p p e m e n t des plan­ tations asiatiques a p o r t é t o r t dans ces dernières années à ces caoutchoucs du Gabon, n a g u è r e assez recherchés pour q u ' a u c u n stock considérable n e s'en soit j a m a i s accumulé. Il en est résulté une n i é v e n l e qui a f o r t e m e n t diminué la richesse indigène. P o u r y remédier certains o n t préconisé la création de p l a n t a t i o n s analogues a u x p l a n t a t i o n s de la péninsule malaise e t de l'insulinde, sans songer q u e les conditions de m a i n - d ' œ u v r e du Congo é t a i e n t à c e t égard une pierre d ' a c h o p p e m e n t . D ' a u t r e s o n t r e c o m m a n d é l'amé­ lioration des procédés de récolte e t m ê m e un u s i n a g e d e s t i n é à m u ' purification sur place. J e n e s u i s pas placé pour examiner si c e s palliatifs peuvent s'appliquer avec assez d'économie dans l'intérieur du Congo français p o u r d o n n e r d e s r é s u l t a t s financiers convenables, mais je crois pouvoir affirmer q u e ce n ' e s t pas le c a s dans la région gabonaise. S'il est, en effet, assez facile d'obtenir des


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indigènes la suppression de t o u t e fraude par addition de corps étrangers, on ne peut arriver à supprimer l'eau, d'ailleurs nécessaire a la lionne conservation de ce caoulclioue. et surfont le mélange de latex de qualités fort variables qui résulte de ce que les lianes p r o ­ ductives sont de variétés 1res différentes et qu'il est matériellement impossible d'empêcher p r a t i q u e m e n t les indigènes d'en incorporel­ les latex les uns aux a u t r e s . Le caoulclioue préparé au Gabon d a n s ' • s conditions e-t pur, bien e n t e n d u , de toutes matières étrangères ajoutées par fraude, doit donc être pris tel qu'il est sous peine d'ar­ river à un prix de revienl inadmissible, et c'est dans cet ordre ' ' i d é e s , qui semblait parfaitement admis par c e r t a i n s industriels allemands qu'il convient de le c o n s o m m e r en F r a n c e . Or, il n e paraîl pas que les différentes fabriques de caoutchouc de la Métro­ pole aien< essayé d'entrer dans c e t t e v o i e ; soit qu'elles ne fabriquent 'lue des marchandises qui n e p e u v e n t s'accommoder de ce p r o d u i t secondaire, soil qu'il y ait eu un peu d'inertie dans leur manière de Procéder. Il serait t o u t ce qu'il a de plus intéressant p o u r la colonie qu'elles fussent,incitées à faire usage des boules du Gabon. Il nous paraît presque certain qu'elles p o u r r a i e n t y t r o u v e r un réel a v a n t a g e CM la cotation, par r a p p o r t au P a r a , de ces boules t a n t à Hainbpurg qu'à Liverpool a toujours élé supérieure à celle q u i a été pratiquée en France ati même m o m e n t , ce qui ne peut s'expliquer ' P i e par une recherche plus active de la pari de fabricants étrangers *e rendant un meilleur c o m p t e de leur qualité. Outre l'ébèneel l'acajou, produits bien classés, dont le t o n n a g e ne peu! guère se développer, le Gabon produit une q u a n t i t é de bois dont, un seul a v é r i t a b l e m e n t trouvé jusqu'ici un véritable marché ' " Europe, c'est l'okoumé. T o u t e s les t e n t a t i v e s de vulgarisation d ' a u t r e s essences cl nol a n i m e n t des bois durs n ' o n t donné q u e d'assez, médiocres résultats. Il faut espérer q u ' a v e c le t e m p s l'usage de ces essences, encore mal e o n n u e s d e s a e h e l e u r s . s e r é p a n d r a en amenant des prix supérieurs à ceux pratiqués jusqu'ici et qui ne laisnl <111<- peu de marge de bénéfices, mais pour le m o m e n t l'okoumé fournit seul les éléments d'une e x p o r t a t i o n c o u r a n t e . Malheureu' o n i , ,;sl à l'étranger et s u r t o u t à H a m b o u r g q u e ce bois t r o u v e ° n débouché. Il serait intéressant de le voir plus employé en F r a n c e ° û son ul ilisal ion a été jusqu'ici assez restreinte. A cet égard, les S(,

n

s


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facteurs les plus actifs seraient l'abaissement du prix du fret qui, par m o m e n t , est presque prohibitif et le rétablissement de c o m m u ­ nications m a r i t i m e s directes et régulières avec les ports de la Médi­ terranée, où le bois d ' o k o u m é se placerait facilement si on p o u v a i t l'y faire parvenir régulièrement sans q u e les envois c o m p o r t a s s e n t les g r a n d s c h a r g e m e n t s que nécessitent l'emploi d'affrètements spéciaux. On voit p a r ce qui précède q u e les p r o d u i t s n a t u r e l s du Gabon p e u v e n t se p r ê t e r à une exportation plus fructueuse q u e celle qui a été p r a t i q u é e jusqu'ici. Mais ce qui i m p o r t e le plus pour c e t t e colonie c'est la création de nouvelles sources de richesses par l'entrée en ligne de l'activité agricole. Le r é s u l t a t auquel il faut arriver, c'est de faire de l'indigène un agriculteur auquel l'européen se borne­ r a i t à acheter ses produits. On l'obtiendra difficilement sans un s t a d e intermédiaire p e n d a n t lequel certaines cultures faites direc­ t e m e n t par les européens serviraient d'exemple. Nous n e croyons pas q u ' à cet égard les j a r d i n s d'essai ou t o u t e a u t r e t e n t a t i v e de forme a d m i n i s t r a t i v e a i e n t un poids suffisant. 11 faut qu'il y ait de véritables exploitations agricoles e n r e g i s t r a n t des bénéfices ou des pertes, seuls guides v é r i t a b l e m e n t t o p i q u e s pour l'avenir. Or, ces exploitations on ne les suscitera q u e si leurs p r o m o t e u r s sont poussés par l'aiguillon d'un a p p â t suffisant. 11 ne s'agit pas de d e m a n d e r pour e u x . d e s s u b v e n t i o n s d o n t le r é s u l t a t p o u r r a i t être t o u t a u t r e que celui que l'on v o u d r a i t a t t e i n d r e , mais s i m p l e m e n t de placer les entreprises agricoles d a n s une situation favorable en leur faci­ l i t a n t la m a i n - d ' œ u v r e et les exonérant, t o u t au moins j u s q u ' a u succès bien affirmé, de t o u t e s les charges susceptibles d'alourdir leur essor. E n particulier, il est à croire q u e le r e c r u t e m e n t de la m a i n - d ' œ u v r e serait singulièrement facilité par une exemption complète d'impôts prononcée pour un certain t e m p s au profit de c e u x des indigènes qui s'établiraient à d e m e u r e au service d'une plantation. Si l'on se place m a i n t e n a n t au p o i n t de v u e des besoins de la colonie en articles européens, il c o n v i e n t de rappeler (pue le régime douanier sous lequel a vécu jusqu'ici le Gabon a suffisamment favo­ risé l'importation française pour q u e t o u s les articles de qualité supérieure de quelque n a t u r e qu'ils fussent aient toujours pu être


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demandés à la Métropole; les articles à bas prix p r o v e n a n t seuls de l'étranger. E n c o r e faut-il noter que l'Allemagne n ' a jamais pu concurrencer l'Angleterre dans la fourniture des tissus de t r a i t e , de telle sorte q u e ses envois o n t toujours été r é d u i t s à quelques articles parmi lesquels la quincaillerie, la parfumerie et p o m m a d e s à bas Prix et enfin les alcools de t r a i t e t e n a i e n t la première place. Il est g r a n d e m e n t à désirer que l'occasion présente soit saisie pour inter­ dire non seulement les alcools de p r o v e n a n c e allemande, mais encore tous leurs similaires de quelque origine qu'ils puissent se prévaloir. La colonie a m a l h e u r e u s e m e n t t o u j o u r s t r o p c o m p t é , pour équilibrer son b u d g e t , sur les droits relatifs à la consommation de l'alcool et elle a d u r e m e n t payé, en a b â t a r d i s s e m e n t de la popu­ lation, les r e c e t t e s qu'elle en a tirées. L'interdiction absolue de tous alcools une fois prononcée, il n e sera sans d o u t e pas impossible de leur s u b s t i t u e r le vin dans la c o n s o m m a t i o n des indigènes et de sauvegarder ainsi à la fois les intérêts de la Métropole et la santé de la p o p u l a t i o n .

La région du G a b o n a été, dans ces dernières années, spécia­ lement visée par les a m b i t i o n s allemandes et les esprits avertis n ' o n t pas m a n q u é de signaler le danger a u x Pouvoirs publics. Les menées de nos voisins se sont exercées aussi bien sur la partie de la colonie concédée à la Société du H a u t - O g o o u é q u e sur les régions voisines de la côte laissées au commerce libre. E n ce qui concerne les territoires de la Société du H a u t - O g o o u é , les c o m m e r ç a n t s allemands se sont livrés à de véritables dépré­ dations à main armée qui o n t a b o u t i à d é t o u r n e r au profit du Cameroun u n e assez g r a n d e q u a n t i t é de p r o d u i t s du sol. Ces incur­ sions o n t été faites p r e s q u e o u v e r t e m e n t , en p r o f i t a n t de ce q u e l s t r a c é de la frontière a t t r i b u e à l'Allemagne les h a u t e s vallées des affluents de la rive droite de l'Ogooué en particulier celle de l ' I v i n d o . J ' a i signalé avec insistance et de la façon la plus pressante, niais sans succès, au d é p a r t e m e n t des colonies, le danger de ce tracé, au m o m e n t où les t r a v a u x de la Commission de délimitation de 1912 fournissaient l'occasion d'en t e n t e r la rectification au prix de c o m p e n s a t i o n s dans des régions p r é s e n t a n t moins d'intérêt (


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commercial pour la F r a n c e q u e le bassin de l'Ivindo. A u j o u r d ' h u i , il est à espérer q u e , si le Cameroun est appelé à conserver u n e exisl enee, i n d é p e n d a n t e , on saura en soustraire t o u t ce qui

l'ait

partie; du bassin de l'Ogoóué. P o u r ce qui est de l'extension du c o m m e r c e allemand d a n s la partie n o n concédée du Gabon, les procédés o n t été moins b r u t a u x . Il a s u r t o u t été fait usage de personnes interposées qui o n t su se faire a t t r i b u e r des concessions forestières et t r o u v é le m o y e n de jouir de celles octroyées à certaines sociétés concessionnaires fran­ çaises en liquidation. Ces o p é r a t i o n s n ' o n t pu se faire q u ' a v e c l'assentiment de l'administration de la colonie ou en s u r p r e n a n t sa vigilance. Il ne m'appartient p a s de m'étendre à ce sujet, mais je devais t o u t au moins l'effleurer pour répondre au paragraphe 6 de l'arrêté q u i a c o n s t i t u é la Commission Consultative. Enfin, toujours pour r é p o n d r e a u x t e r m e s de ce p a r a g r a p h e I» et aussi à ceux du p a r a g r a p h e I. je (lois mentionner la part 1res large q u e la compagnie de navigation YVoèrniann s'élail baillée au Gabon. C'est par son intermédiaire q u e le c o m m e r c e des bois a trouvé son débouché sur le marché de H a m b o u r g , et il est v r a i ­ semblable qu'elle a aidé le c o u r a n t d'affaires vers ce p o r t en faisant a u x e x p o r t a t e u r s des ristournes appréciables sur son tarif officiel, alors que les conditions faites pour les I r a n s p o r l s vers le H a v r e par voie Irançaise étaient presque prohibitives; Il faut d'aiIleurs vendre à la compagnie W o c r m a n n c e l l e justice q u ' o n a toujours trouvé chez elle des facilités pour Ions t r a n s p o r t s spéciaux, t a n t c o m m e condii ions de prix q u e c o m m e a m é n a g e m e n t s de navires. La Société du H a u t - O g o o u é 0 même dû recourir à (die à plusieurs

reprises soit po;ur faire parvenir au Gabon certaines embarcations à vapeur, française prendre à lellemeiil

soif pour des transports d ' a n i m a u x de b â t , la compagnie Subventionnée se t r o u v a n t dans l'impossibilité de les botd de ses navires OU faisanl à c e t égard des condii,'mis draconiennes que l'enl reprise à laquelle ils étaient (lesli-

n é s serait d e v e n u e infructueuse. Aussi n e faudrait-il pas q u e l'éli­ mination, si désirable qu'elle puisse être à d ' a u t r e s points de v u e , de la compagnie W o c r m a n n risquai de laisser le Gabon en présence d'un monopole de l'ail, de la part d ' u n e seule c o m p a g n i e de n a v i g a lion. J ' a i déjà indiqué plus haut le préjudice q u e la colonie subis-


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sait du fait du m a n q u e de relations régulières avec Marseille où elle t r o u v e r a i t un débouché pour ses bois et le m o y e n d'avoir à bien meilleur c o m p t e certaines marchandises ou m a t é r i a u x de constructions, c o m m e les briques et les c i m e n t s ; il n e faudrait pas que pour ses relations avec Bordeaux, le H a v r e e t la partie septen­ trionale du c o n t i n e n t elle se t r o u v â t en quelque sorte à la merci d'un seul t r a n s p o r t e u r que rien ne v i e n d r a i t aiguillonner dans l'amélioration de ses services et de son matériel. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes s e n t i m e n t s de h a u t e considération. BARRI':.

P a r i s , le 15 D é c e m b r e 1914.



RAPPORT présenté au nom de la Section de Madagascar PROGRAMME ÉCONOMIQUE

Monsieur le P r é s i d e n t , Madagascar est une des colonies françaises sur l'avenir desquelles les é v é n e m e n t s actuels a u r o n t les répercussions les plus v i v e s . . C'est en effet une de celles où il y a le plus de reprises à exercer sur le commerce allemand qui a v a i t pris u n e extension considé­ rable et c h a q u e j o u r g r a n d i s s a n t e , n o t a m m e n t au m o y e n de sa m a r i n e m a r c h a n d e , et grâce a u x débouchés que ses industries flo­ rissantes offraient a u x p r o d u i t s de la colonie. D ' a u t r e p a r t , la Grande Ile est à une période de croissance où l'organisme est exceptionnellement impressionnable, malléable et susceptible de conserver l'empreinte des conditions économiques au milieu desquelles il se développe. Or, la crise sans p r é c é d e n t qui ébranle le m o n d e , ne v a pas seulement modifier p a r elle-même ces conditions, il y a lieu d'espérer qu'elle v a également p e r m e t t r e à l'initiative privée et a u x Pouvoirs publics d'effectuer, d a n s u n s u r s a u t d'énergie, d'utiles réformes qui n ' e u s s e n t p u , m a l g r é les meilleures volontés, être réalisées en t e m p s n o r m a l . Aucune colonie n ' a donc plus d ' i n t é r ê t que Madagascar à suivre avec vigilance, et à diriger dans la mesure de ses forces, en ce qui la concerne, une évolution appelée à causer sur le d é v e l o p p e m e n t ultérieur de sa vie économique, une influence aussi profonde et aussi durable. L ' a r r ê t é du 29 s e p t e m b r e 1914 lui en fournit l'occasion en l'appe­ l a n t à examiner les besoins de son commerce, do son i n d u s t r i e et do son agriculture au point de v u e du crédit, de la m a i n - d ' œ u v r e , des t r a n s p o r t s et des débouchés.


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Le p r o g r a m m e des mesures à a d o p t e r en l'espèce p o u r donner satisfaction à ces besoins doit être inspiré p a r le souci, n o n seulement de favoriser la prospérité de Madagascar, mais encore de l'assurer en liaison i n t i m e avec la Métropole. C'est sous l'influence de cette double préoccupation que nous examinerons r a p i d e m e n t les diverses questions de ce p r o g r a m m e qui p a r a i s s e n t pouvoir se placer sous les rubriques suivantes : I. — Circulation des produits au point de v u e matériel, au point de v u e douanier. I L — Organisation de la p r o d u c t i o n e t ses débouchés.

III. — Crédit. •

I L'organisation des voies de c o m m u n i c a t i o n est la condition pri­ mordiale de t o u t e vie économique et doit être envisagée au p o i n t de v u e des t r a n s p o r t s â effectuer t a n t dans l'intérieur de la colonie q u ' e n t r e celle-ci et les m a r c h é s extérieurs. Quelque restreint q u e soit encore le réseau des routes créées dans l'intérieur, eu égard à la superficie et a u x besoins du p a y s , on doit reconnaître que le G o u v e r n e m e n t de la colonie s'est toujours m o n t r é p é n é t r é de la nécessité de multiplier les routes dans la mesure d e s moyens financiers et dis la m a i n - d ' œ u v r e d o n t il p o u v a i t disposer. 11 serait désirable q u e son effort se p o r t â t m a i n t e n a n t d a n s quelque mesure vers les régions de la côte ouest, n o t a m m e n t des provinces de Tuléar, Morondava, singulièrement déshéritées j u s ­ q u ' à ce jour, bien q u e s u s c e p t i b l e s d'une m i s e en valeur r é m u ­ nératrice. Mais le d é v e l o p p e m e n t du réseau des routes n ' e s t p a s seulement e n t r a v é p a r les frais élevés de premier établissement, il ne l'est p a s moins du l'ait des charges d ' e n t r e t i e n annuelles e t croissantes d o n t grève le b u d g e t colonial, sans compensation directe, son extension successive. Aussi serait-il intéressant de t r o u v e r Un mode de t r a n s p o r t qui, sans exiger u n e mise de fonds aussi élevée ou un trafic aussi intense q u e ceux indispensables p o u r r é t a b l i s s e m e n t d'un chemin d e fer


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p r o p r e m e n t dit, ne fût pas p o u r la colonie une source de dépenses p e r m a n e n t e s et progressives. 11 semble que l'établissement de voies Decauvillé remplirait ces conditions. D ' u n p r i x de construction, outillage compris, plus élevé que la route ordinaire, cette voie, une fois établie, non seulement n'occasionnerait p a s de frais d ' e n t r e t i e n à la colonie, mais d o n n e r a i t sans d o u t e des recettes suffisantes p o u r r é m u n é r e r et m ê m e a m o r t i r le capital engagé, elle offrirait une capacité de trafic supérieure à la route o r d i n a i r e ; elle ménagerait a u x exploitations privées la possi­ bilité d'un r a c c o r d e m e n t facile p o u r l'évacuation de leurs p r o d u i t s . Le service rendu, bien que r é m u n é r é , ne serait d'ailleurs p a s onéreux pour celui qui l'utiliserait, la t a x e à percevoir ne d e v a n t pas dépasser le coût de la traction sur une route ordinaire, et p o u v a n t m ê m e , parfois, être inférieur. 11 est désirable (pie la colonie se m e t t e r a p i d e m e n t à l'œuvre p o u r établir, sur certains points, à la place de routes, des voies Decauvillé. Le succès d e , c e t t e expériences (qu'elle p a r a î t d'ailleurs disposée à t e n t e r ) , p e r m e t t r a i t le r a t t a c h e m e n t soit à des p o r t soit à des lignes ferrées déjà existantes, de nombreuses régions voisines, actuellement isolées et i m p r o d u c t i v e s . Cette opération, qui, généralisée, serait de g r a n d e envergure, accélérerait singulièrement le d é v e l o p p e m e n t de Madagascar p a r la mise en valeur de très v a s t e s territoires. Il ne s a u r a i t d'ailleurs être question de s u p p l a n t e r les grandes voies ferrées qui seront appelées à sillonner, en t e m p s utile, t o u t e s les grandes artères naturelles de l'Ile. Mais, en dehors des voies déjà existantes el du p r o l o n g e m e n t dans le sud de la ligne de T a n a uarivo à Anlsirabé, aucun besoin d e cette n a t u r e ne se fait actuelle­ ment sentir. Le chemin île 1er de T a n a n a r i v e à Majunga lui-même, d o n t il a été souvenl question, ne p a r a î t p a s devoir s'imposer d ' u n certain t e m p s , celui de T a n a n a r i v e à T a m a t a v e é t a n t en m e s u r e de donner satisfaction, v r a i s e m b l a b l e m e n t p e n d a n t de longues années encore, aux nécessités d u trafic d e s H a u t s - P l a t e a u x . Dans ces conditions, le p o i n t si discuté de savoir s'il est préféra­ ble de faire appel à l'inil iâl ive privée pour la construction et l'exploitatiofl des chemins d e fer, mi de les réserver à la colonie, n'offre pas a c t u e l l e m e n t d ' i n t é r ê t p o u r Madagascar!


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Mais c'est p e u t - ê t r e le lieu de faire r e m a r q u e r q u ' a u n o m b r e des a r g u m e n t s invoqués p a r les p a r t i s a n s de l'exploitation p a r la colonie (situation actuelle des chemins de fer de Madagascar), il en est un, de h a u t e portée, qui consiste à m o n t r e r quel i n t é r ê t présente p o u r la colonisation le maintien, entre les mains de l'administration, de tarifs p o u r l'établissement desquels elle t i e n t a u t a n t c o m p t e du développement de la richesse du pays que de la question du bénéfice à réaliser. Il ne p a r a î t pas superflu de d e m a n d e r à la colonie de ne p a s perdre de v u e cet i n t é r ê t supérieur d o n t elle se réclame p o u r rester maîtresse des chemins de fer, et qu'elle a parfois oublié. Dans diverses circonstances, elle ne s'est pas suffisamment péné­ trée de la nécessité de laisser a u x tarifs une stabilité indispensable à la sécurité des t r a n s a c t i o n s , et on a vu des p r o d u i t s classés dans une catégorie de t a x e s inférieures, alors qu'ils é t a i e n t inexploités, passer s u b i t e m e n t d a n s une catégorie de t a x e s supérieures, dés leur a p p a r i t i o n sur le m a r c h é au risque de c o m p r o m e t t r e des entreprises p é n i b l e m e n t édifiées sur des bases q u ' o n é t a i t en droit de croire solides. L ' i n i t i a t i v e privée n e donnera t o u t son effort, n e p o u r r a consentir les sacrifices nécessaires a u x entreprises de longue haleine, que si elle a la c e r t i t u d e d'être à l'abri de pareils à-coups. La colonie lui doit cette g a r a n t i e et elle a i n t é r ê t à la lui donner. Dans une île c o m m e Madagascar, les c o m m u n i c a t i o n s avec l'extérieur ne p o u v a n t être réalisées que p a r voie m a r i t i m e , l'orga­ nisation des p o r t s , les m o y e n s d ' e m b a r q u e m e n t et de d é b a r q u e m e n t j o u e n t un rôle i m p o r t a n t . Ils s o n t g é n é r a l e m e n t insuffisants. C e p e n d a n t , la c o n s t r u c t i o n prochaine du p o r t de T a m a t a v e , les améliorations du p o r t de Majunga r e n d r o n t plus facile la liaison entre lès voies de c o m m u n i c a t i o n intérieures et extérieures. L ' é t u d e des mesures à p r e n d r e p o u r rendre moins o n é r e u x et plus c o m m o d e s r e m b a r q u e m e n t et le d é b a r q u e m e n t , sur t o u t e la côte ouest e n t r e Majunga et Tuléar, de p r o d u i t s qui r e n c o n t r e n t déjà t a n t d'obs­ tacles p o u r a t t e i n d r e la côte, doit sollicil er sans r e l a r d l ' a t t e n t i o n de l'administration. La p e r s é v é r a n t e application du G o u v e r n e m e n t de la colonie à améliorer les conditions de t r a n s p o r t intérieur, do l ' e m b a r q u e m e n t et du d é b a r q u e m e n t des p r o d u i t s , p e r m e t d'espérer la réalisation p r o c h a i n e de ces v œ u x .


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La solution du problème de la circulation e n t r e Madagascar et les marchés extérieurs n ' e s t p a s moins i m p o r t a n t e et présente d'au­ t a n t plus de difficultés qu'elle échappe à l'action directe de la colonie. Si le bon fonctionnement des t r a n s p o r t s m a r i t i m e s e n t r e la Métro­ pole et la colonie intéresse au plus h a u t p o i n t cette dernière, on p e u t dire que son organisation incombe essentiellement à la Métro­ pole. C'est p o u r elle t o u t à la fois u n a v a n t a g e et u n devoir. La colonie lui offre un c h a m p privilégié d'exploitation p o u r sa m a r i n e m a r c h a n d e ainsi que p o u r les industries qui en dérivent, et u n e source de bénéfices divers. Comme c o n t r e - p a r t i e , la Métro­ pole d e v r a i t assurer à la colonie des moyens de t r a n s p o r t s suffisants et à prix n o r m a u x . Il faut m a l h e u r e u s e m e n t c o n s t a t e r qu'elle n ' a su ni profiter de cet a v a n t a g e ni s ' a c q u i t t e r de ce devoir. L a m a i g r e r é m u n é r a t i o n des c a p i t a u x affectés à la m a r i n e m a r c h a n d e , d'une p a r t , l'élévation des frets, supérieurs de 20 et 30 % à ceux p r a t i q u é s soit dans les colonies étrangères comparables, soit à Madagascar même p a r la m a r i n e é t r a n g è r e , l'insuffisance constatée de t r a n s p o r t s français à certains m o m e n t s , en font foi. Insister sur les inconvénients que p r é s e n t e n t p o u r la colonie cette exagération du cours des frets et c e t t e insuffisance des t r a n s ­ ports, m o n t r e r c o m m e n t l'exportation de certains p r o d u i t s se t r o u v e de fait prohibée, les bénéfices et p a r suite les facultés de c o n s o m m a t i o n de la colonie diminuées, est superflu. Il serait plus intéressant de rechercher les causes du m a l p o u r y p o r t e r r e m è d e . Est-il spécial a u x lignes de Madagascar et a-t-on p a r suite le d r o i t de l'imputer à leur a d m i n i s t r a t i o n , ou bien est-il général et n'a-t-il pas d e s causes plus profondes qui t o u c h e n t à l'organisation m ê m e de la m a r i n e m a r c h a n d e en F r a n c e ? Le d o u t e ne p a r a î t guère pos­ sible. La régression générale et c o n t i n u e de la m a r i n e m a r c h a n d e française, en dehors des compagnies subventionnées qui elles-mêmes ne réussissent à vivre q u ' a u milieu de g r a n d e s difficultés, p r o u v e de la façon la plus é c l a t a n t e que les causes du m a l s o n t d ' o r d r e général, et comme la F r a n c e a de magnifiques côtes, u n e situation géographique privilégiée, un passé m a r i t i m e prospère, un domaine colonial considérable couvert de factoreries françaises; comme il


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n'est pas admissible que l'in il iative privée soit d'une incapacité telle que, toutes c h o s e s égales d'ailleurs, elle ne puisse profiter de ces éléments exceptionnels pour l'aire vivre une marine m a r c h a n d e en r a p p o r t avec l'importance du pays alors que d ' a u t r e s n a t i o n s y p a r v i e n n e n t , il faut en conclure que les conditions générales qui sont faites en France à c e l l e industrie sont incompatibles avec sa prospérité. Il ne nous a p p a r t i e n t pas de rechercher quels remaniements s'imposent ni de dire si l'institution de l'inscription maritime telle qu'elle fonctionne est compatible avec les nécessités de la concur­ rence internationale, si les cahiers des charges des compagnies subventionnées ne leur imposent pas des obligations d o n t l'utilité n'est pas en r a p p o r t avec les dépenses correspondantes, si les tarifs des chemins de fer sont conçus cl la navigation intérieure organisée de manière à procurer le fret lourd nécessaire à la sortie, si l'indus­ trie n a t i o n a l e est assez encouragée pour absorber des produits, (et n o t a m m e n t nos p r o d u i t s coloniaux), en (piantiti'' suffisante pour créer des marchés intensifs, si nos ports privés de zones fran­ ches offrent aux m a r c h a n d i s e s assez, de facilités de m a n u t e n t i o n p o u r les y a t t i r e r , etc., e t c . . Nous ne pouvons qu'affirmer l'urgence de r e m a n i e m e n t s nécessaires. Car, si les colonies n'ont pas d a n s leur main le remède, elles o n t du moins h- droit de réclamer instamment que la Métropole leur fournisse une organisai ion de transports q u i , c o m m e régularité et c o m m e prix, ne soient pas, ce qui est le. cas, inférieure à celle que les autres nations mettenl à la disposition de leurs colonies. A côh'' des barrières naturelles qui entravent la circulation des p r o d u i t s , v i e n n e n t se j u x t a p o s e r les barrières factices créées pâl­ ies droits de douanes. A ce point de vue Madagascar a été j u s q u ' à ces derniers t e m p s placé d a n s la situation la plus défavorable. T a u d i s que la colonie recevait en franchise fous les p r o d u i t s de la Métropole, elle ne jouissait elle-même p o u r t o u t e faveur «pie du bénéfice de la d e m i - t a x e sur les denrées dites secondaires. Depuis peu de t e m p s , elle jouit, p a r j u s t e réciprocité, de l'entrée en fran­ chise dans la Métropole de tous ses produits.


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Mais ce n ' e s t q u ' u n des côtés de la question. E n ce qui concerne les droits d o n t sont frappés à leur entrée d a n s l'Ile les m a r c h a n ­ dises étrangères, la colonie a été, dès le d é b u t , placée dans la c a t é ­ gorie des colonies assimilées à la Métropole, alors que, logiquement, elle eut dû être placée dans une seconde catégorie créée p a r la loi de 1892 en v u e de p e r m e t t r e aux colonies en enfance de p r e n d r e une certaine force a v a n t d'être astreintes a u x charges du tarif général. Il serait t r o p long de m o n t r e r ici q u ' e n m a i n t e n a n t le régime de l'assimilation on lèse, dans un intérêt spécial, en v u e de favoriser quelques industries, à la fois d ' a u t r e s intérêts métropolitains en m ê m e t e m p s que ceux de la colonie, que, p o u r assurer un gain pas­ sager à ces industries, on fait subir à la colonie une p e r t e infiniment supérieure, q u ' o n diminue le bien-être de ses h a b i t a n t s , q u ' o n restreint leur faculté de p r o d u c t i o n , q u ' o n e n t r a v e l'organisation de l'outillage économique, q u ' o n m e t obstacle à l ' o u v e r t u r e de débouchés n a t u r e l s , qu'on c o m p r o m e t p a r suite le succès d ' e n t r e ­ prises coloniales fournies en h o m m e s et en c a p i t a u x p a r la Métro­ p o l e qui est ainsi d é t o u r n é e d'une voie dans laquelle l'activité n a t i o ­ nale d e v r a i t t r o u v e r a u j o u r d ' h u i u n de ses p r i n c i p a u x éléments. Qu'il suffise d ' e x p r i m e r le v œ u que les Pouvoirs publics ne per­ d e n t pas de v u e la nécessité aussitôt que les circonstances le p e r m e t ­ t r o n t , d ' a b o r d e r le fonds m ê m e de la question douanière coloniale, de débarrasser Madagascar du régime d'assimilation, et de lui don­ ner une personnalité douanière la m e t t a n t à m ê m e de proposer les t a x e s d o n t d e v r a i e n t être frappés les p r o d u i t s étrangers, t a x e s que la Métropole a u r a i t d'ailleurs seule, dans le plein exercice de son droit de souveraineté, a u t o r i t é p o u r fixer, t a x e s qui d e v r a i e n t , t o u t en é t a n t assez élevées p o u r favoriser d a n s une large mesure les industries françaises, être assez modérées p o u r p e r m e t t r e a u x p r o d u i t s é t r a n g e r s de venir d i m i n u e r la cherté de la vie, de créer des ressources fiscales et de servir d ' a r m e p o u r obtenir, p a r des conces­ sions réciproques, l'ouverture des marchés voisins. Mais si í'on p e u t nourrir l'espoir de voir a b o u t i r ces desiderata dans u n avenir plus ou moins prochain, il est un double v œ u d o n t la réalisation ne s a u r a i t être plus l o n g t e m p s r e t a r d é e . E n effet, on ne s'est pas borné à s o u m e t t r e Madagascar au régime m é t r o p o l i t a i n . Il y a plus, on a, contre t o u t e v r a i s e m b l a n c e , élevé,


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à son d é t r i m e n t , les t a x e s métropolitaines. La loi de 1892 p r é v o y a i t la possibilité, au moyen de décrets rendus dans la forme de règle­ m e n t s d ' a d m i n i s t r a t i o n publique, de déroger, é v i d e m m e n t d a n s un sens libéral, a u x t a x e s métropolitaines, p o u r en adoucir, d a n s certains cas, la rigueur. Or, on a, d a n s l'espèce, d é t o u r n é cette p r o ­ cédure du b u t p o u r lequel le législateur l'avait instituée, et frappé, p a r ce m o y e n , les cotonnades étrangères de droits sensiblement supérieurs a u x droits métropolitains. Ces t a x e s exceptionnelles qui o n t été appliquées a u x cotonnades étrangères p a r des mesures qui paraissent friser l'illégalité, qui sont en t o u t cas m a n i f e s t e m e n t contraires à l'esprit du législateur, que l'expéditeur p e u t d'ailleurs rendre illusoires en faisant dédoua­ ner les marchandises en F r a n c e , ne s a u r a i e n t être plus longtemps maintenues,et les Pouvoirs publics ne p e u v e n t se dispenser de réta­ blir, en cette matière, les tarifs m é t r o p o l i t a i n s . Une a u t r e modification a u x t a x e s actuelles s'impose avec n o n moins d'urgence et sans qu'elle puisse a t t e n d r e l'examen p a r le parlement de l'ensemble du régime douanier colonial, c'est la dimi­ n u t i o n des t a x e s sur l'entrée des divers articles nécessaires à l'outil­ lage industriel, agricole et minier destiné à m e t t r e la colonie eh valeur. -

Déjà le décret du 7 février 1906 a établi p o u r les machines desti­ nées à l'exploitation de l'or des tarifs spéciaux à u n m o m e n t où cette exploitation é t a i t la principale industrie de la Grande Ile. A u j o u r d ' h u i , que de nouvelles sources de richesses se p r é s e n t e n t , recherche de gisements m i n é r a u x divers, exploitation du g r a p h i t e , fabrication des conserves, usines frigorifiques, usines à manioc, etc., e t c . , les mêmes raisons qui o n t d é t e n u in é les mesures prises à l'égard de l'ouf illagc destiné à l'exploitation de l'or d o i v e n t en d é t e r m i n e r l'extension à l'outillage nécessaire à la mise en œ u v r e de ces n o u v e a u x éléments.

I!

A l'origine de t o u t e p r o d u c t i o n est la m a i n - d ' œ u v r e , nécessaire même lorsque son rôle se b o r n e à recueillir un p r o d u i t n a t u r e l . A Madagascar, elle est relative nf faible en q u a n t i t é , cl sauf


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exception, en qualité, eu égard a u x richesses qu'il est possible d'y exploiter. Non seulement la p o p u l a t i o n est peu dense, mais elle est encore loin de fournir en t r a v a i l t o u t ce q u ' o n p e u t en a t t e n d r e . 11 v a donc u n triple b u t à poursuivre p a r a l l è l e m e n t : a u g m e n t e r le n o m b r e des h a b i t a n t s , les acclimater au t r a v a i l , o b t e n i r d'eux le t r a v a i l le plus efficace. L ' a u g m e n t a t i o n de la p o p u l a t i o n indigène sera o b t e n u e p a r la persévérance de l ' a d m i n i s t r a t i o n à favoriser l'hygiène sous t o u t e s ses formes, à assainir les régions palustre», à organiser le service des sages-femmes, à améliorer les services de l'assistance médicale, p a r t i c u l i è r e m e n t en ce qui concerne les enfants en bas âge ; le déve­ l o p p e m e n t économique de Madagascar n ' y contribuera p a s moins en a p p o r t a n t l'aisance chez l'indigène, en lui fournissant n o t a m m e n t les moyens de se p r é s e r v e r contre les intempéries, à la condition t o u t e ­ fois que des mesures énergiques soient prises contre les a t t e i n t e s de l'alcoolisme. A v a n t que cette a u g m e n t a t i o n , œ u v r e de longue haleine, ait p u se p r o d u i r e , les besoins de la m a i n - d ' œ u v r e iront sans doute crois­ sants, en raison de la rapide progression de la p r o d u c t i o n , et il est vraisemblable que sa p é n u r i e se fera sentir dans quelques années beaucoup plus q u ' à l'heure actuelle. Il n ' e s t donc pas trop t ô t p o u r se préoccuper, s u r t o u t en v u e de cette époque p r o c h a i n e , de l'impor­ tation de la m a i n - d ' œ u v r e é t r a n g è r e . A cet effet, la colonie devra pousser a c t i v e m e n t des pourparlers déjà engagés de manière à h â t e r le m o m e n t a u q u e l p o u r r o n t être commencées des expériences qu'il sera sans d o u t e nécessaire de répéter a v a n t qu'elles soient con­ cluantes. Mais, en a t t e n d a n t , tous les efforts d o i v e n t t e n d r e à obtenir de l'indigène le t r a v a i l qu'il est raisonnable de lui d e m a n d e r . T o u t en r e s p e c t a n t sa liberté, l ' a d m i n i s t r a t i o n , p a r son a t t i t u d e , loin de le détourner du t r a v a i l doit l'y inciter au c o n t r a i r e , et son influence p e u t êlrc à ce sujet décisive t a n t p a r les e n c o u r a g e m e n t s qu'elle doit mi d o n n e r à cet effet que p a r des mesures a p p r o p r i é e s à p r e n d r e en ce qui t o u c h e la p e r c e p t i o n de l ' i m p ô t et le service des p r e s t a ­ tions e t p a r u n e surveillance du p a i e m e n t e x a c t des salaires et de ' e x é c u t i o n réciproque des e n g a g e m e n t s de t r a v a i l . LES

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L'action de la colonie p e u t être encore plus efficace p o u r l'amé­ lioration de la qualité du t r a v a i l . Elle a beaucoup fait p o u r l'ensei­ g n e m e n t , mais elle p o u r r a i t obtenir des résultats meilleurs en con­ s a c r a n t une p a r t i e p l u s i m p o r t a n t e des ressources qu'elle y affecte à l'enseignement professionnel et agricole. La cause de l'enseignement p r i m a i r e n ' y p e r d r a i t p a s , car l'accli­ m a t a t i o n de l'indigène à un t r a v a i l bien exécuté, en éveillant chez lui des instincts d e civilisation, le p r é p a r e r a i t à recevoir plus aisé­ m e n t les n o t i o n s de l'enseignement général. Or, l'enseignement professionnel, tel que n o u s le c o m p r e n o n s , bien que ne s ' a d r e s s a n t p a s à la généralité des h a b i t a n t s , n ' e n a u r a i t p a s moins une réper­ cussion i n d i r e c t e , mais efficace,'sur l'ensemble des t r a v a i l l e u r s qui profiteraient, dans l'exécution de t r a v a u x bien dirigés, des connais­ sances acquises p a r leurs chefs. E n effet, l ' e n s e i g n e m e n t professionnel ne se b o r n e r a i t p a s à former de b o n s ouvriers, c o m m e la colonie réussit déjà à en former dans plusieurs écoles p o u r le t r a v a i l du fer et du bois, mais devrait embrasser un c h a m p b e a u c o u p plus v a s t e . Le b u t de l'enseignement à i n s t i t u e r serait de p r é p a r e r des con­ t r e - m a î t r e s ou « c o m m a n d e u r s » capables d ' a p p o r t e r un concours utile a u x e x p l o i t a t i o n s d a n s la direction de la m a i n - d ' œ u v r e indigène L ' e n s e i g n e m e n t qui d e v r a i t être a p p r o p r i é a u x besoins de c h a q u e région p o r t e r a i t sur les cultures qui ont fait leurs p r e u v e s , riz, manioc, v a n i l l e , café, cocotiers, ainsi que sur quelques industries se r a t t a c h a n t à l ' a g r i c u l t u r e : la sériciculture, la p r é p a r a t i o n du caout­ chouc, l'élevage du b é t a i l , celui de l ' a u t r u c h e , e t c . Il serait d o n n é d a n s les s t a t i o n s d'essais. E n présence du déve­ l o p p e m e n t minier et n o t a m m e n t de l'exploitation du g r a p h i t e , u n e école d a n s laquelle s e r a i e n t enseignés les p r e m i e r s éléments p r a t i ­ ques du t r a v a i l des mines n e p r é s e n t e r a i t p a s inoins d ' i n t é r ê t . La p r o d u c t i o n ne p o u r r a i t q u e g a g n e r en intensité du fait d ' a v o i r à sa disposition une m a i n - d ' œ u v r e qui, dirigée p a r un personnel c o m p é t e n t , offrirait d e s qualités de régularité et de perfection inconnues j u s q u ' à ce j o u r à Madagascar. D a n s l ' o r g a n i s a t i o n de la p r o d u c t i o n , la m a i n - d ' œ u v r e , ainsi perfectionnée, n ' e s t q u ' u n des rouages d'un organisme complexe qui, p o u r fonctionner d'une manière satisfaisante, a besoin du con-


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cours d'éléments multiples : tels q u ' u n fonds de richesses naturelles, la sécurité matérielle, l'esprit d'entreprise, une législation a p p r o ­ priée, l'appui assuré des a d m i n i s t r a t i o n s locale et m é t r o p o l i t a i n e . La p r e u v e des ressources naturelles de Madagascar est aujour­ d'hui c o m p l è t e . Elles s o n t a t t e s t é e s p a r le m o u v e m e n t de «es impor­ tations et de ses e x p o r t a t i o n s qui, réunies, o n t a t t e i n t et dépassé, dans une progression s u r p r e n a n t e , alors que plusieurs industries d'avenir sont encore à leur d é b u t , la s o m m e de cent millions, justifi­ cation des pronostics les plus o p t i m i s t e s , mais u n i n s t a n t s u s p e c t é des ouvriers de la p r e m i è r e heure. La sécurité matérielle est a u j o u r d ' h u i p a r t o u t assurée. Le n o m b r e des entreprises nouvelles, créées ou sur le p o i n t de l'être est tel q u ' o n ne s a u r a i t contester l'«xistence d ' u n e initiative privée des plus actives. Des règlements successifs t o u c h a n t les concessions, le régime forestier, le régime minier, celui des e a u x , etc., etc.. déjà pris ou à l'étude, des réglementations a d m i n i s t r a t i v e s diverses, ne cessent de régulariser et d'améliorer les conditions de la p r o d u c t i o n . Il est c e p e n d a n t quelques p o i n t s intéressant certaines des b r a n ­ ches principales de l'activité économique sur lesquels l ' a t t e n t i o n de l ' a d m i n i s t r a t i o n doit être appelée, n o t a m m e n t en ce qui concerne l'industrie de la v i a n d e , la récolte du c a o u t c h o u c , la c u l t u r e du café, celle de la vanille et l'exploitation des mines.

Industrie de la viande. - Le congrès de l'Afrique Orientale cons­ t a t a i t que le m a n q u e de débouchés a v a i t fait à peu près a b a n d o n n e r l'élevage des bovidés. Cette affirmation é t a i t é v i d e m m e n t trop absolue, les recensements annuels n ' a y a n t cessé de c o n s t a t e r u n e progression successive et i n i n t e r r o m p u e du t r o u p e a u . Ce qu'il faut retenir de cette affirmation, c'est que le m a n q u e de débouchés réguliers e n r a y a i t le progrès de c e t t e b r a n c h e de l'agri­ culture, qui mérite d ' a u t a n t plus d ' a t t e n t i o n q u e ses besoins en m a i n - d ' œ u v r e s o n t restreints et qu'elle est susceptible d ' u n e e x t e n ­ sion considérable. E n effet, l ' e x p o r t a t i o n sur Maurice est limitée, eelle sur l'Afrique du Sud est t a n t ô t autorisée, t a n t ô t i n t e r d i t e , les essais t e n t é s , il y a déjà l o n g t e m p s , p o u r la fabrication des conser­ ves a v a i e n t échoué, les essais de t r a n s p o r t de bœufs v i v a n t s en


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F r a n c e n ' a v a i e n t p a s eu de suite. Mais depuis quelques a n n é e s des usines v i e n n e n t d'être installées p o u r fabriquer des conserves et frigorifier ou congeler des v i a n d e s , et, depuis deux ans s u r t o u t , leur activité s'est considérablement accrue. L ' i n t é r ê t de la colonie exige que cette industrie puisse définitive­ m e n t s'établir sur des bases solides, et, à cet effet, u n double v œ u doit être exprimé. L'interpréta ion donnée à la législation en vigueur impose a u x i m p o r t a t e u r s l'obligation de présenter des a n i m a u x complets soit entiers soit découpés, alors que les usines coloniales auraient sou­ v e n t intérêt à i m p o r t e r frigorifié le quartier de derrière et à réserver le quartier de d e v a n t pour la fabrication de la conserve; elle i n t e r d i t en o u t r e l'iniportaticn de certains sous-produits. Ces restrictions, qui sont fort onéreuses pour c e t t e industrie, a y a n t pour raison d'être la préservation du t r o u p e a u métropolitain, des démarches o n t été faites pour que, dans l'avenir, la colonie se m e t t e en mesure de donner, à ceux de ses vétérinaires qui en sont d é p o u r ­ v u s , des connaissances bactériologiques, ce qui p e r m e t t r a i t de rendre a u x i m p o r t a t e u r s , sous réserve des garanties exigées par le décret du 22 mai 1912, les facultés d o n t ils sont privés. Le ministère des colonies s'appliquera c e r t a i n e m e n t à réaliser à brève échéance les promesses qu'il a faites à ce sujet. L'avenir de l'élevage ne d e m a n d e pas moins d'application de la p a r t du G o u v e r n e m e n t de la colonie pour éviter t o u t e mesure qui pourrait être de n a t u r e à provoquer de brusques variations dans le prix du bétail. Sans doute, en principe, l'administration doit favoriser t o u t e plus-value des produits de la colonie, et faciliter l'ouverture de n o u v e a u x débouchés dans cette intention, mais elle devra soigneuse­ m e n t se garer de provoquer par l'ouverture d'un débouché n o u v e a u , mais précaire, une hausse susceptible de faire sombrer l'industrie des conserves et de la v i a n d e frigorifiée. Le bénéfice m o m e n t a n é réalisé ainsi p a r l'élevage risquerait d'être chèrement payé, et les cours élevés d'un jour pourraient faire place à u n e longue période de cours t o u t à fait réduits. L'éclosion de l'industrie qui a assuré la fortune de tous les pays d'élevage du bœuf a été trop longtemps a t t e n d u e pour ne pas l'entourer de t o u t e


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la sollicitude nécessaire à son épanouissement. Le Gouvernement général qui l'a bien compris, en précisant c es t e m p s derniers les conditions d'exportation du bœuf v i v a n t dans une région voisine persévérera sans aucun doute p r u d e m m e n t dans cette voie. Récolte du caoutchouc. — E n présence de la concurrence des caoutchoucs de plantation, la production de Madagascar ne p e u t assurer son avenir que p a r une transformation complète de ses pro­ cédés de récoltes, a s s u r a n t au produit une qualité bonne, égale et durable. Seule l'administration peut, par des réglementations d o n t les Gouvernements d'autres colonies lui o n t donné l'exemple, pré­ server cette exportation d'une déchéance, sans cela, fatale. Culture du caié. —• Après de longues années d'onéreuses expé­ riences, le problème de la culture du café est m a i n t e n a n t résolu, au m o m e n t où la loi du 5 a o û t 1905, en accordant la détaxe complète des denrées coloniales, lui ouvre un énorme marché de consommalion dans des conditions tout, à fait, privilégiées. Mais la p r é p a i a t i o n du café est méticuleuse et les planteurs de Madagascar o n t encore à apprendre pour savoir le présenter sur le marché de manière à en tirer t o u t le parti désirable. Une mission confiée à un h o m m e c o m p é t e n t , a y a n t pour objet l'étude de cette préparation à J a v a , c o n c u r r e m m e n t avec celle de toutes questions t o u c h a n t à cet article, serait d'une aide précieuse pour le succès du café de Madagascar. Cette mission a v a i t t o u t e chance d'être organisée à brève échéance, lorsque les événements sont venus m a l h e u r e u s e m e n t i n t e r r o m p r e la mise au point de ce projet, qu'il sera utile de reprendre. Culture de la vanille. —- Les planteurs de vanille protestent, à bon droit contre le m o t « vanilline » employé comme indication d'un par­ fum artificiel qui crée à leur préjudice une confusion regrettable, et sont, unanimes à d e m a n d e r que, par une application loyale et ration­ nelle de la loi du l août 1905 sur les fraudes, les Pouvoirs publics les protègent et protègent en m ê m e t e m p s le c o n s o m m a t e u r contre cette usurpation. Il est certain que cet usage, qui ne saurait se justifier, cause un d o m m a g e i m p o r t a n t à une culture très intéressante de Madagascar. S'il n'est pas possible, par la simple application des lois existantes, de rétablir la vérité, il ne serait qu'équitable de recourir pour :cla à un nouveau t e x t e législatif. e T


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Exploitation des mines.- — Les règlements miniers se sont succédés avec u n e fréquence q u ' e x p l i q u e n t les modifications rapides d'une industrie naissante. Un nouveau règlement est en p r é p a r a t i o n . La diminution de l'extraction de l'or p e n d a n t ces dernières aimées semblerait de n a t u r e à déterminer la réduction de la t a x e de l'or de 7 % à 5 %, taux primitif de cette taxe. C e p e n d a n t des mesures a d m i n i s t r a t i v e s ou législatives d'ordre général, bien qu'appropriées a u x besoins économiques ne suffiraient pas à donner a u x entreprises tentées à Madagascar t o u t e l'ampleur désirable e t possible si elles ne devaient c o m p t e r sur le concours quotidien e t bienveillant de l'administration coloniale à tous ses degrés. P e u t - ê t r e ne l'ont-cllc ,pas toujours également r e n c o n t r é . P e u t - ê t r e , dans le passé, u n e partie du personnel administratif local ne s'est-il pas suffisamment rendu c o m p t e du lien qui r a t t a ­ chait le développement économique des colonies à la prospérité du pays e t ne s'cst-il pas suffisamment appliqué à favoriser ce déve­ loppement pour coopérer à cette prospérité. Les événements actuels sont de n a t u r e à dessiller bien des y e u \ et réuniront, nous n ' e n d o u t o n s pas, dans l'avenir, l ' u n a n i m i t é des volontés [tour favoriser le succès de toutes les œuvres susceptibles de concourir à la g r a n ­ deur de la France. T o u t e cette vie économique de Madagascar déjà si active, appelée c e r t a i n e m e n t à devenir dans peu d'années b e a u c o u p plus intense, n'offrira t o u t son intérêt q u e si elle se développe en liaison infime avec la Métropole. A ne considérer q u e les statistiques, ce résultat serait déjà acquis. En effet, les i m p o r t a t i o n s de Madagascar sont françaises pour les sept huitièmes, plus des 3/4 des e x p o r t a t i o n s de Madagascar sont dirigées sur la F r a n c e . Mais la réalité est loin de concorder avec les apparences. Un grand nombre de marchandises, nécessairement d'origine française en raison du régime; douanier, n ' a r r i v e n t à la c o n s o m m a t i o n q u e par l'intermédiaire de c o m m e r ç a n t s étrangers, e t une grosse partie des e x p o r t a t i o n s dirigées sur la F r a n c e sont aussitôt réexportées à l'étranger. Les personnes les mieux informées estiment à la moitié t a n t les importations faites à Madagascar pour le


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compte des maisons étrangères q u e les exportations des produits de Madagascar à l'étranger. Dans l'ensemble de ces opérations l'Alle­ magne joue un rôle p r é p o n d é r a n t . Depuis déjà longtemps, on lit journellement dans les j o u r n a u x des appels à la vigilance des firmes françaises coloniales pour qu'elles ne se laissent pas s u p p l a n t e r par les maisons étrangères, n o t a m m e n t par les maisons allemandes, et qu'elles récupèrent le terrain perdu, comme si cela dépendait u n i q u e m e n t de cette vigilance. Il est plusieurs a u t r e s facteurs t o u t à fait i n d é p e n d a n t s de l'action de la firme coloniale et qui sont indissolublement liés à la reprise des affaires, aujourd'hui entre les mains des Allemands. Ce sont prin­ cipalement la marine m a r c h a n d e et l'état des industries françai­ ses susceptibles d'employer les produits de la colonie. Si les tarifs douaniers p e r m e t t e n t à certaines industries fran­ çaises de fournir la plus grosse p a r t de la consommation à Mada­ gascar, ils ne suffisent pas à déterminer la prépondérance des m a i ­ sons co'oniales françaises. L ' a b - o r p t i o n par la Métropole de la majeure partie des produits de Madagascar pourrait seule assurer cette prépondérance. Or, la direction des produits est c o m m a n d é e par les facilités de t r a n s p o r t et par les besoins industriels. Il est évident que les produits qui p e u v e n t être amenés sur un marché avec 20 ou 30 % d'économie a u r o n t t e n d a n c e à se diriger sur ce marché où leur prix de revient sera plus réduit. Il en résulte une a t t r a c t i o n des produits de Madagascar vers les ports allemands. D ' a u t r e p a r t , il n'est pas moins évident que le produit a une égale a t t r a c t i o n pour les marchés voisins de leur emploi. Or, l'Allemagne, qu'il s'agisse de cuirs, de matières t a n n i fères, de graphite, de bois, de manioc, a des industries spéciales florissantes t o u t e s prêtes à employer ces p r o d u i t s . Il en résulte que les facteurs p r i n c i p a u x p r o p r e s à assurer la p r é ­ p o n d é r a n c e commerciale des maisons françaises à Madagascar s o n t r e l a t i v e m e n t i n d é p e n d a n t e s de leur action, et que c e t t e p r é p o n d é ­ rance dépend en g r a n d e p a r t i e de la m a r i n e m a r c h a n d e et de l'in­ dustrie m é t r o p o l i t a i n e . Nous avons déjà dit la nécessité de rendre à la marine son ancienne p r o s p é r i t é . Q u a n t à l'industrie, il sem-


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ble que la Métropole d e v r a i t avoir à c œ u r de donner à celles de ses branches qui p e u v e n t employer les p r o d u i t s de la colonie u n déve­ l o p p e m e n t suffisant p o u r leur p e r m e t t r e de les absorber. A v r a i dire, il ne s'agirait p a s de p r e n d r e en leur faveur des mesures p a r t i ­ culières, il suffirait de ne pas gêner l'essor de l'industrie française en général, p o u r que l'on vît b i e n t ô t se former et se développer les industries spéciales susceptibles d ' a t t i r e r et d'employer nos expor­ tations coloniales. Avec des t r a n s p o r t s et u n e industrie française équivalents à ceux de l'étranger, avec le concours d'une a d m i n i s t r a t i o n que le souci de l'intérêt français r e n d r a au moins aussi favorable aux entreprises françaises que ne s a u r a i t les rendre favorables a u x intérêts étrangers l'action des consuls, nos c o m m e r ç a n t s seront i m p a r d o n n a b l e s s'ils ne réussissent pas à assurer dans nos colonies la p r é p o n d é r a n c e du commerce n a t i o n a l . Nous avons confiance qu'ils y réussiront.

III E n ce qui concerne le crédit, Madagascar est intéressé à la solution d'une question m o n é t a i r e locale et à l'orientation générale des capi­ t a u x vers les entreprises coloniales, industrielles et m a r i t i m e s . L'utilité de l'établissement de la circulation fiduciaire dans la Grande Ile n'a j a m a i s été sérieusement contestée, et tous les éco­ nomistes qui o n t eu à s'occuper du sujet sont u n a n i m e s p o u r en déclarer l ' o p p o r t u n i t é . Il y a déjà plus de 10 ans, u n organe a u t o ­ risé de l'inspection générale des colonies signalait les lacunes et le t a u x o n é r e u x du crédit à Madagascar et la nécessité de doter le p a y s des services que p e u t r e n d r e la m o n n a i e fiduciaire. E n 1910 l ' a d m i n i s t r a t i o n locale se p l a i g n a i t de l'insuffisance du s t o c k des espèces en circulation p a r r a p p o r t a u x chiffres, t a n t des recettes budgétaires que du m o u v e m e n t commercial, et c o n s t a t a i t le peu d'élasticité m o n é t a i r e , indispensable c e p e n d a n t à son développe­ m e n t économique. La s i t u a t i o n n ' a fait que s'aggraver. La mise en p r a t i q u e de c e t t e circulation a u r a i t c e r t a i n e m e n t p o u r conséquence u n e baisse de l'intérêt de l'argent qui ferait, c h a q u e année, bénéficier la colonie d ' u n e somme I rès i m p o r t a n t e . Madagas-


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car est d'ailleurs la seule colonie qui soit privée de cet i n s t r u m e n t de travail. C e p e n d a n t , depuis n o m b r e d'années, la question reste en sus­ pens. Les r a p p o r t s des commissions spéciales succèdent a u x r a p p o r t s , tous favorables à l'établissement de c e t t e i n s t i t u t i o n . Des démarches successives du g r o u p e m e n t des intérêts de Mada­ gascar en F r a n c e r e s t e n t infructueuses, sans que, il faut bien le dire, a u c u n e objection soit opposée au bien-fondé de ses v œ u x . La solution ne p a r a î t p o u v o i r être r a i s o n n a b l e m e n t plus longtemps retardée. Il serait v r a i m e n t incompréhensible q u e le commerce et l'industrie, qui s o n t obligés de s u b v e n i r p o u r u n e si large p a r t a u x besoins financiers de l ' É t a t , se v o i e n t refuser plus l o n g t e m p s , sans motif plausible, et sans bénéfice p o u r personne, une i m p o r ­ t a n t e source d'économie dans leurs t r a n s a c t i o n s . L'organisation de ce privilège d'émission faciliterait p o u r la colonie l'organisation d'une caisse de prêts agricoles qui a u r a i t sur le d é v e l o p p e m e n t de l'agriculture le plus heureux effet. L ' œ u v r e à édifier à la fin des hostilités, nécessitera des c a p i t a u x considérables. Beaucoup d e v r o n t t r o u v e r t o u t d ' a b o r d leur emploi à p a n s e r les plaies. L ' o r i e n t a t i o n de ceux qui r e s t e r o n t disponibles devra être m é n a ­ gée avec le plus g r a n d discernement. Elle d e v r a , d a n s les circons­ t a n c e s , être t o u t à fait différente de celle du p a s s é . Sans vouloir récriminer sur ce passé, il est certain qu'il faut t o u t p r é p a r e r p o u r que l'épargne française au lieu de se p o r t e r p o u r u n e si g r a n d e p a r t à l'étranger, en faveur d'entreprises, le plus s o u v e n t i n d é p e n d a n t e s de la prospérité n a t i o n a l e , et parfois opposées, soit canalisée, d a n s la m e s u r e du possible, vers des œ u v r e s françaises. Les perspectives qu'offre Madagascar d e m a n d e r o n t des c a p i t a u x i m p o r t a n t s qui s o n t susceptibles de t r o u v e r une r é m u n é r a t i o n s a t i s ­ faisante. Des c a p i t a u x infiniment plus i m p o r t a n t s seront nécessaires p o u r assurer le d é v e l o p p e m e n t de l'industrie et de la m a r i n e m a r c h a n d e nationales, indispensable à celui des nos colonies. Les g r a n d s établissements financiers installés dans n o t r e p a y s sur des bases qui les r e n d e n t sinon m a î t r e s de l'épargne française,


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du moins si influents sur son emploi, d e v r o n t s'appliquer à faciliter u n e orientation de cette n a t u r e , c o m m e l'ont fait depuis si longtemps les établissements financiers allemands d o n t certains ont des repré­ s e n t a n t s dans les conseils d ' a d m i n i s t r a t i o n de 150 et 200 sociétés privées. Mais ils ne le p o u r r o n t et ne le d e v r o n t , il faut bien s'en rendre c o m p t e , que le j o u r où les Pouvoirs publics a u r o n t donné à l'indus­ trie nationale des conditions d'existence qui lui p e r m e t t e n t d'offrir a u x c a p i t a u x la sécurité et les chances de r é m u n é r a t i o n qui o n t permis, dans leur p a y s , a u x établissements allemands de diriger vers leur industrie l'épargne de leur clientèle. Cette rapide et incomplète esquisse, qui n ' a fait qu'effleurer les questions capitales à la solution desquelles est lié le sort de la Grande Ile, suffit p o u r m o n t r e r quel v a s t e c h a m p s'offre à l'ac­ tion de ceux qui s'intéressent à son avenir. Mais elle m o n t r e aussi que si le p r e m i e r b u t à a t t e i n d r e , la pros­ périté de n o t r e colonie elle-même, dépend en g r a n d e p a r t i e de mesures à p r e n d r e p a r sa p r o p r e a d m i n i s t r a t i o n , le second, la liaison étroite de la colonie avec la Métropole dans cette p r o s p é r i t é , ne dépend guère que de mesures au p o u v o i r de la seule Métropole. E n conséquence, si la colonie p e u t b e a u c o u p p o u r a t t e i n d r e le premier résultat, elle ne p e u t p o u r o b t e n i r le second que joindre sa voix au concert de celles qui ne m a n q u e r o n t pas de s'élever en faveur de réformes indispensables, mais elle le p e u t avec d ' a u t a n t plus d ' a u t o r i t é qu'elle ne réclame de la Métropole que des services qui lui s o n t dûs en échange de ceux que la Métropole reçoit d'elle. Rechercher et signaler ces réformes est sans d o u t e plus aisé q u e d'en d é t e r m i n e r leur réalisation. L'heure est c e p e n d a n t u n i q u e et décisive. La F r a n c e a d e v a n t elle d e u x victoires à r e m p o r t e r . L ' u n e , sur les c h a m p s de bataille, ne nous inquiète qu'en raison des sacrifices s a n g l a n t s qu'elle exige, l ' a u t r e , sur le terrain économique, n ' a u r a pas trop de l'union de lotîtes les bonnes volontés p o u r avoir chance d'être o b t e n u e . Le Président

de, la Section de . E U G È N E

H U H A N .

Madagascar,


RAPPORT présenté au nom de la Section de l'Indochine de l'Union Coloniale Française

Monsieur le Président, Conformément au désir q u e vous aviez bien voulu m ' e n expri­ mer, j ' a i réuni n o t r e section de l'Indochine à deux reprises, le 25 n o v e m b r e et le 14 décembre, pour examiner les questions qui for­ m e n t le p r o g r a m m e de la Commission Consultative Coloniale consti­ tuée p a r le G o u v e r n e m e n t et d o n t vous êtes Vice-Président. Vous trouverez ci-dessous le résultat des délibérations de n o t r e section. Nous avons pensé qu'il c o n v e n a i t de signaler t o u t d ' a b o r d les mesures administratives que l ' É t a t p e u t prendre sans délai et qui r é p o n d e n t a u x besoins reconnus de l'heure présente. Q u a n t a u x réformes d'ordre général qui nous o n t p a r u désirables, nous les avons indiquées s o m m a i r e m e n t , de manière à p e r m e t t r e à la Com­ mission d ' é m e t t r e des v œ u x dans le sens de nos desiderata, si elle le j u g e à propos. Mais c e s réformes, dont quelques-unes devraient être opérées par voie législative, sont une œ u v r e de longue haleine, qui peut être étudiée par des sous-commissions avec lesquelles n o t r e section collaborerait volontiers.

I. — Questions douanières : mesures administratives A. Décrets promulgués au début de la guerre. — Les uns suppri­ m e n t les droits sur des i m p o r t a t i o n s étrangères, les a u t r e s p r o h i b e n t l'exportation de F r a n c e a u x colonies de certains p r o d u i t s . Notre section a demandé, que le tari'!' douanier soit rétabli en ce qui con­ cerne l e s riz d'Indochine et les maïs et, d ' a u t r e p a r t , que les autori­ sations exceptionnelles p o u v a n t être accordées p a r les directeurs d e s douanes d e s ports d'expédition soient délivrées sans retard et


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toujours dans u n esprit libéral. Nous avons estimé q u ' u n e des con­ ditions de la reprise des affaires coloniales é t a i t l'application d'une incessante bienveillance aux requêtes légitimes des c o m m e r ç a n t s et des industriels à cet égard. Enfin, n o t r e section a formulé, au sujet des décrets dont il s'agit, une observation d o n t le bien-fondé ne m a n q u e r a pas de frapper la Commission Consultative. Quelques-uns des décrets v i s a n t des productions exclusivement coloniales ne p o r t e n t pas la signature du Ministre des colonies, qui n ' a u r a i t m ê m e pas, à ce q u ' o n nous assure, été consulté sur des matières qui r e n t r e n t essentiellement dans ses a t t r i b u t i o n s . Il faut é v i d e m m e n t voir dans cette omission la' cause des erreurs qui o n t été commises e t qui o n t m o t i v é les réclamations d o n t n o t r e section s'est faite l'interprète. Notre section exprime le v œ u que M. le Ministre des colonies soit toujours associé à l'élaboration de t o u s les actes de la puissance publique lorsque ces actes t o u c h e n t à des questions intéressant les colonies. Nous vous serions reconnaissants, Monsieur le Président, de vouloir bien d e m a n d e r à la Commission Coloniale d ' é m e t t r e un v œ u dans ce sens,qui será d'ailleurs conforme a la raison et à l'équité B. Suppression des droits d'entrée sur les riz étrangers à leur entrée en France — A la d a t e du 13 a o û t u n décret a s u p p r i m é à p a r t i r du 14 du m ê m e mois, en F r a n c e e t en Algérie, les droits d'entrée sur les riz b r u t s , brisures, entiers, farine et semoule. Un deuxième décret (19 novembre) a modifié les dispositions qui précèdent, m a i n t e n a n t la suppression des droits d'entrée sur les riz b r u t s , maïs, e t r é d u i s a n t à 3 francs le droit sur les brisures de riz et à 4 francs le droit sur les riz entiers et semoule. Ce second décret, pris peut-être u n p e u h â t i v e m e n t , sans examen suffisant de la question et des inté­ rêts en cause, édicté des dispositions spéciales et dérogatoires aux tarifs en vigueur en t e m p s normal, au grand d é t r i m e n t de l'agri­ culture et du commerce indochinois; l'Indochine, d o n t les intérêts v i t a u x s o n t en jeu, p r o t e s t e v i v e m e n t . Ce n ' e s t c e r t a i n e m e n t pas là le r é s u l t a t q u ' a v a i e n t en vue les auteurs du décret du 19 n o v e m b r e 1914; son a b r o g a t i o n s'impose i m m é d i a t e m e n t et le retour pur et simple aux dispositions en vigueur a v a n t la guerre sera conforme au droit e t au respect de l'intérêt général.


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Au surplus, il convient de rappeler que les tarifs d o n t nous d e m a n ­ dons le rétablissement o n t été soigneusement étudiés a v a n t leur vote, q u a n d la loi fut faite. Or, cette loi a précisément, après une longue discussion, refusé d ' a d m e t t r e ce q u ' o n obtiendrait ainsi par un moyen de fortune. Cela est inadmissible; personne ne sau­ rait concevoir qu'il soit porté a t t e i n t e a u x dispositions qui régissent la matière en t e m p s normal par une mesure exceptionnelle que n e c o m m a n d e pas l'intérêt général. D'une façon générale, la suppression des droits de douane était une sage précaution au début de la guerre, mais le m o m e n t est venu d'envisager le rétablissement des droits sur les riz étrangers. Cette suppression a eu p o u r inconvénient de p e r m e t t r e l'introduction de fortes q u a n t i t é s de riz de Birmanie alors que des stocks impor­ t a n t s restaient en magasin en Indochine. Les prix de cette céréale o n t n o t a b l e m e n t baissé à Saigon; la situation de la colonie t e n d à s'aggraver p a r suite des offres de plus en plus considérables de riz indiens. Il faut aussi r e m a r q u e r que la grande c o n s o m m a t i o n de l'Allemagne et de l'Autrichc-Hongrie faisant défaut, la B i r m a n i e cherche des débouchés en F r a n c e , ce qui a m è n e u n e dépréciation c o n s t a n t e des riz de Cochinchine. L ' i m p o r t a n c e des stocks de la vieille récolte c o m m e les prévisions trr:s satisfaisantes de la récolte prochaine de la Cochinchine, aussi bien q u ' e n Birmanie d'ailleurs, v o n t encore peser sur les cours. Notre section de l'Indochine, con­ sidérant que les riz d'Indochine o n t suffi j u s q u ' à ce j o u r à alimenter la Métropole, que l ' I n t e n d a n c e s'est l a r g e m e n t approvisionnée, a pensé que l'heure é t a i t v e n u e de revenir à l ' é t a t de choses d ' a v a n t la guerre. Celte solution s'impose pour les deux a u t r e s raisons sui­ vantes : 1° La v e n t e du riz est à peu près la seule ressource de la popula­ tion indigène; celle-ci e s t — à n'en pas douter — dévouée à la F r a n c e , mais le m o m e n t serait c e r t a i n e m e n t m a l choisi pour l'indisposer. 2° Une forte i m p o r t a t i o n de riz indochinois dans la Métropole est indispensable à l'amélioration du c h a n g e ; puisqu'elle c o n s t i t u e le moyen presque unique de la remise en F r a n c e des fonds à r a p a t r i e r de l'Indochine. C. Suppression des droits d'entrée sur le maïs en grains â leur entrée en France. — P a r une décision en d a t e du 4 a o û t dernier, les


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droits d'entrée sur les maïs en grains o n t été supprimés. Ce décret a eu pour conséquence de permettre a u x maïs étrangers, à ceux de la P i a t a , par exemple, de concurrencer les maïs en

provenance

d'I ndoeliine. I,'exportation du maïs ayant cette dernière origine a a t t e i n t une m o y e n n e d'environ 0 millions p o u r les années 1910, 1911 et 1912. La culture de cette céréale .semble devoir constituer pour les popu­ lations a n n a m i t e s un élément très appréciable d'échange, et si, par suite de la baisse des cours, cessant d'être rémunératrice, elle était délaissée, il est probable que les cultivateurs indigènes ne la r e p r e n d r a i e n t p a s . Nous avons d e m a n d é à M. le Ministre des < olonies d'insister auprès de ses collègues des finances, de l'agriculture, de l'inté­ rieur et du commerce pour que le décret précité soit r a p p o r t é dans l'intérêt de l'Indochine, c o m m e ne répondant plus à une nécessité de la défense n a t i o n a l e . I). Exceptions aux décrets de prohibition. -— La Société française des charbonnages du Tonkin nous a demande'; de signaler à M. le Ministre des colonies la necessiti' d'approvisionner les entreprises minières de; l'Indochine en dynamite;. Quelques sociélés du Tonkin possèdent des stocks le;ur p e r m e t t a n t de continuel' leur exploita­ tion p e n d a n t quelque temps encore, mais si l'interdiction prononcée par- b' décret du '? I juillet se prolongeait, elles seraient forcées ite suspendre lemrs t r a v a u x et eie licencier leurs chantiers, eu; e|ui pxéjudicierail, non seulement à leur propre industrie, mais aux flottes alliées, a u x services publics du protectorat, a u x compagnies de navigation, à la colonie t o u t entière, E. Atténuation

de droits d'entrée en Indochine.

En l'état ai'tuel,

l'exécution de t r a v a u x neufs très importants ne semble pas devoir être décidée par le; Gouvernernenl. Quand les circonstances seront différentes, les t r a v a u x commenceront sans doute par des terrasse­ m e n t s et des maçonneries; les éléments métalliepues (pemts et char­ pentes métalliques, matériel, etc.) n ' i n t e r v i e n d r o n t q u ' e n s u i t e , abstraction faite de; l'outillage des chantiers. Quelle sera, à c e m o m e n t , la situation de l'industrie nationale;? Il nous a semblé qu'il était o p p o r t u n d ' e x a m i n e r s'il ne serait pas équitable d'accor­ der, le m o m e n t , venu, l ' a t t é n u a t i o n des droits de d o u a n e sur les


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m a t é r i a u x et l'outillage destinés a u x t r a v a u x en cours et aux entre­ prises projetées, dans le cas où il serait impossible de se les procu­ rer dans la Métropole à des conditions normales. Cette a t t é n u a t i o n de droits serait déterminée de telle sorte que la charge résultant de la situation créée p a r la guerre fût partagée é q u i t a b l e m e n t entre la colonie et les entreprises. F. Prorogation des crédits d'exportation. — Aux termes de la loi du 31 décembre 1909, les poivres de l'Indochine française ne sont admis au régime de la d é t a x e à leur entrée en F r a n c e q u e j u s q u ' à concurrence d ' u n crédit annuel fixé par décret tous les trois a n s . Or, la guerre a eu pour r é s u l t a t inévitable d'entraver l'exportation de ces poivres de telle sorte que le crédit prévu ne pourra être épuisé dans le délai réglementaire. Il conviendrait de proroger j u s q u ' à la fin de 1915 le délai d'ex­ p o r t a t i o n des poivres contingentés de la récolte de 1914. G. Introduction en franchise des huiles lourdes de pétrole et de houille destinées à l'alimentation des moteurs à combustion. — Au cours de sa réunion du 14 décembre, n o t r e section a examiné la question de l'introduction en franchise des huiles louides en Indochine. Les huiles minérales de t o u t e s espèces y sont frappées d'un droit de 4 francs p a r 100 kilogs. A ce droit de d o u a n e s'ajoute m ê m ^ u n droit de c o n s o m m a t i o n de 6 francs par 100kilogs,lequel ne s'applique q u ' a u x huiles destinées à l'éclairage. Mais le droit de 4 francs frappe les résidus de l ' é p u r a t i o n du pétrole. Or, ces produits sont devenus, dans le m o n d e entier, l'objet d'une utilisation considérable puisqu'ils servent à alimenter les m o t e u r s à pétrole inventés depuis quelques années. Le tarif de 40 francs la t o n n e sur ces résidus est un tarif a b s o l u m e n t prohibitif, il arrive f r é q u e m m e n t que, seul, le m o t e u r à pétrole puisse être employé, particulièrement au Laos, au Cambodge et en Annam, p a r t o u t où le c h a r b o n ne p e u t être t r a n s ­ porté ou l'est difficilement. D ' a u t r e part, l'emploi d'un m o t e u r à v a p e u r nécessite des frais considérables; il exige aussi une adduc­ tion d'eau i m p o r t a n t e pour les chaudières et le condenseur, t o u t e s choses souvent rares dans la brousse. Au contraire, le m o t e u r à pétrole, b e a u c o u p moins cher, plus mobile, suffisant a u x besoins de force modestes, serait d'un emploi e x t r ê m e m e n t a v a n t a g e u x pour les planteurs, pour les colons, pour les c o m m e r ç a n t s isolés. Or, la


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tarification actuelle n'en p e r m e t pas l'usage. D ' a u t r e part, la suppression du droit ne serait pas pour le b u d g e t une cause de diminution de iecettes puisque, dans l'état actuel, aucune q u a n t i t é d'huile lourde de pétrole n ' e n t r e dans nos possessions d ' E x t r ê m e Orient. Nous ajoutons qu'il serait possible, à la rigueur, de frapper cette matière d'un léger droit, sans en réduire sensiblement l'impor­ t a t i o n ; ce serait pour l'administration l'occasion d'une perception qui, si faible fût-elle, ne se produirait pas sans cela. Le Gouverne m e n t général de l'Indochine a été saisi de c e t t e question en 1900. La fin de non recevoir q u e la direction des douanes a opposée alors é t a i t motivée par le souci de protéger les charbonnages de l'Indo­ chine et par la crainte de voir étendre à d ' a u t r e s produits considérés c o m m e huiles lourdes la mesure sollicitée. Cette appréciation ne p a r a î t pas exacte, car, d ' u n e p a r t , les charbonnages de l'Indochine n ' o n t pas, à n o t r e connaissance, élevé de protestations à ce sujet; il semble bien d'ailleurs que les huiles lourdes d o n t il s'agit seraient employées par une clientèle t o u t à fait différente de la leur; et, d ' a u t r e p a r t , au point de v u e fiscal, aucune objection ne p e u t être v a l a b l e m e n t opposée, puisque, seul, l'état de choses q u e nous préco­ nisons p e r m e t t r a i t l'entrée d'une m a t i è r e qui, p r é s e n t e m e n t , est exclue par un tarif prohibitif; enfin, q u a n t à la confusion possible des huiles à destination spéciale q u e nous visons, avec d'autres pro­ duits similaires, la crainte de la direction des douanes n'est certai­ n e m e n t pas justifiée; t o u t e confusion est impossible en présence de n o t r e spécification spéciale; c'est une simple question de contrôle. P o u r foutes ces raisons, nous avons d e m a n d é à M. le Ministre des colonies d'intervenir auprès du Gouverneur général afin que celui-ci se m o n t r e favorable au d é g r è v e m e n t des huiles lourdes de pétrole et de houille destinées à l'alimentation des moteurs à combustion. Cette d e m a n d e intéresse tout, à la fois l'administration et le c o m m e r c e ; nous avons l'espoir que, mieux étudiée, clic recevra cette fois u n accueil favorable. H. Suppression des droits de transit sur les marchandises à destina­ tion du Laos siamois ; le Laos français mis en zone franche. — Le 7 janvier 1913, n o t r e section a examiné c e t t e question dont l'Union coloniale a saisi M. le Ministre des colonies le 11 mars 1913.


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Le Laos est soumis, comme le reste de l'Indochine, au tarif métropolitain à l'importation des produits étrangers et, d ' a u t r e part, les marchandises étrangères qui e m p r u n t e n t le territoire de la colonie doivent acquitter des droits de t r a n s i t fixés à 20 % des droits de d o u a n e (1). Or, il se t r o u v e q u e le Laos français importe peu de chose pour son propre compte, mais constitue, grâce au Mékong, la voie la plus facile et la plus courte vers le Laos siamois; il est donc de t o u t e évidence que cette voie devrait être laissée libre, afin q u ' u n c o u r a n t commercial vers les pays de la rive droite du Mékong puisse s'établir p a r notre colonie, y a p p o r t a n t un peu.de vie économique et d o n n a n t ainsi quelque réalité à l'influence que les traités nous o n t reconnue dans la zone limitrophe. Cet é t a t de choses n o u v e a u a u r a i t d'incontestables avantages pour les populations du Laos siamois, lesquelles auraient à supporter des frais de t r a n s p o r t moitié moindres par la voie française du fleuve que par la r o u t e siamoise. D ' a u t r e p a r t , le p o r t de Saigon et la navigation fluviale indochinoise y t r o u v e r a i e n t de n o u v e a u x éléments de trafic; les marchandises françaises, s u i v a n t b i e n t ô t le pavillon national, ne t a r d e r a i e n t pas à bénéficier d ' i m p o r t a n t s débouchés; les finances de l'Indochine n ' y perdraient rien, puisque, d'un côté, la législation douanière joue très i m p a r f a i t e m e n t au Laos et que, de l'autre, l'élévation des droits de t r a n s i t fait que ceux-ci ne s'appliquent à aucune marchandise. Avec l'abolition de ces droits et la constitution en zone franche des territoires du Laos français, au contraire, on p e r m e t t r a i t a u commerce national de lutter à armes égales contre la concurrence étrangère. En Indochine, les corps élus o n t émis des v œ u x dans le sens de la réforme d o n t il s'agit. Le conseil du G o u v e r n e m e n t consulté, a donné u n avis favorable, à la suite d ' u n r a p p o r t dans le m ê m e sens de l'administration. Le G o u v e r n e m e n t général y a donné son adhésion. Aussi bien, le Ministre des colonies n ' a t -il pas hésité à préparer à la fois et u n projet de décret p o r t a n t suppression des droits de t r a n s i t en Indochine, et un projet de loi t e n d a n t à modifier

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' I Ces droits, fixés a 2 0 % dos droits du tarif g é n é r a l , é q u i v a l e n t a 6 % de 'a v a l e u r de la marchandise; soit le d o u b l e e x a c t e m e n t du droit perçu par la d o u a n e siamoise à B a n g k o k , lequel est de :i % ad valorem. LES

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le régime douanier du Laos pour l'organisation de son territoire en zone franche pour les droits à l'importation. Ce projet de loi a été déposé sur le b u r e a u de la C h a m b r e des députés le 6 mai 1913 et renvoyé à la commission des douanes. Le Ministre des colonies, pour ne pas r e t a r d e r une mesure d o n t il a recomju l'incontestable utilité, et sans a t t e n d r e le v o t e de la loi, a préparé u n projet de décret actuellement soumis au Conseil d ' É t a t . Il serait intéressant que la solution fut hâtée. L Suppression des droits de transit sur les marchandises â desti­ nation du Yunnan. — Notre section n'a pas méconnu la valeur des objections é'evées contre cette mesure. Les unes, formulées par l'administration, sont d'ordre.fiscal, les a u t r e s é m a n e n t d'indus­ triels locaux. Quelques-uns de nos collègues o n t pensé que la protection accor­ dée a u x cotons fabriqués en Indochine ne devait pas avoir d'influence sur le commerce t o u t entier. Sous le bénéfice d e cette observation nous croyons q u e le G o u v e r n e m e n t général et les filateurs ne se m o n t r e r a i e n t pas hostiles à u n r e m a n i e m e n t équitable des droits actuels lorsque la question sera examinée p a r eux dans son ensemble. Il est d'ailleurs probable que le G o u v e r n e m e n t ne t a r d e r a i t pas à récupérer ce qu'il p e r d r a i t par c e t t e suppression au moyen de la majoration qui en résulterait de sa participation a u x bénéfices du chemin de fer. ./. De l'application en Indochine des conventions commerciales à conclure par la Métropole avec les pays étrangers. Les désirs de l'Indochine se s o n t maintes fois affirmés sur ce sujet; il lui p a r a î t indispensable q u e t o u t e s les fois q u e la F r a n c e conclut avec une puissance étrangère une convention commerciale, le sort fait à ses colonies soit réservé, ou t o u t au moins suspendu pendant un délai suffisamment long. P e n d a n t ce t e m p s , c h a q u e colonie pourra, dans les conditions et formes habituelles, proposer à la Métropole un projet particulier, c o m p o r t a n t des concessions et des a v a n t a g e s spéciaux et réciproques pour les parties en cause. Les négociations seront menées par le G o u v e r n e m e n t français, qui sera habilité à conclure la c o n v e n t i o n . Les raisons pratiques de c e t t e manière de procéder s o n t si évi­ dentes qu'il ne nous p a r a î t pas utile de les développer-


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II. — Transports Maritimes E n ce qui concerne la France, le développement de notre marine m a r c h a n d e est la condition du progrès de n o t r e industrie et de n o t r e commerce a u x colonies, p a r la raison bien simple que le fait de confier des marchandises d ' e x p o r t a t i o n à des pavillons étrangers t e n d à favoriser des nations concurrentes. Il est également hors de doute que, seules, des lignes régulières créent des r a p p o r t s p e r m a ­ nents entre les producteurs et la clientèle. Il ne nous a p p a r t i e n t pas d'indiquer ici les modifications à a p p o r t e r à la loi de 1906 et à celles qui concernent la caisse de prévoyance, les pensions et demi-soldes des inscrits, la sécurité de la navigation et la réglementation du travail à bord des navires, au régime disciplinaire des inscrits, à la répression de l'alcoolisme, à la fixation des droits de quai, e t c . . Il est clair que t o u t e la législation actuelle, inspirée s o u v e n t de considérations étrangères au bien de la marine commerciale, fait peser sur l ' a r m e m e n t des charges t r o p lourdes et qui placent nos compagnies de navigation et nos a r m a t e u r s dans une position d'infé­ riorité. Il est certain que l'échelle des prix de fret est influencée et comme conditionnée par cet ensemble de dispositions et que le remaniement, dans un esprit d'équité éclairé, des lois et règlements auxquels nous faisons allusion, sera nécessaire pour qu'il soit t e n u compte, dans la mesure convenable, des desiderata qui ont. été exprimés au cours de nos réunions. Nous savons, Monsieur le Prési­ dent, que vous avez fait d e v a n t la Commission Consultative u n e amp!e c o m m u n i c a t i o n à cet égard. Aussi bien, nous bornerons-nous i vous signaler une mesure urgente d o n t l'adoption donnerait, provisoirement t o u t au moins, satisfaction a u x r e p r é s e n t a n t s des intérêts Français en Indochine. Depuis le début de la guerre et à raison de la pénurie du trafic, la Compagnie des Messageries Maritimes a m a i n t e n u son service de p a q u e b o t s sur Saigon et l ' E x t r ê m e - O r i e n t , mais le service de v a p e u r s m i x t e s n ' a plus été assuré q u ' u n e fois p a r mois et a l t e r n a ­ t i v e m e n t p a r les v a p e u r s des d e u x compagnies (Messageries Mari­ times et Chargeurs Réunis). II est incontestable que c e t t e organisation p o u r laquelle l ' É t a t n ' e s t i n t e r v e n u , en ce qui concerne la Compagnie des Chargeurs


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Réunis, que p o u r la c o u v e r t u r e des risques de guerre, est insuffi­ s a n t e . La Compagnie des Chargeurs Réunis devrait, de concert avec les Messageries, assurer p e n d a n t le t e m p s de guerre, c o m m e elles le faisaient a u p a r a v a n t , u n double service mensuel de v a p e u r s mixtes sur Saigon et H a ï p h o n g c o n c u r r e m m e n t avec le service des p a q u e b o t s (Messageries Maritimes) de t o u t e s les d e u x semaines t o u c h a n t à Saigon, de manière que ce p o r t soit desservi c h a q u e semaine et H a ï p h o n g c h a q u e quinzaine:. La Compagnie des Chargeurs Réunis ne d e m a n d e r a i t à l ' É t a t q u ' u n e assistance réduite, mais elle déclare que celle-ci lui est indispensable. Elle propose d'effectuer les services sans bénéfice industriel; elle établirait un c o m p t e de recettes, la différence serait s u p p o r t é e p a r l ' É t a t ; si, au contraire, u n bénéfice é t a i t réalisé, le bénéfice serait p a r t a g é entre l ' a d m i n i s t r a t i o n et la c o m p a g n i e . Il s'agirait d'une s u b v e n t i o n à base variable d u r a n t la guerre. La section, sans vouloir se p r o n o n c e r s u r la forme de la combi­ naison financière, a été u n a n i m e à d e m a n d e r que les propositions de la compagnie soient acceptées q u a n t à l'organisation du service. P o u r l'avenir, la p a r t i c i p a t i o n de la F r a n c e au m o u v e m e n t de la navigation de l'Indochine devra appeler t o u t e n o t r e a t t e n t i o n . E n effet, le pavillon allemand se classait au deuxième rang avec 483 uni­ tés et a c c a p a r a i t le commerce m a r i t i m e e n t r e H o n g - K o n g et les p o r t s de nos possessions.

COMMUNICATION PAR MER E N T R E LES D I F F É R E N T S D E L'UNION

PAYS

1ND0CHIN0ISE.

Chacun sait combien les c o m m u n i c a t i o n s p a r m e r e n t r e le Tonkin et l ' A n n a m , l ' A n n a m et la Cochinchine s o n t difficiles; à p a r t les rares services des lignes des Messageries Maritimes et des Chargeurs Réunis, qui ne t o u c h e n t q u ' a u x p o r t s i m p o r t a n t s à d a t e s espacées, rien n e p e r m e t les relations de ces p a y s , entre eux, alors c e p e n d a n t que les communications p a r voie de terre s o n t c o m m e r c i a l e m e n t impraticables. Il serait à désirer que cette question a t t i r â t l'attention bienveil­ lante de la Commission.


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DES RÈGLES APPLICABLES AU TRANSPORT EN DROITURE Les circonstances actuelles d o n n e n t u n e urgence t o u t e p a r t i c u ­ lière à c e t t e question ; il nous p a r a î t utile de r a p p e l e r ici l'exposé que la F é d é r a t i o n intercoloniale, section de l ' I n d o c h i n e , faisait à ce sujet en juin 1912 au Congrès n a t i o n a l p o u r la défense et le dévelop­ p e m e n t du commerce extérieur, à la C h a m b r e de commerce de Paris. « La loi du 16 mai 1863 s u b o r d o n n e l'application de t o u t régime de faveur au t r a n s p o r t en d r o i t u r e ; elle dispose en son article 2 3 : « Les m o d é r a t i o n s de droits établis en raison des p a y s de p r o v e ­ nance ou de p r o d u c t i o n n e sont applicables que lorsqu'il est justifié que les marchandises o n t été importées en d r o i t u r e des p a y s de p r o v e n a n c e ou de p r o d u c t i o n désignés p a r la loi, et qu'elles y o n t été prises h t e r r e . « La loi n ' a p a s défini, d ' u n e façon précise, ce q u ' e s t le t r a n s p o r t en d r o i t u r e ; l'usage a consacré un certain n o m b r e de règles qui font j u r i s p r u d e n c e ; voici ce q u ' i n d i q u e n t , à ce sujet, les observations préliminaires, article 56 et s u i v a n t s : « P a r t r a n s p o r t direct p a r mer, on entend le t r a n s p o r t effectué p a r u n m ê m e navire, depuis le lieu de d é p a r t j u s q u ' a u lieu de destination, sans escale, ou avec les formalités auxquelles la faculté d'escale est accordée. « Le t r a n s p o r t direct n ' e s t p a s i n t e r r o m p u en cas d'escale dans un p o r t étranger, lorsque les marchandises du régime de faveur n ' o n t p a s q u i t t é le b o r d . « Les compagnies françaises ou étrangères qui exploitent u n e ligne principale de b a t e a u x à v a p e u r , it laquelle se r a t t a c h e n t des lignes secondaires, s o n t autorisées à t r a n s p o r t e r sur les v a p e u r s de la ligne principale les marchandises a p p o r t é e s p a r les b a t e a u x des lignes secondaires : les marchandises ainsi t r a n s p o r t é e s conservent le bénéfice du régime qui leur est applicable d'après leur p r o v e n a n c e primitive. « Cette faveur s'étend a u x services établis e n t r e la F r a n c e , Constantinople, les Échelles du L e v a n t , ainsi q u ' e n t r e la F r a n c e e t les p a y s hors d ' E u r o p e . « Dans tous les cas, il faut que le t r a n s p o r t soit fait sous u n m ô m e pavillon et p a r des navires de la m ê m e c o m p a g n i e ; le v o y a g e


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effectué depuis le p o r t de t r a n s b o r d e m e n t j u s q u ' a u p o r t français de destination doit constituer la p a r t i e principale du v o y a g e t o t a l . « Hors le cas de force majeure, e t sauf les tolérances ci-dessus, t o u t e m a r c h a n d i s e t r a n s b o r d é e , qu'il y a i t eu ou non mise à terre, 'en cours de t r a n s p o r t p a r m e r , est réputée arriver du lieu où le t r a n s b o r d e m e n t a été effectué. « Ces règles très strictes p e u v e n t avoir, dans certains cas, p o u r l'Indochine, d'assez graves i n c o n v é n i e n t s ; p r e n o n s l'exemple de marchandises indochinoises à destination de Madagascar ou de la R é u n i o n ; débarquées à Djibouti, elles p o u r r o n t être réexpédiées sur leur lieu de destination sans perdre le privilège s u b o r d o n n é au t r a n s p o r t en droiture, mais à la condition de continuer leur trajet p a r la m ê m e compagnie (à la condition aussi que le service des douanes n ' i n t e r p r è t e p a s les règlements d'une façon trop restric­ tive). Or, la Compagnie des Messageries Maritimes, qui seule touche à Djibouti, v e n a n t d ' I n d o c h i n e , m e t t r a bien la marchandise à terre dans ce p o r t , niais elle ne p e u t s'engager ferme à la reprendre p a r ses b a t e a u x allant de Marseille à Madagascar et la Méunion, avec escale à Djibouti, parce qu'elle fait généralement au d é p a r t de Marseille le plein, précisément p o u r Madagascar e t la Réunion ; p o u r éviter les risquas d ' u n séjour prolongé à Djibouti, les marchandises, v e n a n t d ' I n d o c h i n e , à desi inalidii de ces d e u x colonies, s o n t obligées, après avoir touché' à Djibouti, de continuer sur Marseille, p o u r être, de là, réexpédiées sur leur lieu de destination finale; c e t t e m a r c h a n d i s e fail donc, en p u r e perte, le voyage d e Djibouti à Mar­ seille et celui de Marseille à Djibouti. (1 en serait différemment si la marchandise, débarquée à Djibouti, p o u v a i t être réexpédiée, foutes précautions [irises contre la fraude, sous pavillon quelconque, sur le lieu de destination, sans avoir perdu son droit au t r a i t e m e n t de faveur. « Voilà u n exemple; en voici un a u t r e . Les marchandises indochinoises à des! inai io h de la Nouvelle-Calédonie, s o n t nécessai­ r e m e n t mises à terre à Singapore e t réembarquées sous pavillon différent; il n'exi«tc p a s de relations directes entre les d e u x colonies françaises ; or, en droit, il n ' y a p a s de d o u t e , les règles de la d r o i t u r e n e sont p a s observées; e t il n ' e s t p a s possible, en l ' é t a t actuel des choses t o u t au moins, qu'elles le puissent ê t r e ; en conséquence, le


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privilège reconnu a u x échanges intercoloniaux p a r l'article 5 de la loi du 11 j a n v i e r 1892, ne jouera j a m a i s d a n s ce cas. « Certes, les agents des douanes s'inspirent généralement, dans un large esprit de tolérance, de la disposition qui édicté que : « pour les lignes,'autres que régulières, les chefs locaux p e u v e n t autoriser les dérogations compatibles avec les intérêts à sauvegarder», mais cela, c'est l'arbitraire, un arbitraire souvent bienveillant, mais instable; les négociants Indochinois désirent un t e x t e qui les mette à l'abri de t o u t e surprise. « 11 semble donc indispensable de réglementer d'une façon plus précise; le t r a n s p o r t en droiture, dans un large esprit de tolérance qui, t o u t en é c a r t a n t les possibilités de fraude, tienne c o m p t e des nécessités commerciales. » Notre section ne p e u t que faire siennes ces propositions.

III. — Correspondance télégraphique Le 19 n o v e m b r e , M. le Ministre du commerce et des postes et télégraphes nous avisait qu'il a v a i t décidé d'autoriser à partir du 20 n o v e m b r e , l'emploi du langage convenu entre la F r a n c e , l'Algérie et la Tunisie, d'une part, et les pays hors d ' E u r o p e desser­ vis par le réseau sous-marin français, d ' a u t r e p a r t . Mais il ajoutait que les communications télégraphiques avec nos colonies de l'Océan Indien et de l'Indochine faisaient l'objet de négociations qui se poursuivaient avec les divers offices étrangers intéressés, n o t a m ­ m e n t avec l'Office anglais. Nous avons insisté pour que ces négo­ ciations aboutissent d a n s le plus bref délai possible. Notre section de l'Indochine a été u n a n i m e à signaler les très graves inconvénients de l'état de choses actuel. E n effet, les Anglais conservent l'usage du langage convenu dans leurs correspondances télégraphiques, ce qui place Hong-Kong et Singapore dans une situation privilégiée vis-à-vis de l'Indochine française pour l'ensemble du commerce et èo particulier pour celui des riz. D ' a u t r e p a r t , la correspondance en clair offre de grands inconvénients à raison de l'indiscrétion loi'ii connue des Annamites qui t r a n s c r i v e n t et p o r t e n t les télé­

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IV. — Ravitaillement de l'Indochine cl de la Métropole

Pour ce qui concerne l'importation en Indochine de nos produits, on p e u t dire que les événements actuels n ' o n t pas troublé profondé­ m e n t les t r a n s a c t i o n s . Malgré les réquisitions, malgré la pénurie de personnel r é s u l t a n t de la mobilisation, les fournisseurs o n t pu exé­ cuter les c o m m a n d e s dans les délais presque n o r m a u x , d'une manière générale, sans hausse excessive. P o u r certains produits cependant, tels que les sucres e t les farines, la hausse a été telle q u e les exportations o n t été arrêtées, mais l'Indochine a p u , très facilement, s'approvisionner sur les marchés d'Extrême-Orient, à H o n g - K o n g principalement. On p e u t donc dire qu'il n ' y a pas eu en Indochine de crise d'approvisionnements, bien que p e n d a n t les mois d ' a o û t e t de septembre il s'y soit produit u n ralentissement m a r q u é de la demande e t que, aujourd'hui encore, les affaires se ressentent de la situation générale. Dès que la reprise des transactions aura lieu, t o u t porte à croire qu'il sera possible de satisfaire a u x demandes, si en France les conditions du travail et des t r a n s p o r t s continuent à s'améliorer. Toutefois, cette prévision p o u r r a i t n'être pas exacte pour une certaine catégorie de produits : nous voulons parler des tissus de coton, fabriqués en grande partie dans les Vosges et dans le Nord. L'industrie du tissage y a é t é t o t a ­ lement arrêtée deprfis la mobilisation. Les faibles quantités que l'on a pu expédier é t a i e n t celles qui, déjà fabriquées à ce m o m e n t , se trouvaient en stock dans les tissages ou les établissements de m a n u ­ tention. Elles v o n t être — si elles ne le sont déjà — épuisées. Il y avait heureusement, lors de la déclaration de la guerre, des stocks très i m p o r t a n t s de c o t o n n a d e s en Indochine. A raison de l'impor­ tance de la consommation, il y a lieu, néanmoins, de se préoccuper sans retard des moyens de reprendre en F r a n c e la fabrication de ces articles. Si l'interruption de la fabrication se prolongeait, l'Indochine pourrait probablement tirer d'Angleterre e t des États-Unis les q u a n ­ tités de cotonnades qui lui seraient nécessaires, mais ce serait là un pis aller.


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Au regard de la Métropole, l'Indochine est u n véritable grenier d'abondance en riz. Le t r a n s p o r t de cette céréale se fait partie p a r les lignes régulières, partie par des v a p e u r s affrétés. La liberté des mers, assurée par les flottes alliées, a permis le t r a n s p o r t de t o u t e s les q u a n t i t é s achetées. L ' É t a t a réquisitionné les arrivages au d é b u t de la guerre. Depuis, il a procédé lui-même, sur place, à quelques a c h a t s . Les stocks entre les mains du commerce, dans les ports français, s o n t larges. Il reste encore à Saigon plu­ sieurs centaines de mille t o n n e s à exporter. Sous ce r a p p o r t , la situation est donc satisfaisante. E n ce qui concerne l'importation austro-allemande, une remar­ que d'ordre général doit être faite t o u t d'abord, à savoir que l'Union indochinoise est soumise au régime douanier de la Mère-Patrie. Cons é q u e m m e n t , l'Indochine n ' i m p o r t e guère que des produits fran­ çais. Les principaux articles austro-allemands qui y étaient intro­ duits étaient les suivants : machines, outils divers, lampes à pétrole, ferblanterie, émaillerie, quincaillerie, tricots à mailles, bonneterie, bas e t chaussettes, produits chimiques, matières colorantes, bis­ cuits. Au sujet de ce dernier objet, nous avons reçu cette c o m m u n i ­ cation d'un m e m b r e de n o t r e section : « La concurrence faite à l'industrie française de la biscuiterie par l'industrie allemande est assez appréciable. E n Indochine, l'importation allemande depuis quelques années a accaparé la consommation des Annamites. Presque t o u t e l'importation des biscuits pour c e t t e clientèle est assurée par H a m b o u r g . Le succès des biscuits allemands est uni­ q u e m e n t dû aux boitages blancs illustrés, qui font passer la qualité inférieure du produit à la faveur du joli a s p e c t de l'enveloppe. Cer­ taines mesures doivent être prises pour modifier c e t t e situation.» La question du développement du commerce général de l'Indo­ chine est liée à celle de la création dans la Métropole d'un grand marché colonial, s u i v a n t des principes qui reçurent l'application q u e l'on sait dans certains pays étrangers. La substitution de n o t r e commerce à celui de nos ennemis est, en effet, subordonnée à une politique économique qu'il a p p a r t i e n t au G o u v e r n e m e n t de prati­ quer résolument, en t e n a n t c o m p t e des leçons d ' u n e expérience sur laquelle il ne nous a p p a r t i e n t pas d'insister a u t r e m e n t .


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V. — Mobilisation du personnel des entreprises privées Dans certaines de nos colonies, le G o u v e r n e m e n t a donné des instructions pour qu'il soil tenu c o m p t e des nécessités économi­ ques. Il serait à propos d'étendre ces sages dispositions à l'Indo­ chine, pour que nos maisons de commerce ne se t r o u v e n t pas dans une fâcheuse infériorité vis-à-vis de leurs concurrents étrangers, à l'heure m ê m e où elles doivent déployer une exceptionnelle acti­ vité. 11 semble que l'on p o u r r a i t constituer au G o u v e r n e m e n t géné­ ral une < ommission qui, comme cela se fait en Afrique Occiden­ tale française, m a i n t i e n d r a i t en fonctions une proportion déter­ minée de directeurs et d'agents principaux.

VI. — Crédit — Avances aux entreprises agricoles Nos possessions -d'Extrême-Orient sont dotées d'un i n s t r u m e n t de crédit gui m o i s donne satisfaction : nous voulons parler de la B a n q u e de l'Indochine. Ce conseil d'administration de la B a n q u e a décidé de reprendre en grande partie les escomptes de papier sur l'Indochine et hi cours de la piastre s'est d'ailleurs, amélioré. D'au­ t r e part, les prévisions en ce bui concerne la production agricole sont favorables et nous autorisent à envisager l'avenir de la colo­ n i e avec un certain optimisme. D'une manière générale, on peut dire ipie les affaires locales n ' o n t pas été affectée-! sensiblementp a r les événements de la guerre. P o u r l'exportation à destination de la Métropole, nous ne doutons pas que la Banque de l'Indochine ne soif disposée à prêter son concours. P e n d a n t la durée de la guerre, il est à prévoir q u e la B a n q u e ne pourra intervenir que dans la limile de ses disponibili!és. Or, celles-ci, en E u r o p e , sont rédui­ tes, d ' u n e p a r t parce qu'elle ne t r o u v e plus a u p i è s de la h a u t e b a n ­ que, obligée elle-même de restreindre ses opérations, les facilités qu'elle a v a i t a v a n t la guerre, et, d ' a u t r e p a r t , parce q u e son p o r t e ­ feuille n'est, pas i m m é d i a t e m e n t réalisable. Si la Commission Con­ s u l t a t i v e envisageait p a r t i c u l i è r e m e n t p o u r l'avenir l'organisation


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du crédit destiné a u x colonies, il semble J u e l'on doive considérer que la F r a n c e aura besoin de la presque t o t a l i t é de ses ressources. Toutefois, dans les milieux financiers, on'préÇume qu'il sera possi­ ble, dans une certaine mesure, d'organiser entre les colonies et la métropole une circulation de c a p i t a u x susceptibles d'assurer la con­ t i n u a t i o n normale des échanges. Il faudra profiter de la période de recueillement qui suivra i m m é d i a t e m e n t la paix p o u r élaborer le p r o g r a m m e de la mise en valeur de n o t r e d o m a i n e colonial et p o u r étudier les moyens d'y acheminer l'épargne. Il n'est pas d o u t e u x que l ' É t a t rie t r o u v e les c a p i t a u x indispensables et il est à espérer que le P a r l e m e n t appliquera alors aux questions coloniales un esprit et des méthodes conformes aux nécessités de l'heure A ce m o m e n t , la question de l'institution du crédit agricole se p e s e r a en Indochine. Deux expériences malheureuses y o n t été faites qui p e r m e t t e n t de c o n d a m n e r les p r ê t s hypothécaires. Nos caisses régionales p o u r r o n t être constituées au m o y e n de c a p i t a u x français et indigène». Le G o u v e r n e m e n t aiderait les caisses s u i v a n t un système inspiré de celui qui est p r a t i q u é dans la Métropole. Une b a n q u e négocierait les effets et les réescompterait à la B a n q u e de l'Indochine. Mais, sans a t t e n d r e que cette institution soit un fait accompli, il y a lieu d ' e x a m i n e r une question d o n t la section a été saisie p a r M. O u t r e y , d é p u t é de la Cochinchine, et des r e p r é s e n t a n t s a u t o r i ­ sés des intérêts français dans la colonie. Le v œ u s u i v a n t présenté d'ailleurs à la Commission Consultative a été a d o p t é p a r n o t r e sec­ tion : « pour p e r m e t t r e d'assurer la conservation et le bon entre­ tien de certaines grandes p l a n t a t i o n s coloniales, la Commission Consultative Coloniale émet le v œ u de voir les b a n q u e s coloniales consentir, avec la g a r a n t i e des colonies intéressées et dans les délais de r e m b o u r s e m e n t aussi réduits que possible, des avances de fonds a u x sociétés agricoles coloniales en actions, d o n t le capital souscrit n ' a pas été e n t i è r e m e n t versé et qui, p a r suite de la situation de la guerre, sont dans l'impossibilité de faire appel aux c a p i t a u x souscrits et non versés p a r les actionnaires des dites sociétés.» , M. Oui rey a reconnu que les b a n q u e s ne p o u v a i e n t e n t r e r dans la voie des p r ê t s hypothécaires à long terme. II .-.'agirait en s o m m e


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d ' u n p r ê t sur récoltes. Le r e p r é s e n t a n t de la B a n q u e de l ' I n d o ­ chine a fait connaître que des pourparlers o n t été engagés e n t r e des personnes qualifiées à cet égard et q u ' u n accord était i n t e r v e n u à la condition que le G o u v e r n e m e n t général d o n n â t sa g a r a n t i e . Ces conférences n ' o n t pas encore été reprises avec le Gouverneur Géné­ ral intérimaire, mais la B a n q u e de l'Indochine reste dans des disposi­ tions favorables sous c e t t e réserve. II a ajouté que la B a n q u e pren­ d r a i t t o u t e s les précautions prescrites p a r ses s t a t u t s . Il a été admis n a t u r e l l e m e n t que l'administration a u r a i t la faculté d ' e x a m i n e r le degré de solvabilité des débiteurs éventuels, d'opérer p a r m i eux une sélection rigoureuse. Enfin, on a estimé qu'il ne serait pas logique de réserver le secours du crédit a u x seules p l a n t a t i o n s d o n t le capital n ' e s t pas e n t i è r e m e n t versé, c'est-à-dire d'exclure celles d o n t l'effort a été le plus g r a n d et d o n t la solvabilité a été le mieux établie p a r le v e r s e m e n t i n t é g r a l ; il a donc été décidé qu'il n ' y a v a i t pas lieu de distinguer, dans le v œ u d o n t le t e x t e figure plus h a u t , entre les diverses p l a n t a t i o n s . Sous bénéfice de ces observa­ tions le t e x t e de M. O u t r e y a été a d o p t é et j ' a i été prié de vous le transmettre. 0 VII. — Réforme foncière La section s'est occupée du projet de réforme du régime foncier de l'Indochine q u ' é t u d i e une commission au ministère des colo­ nies. Elle en a signalé la h a u t e i m p o r t a n c e . Cette commission a u r a i t terminé son r a p p o r t et, les hommes les plus c o m p é t e n t s en ces matières n ' o n t p a s été consultés. Lorsqu'il s'est agi d'insti­ t u e r le régime foncier de l'Afrique Occidentale, M. le Gouverneur Général P o n t y , m i t l'Union Coloniale française en r a p p o r t s avec M. Boudillon, l ' a u t e u r du projet. Notre Union lui p r ê t a u n e colla­ boration à laquelle il a rendu h o m m a g e . Le décret qui est i n t e r v e n u a été le fruit de c e t t e collaboration. P o u r l'Indochine, p o u r q u o i procéder a u t r e m e n t ? L'utilité de faire appel au concours de ceux qui o n t étudié ces questions est d ' a u t a n t plus incontestable qu'elles s o n t en Indochine e x t r ê m e m e n t délicates. Enfin les t r a n s a c t i o n s immobilières et l'immatriculation soulèvent des problèmes de toute sorte


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Si l'on v o u l a i t se rendre c o m p t e des difficultés que présente c e t t e entreprise, il suffirait de se reporter a u x conditions dans lesquelles l ' i m p ô t foncier a été établi en Cochinchine. On ne doit toucher aux institutions traditionnelles des populations a n n a m i t e s q u ' a v e c une extrême p r u d e n c e et q u ' a p r è s s'être rendu c o m p t e de la répercus­ sion que p e u v e n t avoir les innovations dans u n milieu profondé­ m e n t a t t a c h é à ses c o u t u m e s . Nous avons d e m a n d é à M. le Minis­ t r e des colonies que n o t r e section et le comité de jurisconsultes de l'Union soient appelés à d o n n e r leur avis sur la réforme foncière préparée p a r la commission instituée au ministère des colonies.

VIII. — Travaux publics : Hydraulique agricole, chemins de fer, ports, exploitation. Dans les conjonctures actuelles, il ne saurait être question d'en­ treprendre l'achèvement du p r o g r a m m e des grands t r a v a u x néces­ saires à la mise en valeur de la colonie. e r

E n dehors des t r a v a u x inscrits à l'article 1 de la loi du 26 décem­ bre 1912, il est prévu q u ' u n e somme de 3.400.000 francs pourra être affectée, sur les fonds de l ' e m p r u n t de 90 millions, à des études de voies ferrées, d'irrigation et de t r a v a u x hydrauliques, de routes et de ports en Indochine. Un décret du 7 janvier 1914 a mis à la disposition du Gouvernement général de l'Indochine une somme de 2.700.000 francs pour entreprendre, dans les limites de cette alloca­ tion, les études prévues par la loi d ' e m p r u n t . Nous estimons que le G o u v e r n e m e n t général devrait profiter du ralentissement de l'activité économique de la colonie pour m e t t r e au point les questions relatives au tracé de la ligne de Saigon vers B a t t a m b a n g et l'achèvement transindochinois, le m o d e d'exécution de ces t r a v a u x ; celle que soulève l'étude des moyens de récupérer les frais d'établissement des t r a v a u x d'irrigation, e t c . . E n ce qui concerne spécialement l'exploitation des chemins de fer existants, il y aura lieu c e r t a i n e m e n t après la guerre d'étudier les modifications à a p p o r t e r à la réglementation actuelle, e m p r u n t é e à la Métropole et qui s'adapte mal a u x conditions particulières du milieu indochinois.


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IX. — Recherche de débouehés nouveaux et des procédés propres à amener la substitution des entreprises françaises aux entreprises des ressortissants des pays ennemis. E n ce qui concerne cette partie du p r o g r a m m e de la Commission Consultative, la section n'a pas cru pouvoir formuler une théorie générale ni poser l'ensemble de principe. E n effet, il ne peut s'agir pratiquement que de questions d'espèce. Il convient de laisser au temps, aux circonstances, aux combinaisons diverses de l'activité économique le soin de suggérer les procédés et les mesures propres à permettre a u x entreprises françaises de prendre la place que le commerce austro-allemand a v a i t progressivement conquise. Pour y arriver, il faut t o u t d'abord assurer le libre jeu de l'initiative privée, établir entre elle et les Pouvoirs publics une collaboration bienveillante et active. Les Français de l'Indochine ont, à l'heure qu'il est, moins besoin de réformes législatives q u e d'une assistance énergique et c o n s t a n t e du G o u v e r n e m e n t . Au fur et à mesure que naissent les questions, il faudrait, grâce à cette collaboration dili­ gente, ^es résoudre sur le c h a m p . E t q u a n d nos négociants et nos industriels, groupés c o m m e ils le sont dans notre Union, s a u r o n t que les questions qu'ils soulèvent sont étudiées et résolues suivant des méthodes appropriées, ils seront naturellement conduits à S enhardir et à multiplier leurs initiatives. Ce sont les incidents de la vie m ê m e des entreprises coloniales qui susciteront les questions ' d o n t la solution amènera la reprise progressive du terrain gagné par nos e n n e m i s . La section a insisté sur ce fait que, pour atteindre le but poursuivi, la disparition du commerce allemand et, d'une façon générale, le développement, d u commerce français, il faut se défier du mirage du remaniement de notre tarif douanier et. de l'influence des dispositions législatives. C'est s u r t o u t sur l'initiative privée, aidée par une a d m i n i s t r a t i o n vigilante, a y a n t le souci de ses res­ ponsabilités et débarrassée de ses préjugés anciens, qu'il faut c o m p t e r pour accomplir les desseins du G o u v e r n e m e n t et restituer a u commerce national la place qu'il, n ' a u r a i t j a m a i s dû perdre.


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X. — Questions d'ordre général : Pouvoirs des Gouverneurs, impôt*, statuts des indigènes A. — La forme de la législation coloniale est très discutée par les légistes. Les pouvoirs des Gouverneurs et des Gouverneurs généraux ne s o n t pas toujours exactement définis. P a r t o u t où il existe des corps élus, des difficultés spéciales se sont élevées et multipliées et de n o m b r e u x conflits o n t été déférés a u x plus h a u t e s juridictions. L'organisation actuelle offre incontestablement un certain nombre d'inconvénients, qui a p p o r t e n t souvent un sérieux obstacle a u x mesures les plus utiles. B . — Une seconde question est celle des impôts. Il en est peu qui ait donné lieu à plus de controverses et de procès. On p e u t dire sans exagération qu'il n ' y a pas a u x colonies u n seul i m p ô t d o n t la légalité n ' a i t été ou ne puisse être contestée avec de sérieuses apparences, e t plusieurs l'ont été avec succès. Spécialement, les droits de douane, e t à côté d'eux les droits auxquels on a pu a t t r i b u e r a t o r t ou a raison un caractère douanier, tel que l'octroi de m e r ou le droit de consommation, sont une perpétuelle matière à discussion, ce qui n ' a rien de s u r p r e n a n t si on se rappelle que le lien douanier est le plus essentiel de ceux qui r a t t a c h e n t les colonies à la Métropole, et q u e la r u p t u r e de ce lien, historiquement et logiquement, a tou­ jours été la première étape des colonies sur le chemin de l'indépen­ dance. A cet égard, il faut reconnaître q u e la définition des droits de douane, lorsqu'elle est sujette à interprétation, n ' a reçu de la jurisprudence q u e des formules variables e t contestées. C. — La question des droits et des s t a t u t s des indigènes est égale­ m e n t de celles q u ' o n voit le plus s o u v e n t reparaître dans les textes législatifs c o m m e dans les arrêts. Elle a été l'objet de polémiques regrettables, d o n t nous tenons à nous abstenir ne v o u l a n t nous placer que sur le terrain s t r i c t e m e n t juridique. Si t o u t le m o n d e est d'accord pour respecter les droits des indigènes, il est arrivé fréquemment que ces droits ne sont pas compris, et qu'on leur a t t r i b u e une forme ° u une expression européenne qui les d é n a t u r e . La détermina­ tion en est délicate et difficile, e t p o u r t a n t elle est essentielle


288

R A P P O R T S

D E

L ' U N I O N

si on ne v e u t pas s'exposer erreurs.

C O L O N I A L E

F R A N Ç A I S E

à consacrer des injustices et des-

Notre section et le comité de jurisconsultes de l'Union Coloniale, présidé par un h o m m e éminent, M. Darestc, considéreraient comme un devoir de prêter leur concours à la commission qui pourraitêtre formée dans le b u t d'étudier les trois problèmes ci-dessus. Bien qu'ils aient une portée générale, nous avons cru devoir les retenir et les mentionner parce qu'ils englobent l'Indochine, où se posent t a n t de questions s'y r a t t a c h a n t . Nous ajoutons qu'après la guerre l'importance en sera encore accrue. Le Président

de la Section de METTETAI..

l'Indochine,


18 Mai 1910.

Monsieur

le Ministre

des affaires étrangères,

Paris.

Monsieur le Ministre, Nous avons l'honneur d'appeler v o t r e h a u t e a t t e n t i o n sur les graves conséquences q u ' e n t r a î n e r a i t l'application du tarif m i n i m u m a u x produits originaires du J a p o n à leur entrée en Indochine. E n 1911, le tarif m i n i m u m a été accordé a u x i m p o r t a t i o n s j a p o ­ naises en F r a n c e : il n ' y a v a i t pas de danger à le faire, mais il en v a t o u t a u t r e m e n t lorsqu'il s'agit de l'Indochine. E n effet, le tarif m i n i m u m placerait le J a p o n dans une situation telle que la concur­ rence des a u t r e s pays serait impossible. La m o y e n n e des frets du J a p o n pour l'Indochine est infime comparée à la m o y e n n e des frets d ' E u r o p e pour nos possessions d ' E x t r ê m e - O r i e n t . E n o u t r e , le bas prix de la m a i n - d ' œ u v r e , la protection indirecte de l'État, les ristournes consenties par les ( ompagnies de navigation subven­ tionnées par le G o u v e r n e m e n t , les différences du change sont les principaux éléments qui c r é e n t la situation privilégiée du J a p o n . C'est d'ailleurs cet ensemble d ' a v a n t a g e s qui a permis a u x filatures et tissages du J a p o n de porter, d'après la statistique officielle de l'India Office Whitehall de Londres, dans l'Inde b r i t a n n i q u e , ses i m p o r t a t i o n s de 7.888.629 francs en 1909-1910 à 20.483.130 francs en 1913-1914. Ce r é s u l t a t a été o b t e n u malgré un double t r a n s p o r t sur la matière p r e m i è r e et sur la m a t i è r e f a b r i q u é e . Il est donc hors de d o u t e q u e le tarif m i n i m u m évincerait du m a r c h é indochinois les marchandises françaises. Son application a u r a i t une a u t r e conséquence : elle briserait l'effort industriel si intéressant que nos c o m p a t r i o t e s y o n t déployé et auquel nous avons associé les A n n a m i t e s . Aussi bien l'annonce de l'extension a l'Indochine du tarif m i n i m u m y a-t-elle p r o d u i t u n e très vive émotion qui a eu son contre-coup dans la Métropole. L'Association LES

COLONIES

ET l a

DÉPENSE

NATIONALE

[',1


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R A P P O R T S

D E

L ' U N I O N

C O L O N I A L E

F R A N Ç A I S E

de l'industrie e t de l'agriculture française l'a t r a d u i t e dans u n e lettre adressée le 28 avril à M. le Ministre du commerce. Le Président de c e t t e g r a n d e association, M. le sénateur Touron, s'y est exprimé en ces t e r m e s : « Nos p r o d u c t e u r s n e m a n q u e r a i e n t p a s d'être péni­ blement surpris q u e ce soit précisément à l'heure où ils sont e n t r a v é s dans leur activité p a r des difficultés de t o u s ordres q u ' u n e concur­ rence des plus redoutables puisse leur être suscitée sur un m a r c h é qu'ils sont en droit de considérer c o m m e un débouché national.» Après la C h a m b r e de commerce de Saigon, n o t a m m e n t , n o t r e section de l'Indochine a été unanime à signaler avec force le danger de la mesure douanière d o n t il s'agit aussi bien du point de v u e économique que du point de v u e de l'avenir de n o t r e domination elle-même. Après la guerre, alors q u e n o t r e production cotonnière sera accrue p a r l'apport des filatures et tissages de l'Alsace, il serait particulièrement dur de fermer à l'industrie nationale le marché indochinois qui r e p r é s e n t e p o u r elle u n e valeur de plus de 85 mil­ lions. D ' a u t r e part, les Français qui, à l'abri de la législation doua­ nière actuelle, o n t établi des filatures e t tissages, des cimenteries, des fabriques d'allumettes, des huileries e t savonneries, v e r r a i e n t leurs entreprises ruinées. Enfin, les industries indigènes (éventails, objets en laque, fabriques de papier, tissages, teintureries, poteries, tanneries) subiraient le m ê m e sort. Jusqu'ici, t o u t a u moins, n o u s ignorons les raisons décisives de l'extension douanière d o n t il s'agit, mais ce q u e n o u s savons bien c'est q u e , réalisée, elle marquerait le point de; d é p a r t de la c o n q u ê t e économique de n o t r e Indochine pour le J a p o n , conquête doublée d'une i m m i g r a t i o n d o n t la progression n e t a r d e r a i t p a s à poser de r e d o u t a b l e s problèmes. Vous avez c e r t a i n e m e n t , Monsieur le Ministre, mesuré les conséquences de l'état de choses qui résulterait de c e t t e p r é d o m i n a n c e économique. C'est pourquoi n o u s avons la confiance q u e v o u s t i e n d r e z c o m p t e des considérations q u e nous devions vous s o u m e t t r e , nous r é s e r v a n t d'ailleurs de vous entretenir plus en détail de la question qui m o t i v e c e t t e l e t t r e . Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'assurance de nos senti­ m e n t s de h a u t e et respectueuse considération. Le Président, .1.

C H A R L E S - R O U X .


25 Mai 1915.

Monsieur le Sous-Secrétaire marchande, Paris.

d'Etat

de la

marine

Monsieur le Ministre, Au cours de sa réunion du 11 mai, n o t r e section de l'Indochine a longuement examiné la situation qui serait créée à n o t r e Indochine p a r suite de la cessation en 1916 de la ligne de la Compagnie des Chargeurs Réunis. — A l'unanimité, les m e m b r e s de la section nous o n t chargé d'appeler avec force v o t r e h a u t e a t t e n t i o n sur la nécessité absolue de maintenir ce service en considérant la c o m m u ­ n a u t é d ' i n t é r ê t de la F r a n c e et de nos possessions d ' E x t r ê m e - O r i e n t . La Compagnie des Chargeurs Réunis exploite, depuis l'année 1902, e n t r e la Métropole e t l'Indochine, une l i g n e de navigation se c o m ­ b i n a n t avec le service q u e la Compagnie des Messageries Maritimes exploite elfe-même dans la m ê m e direction.

Cette

l i g n e a pour élément de r e c e t t e s

lestoansports du départe­

ment des colonies et c e u x du c o m m e r c e : les v a p e u r s qui y sont affectés reçoivent les primes de navigation prévues par la loi de 1902. Or, a partir du c o m m e n c e m e n t de 1916, ces m ê m e s navires n ' a u r o n t plus droit a u x primes de n a v i g a t i o n ; si cet ('dément de r e c e t t e s n ' é t a i t p a s remplacé, l'exploitation de la ligne deviendrait financièrement impossible. L ' é v e n t u a l i t é de la cessation du service effectué actuellement par la c o m p a g n i e a é t é prévue dans le cahier des charges relatif à l'exploitation des services maritimes concédés à la «Compagnie des Messageries Maritimes» par la loi du 30 décembre. «Si la Compagnie des Chargeurs, dit l'article 59 du cahier des charges, cesse d'exécuter le service commercial qu'elle assure actuellement e n t r e la Métropole et l'Indochine, ce service doit être exécuté par


292

RAPPORTS

DE L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

la Compagnie des Messageries Maritimes sur un simple préavis de six mois à elle donné p a r le Ministre sur avis conforme du Ministre des finances, e t ce, m o y e n n a n t u n e allocation à fixer à ce m o m e n t , d'accord e n t r e le Ministre et la compagnie. Le m o n t a n t de c e t t e allocation n e p o u r r a i t être supérieur à 0,97 p a r 1.000 milles marins parcourus e t par t o n n e a u de j a u g e b r u t t o t a l de c h a q u e n a v i r e affecté a u service, le chiffre m a x i m u m sur lequel p o r t e r a le calcul é t a n t pour la. j a u g e de 7.000 t o n n e a u x et pour la dis­ t a n c e , celle de Marseille à H a ï p h o n g et r e t o u r » . e r

Ces m ê m e s dispositions sont rappelées à l'article 1 du cahier des conditions particulières (24 avril 1912) v i s a n t l'exécution des t r a n s p o r t s du Ministère des colonies par les deux compagnies. D ' a u t r e p a r t , enfin, l'article 59 du cahier des charges réserve à l'administration le droit d'exiger de la Compagnie des Messa­ geries Maritimes, à partir du 1 j a n v i e r 1916, la s u b s t i t u t i o n au service dit « service commercial» d'une deuxième ligne de p a q u e b o t s e n t r e Marseille e t H a ï p h o n g , e x a c t e m e n t semblable à la ligne mensuelle qui fait l'objet de l'article 1 du cahier des (barges. e r

e r

Les conditions de la création d'une deuxième ligne de p a q u e b o t s r e s t e n t à déterminer ; il est certain q u e ces conditions n e p o u r r a i e n t pas être inférieures à celles q u i o n t été p r é v u e s au c o n t r a t pour l'établissement d'une première ligne de p a q u e b o t s . La Compagnie des Chargeurs Réunis, p r é v o y a n t la création d'une deuxième ligne de p a q u e b o t s , dès la tin de 1915, alors q u e la p r e ­ mière n'a pu encore fonctionner, est entrée en négociation à la fin. de 1913, avec v o t r e a d m i n i s t r a t i o n pour obtenir q u e son service soit m a i n t e n u p e n d a n t quelques années encore. lille songeait à effectuer, de concert avec c e t t e compagnie, des d é p a r t s t o u s les q u a t o r z e jours m o y e n n a n t l ' a t t r i b u t i o n des allo­ cations p r é v u e s à l'article 59 du cahier des charges, soit 0,97 p a r 1.000 milles marins p a r c o u r u s . La c o m p a g n i e d e m a n d a i t a t r a i t e r sur ces bases pour q u a t r e années seulement à dater du I janvier 1916, ce qui p e r m e t t a i t à l'administration de n'envisager q u e plus fard, c'est-à-dire à u n e époque plus o p p o r t u n e et lorsque les besoins de la colonie justifiee r


INDOCHINE

293

r a i e n t un sacrifice plus étendu, la s u b s t i t u t i o n d'une deuxième ligne de p a q u e b o t s au service commercial. Il est à retenir, en effet, que, t a n d i s q u e la création d'un deuxième service de p a q u e b o t s établi sur les bases du premier, c o û t e r a i t à l'État, frais de canal compris 3.208.023 francs, l'allocation d e m a n d é e pour le maintien de la ligne commerciale ne s'élèverait a n n u e l l e m e n t q u ' à 1 mil­ lion 245.518 francs. Vous avez bien voulu (25 avril) r é p o n d r e à la Compagnie des Chargeurs qu'il n e v o u s paraissait pas possible d'envisager en ce m o m e n t une a u g m e n t a t i o n des subventions q u e paie déjà l'État en v u e d'assurer des c o m m u n i c a t i o n s satisfaisantes e n t r e la Métropole et ses colonies indochinoises. Vous avez ajouté que, « peut-être, c o m m e il s'agissait dans la circonstance des intérêts coloniaux, le ministère des colonies pourrait, par un a r r a n g e m e n t , faciliter l'exploitation de la ligne» et q u e vous alliez lui en « suggérer l'idée». La question du maintien, à partir de 1916, de la ligne des Char­ geurs Réunis sur l'Indochine est donc o u v e r t e et n o t r e devoir est de signaler à v o t r e h a u t e a t t e n t i o n l'intérêt capital qu'elle offre pour nos possessions d ' E x t r ê m e - O r i e n t . Si v o u s n'aviez pas s t a t u é a v a n t la fin de l'année dans le sens des propositions qui vous o n t été soumises, la ligne d o n t il s'agit serait supprimée alors qu'elle serait plus indispensable q u e jamais, d e v a n t la reprise de nos t r a n s a c t i o n s avec l'Indochine et les conditions nouvelles de la concurrence économique. Aussi bien, n o t r e section indochinoisc a-t-elle été u n a n i m e à m e d e m a n d e r d'insister auprès de v o u s pour q u e le m a i n t i e n de la ligne de n a v i g a t i o n des Chargeurs soit assuré à partir de 1916. La double nécessité de c e t t e ligne n e p e u t être mise en doute, n o n plus q u e l'obligation où se t r o u v e r a i t la compagnie intéressée de t r o u v e r ailleurs une utilisation des b a t e a u x qu'elle affecte au service de l'Indochine si ses propositions étaient rejetées. J e n e d o u t e pas que, avec l'unanimité des r e p r é s e n t a n t s de l'initia­ t i v e privée, M. le Gouverneur Général de l'Indochine n ' e x p r i m e u n e opinion i d e n t i q u e . Dans ces conditions je n'hésite pas à vous d e m a n ­ der de vouloir bien s t a t u e r dans le sens des propositions qui v o u s o n t été soumises par la Compagnie des Chargeurs Réunis, qui offre à l ' É t a t les plus solides garanties et t i e n d r a i t à honneur de prêter


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RAPPORTS D E L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

largement au G o u v e r n e m e n t le concours q u e c o m m a n d e n t les cir­ constances économiques. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes senti­ m e n t s de h a u t e considération. Le

Président,

.1. C I I A R L K S - I l o i

\.


ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'INDE

NOTE PRÉSENTÉE A LA COMMISSION CONSULTATIVE COLONIALE

1° — Le r a v i t a i l l e m e n t de nos É t a b l i s s e m e n t s , à raison de leur situation géographique, r e s t e assuré. Les denrées tirées de la Métro­ pole c o n s i s t e n t s u r t o u t en vins, liqueurs, sucre, huiles, savon, conser­ ves et articles d'épicerie. Leur i m p o r t a n c e n e dépasse pas quelques millions par an. 2° — L ' I n d e fait en F r a n c e , p a r Marseille, e t par b a t e a u x anglais, u n e i m p o r t a t i o n considérable d'arachides. Elle fabrique aussi des fils et tissus de coton, dits « guinées », expédiés par des navires de la Compagnie des Messageries Maritimes et v e n d u s n o t a m m e n t en Afrique Occidentale. 3° et 4° — Là guerre n e p a r a î t pas devoir exercer sur la colonie une répercussion nécessitant a u c u n e m e s u r e spéciale. Il suffit q u e les c o m m u n i c a t i o n s soient m a i n t e n u e s entre la colonie et la Métropole d'une p a r t , et, d ' a u t r e p a r t , e n t r e la colonie et l'Indochine et Mada­ gascar. 5° — Les v œ u x exprimés par les r e p r é s e n t a n t s des i n t é r ê t s français dans les É t a b l i s s e m e n t s de l'Inde p e u v e n t se r é s u m e r c o m m e suit : A. — Que le chiffre des i m p o r t a t i o n s des guinées et c o t o n n a d e s d e P o n d i c h é r y à ' d e s t i n a t i o n des a u t r e s colonies françaises n e soit pas limitéJ(Loi du 19 avril 1904) ou q u e t o u t a u moins la q u a n t i t é de tissus qu'elle peut i n t r o d u i r e a n n u e l l e m e n t dans nos colonies soit a u g m e n t é e de 500.000 kilogs au m i n i m u m . E n r e t o u r , et à t i t r e t r a n s ­ actionnel, l'industrie pondichérienne accepterait la diminution de 500.000 kilogs sur les 2.500.000 kilogs de filés qu'elle a le droit d ' e x p o r t e r . Les filafeurs de P o n d i c h é r y emploient 70.000 broches et près de 10.000 o u v r i e r s . B . — Que,dans l'application des conditions de t r a n s p o r t en d r o i t u r e


296

RAPPORTS

DE

L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

des provenances de la colonie, celle-ci bénéficie des facilités accordées à d ' a u t r e s possessions françaises. Chandernagor est situé sur la rive droite de l'Hougly, à 2 3 kilomètres en a m o n t de Calcutta. Ce port fluvial est soumis au régime i n s t i t u é par l'article 3 de la loi du 11 j a n ­ vier 1892 relatif a u x droits et i m m u n i t é s applicables a u x produits i m p o r t é s de la colonie dans la Métropole. A u x t e r m e s de c e t article les tissus et sacs de j u t e de Chandernagor, qui n ' o n t été l'objet d'aucune exemption des t a x e s accordées par décret en Conseil d ' É t a t , sont soumis au tarif m i n i m u m . Mais, dans la p r a t i q u e , le tarif mini­ m u m n ' a j a m a i s été appliqué, parce q u e l'octroi du bénéfice qu'il c o m p o r t e est subordonné au t r a n s p o r t en droiture de Chandernagor a u x p o r t s de la Métropole. Or, ce t r a n s p o r t n e p e u t être effectué q u e dans des conditions qui n ' o n t pas p a r u à la direction générale des douanes métropolitaines pouvoir se concilier avec les règles de la droiture. Ces conditions sont les suivantes : le n a v i r e a n n e x e de la Compagnie des Messageries Maritimes t o u c h e à Calcutta, à quelques kilomètres en a v a l de C h a n d e r n a g o r ; mais, c o m m e le t i r a n t d'eau du fleuve à c e t e n d r o i t - — s i x à h u i t pieds anglais de profondeur — est inférieur à celui du p o r t de Calcutta, les g r a n d s navires, n e p e u v e n t r e m o n t e r à Chandernagor. Les marchandises p r o v e n a n t de Chandernagor sont donc trans­ portées par allèges j u s q u ' à Calcutta où elles sont t r a n s b o r d é e s sur le n a v i r e de la Compagnie des Messageries Maritimes. L'adminis­ t r a t i o n c o m p é t e n t e s'est refusée à considérer ce t r a n s p o r t c o m m e é t a n t effectué en droiture. E n conséquence, les tissus et sacs de j u t e de C h a n d e r n a g o r depuis 1893 n ' o n t jamais pu être admis en F r a n c e au bénéfice du tarif m i n i m u m . C. — Que l'administration centrale des postes entre en pourparlers avec le G o u v e r n e m e n t b r i t a n n i q u e pour l ' a c h e m i n e m e n t des colis p o s t a u x e n t r e Chandernagor, la F r a n c e et les colonies françaises. Actuellement, t o u t colis postal expédié de F r a n c e à destination de Chandernagor est acheminé m o y e n n a n t le prix de 3 fr. 10 sur P o n ­ dichéry. Dès l'arrivée du colis à P o n d i c h é r y , la p o s t e française p r é ­ vient par lettre (3 jours) le d e s t i n a t a i r e de C h a n d e r n a g o r pour qu'il désigne un m a n d a t a i r e à P o n d i c h é r y s'il v e u t p r e n d r e livraison du colis. Ce m a n d a t a i r e envoie ensuite le colis p a r le chemin de fer (Madras et Calcutta) et p a y e c o m m e frais d'envoi 3 francs en roupies.


É T A B L I S S E M E N T S

F R A N Ç A I S

D E

L ' I N D E

297

P a r contre, un colis postal pour Paris p e u t être expédié de Ghandernagor par la voie anglaise ( C a l c u t t a - B o m b a y ) . 6 ° — Q u e les marchandises originaires de P o n d i c h é r y et expédiées c o m m e «toiles bleues» au M a r o c e n t r a n s i t a n t par l'Algérie y soient exemptes de droit d'entrée. La définition de la guinée r é s u l t a n t du décret du 3 m a r s 1914, a y a n t eu p o u r effet la diminution de la lar­ geur et du poids de la toile, sans indication de la longueur de la pièce, u n assez g r a n d n o m b r e de «toiles bleues» fabriquées dans nos É t a b l i s s e m e n t s de l'Inde et qui sont destinées a u x populations du Sénégal et du Maroc n e p e u v e n t plus être considérées c o m m e « guinées», parce q u e ces toiles s o n t t r o p larges et qu'elles o n t un poids supérieur à celui spécifié par la nouvelle définition. Les filat e u r s de P o n d i c h é r y o n t dû e x p o r t e r c e t t e m a r c h a n d i s e sous la d é n o m i n a t i o n de «toile bleue», ce qui a suscité de sérieuses difficul­ t é s avec la d o u a n e algérienne. Les industriels de la colonie font r e m a r q u e r qu'ils o n t été a t t e i n t s par la loi de 1904 et q u e leurs e m b a r r a s o n t été accrus par le décret précité du 3 m a r s 1914; ils a j o u t e n t que, s'ils s o n t assujettis à des droits d'entrée en Algérie pour leurs toiles destinées a u Maroc, ce dernier débouché leur sera fermé; qu'enfin ils n e p e u v e n t plus songer à écouler en F r a n c e les toiles drill bleu et kaki, parce qu'ils seraient obligés de p a y e r respec­ t i v e m e n t 90 francs et 123 francs les 100 kilogs de droits d ' e n t r é e . Pour conclure, ils e s t i m e n t qu'ils seront hors d ' é t a t de c o n t r i b u e r , en ce qui les concerne, à conquérir la place du c o m m e r c e a u s t r o allemand au Maroc si le G o u v e r n e m e n t métropolitain n e fait pas fléchir en leur faveur la rigueur de c e r t a i n e s règles. A v a n t la guerre, une p a r t i e des tissus de P o n d i c h é r y était expédiée au Maroc par la voie de H a m b o u r g . 7 ° — Il n'existe, dans l'Inde française, a u c u n e entreprise austroallemande. La maison p r é d o m i n a n t e est la maison grecque Ralli brothers.



LA R É U N I O N

1°—Ravitaillement de la Colonie. — Le principal article d'impor­ t a t i o n de la colonie est le riz. 11 lui est indispensable, la c u l t u r e des céréales é t a n t — sauf en ce qui concerne le maïs — à peu près inépuisable dans la colonie. E t encore, ici, faut-il tenir c o m p t e de ce facteur essentiel, qui est que la colonie se t r o u v e placée g é o g r a p h i q u e m e n t sur la trajectoire des cyclones et qu'elle en subit fréquemment les effets. Les d o m m a g e s occasionnés par les cyclones sont toujours graves. Ils peuvent aller j u s q u ' à une réduction de 45 à 50 % dans les cul­ t u r e s de cannes à sucre ; 60 à 70 % dans celles du manioc et à l'anéan­ tissement c o m p l e t dans celles des céréales et légumineuses. La q u a n t i t é de riz i m p o r t é e dans la colonie est d'environ 314.500 b a l l e s de 72 kilogs net l'une par année. Le principal fournisseur est l'Inde anglaise, qui e n v o y a i t à la colonie les qualités dites : «Ben­ gale», «Mooghy» et « Ballam ». Depuis l'invasion de la peste dans l'Inde on s'est s u r t o u t alimenté en B i r m a n i e . L ' I n d o c h i n e fournit aussi quelques cargaisons de riz analogue à celui de Birmanie, mais en moins g r a n d e q u a n t i t é . L ' I n d o c h i n e trouve des débouchés plus a v a n t a g e u x pour J a v a et d ' a u t r e s desti­ n a t i o n s et,' d'autre part, les frets pour la Birmanie sont rares, t a n d i s q u e de l'Inde et de la Birmanie les lignesfde navigation p o u v a n t desservir à la l'ois les îles de La Réunion et Maurice p e u v e n t t r o u v e r du fret de r e t o u r . On i n t r o d u i t aussi dans la colonie pour l ' a l i m e n t a t i o n de la p o p u ­ lation, des farines de F r a n c e e f d ' A u s t r a l i e . Il ne semble pas que ces sources d ' a l i m e n t a t i o n puisent être rédui­ tes ou supprimées par tard,ion d e s marines ennemies qui est actuelle­ ment cl le restera, espérons-le — nulle dans la mer des Indes. u

D'autres denrées moins i m p o r t a n t e s pour l'alimentation sont également importées à La Réunion, notamment les «pois du Cap»,


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RAPPORTS

DE

L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

de Madagascar ; des haricots, lentilles, etc., principalement de l'Inde ; du grain (pour la n o u r r i t u r e des mules), exclusivement de l'Inde. Il est clair qui si la navigation e n t r e ces diverses sources de r a v i ­ t a i l l e m e n t et la colonie v e n a i t à être i n t e r r o m p u e , la population a u r a i t g r a n d e m e n t à souffrir. Elle p o u r r a i t , dans une c e r t a i n e m e s u r e , utiliser le manioc — dans ce cas il faudrait a r r ê t e r le fonc­ t i o n n e m e n t des féculeries — et le maïs. P o u r ce dernier, on p o u r r a i t être pris a u dépourvu, car les p l a n t a t i o n s n e sont pas faites en v u e d'une c o n s o m m a t i o n générale et i m p r é v u e , c o m m e celle qui pourrait résulter de la suppression des i m p o r t a t i o n s . Ce serait, pour six mois au moins, car le maïs d e m a n d e ce t e m p s pour croître et mûrir, une épreuve redoutable. E n t o u t cas, il est sage et p r u d e n t de n e pas p e r d r e de v u e q u e les cyclones p e u v e n t e n d o m m a g e r fortement les récoltes des produits alimentaires, et que des approvisionnements assez i m p o r t a n t s d e v r a i e n t être, dans l'état de guerre, constitués dans la colonie. 2° — Ressources de toute nature pouvant servir au ravitaillement de la Métropole. — Les p r i n c i p a u x p r o d u i t s d ' e x p o r t a t i o n de la colonie sont le sucre, pour une m o y e n n e de 38.000 T. environ — la vanille pour une m o y e n n e de 80.000 kilogs •— le tapioca, pour une m o y e n n e de 10.000 '1'. environ. Le sucre est, sauf ce qui est réservé pour la c o n s o m m a t i o n locale, e n t i è r e m e n t exporté en F r a n c e . Il ne p a r a î t pas que c e t t e e x p o r t a ­ tion puisse être enrayée par les é v é n e m e n t s de la guerre actuelle. Cette i m p o r t a t i o n n ' e s t pas essentielle pour la Métropole quoique, en raison de l'impossibilité où se t r o u v e n t les sucreries du nord de la F r a n c e , d ' a l i m e n t e r le pays, c e t t e i m p o r t a t i o n de sucre de La Réu­ nion n e soit pas négligeable. L ' i m p o r t a t i o n de vanille en F r a n c e n'offre aucun i n t é r ê t au point de v u e des ressources alimentaires. On p o u r r a i t p r e s q u e en dire a u t a n t du tapioca qui, d'ailleurs, est un produit c h e r et par suite d'une c o n s o m m a t i o n t r è s restreinte. 3° — Besoins du commerce de La Réunion, de son industrie, de son agriculture. — La question essentielle, pour assurer le maintien d'une production régulière des denrées de la colonie, est celle de la main-d'œuvre.


LA

RÉUNION

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La population de La Réunion — o n pourra s'en r e n d r e c o m p t e par le relevé des derniers r e c e n s e m e n t s — encore qu'ils n ' a i e n t j a m a i s été parfaits — ne s'accroît pas. Elle est presque irrévocablement fixée au chiffre de 360.000 h a b i t a n t s . Le n o m b r e des travailleurs agricoles a été toujours reconnu c o m m e insuffisant et on a dû avoir recours, dans une certaine mesure, à l'introduction de travailleurs étrangers : Cafrcs de M o z a m b i q u e , Malgaches, Indiens, et plus t a r d Chinois. Le r e c r u t e m e n t des Cafres à Mozambique a été c o m p l è t e m e n t supprimé par le G o u v e r n e m e n t portugais — celle des Malgaches par l ' a d m i n i s t r a t i o n de Madagascar — celle des Chinois a été r e n d u e difficile par suite de circonstances diverses : difficultés de r e c r u ­ t e m e n t , m a n q u e de navires, c h e r t é de la m a i n - d ' œ u v r e , résistance du G o u v e r n e m e n t chinois, un peu alarmé par le g r a n d n o m b r e de mortalités survenues dans le seul convoi de travailleurs i n t r o d u i t s à La Réunion (et cela, il faut le dire, parce que ces h o m m e s o n t été introduits à l'époque des fortes chaleurs et ont subi sévèrement les a t t e i n t e s de la fièvre paludéenne alors que, s'ils a v a i e n t été i n t r o ­ duits au d é b u t de la belle saison, ils se seraient fort bien acclimatés). Le r e c r u t e m e n t des Indiens a été une première fois suspendu (vers 1877), à la suite d'une inspection faite par une commission anglo-française (amiral Miot et général Goldschmidt). Cependant, le G o u v e r n e m e n t anglais était disposé à laisser r e p r e n d r e le recru­ t e m e n t dans l'Inde, — s u r t o u t à la suite d'une seconde inspection faite dans la colonie par M. Mackenzie, Sous-Secrétaire d ' É t a t de l'agriculture dans l'Inde, •— lorsque s o n t i n t e r v e n u s les députés de La Réunion qui, sous le p r é t e x t e de défendre les regnicolcs con­ tre la concurrence étrangère, se sont a b s o l u m e n t opposés à la reprise de l'immigration i n d i e n n e Le r é s u l t a t a été que la m a i n - d ' œ u v r e indienne, qui a v a i t a t t e i n t vers 1878 le chiffre de 40.000 individus (hommes et femmes), s'est r é d u i t e peu à peu par les r a p a t r i e m e n t s et les décès à une dizaine de mille personnes t o u t au plus. La m a i n - d ' œ u v r e agricole est donc devenue t o u t à fait insuffi­ sante et, dès lors, on a vu se produire des grèves de travailleurs — ce q u i n ' a v a i t j a m a i s eu lieu jusqu'ici — qui o n t r e n d u t r è s diffi­ cile la c u l t u r e des t e r r e s ; c'est au point que beaucoup de proprié-


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RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

t a i r e s o n t renoncé a u j o u r d ' h u i à diriger eux-mêmes la c u l t u r e de leurs d o m a i n e s ; ils l'ont distribuée e n t r e des colons partiaires. Ce m o d e d'exploitation

d u sol a e u le double inconvénient : 1° de

r é d u i r e la m a i n - d ' œ u v r e nécessaire à l ' i n d u s t r i e ; 2° d ' a p p a u v r i r le sol, qui est mal c u l t i v é et n e reçoit pas les engrais nécessaires à sa r e c o n s t i t u t i o n . La reprise de l'immigration indienne serait donc nécessaire. On p o u r r a i t spécifier que l'introduction des travailleurs indiens serait limitée à 600 travailleurs mâles par a n n é e . Au p o i n t de v u e du crédit de l'agriculture, il y a peu à dire. La B a n q u e de La Réunion fait des prêts sur récolte avec garantie spéciale sur c e t t e récolte. On p e u t o b j e c t e r à cela que les frais d ' e m p r u n t sont b e a u c o u p t r o p élevés p o u r les p e t i t e s sommes et d é p a s s e n t quelquefois 20

%

de la s o m m e emprunté»;. 11 y a u r a i t donc, au m o i n s pour les p e t i t s e m p r u n t e u r s , des modifications à a p p o r t e r a u x r è g l e m e n t s de la B a n q u e de La R é u n i o n . Cela a fait l'objet, il y a un c e r t a i n n o m ­ bre d ' a n n é e s , d ' u n e é t u d e confiée p a r le (!<>u\-emeur de l,a Réunion à une commission a d m i n i s t r a t i v e , mais il n ' a

été d o n n é a u c u n e

suite à ses propositions. Il y aurait

aussi des réformes à apporter a u

fonctionnement

de la Banque de La Réunion. Son privilège d'émission de billets et de prêts sur récolte pen­ d a n t e l'a a m e n é e à manifester

d e s exigences trop lourdes. P a r

exemple, elle oblige les e m p r u n t e u r s à lui livrer leurs t i t r e s docu­ m e n t a i r e s à un t a u x qu'elle fixe a r b i t r a i r e m e n t , ce qui leur ôte la liberté de faire appel à la c o n c u r r e n c e . Enfin, on s'est souvent plaint de l'ingérence du G o u v e r n e m e n t m é t r o p o l i t a i n dans la q u e s ­ tion de la.fixation du faux du change sur l ' E u r o p e . Il serait dési­ rable q u ' i l s'abstînt désormais d e t o u t e inf erventiôn de c e t t e nature ; il faut que les t r a n s a c t i o n s aussi bien sur les marchandises q u e sur le papier, qui en est la r e p r é s e n t a t i o n , soienl a b s o l u m e n t libres. • On p e u t ajouter un mot au sujet des engrais nécessaires à l'agri­ c u l t u r e . Les p r i n c i p a u x p r o d u i t s employés à La Réunion sont : 1° Les s u p e r p h o s p h a t e s et phosphates divers, introduits exclu­ s i v e m e n t de la F r a n c e et qui, semble-t-iï, p o u r r o n t c o n t i n u e r à être expédiés

à la colonie;


LA

RÉUNION

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2° Le n i t r a t e de soude, p r o v e n a n t exclusivement du Chili et qui a r r i v a i t à la Réunion par réexpédition de la F r a n c e . 11 y a donc là un double fret à payer, sans c o m p t e r les m a n u t e n t i o n s . Il ne serait pas impossible de s'entendre avec les p l a n t e u r s de l'Ile Maurice, pour faire venir des c h a r g e m e n t s directs du Chili et rien ne p a r a î t s'opposer à ce que ces c h a r g e m e n t s puissent parvenir sans risques à La Réunion ; 3° Le n i t r a t e de potasse — e m p l o y é en q u a n t i t é r e l a t i v e m e n t faible — qui v i e n t exclusivement de la P r u s s e ; Il n e faut pas p e r d r e de v u e qu'on a découvert r é c e m m e n t des gisements de sels potassiques en Alsace; 4° Le sulfate d ' a m m o n i a q u e ' v e n a n t de la F r a n c e , mais p o u v a n t , à la rigueur, être o b t e n u dans l'Inde et, de t o u t e façon, p o u v a n t facilement arriver à La Réunion. 4° — Moyens de communication. — A p a r t une faible interruption, les c o m m u n i c a t i o n s par m e r entre la F r a n c e et La Réunion o n t pu se poursuivre régulièrement. Il n ' y a q u ' u n e a t t a q u e sur le canal de Suez qui p o u r r a i t les r e n d r e précaires ou impossibles, mais c e t t e a t t a q u e semble bien improbable aujourd'hui. Les c o m m u n i c a t i o n s avec l'Inde anglaise n e p a r a i s s e n t n u l l e m e n t menacées. 5° — Débouchés nouveaux. — Si, contre t o u t e a t t e n t e , les c o m m u ­ nications avec la F r a n c e v e n a i e n t à être coupées, l'importation des produits alimentaires nécessaires à la colonie ne serait pas i n t e r r o m ­ pue. Seuls, les engrais p o u r r a i e n t n ' a r r i v e r q u ' e n q u a n t i t é insuffi­ sante, ce qui serait é v i d e m m e n t r e g r e t t a b l e , mais ne présenterait q u ' u n i n c o n v é n i e n t relatif. Pour les sucres, ils p o u r r o n t p e u t - ê t r e t r o u v e r des débouchés au Cap, d a n s l'Inde et en Australie. C e p e n d a n t , la question des frets se poserait sérieusement, car les navires p o u r r a i e n t faire défaut. On ne sait pas c o m m e n t on p o u r r a i t remédier à c e t t e situa­ tion, à moins que quelques navires français et anglais immobilisés dans l'Océan Indien ne puissent t r o u v e r à s'employer en c h a r g e a n t les sucres de La Réunion pour les p a y s m e n t i o n n é s < i-dessus. E n t o u t cas, le sucre é t a n t le principal p r o d u i t d'exportation de La Réunion, l'impossibilité de le t r a n s p o r t e r au dehors a m è n e -


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ruit une crise économique très grave dans le pays et, d ' a u t a n t plus que les magasins sont insuffisants pour recevoir t o u t e la récolte d ' u n e année. 6° — Substitution des entreprises françaises aux entreprises étrangères. — 11 n ' y a pas à La Réunion d'entreprises étrangè­ res La question n e se pose donc pas pour c e t t e colonie.


NOUVELLE-CALÉDONIE

NOTE PRÉSENTÉE A LA COMMISSION CONSULTATIVE COLONIALE PAR LE PRÉSIDENT DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

I. — L'intérêt, n a t i o n a l qui s ' a t t a c h e à une colonie n e dépend pas u n i q u e m e n t de l'étendue de son t e r r i t o i r e . S'il en était ainsi, la Nouvelle-Calédonie, avec ses 18.500 kilomètres carrés, n e serait guère q u ' u n point p e r d u au sein du Pacifique. Mais, o u t r e q u ' u n des a v a n t a g e s qui lui assignent, une place à p a r t dans n o t r e domaine colonial réside dans sa situation géographique, la richesse de son sous-sol lui donne une valeur t o u t à fait exceptionnelle. Il en résulte que l'industrie minière a pris en Nouvelle-Calédonie un développe­ m e n t t e l q u e c e t t e induslric c o n s t i t u e pour la colonie le fondement île sa richesse et la g a r a n t i e de son avenir. Dans le chiffre des expor­ t a t i o n s t o t a l e s , les minerais e n t r e n t pour plus de la moitié. Trois minerais c o n c o u r e n t à a l i m e n t e r ces e x p o r t a t i o n s : le nickel, le c h r o m e e t le c o b a l t . Le c h a m p des applications du premier de ces m é t a u x s'est, on le sait, prodigieusement élargi g r â c e à la p r o ­ priété qu'il possède de fournir des qualités de résistance et d'élasticité a u x m é t a u x auxquels on l'associe cl, s u r t o u t à l'acier. On o b t i e n t ainsi l'acier-nickel. N o t r e possession océanienne se t r o u v e donc, du fait de sa richesse nickelifère, d a n s u n e situation privilégiée, mais il n e faudrait p a s croire q u e c e t t e situation n e puisse être compromise p a r des expé­ riences i m p r u d e n t e s e t t r o p souvent inspirées par les passions locales. L'industrie extractivo en Nouvelle-Calédonie se développa remarquablement à la faveur du régime libéral institué p a r le décret du 15 octobre 1892. La r é g l e m e n t a t i o n ultérieure majora dans LES COLONIES KT LA D E F E N S E NATIONALE,

20


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une énorme proportion la t a x e de sortie sur le nickel, sur le chrome, sur le cobalt, ainsi que les redevances à la surface. La t a x e de b % ad valorem faisait ressortir le droit r e s p e c t i v e m e n t pour ces minerais à 6 fois, 10 fois, 30 fois le m o n t a n t de l'ancien droit. Si nous recherchons la répercussion de ce n o u v e a u régime sur les charges d'une seule société minière de la Nouvelle-Calédonie nous c o n s t a t o n s que ces charges o n t subi l'énorme progression suivante : Réglementa- Moyenne des années tion 1908-1909 antérieure 1910-1911-1912 Redevances minières

frs.

74.968,18

125.645,14

Impôts sur les minerais exportés frs.

24.254,15

82.499,02

L ' a u g m e n t a t i o n est donc : Pour les redevances minières de 50.676 frs. 96 pour une période de cinq années, soit 67 % et p o u r les i m p ô t s sur les minerais exportés de 58.244 frs. 87, soit 240 % . La m ê m e société a p a y é à la colonie, sous forme d ' i m p ô t s divers, une so mme f o r m a n t près du dixième du b u d g e t t o t a l de'la colonie. Depuis moins d e 35 ans, elle a dépensé en Nouvelle-Calédonie — installations e t I ravaiix divers — plus de 38 millions. On c o m p r e n d , dans c e s conditions, q u ' u n e assemblée locale, docile à la poussée du dehors, soif t e n t é e de d e m a n d e r aux enI reprises minières un effort t r o p f r é q u e m m e n t renouvelé. La nouvelle réglementation minière n'a d'ailleurs pas donné- tes résultats q u ' o n en a t t e n d a i t , puisqu'elle a eu pour conséquence l'abandon d'un c e r t a i n n o m b r e de concessions : q u a n d on alarme les c a p i t a u x , ils s'immobilisent. Déjà l'on songe à é t e n d r e la contri­ bution foncière a u x titres des propriétés bâties, aux voies ferrées particulières d e s exploitations en cours, aux t r a n s p o r t e u r s aériens, aux appontemi-nl s el aux wharfs. Il n e n o u s a p p a r t i e n t p a s - el le m o m e n t n ' e s t d'ailleurs pas venu d e le l'aire rie discuter la question (h; savoir si l'extension d o n t il s'agit est conforme à la législation spéciale en matière; dé c o n t r i b u t i o n s directes à la Nouvelle-Calédonie. Mais il eSt certain que, envisagée du point de vue économique, elle serait i n o p p o r t u n e , c o n t r a i r e à l'équité et a u x i n t é r ê t s g é n é r a u x de la colonie.


NOUVELLE-CALÉDONIE

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L'état de choses existant en Nouvelle-Calédonie sous le r a p p o r t minier doit' attirer l'attention du G o u v e r n e m e n t métropolitain. Grâce à n o t r e possession du Pacifique, l'industrie française a pris sur le marché mondial du nickel une situation t o u t à fait exceptionnelle. Ce r é s u l t a t fait honneur à n o t r e p a y s . Dans les circonstances actuelles, il lui p e r m e t de jouer un rôle i m p o r t a n t dans la défense nationale, puisque c'est une société française qui fournit a u x alliés la plus g r a n d e partie du nickel d o n t ils o n t besoin pour la fabrication de leurs m u n i t i o n s et d ' u n e p a r t i e de leur matériel de guerre. Ceci dit, il est essentiel de r e m a r q u e r q u e l'Amérique et m ê m e certains pays d ' E u r o p e sont de r e d o u t a b l e s c o n c u r r e n t s de la NouvelleCalédonie. Il s'ensuit q u e les sociétés françaises sont soumises à foutes les lois de la concurrence économique et l'accroissement conti­ nu de leurs charges, c o m m e la rigueur abusive d'une réglementation c h a n g e a n t e finiraient p a r les placer dans un état d'infériorité manifeste. Depuis une douzaine d'années, l'Union Coloniale a eu bien souvent à r e g r e t t e r les graves inconvénients de pareils procédés, qui t r o u b l e n t le fonctionnement des entreprises les plus solides e t m e t t e n t en péril les i n t é r ê t s les plus respectables. L ' i n d u s t r i e minière de la Nouvelle-Calédonie n e d e m a n d e q u ' u n e chose : la stabilité des règlements administratifs. Elle déclare qu'elle ne peut vivre sous la m e n a c e p e r m a n e n t e d'une nouvelle a g g r a v a t i o n des charges de t o u t e n a t u r e qui lui sont imposées. Seul, le h a u t contrôle du G o u v e r n e m e n t métropolitain peut lui donner le senl i i n e u f d e sécurité s a n s lequel il lui est impossible d'envisager l'avenir avec confiance. Nous avons eu s o u v e n t à r e n d r e h o m m a g e à la vigilance exercée dans ce sens par l ' a d m i n i s t r a t i o n centrale du ministère des colo­ nies : nous espérons qu'elle y persévérera dans l'intérêt m ê m e de la colonie, d o n t la prospéril é durable ne p e u t être que la conséquence d'une a d m i n i s t r a t i o n sage et p r u d e n t e , impartiale et toujours dominée p a r le souci des i n t é r ê t s p e r m a n e n t s de la colonie. Nous croyons qu'il serait bon q u e la Commission Consultative Coloniale é m i t un v œ u dans ce sens.


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I I . — Le t a b l e a u ci-dessous présente le commerce général d e l à Nouvelle-Calédonie et dépendances en 1912, é p o q u e de la publica­ tion la plus récente des statistiques officielles du c o m m e r c e des colonies françaises. Commerce général Importation Exportation ..."

2 9 . 2 5 1 . 4 7 0 frs. 15.316.755 » 13.934.715 »

P a r t de la F r a n c e : Commerce général 1 3 . 2 5 1 . 4 5 4 frs. Importation 7.684.991 » Exportation 5.566.463 » 45,3 % du c o m m e r c e général, 50,6 % des marchandises i m p o r t é e s ; 39,94 % des marchandises exportées. Echanges avec les pays é t r a n g e r s : Commerce général Importation Exportation

1 5 . 5 4 2 . 6 9 0 frs. 7.222.562 » 8.320.128 »

Le c o m m e r c e étranger accuse, par r a p p o r t à l'année précédente, une a u g m e n t a t i o n t o t a l e de 843.407 francs. Sa p a r t est de 53,13 % du c o m m e r c e général, 47 % des i m p o r t a t i o n s , 59,7 % des expor­ tations. Les produits allemands qui e n t r e n t en Nouvelle-Calédonie peu­ v e n t être classés c o m m e suit par o r d r e d ' i m p o r t a n c e : ronces arti­ ficielles, bière, bimbeloterie, quincaillerie, allumettes. Les allumettes suédoises étaient achetées généralement par l'intermédiaire d'une maison de H a m b o u r g a y a n t un a g e n t à P a r i s . Ces a l l u m e t t e s amor­ phes, emballées sous zinc et bois é t a i e n t habituellement chargées s ur des b a t e a u x allemands des lignes d'Australie. Les produits autrichiens é t a i e n t en q u a n t i t é peu i m p o r t a n t e s : chaises, fourrages. La F r a n c e p e u t fournir la majeure p a r t i e de ces articles en t e n a n t c o m p t e du g o û t et des h a b i t u d e s des a c h e t e u r s locaux, des condi­ tions d'emballage p r a t i q u é par les c o m m e r ç a n t s austro-allemands, de certains procédés de fabrication, t o u t e s choses q u e nos c o m p a ­ triotes établis dans n o i r e possession océanienne s'empresseraient de faire c o n n a î t r e en détail.


NOUVELLE-CALÉDONIE

309

E n ce qui concerne l'industrie locale, il convient de signaler n o t a m m e n t qu'il y a une place i m p o r t a n t e à p r e n d r e dans l'instal­ lation des t r a n s p o r t s aériens pour une maison française qui posséde­ rait les b r e v e t s nécessaires, le personnel de choix indispensable pour faire les études préalables, enfin une organisation assez puis­ sante pour assurer la construction des lignes à établir dans des pays lointains et offrant des ressources de m a i n - d ' œ u v r e restreintes. Si pareille industrie était créée en Nouvelle-Calédonie, elle offrirait à l'industrie n a t i o n a l e un débouché appréciable à raison de l'impor­ t a n c e des c a p i t a u x et de l'outillage (pylônes, câbles métalliques, wagonnets, etc.) à utiliser. Quelques lignes de c h e m i n s de fer aériens o n t été construites à différentes époques en Nouvelle-Calédonie : c'est à une maison allemande q u ' o n a dû s'adresser, l'industrie française n e s'étant pas t r o u v é e dans les conditions voulues pour e n t r e p r e n d r e ces travaux. I I I . —• Le G o u v e r n e m e n t , auprès duquel l'Union Coloniale s'était faite l ' i n t e r p r è t e de l ' u n a n i m i t é des r e p r é s e n t a n t s du commerce et de l'industrie en Nouvelle-Calédonie, a décidé r é c e m m e n t q u ' e n raison de l'interruption du service régulier des Messageries Mari­ times pour l'Australie, le bénéfice du t r a n s p o r t en droiture serait acquis "aux marchandises françaises et étrangères expédiées à des­ t i n a t i o n de la colonie et des Nouvelles-Hébrides, ainsi q u ' a u x pro­ duits néo-calédoniens et néo-hébridais importés en F r a n c e . Cette mesure s'applique alors m ê m e q u e les circonstances de la naviga­ tion nécessiteraient un double t r a n s b o r d e m e n t , soit à Colombo et à Sydney, soit à Singapore et à Sydney. Le 4 février dernier, n o u s avons d e m a n d é à M. le Ministre des colonies et à M. le Ministre des finances de compléter les disposi­ tions ci-dessus. Nous avons motivé en ces t e r m e s , n o t r e i n t e r v e n ­ tion : « Les c o m m u n i c a t i o n s que le G o u v e r n e m e n t a fait rétablir, p e r ­ m e t t e n t le t r a n s p o r t des p r o d u i t s riches (café et cacao), dans des conditions qui leur assurent le bénéfice de la franchise douanière. Il n ' e n est pas de m ê m e , en ce qui concerne d ' a u t r e s produits, par exemple, le coprah et le coton, qui sont soumis à la t a x e d'entre-


310

RAPPORTS

D E L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

pôt e t no p e u v e n t arriver en F r a n c e q u e par la voie anglaise. Il en résulte qu'en fait, ils sont exclus du m a r c h é français, puisque, depuis la suspension du service des Messageries Maritimes, il a été impossible d'exporter la plus grande partie des c o p r a h s d'Océanie, a u t r e m e n t q u e p a r les lignes anglaises. Des lots sont déjà f l o t t a n t s :'98 t o n n e s de T a h i t i , plus de 400 ton­ nes de Nouvelle-Calédonie, 475 tonnes des Nouvelles-Hébrides sont a t t e n d u e s p r o c h a i n e m e n t à Londres. Or, c e t t e marchandise ne pourra pas êlre amenée sur le marché français, si elle est frappée de la s u r t a x e d ' i m p ô t . Le m a i n t i e n du statu quo n'aurait, donc pour r é s u l t a t que de favoriser le c o m m e r c e anglais, à l'heure où la situa­ tion économique de la F r a n c e r e n d désirable l'afflux de notre pro­ duction coloniale sur le m a r c h é m é t r o p o l i t a i n . J e vous serais reconnaissant de vouloir bien, d'une part, accueil­ lir favorablement la r e q u ê t e des négociants néo-calédoniens, fen­ d a n t à ce q u e la s u r t a x e d ' e n t r e p ô t soit s u p p r i m é e pour les Coprahs et les cotons de n o s colonies d'Océanie, j u s q u ' à la reprise du ser­ vice des Messageries Maritimes, e t d ' a u t r e p a r t , intervenir auprès de v o t r e collègue d e s affaires étrangères, pour q u e le Gouverne­ m e n t b r i t a n n i q u e autorise ces produits à transiter par Londres ou par Liverpool. » Aussi longtemps que d e s c o m m u n i c a t i o n s régulières n ' a u r o n t pas été l'établies, on ne pourra avoir recours q u ' à des moyens de fort u n e . Toutefois, si le Gouvernement veuf bien compléter les dis­ positions déjà prises, nos c o m p a t r i o t e s de N o u v e l l e - C a l é d o n i e o b t i e n d r o n t u n e suffisante sal isfae.l ion. IV. — La Nouvelle-Calédonie joue un rôle i m p o r t a n t dans l'œuvre de la défense nationale puisque, nous le répétons, Cette colonie fournil à la France et a u x alliés une g r a n d e p a r t i e des q u a n t i t é s de nickel qui leur sont nécessaires pour la fabrication de leurs muni­ tions. 11 y a d o n c u n intérêt c a p i t a l à ce q u e les exportations de ce métal ne soient p a s refardées ou e n t r a v é e s par"un. formalisme administratif q u e rien ne justifierait dans la réalité. M. le Minis­ tre d e s lolonies el M. le Ministre d e s finances o n t bien voulu tenir c o m p t é des observations qui leur o n t été présentées à ce sujet et la commission d e s exportai ions qui fonctionne sous la h a u t e a u t o -


N O U V E L L E - C A L É D O N I E

311

rite de ce dernier a manifesté en c e t t e matière une diligence éclai­ rée d o n t n o u s avons le devoir de le remercier. Le décret du 12 février 1915 p o r t e que le nickel de NouvelleCalédonie pourra être exporté sans autorisation spéciale à destina­ tion des p a y s alliés. Cette excellente mesure donne satisfaction à l'industrie intéressée. Nous n ' a v o n s plus, en conséquence q u ' à exprimer le v œ u que c e t t e réglementation soit m a i n t e n u e d u r a n t la guerre. V . — La mobilisation r é c e m m e n t décidée de t o u s les h o m m e s sou­ mis a u x obligations militaires en Nouvelle-Calédonie et a u x Nou­ velles-Hébrides, si elle était réalisée intégralement, entraînerait les conséquences les plus graves pour l'avenir de ces îles. En N o u ­ velle-Calédonie, la mobilisation des éléments les plus actifs se t r a ­ duirait pour l'industrie minière par l'arrêt complet des exploita­ tions en cours, pour les maisons de c o m m e r c e par la suppression des opérations des unes et par la réduction considérable des affai­ res des autres, pour les établissements agricoles par un trouble qui c o m p r o m e t t r a i t leur existence m ê m e . On sait que les principaux producteurs de nickel néo-calédo­ niens o n t passé avec les G o u v e r n e m e n t s français et alliés des con­ t r a t s pour la fourniture du nickel qui leur est indispensable. Ils se t r o u v e r a i e n t , par suite du d é p a r t de c e u x qui a s s u r e n t le fonction­ n e m e n t de leurs exploitations, dans l'impossibilité de remplir leurs e n g a g e m e n t s et il s'ensuivrait, a u point de v u e de la défense n a t i o ­ nale, des inconvénients sur la g r a v i t é desquels nous n ' a v o n s pas besoin d'insister. Les maisons de c o m m e r c e seraient privées de leur personnel de direction, ce qui a u r a i t pour premier r é s u l t a t de favoriser le c o m m e r c e australien, s u r t o u t a u x Nouvelles-Hébrides. Enfin, ni les h o m m e s âgés ou affaiblis, ni les éléments d'ori­ gine pénale, ni les natifs n e p e u v e n t fournir à la colonisation agri­ cole les a g e n t s susceptibles d'en a s s m e r la c o n t i n u i t é . Q u a n t a u x Nouvelles-Hébrides, l'application de la mesure d o n t il s'agit serait en quelque sorte la ruine du magnifique effort de colonisation agricole qui s'y poursuit. La g r a n d e majorité des colons français sont astreints au service militaire. Leurs entreprises reste-


312

RAPPORTS

DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

r a i e n t sans direction, à la veille des principales récoltes. Or, dans l'archipel, il suffit q u ' u n e p l a n t a t i o n reste moins d'une année sans être e n t r e t e n u e c o m m e il c o n v i e n t pour qu'elle soit envahie par une brousse inextricable et p r a t i q u e m e n t p e r d u e . D ' a u t r e p a r t , le problème de la m a i n - d ' œ u v r e y r e v ê t une forme telle que les t r a ­ vailleurs indigènes ou q u i t t e r a i e n t la p l a n t a t i o n , ou seraient inu­ tilisables e n t r e les m a i n s d ' u n h o m m e i n e x p é r i m e n t é et peu au fait de la m e n t a l i t é des p o p u l a t i o n s des îles. T o u t e s ces causes réunies m e t t r a i e n t en péril la politique que nous p r a t i q u o n s a u x Nouvel­ les-Hébrides depuis plus de q u a r a n t e années, à l'heure m ê m e où la question de souveraineté doit être résolue par les deux puissances alliées. Il v a de soi que le t r o u b l e profond a p p o r t é à la vie économique de ces p a y s a u r a i t une répercussion des plus g r a v e s sur les finan­ ces publiques. C'est à la Métropole qu'il d e v r a i t être fait appel pour combler les déficits des b u d g e t s . Si, en regard des conséquences, nous m e t t o n s les a v a n t a g e s de la mobilisation, nous ne t r o u v o n s rien v r a i m e n t qui affaiblisse la force de nos dires. Après avoir décidé le principe de la mobilisation, le G o u v e r n e m e n t a fait savoir que des sursis d'appel seraient accor­ dés par le Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie H a u t - C o m m i s s a i r e des Nouvelles-Hébrides. Or, les bénéficiaires de ces mesures rédui­ r a i e n t le c o n t i n g e n t des h o m m e s mobilisables à :i00 à peine. 11 a p p a ­ r a î t r a que cet a p p o r t ne s a u r a i t justifier l'appareil d'une mobilisa­ tion locale et les grosses dépenses qui en résulteraient, é t a n t donné que ces h o m m e s ne p o u r r a i e n t être mis en c a m p a g n e que v e r s la fin de l'été. Dès que la déclaration de guerre fut c o n n u e dans ces îles loinlaines, il s'y produisit un magnifique élan p a t r i o t i q u e . Quelques d é p a r t s e u r e n t lieu pour la Mère-Patrie, s'ils ne furent pas plus n o m b r e u x , cela t i e n t à l'interruption des communications mari­ times. Mais, o u t r e que les occasions de servir la cause de la F r a n c e ne m a n q u e r o n t pas à nos c o m p a t r i o t e s d'Océanie, il y a des consi­ dérations de sagesse dont le G o u v e r n e m e n t ne m é c o n n a î t r a cer­ t a i n e m e n t pas la force. E n conséquence, nous avons demandé au G o u v e r n e m e n t de rechercher une solution de n a t u r e à concilier les besoins de l'indus-


NOUVELLE-CALÉDONIE

313

trie et de la colonisation avec les nécessités de la défense n a t i o ­ nale. E n t o u t é t a t de cause, ceux qui sont employés a u x mines de nickel et de c h r o m e doivent être m a i n t e n u s obligatoirement dans les postes qu'ils occupent, puisqu'ils concourent efficacement à accroître n o t r e puissance militaire.



NOUVELLES-HÉBRIDES

I — D e p u i s 1871, la F r a n c e s'est appliquée à créer des i n t é r ê t s a u x Nouvelles-Hébrides et à y é t e n d r e son influence. Aujourd'hui, plus de la moitié de la surface de l'archipel est en des mains françaises et nos colons y ont conquis une p r é p o n d é r a n c e incontestable. Les v œ u x de nos c o m p a t r i o t e s établis sur c e t t e t e r r e lointaine p e u v e n t se résumer ainsi : application i m m é d i a t e de la convention élaborée r é c e m m e n t par la Conférence franco-anglaise de Londres, conven­ tion soumise à la ratification des deux G o u v e r n e m e n t s intéressés; c\l ension a u x produits des Nouvelles-Hébrides du bénéfice de la loi du 5 a o û t 1913. Le projet de convention d o n t il s'agit donne satisfaction a u x desi­ d e r a t a exprimés avec une force et une constance r e m a r q u a b l e s par les colons français, t a n t en ce qui concerne le régime foncier q u ' e n ce qui t o u c h e la réglementation de la m a i n - d ' œ u v r e . Q u a n t à ce qu'ils réclament en matière douanière, malgré les objections qui o n t pu être faites du point de vue-fiscal, il nous p a r a î t légitime d'y faire droit. A u x t e r m e s de l'article 2 de la loi du 30 juillet 1900, des décrets en l'orme de règlements d'administration publique pouvaient d é t e r m i n e r le régime douanier applicable en F r a n c e ou dans les colonies françaises a u x p r o d u i t s récoltés ou fabriqués par des entre­ p r i s e s françaises dans les îles et t e r r e s de l'Océan Pacifique. En v e r t u de c e t t e disposition, le tarif des p r o d u i t s ci-après récoltés a u x Nouvelles-Hébrides par des établissements possédés ou exploités par des Français ou des sociétés françaises, a été établi c o m m e suit : A l'entrée en F r a n c e ou en Nouvelle-Calédonie : Maïs en grains : 2 francs les 100 k i l o g r a m m e s ; Cacao en fèves : d é t a x e de 78 francs sur le t a u x du tarif m i n i m u m métropolitain, soit à percevoir 52 francs par 100 k i l o g r a m m e s ; Vanille : d é t a x e de 50 % sur le tarif m i n i m u m métropolitain, soit à p e r c e v o i r 208 francs par 100 kilogrammes.


316

RAPPORTS

DE

L'UNION

COLONIALE

FRANÇAISE

Des décrets r e n d u s sur la proposition du Ministre des colonies et du Ministre des finances d é t e r m i n e n t , c h a q u e année, d'après les statistiques officielles, les q u a n t i t é s de produits qui peuvent être i m p o r t é e s sous l'empire du régime de faveur. Dans la limite des crédits globaux fixés annuellement, l'adminis­ t r a t i o n locale d é t e r m i n e les produits et chiffres de ceux-ci que c h a q u e p r o d u c t e u r p e u t i m p o r t e r au bénéfice des t a x e s réduites. Ces marchandises doivent être accompagnées d'un certificat d'ori­ gine délivré par le délégué du Commissaire Général dans les Nou­ velles-Hébrides, au n o m du p r o d u c t e u r . Elles doivent être importées en droite ligne, mais avec faculté de t r a n s b o r d e m e n t à Nouméa, q u a n d il s'agit d'expéditions à destination de F r a n c e . Dans ce cas, la d o u a n e de ce p o r t s'assure de la régularité de l'opération et en donne a t t e s t a t i o n sur le certificat d'origine. J u s q u ' à la loi du 5 a o û t 1913, en fait, les colons néo-hébridais é t a i e n t assimilés à leurs c o m p a t r i o t e s de la Nouvelle-Calédonie. É q u i t a b l e m e n t , il n ' y a pas de raison de faire cesser c e t t e assimila­ t i o n et, sous le r a p p o r t politique, des considérations décisives mili­ t e n t en faveur de la t h è s e q u e nous s o u t e n o n s . I I . — Dans un délai plus ou moins prochain, la question de souverai­ n e t é se posera en ce qui concerne les Nouvelles-Hébrides. 11 n e nous a p p a r t i e n t p a s d'exposer ici les phases de la l u t t e qui s'est poursuivie, s o u v e n t avec âpreté, pour que ces îles, prodigieusement riches, d e v i e n n e n t françaises. Nous nous bornerons à rappeler d'un m o t que les flottes alliées se sont emparées des possessions allemandes du Pacifique (1); que le c o m m e r c e général de la Nouvelle-Guinée et dépendances, qui é t a i t de 9.800.000 francs en 1905, est passé à 26.616.000 francs en 1912; que celui des îles Samoa est passé, pour les m ê m e s années, de 6.777.000 francs à 12.547.000 francs; que les c a p i t a u x mis en œ u v r e par les sociétés e x p l o i t a n t dans ces colonies a t t e i g n e n t un chiffre supérieur à 126.000.000 francs; que l'archipel des Samoa est situé sur la future g r a n d e ligne transpacifique

(1) Los c o l o n i e s a l l e m a n d e s de l ' O c é a n i e f o r m e n t d e u x g r o u p e s : celui de la N o u v e l l e - G u i n é e , c o m p r e n a n t la terre de l ' E m p e r e u r G u i l l a u m e « K a i s e r W i l ­ h e l m L a w » ; l'archipel B i s m a r c k et les îles S a l o m o n ; les îles M a r s h a l ; enfin les C a r o l i n e s et les M a r i a n n e s . L e s e c o n d g r o u p e e s t celui des tirs S a m o a .


NOUVELLES-HÉBRIDES

317

P a n a m a - S y d n e y , qu'il c o n s t i t u e une station de choix pour la télé­ graphie sans fil, qu'enfin il est d a n s le voisinage i m m é d i a t de la colonie française des Wallis, et qu'il y a identité complète entre les populations indigènes de ces deux groupes « Maoris purs». Q u a n t à la Nouvelle-Guinée allemande, elle est à elle seule g r a n d e c o m m e la France. Lorsque la question de l'attribution des colonies allemandes du Pacifique devra être résolue, n o t r e G o u v e r n e m e n t considérera sans d o u t e qu'il n ' e s t pas m a l à propos de faire appel à l'équité du Gou­ v e r n e m e n t b r i t a n n i q u e afin que les Nouvelles-Hébrides, dépendances naturelles de la Nouvelle-Calédonie, deviennent françaises.

Nous avons le devoir de remercier ici M. Doumergue, Ministre des colonies, de la c o n s t a n t e vigilance qu'il a appliquée à la défense des i n t é r ê t s français de l'Océanie et de l'accueil bienveillant qu'il a réservé à n o t r e i n t e r v e n t i o n t o u t e s les fois qu'elle s'est p r o d u i t e à la d e m a n d e des r e p r é s e n t a n t s de l'initiative privée en NouvelleCalédonie et a u x Nouvelles-Hébrides. Les e m b a r r a s dans lesquels ils se sont t r o u v é s au d é b u t de la guerre n ' o n t pas eu des conséquences irréparables grâce à c e t t e assistance qui lui a v a l u la reconnaissance sans réserve de n o t r e Association.



LA

QUESTION DES

TRANSPORTS MARITIMES



RAPPORT au nom de la Commission Consultative Coloniale (Section des Transports) Par M. Gratien Candace, Député de la Guadeloupe

INTERRUPTION DU SERVICE DE LA C

ie

DES « CHARGEURS RÉUNIS »

ENTRE LA FRANCE ET LA COTE OCCIDENTALE FRANÇAISE

A) Contrat postal La Compagnie des « Chargeurs Réunis » exécute le service postal sur la Côte occidentale d'Afrique, en v e r t u d'une adjudication du 16 m a r s 1907, d o n t les r é s u l t a t s o n t été a p p r o u v é s p a r décision ministérielle du 5 avril de la m ê m e a n n é e . Une loi du 5 mai 1906, promulguée au Journal officiel le 9 mai 1906 a v a i t en effet autorisé le Ministre des T r a v a u x publics, des Postes et des Télégraphes à m e t t r e en adjudication en deux lots, avec faculté de réunion pour une période de quinze années consécutives, l'exploitation entre la -France et la Côte Occidentale d'Afrique, des services maritimes p o s t a u x . Premier lot. — Six voyages p a r a n entre D u n k è r q u e et Matadi, par Le H a v r e , B o r d e a u x , Pauillac, Dakar, Conakry, Béréby; P o r t - B o ù e t ou Grand-Bassam, Cotonou, Libreville. Cap-Lopez Setfé-Cama, B a n a n e , Borna, Matadi. Le concessionnaire de ce lot sera tenu d'exécuter un service a n n e x e sur l'Ogowé et le F e r n a n - V a z , conformément a u x conditions du cahier des charges spécial à ce service;. Deuxième lot. — Six voyages par an e n t r e Marseille et Matadi, par Oran, Dakar, K o n a k r y , Monrovia, Béréby, P o r t - B o u e t ou Grand-Bassani, Cotonou, Libreville, Cap-Lopez, Mayunba, B a n a n e , Borna, Matadi. Les a u t r e s conditions de l'exploitation seront déterminées p a r les cahiers îles charges. LES COLONIES E t LA DÉPENSE NATIONALE

21


322

LA

QUESTION

DES

TRANSPORTS

MARITIMES

.Le premier lot, seul a été adjugé. Kn o u t r e des allocations données sous forme de primes ou de compensation d ' a r m e m e n t , en v e r t u des lois du 7 avril 1902 et du 19 avril 1906 sur la marine m a r c h a n d e , le concessionnaire, qui est la compagnie des «Chargeurs Réunis», reçoit une subvention fixe de 230.000 francs par an pour le service postal de D u n k e r q u e à Matadi et une s u b v e n t i o n de 36.000 francs pour le service de la ligne a n n e x e sur l'Ogpwé et le F e r n á n - V a z . Le deuxième lot pour le service entre Marseille et Matadi n'a pas t r o u v é preneur. La subvention annuelle prévue était de 195.000 francs. Il résulte de ce fait que la Métropole n'est reliée, au point de v u e postal, à l'Afrique Occidentale et E q u a t o r i a l e que t o u s les deux mois. B ) Convention particulière des « Chargeurs Hennis» avec le Ministère des Colonies Le 25 juin 1912, la Compagnie des «Chargeurs Réunis» a conclu avec le D é p a r t e m e n t des Colonies un c o n t r a t de t r a n s p o r t s d o n t l'objet est précisé d a n s l'article premier d u d i t . Cet article stipule que «la Compagnie des «Chargeurs Réunis» s'engage à assurer « à c o m p t e r du 1 j a n v i e r 1914 les t r a n s p o r t s du personnel, des « a n i m a u x et du matériel entre la F r a n c e et les possessions françaises « de la Côte occidentale d'Afrique; elle s'engage également à p r e n d r e « les dispositions nécessaires pour faire face a u x besoins c o m m e r « ciaux, d a n s la limite des disponibilités des navires qu'elle affectera « a u x services tels qu'ils sont définis a u présent c o n t r a t , et sous « la réserve que le commerce se conformera a u x nécessités des « itinéraires préalablement établis le f o u i t a n t à l'aller q u ' a u r e t o u r . e r

« De son côté, l'Administration des Colonies, à raison des obliga« tions ainsi assumées par la Compagnie ( t a n t à l'égard de l ' É t a t « e t des G o u v e r n e m e n t s des Colonies, qu'à l'égard du commerce « métropolitain et colonial) s'engage à confier ses t r a n s p o r t s à la «Compagnie des «Chargeurs Réunis» dans la mesure fixée p a r le « c o n t r a t ». Les garanties accordées p a r c e t t e convention particulière permir e n t à la Compagnie des « Chargeurs Réunis» d ' a u g m e n t e r sa flotte, de telle sorte q u e t o u t e s les trois semaines u n service régulier, t a n t


LA

QUESTION

DES TRANSPORTS

MARITIMES

323

a aller q u ' a u retour, était assuré e n t r e la F r a n c e e t les Colonies de la Côte occidentale d'Afrique, selon l'itinéraire fixé p a r le cahier des charges de l'adjudication postale du 16 m a r s 1907. Ce service tut i n t e r r o m p u le 15 a o û t dernier. La Compagnie, pour prendre cette grave détermination, s'appuya sur l'article 67 de la convention postale du 16 m a r s 1907 qui dit expressément : « Le marché peut être « 'w's en régie ou résilié dans les cas ci-après : « Interruption ou abandon « cas de guerre;

du service pour toute autre cause que le

« Faillite ou liquidation judiciaire; « Irrégularités fréquentes, négligence persistante ou m a u v a i s e « foi ; « Insuffisance ou m a u v a i s é t a t du matériel n a v a l ; « Cession du m a r c h é , v e n t e ou distraction du matériel n a v a l ; « T r a i t é conclu avec un g o u v e r n e m e n t étranger sans l'autorisation «de l'Administration», e t c . . Il est v r a i m e n t singulier q u e , p a r analogie avec ce qui a été fait pour les a u t r e s conventions m a r i t i m e s postales on n ' a i t pas, dans le c o n t r a t passé avec les «Chargeurs Réunis», réservé une clause spéciale a u cas de guerre. Nous n ' a r r i v o n s pas non plus à comprendre pourquoi il est écarté de cette convention le système de subventions révisables appliqué aux conventions passées avec les Messageries Maritimes, la Compagnie Générale T r a n s a t l a n t i q u e et la Compagnie S u d - A t l a n t i q u e . Si l'on avait admis ce système ainsi q u e la couver­ t u r e des risques de guerre, nous n'aurions p a s à déplorer la brusque cessai ion d'un service, d o n t la régularité en ce m o m e n t surtout doit avoir une i m p o r t a n c e aussi g r a n d e au point de v u e militaire et polil i q u e q u ' a u point de v u e commercial. Une lettre, adressée le 5 octobre au Président de la Commission consultative coloniale par M, L é o n C r u c h e t , secrétaire général de la Compagnie Française du H a u t - C o n g o , mol bien en relief ce dernier point de v u e . M. Léon Cruchet rappelle d'une p a r t q u e tous les vivres européens consommés au Congo, p r o v e n a n t de F r a n c e ou de Belgique, l'interruption prolongée des communications maritimes p o u r r a i t avoir pour le Congo français ou pour le Congo belge les plus sérieux i n c o n v é n i e n t s ; il indique d ' a u t r e p a r t q u e le nia relié d'Anvers, g r a n d i m p o r t a t e u r de caoutchouc de provenance


324

LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

congolaise, é t a n t actuellement fermé, il y a u r a i t i n t é r ê t à reprendre et a développer les transactions de cette m a t i è r e sur le m a r c h é de B o r d e a u x , p a r exemple. T o u t e s ces considérations r e n d e n t plus impérieux le devoir q u ' a l ' E t a t de solutionner sans tarder la question des t r a n s p o r t s sur la Côte d'Afrique. Nous négligeons sciemment les griefs articulés p a r la Compagnie des «Chargeurs liéunis» c o n t r e le d é p a r t e m e n t des Colonies qui se serait, paraît-il, déclaré, en v e r t u de son c o n t r a t particulier, gros acheteur de frets e t de billets de passage et non défenseur des g r a n d s intérêts de la marine m a r c h a n d e nationale et qui, pour étayer en quelque sorte, cette; conception étroite et erronée de gestes précis n ' a u r a i t pas hésité à solliciter, depuis le 15 aofd, les offres de compagnies étrangères, entre a u t r e s de l ' a r m e m e n t anglais Elder Dqmpstèr, de Liverpooi, d'un, a r m e m e n t à façade belge appelé Compagnie maritime du Congo, d ' u n a r m e m e n t portugais appelé l'Empreza Nacional de Navagaeao porlugueza. Il ressorl. I a ut des explications fournies à la section des t r a n s p o r t s par le r e p r é s e n t a n t du Ministre des Colonies q u e d ' u n entretien que j ' a i eu avec lui, q u e son appel à la concurrence; étrangère a v a i t seulement pour b u t d ' a m e n e r les Chargeurs Réunis à modifier leurs propositions, mais que j a m a i s le Ministère des Colonies qui a, a u m ê m e t i t r e q u e les a u t r e s D é p a r t e m e n t s , la charge îles grands intérêts de; la Nation et le souci c o n s t a n t du r a y o n n e m e n t de l'in­ fluence morale; et eh; la puissance éoonomie'ue de la France, n'a perdu eh; v u e le caractère île s o n rôle et ne s'est dépouillé du s e n t i m e n t de ses responsabilités. Nous avons ramassé les éléments d u problème; il nous r e s t e à indiquer les solutions pmposées cl n o s conclusions qui. si elles étaient adoptées, préciseraient dans quel sens peut se produire utilement l'intervention élu Président ou du bureau de la Commis­ sion c o n s u l t a t i v e coloniale. G) Les propositions de la Compagnie des

Chargeurs Réunis-»

Il r e s s o r t n e t t e m e n t des dispositions de l'article G7 de la convent toit postale el de; l'ensemble d e s dispositions de ht Convention


LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

325

particulière du Ministère des Colonies passées avec la Compagnie dés « Chargeurs Réunis», que le service é t a i t exclusivement établi pour le t e m p s de paix, c'est-à-dire pour une période normale où le concessionnaire p o u v a i t escompter des dépenses réduites au strict m i n i m u m et c o m p t e r sur des éléments de recettes n o r m a u x en t r a n s p o r t s de passages et de fret du commerce et de l'État. L ' é t a t de guerre c h a n g e a n t t o u t , la Compagnie formule q u a t r e propositions pour continuer à assurer le service p e n d a n t cette période. J e les transcris, d'après la noie remise par le Directeur des v Chargeurs Réunis » au président de la Commission Consultative Coloniale et d'après une. note qui m'a été remise par le Ministère des Colonies. Première, proposition. — La Compagnie offre d'organiser un service mensuel de p a q u e b o t s et un service de v a p e u r s de charge effectué c h a q u e deux mois. La Compagnie a d m e t d'exploiter les navires mis en ligne sans aucun bénéfice industriel, c'est-à-dire en compte à demi avec l ' É t a t , é c a r t a n t le principe d'une subvention forfaitaire, elle offre à l ' É t a t de t r a i t e r sur la base du remboursement intégral de ses frais d'ex­ ploitation. Cette proposition peut se résumer comme suit : P a r t a g e des bénéfices s'il y en a, dans le cas contraire, l'Etat supporte seul l'in­ tégralité du déficit. Elle n ' e s t pas acceptée p a r le D é p a r t e m e n t des Colonies, malgré l ' a v a n t a g e certain qu'elle lui laisse de n'avoir pas de s u b v e n t i o n à payer et de disposer du n o m b r e et de la fréquence des d é p a r t s à effectuer. C'est à vrai dire une sorte de régie indirecte qui p o u r r a i t laisser des aléas fâcheux et qui sort t o t a l e m e n t du cadre de la loi qui a permis les conventions de 1907 et de 1912. Une question se pose n a t u r e l l e m e n t : Où le Ministère ries Colonies prendrait-il l'argent pour couvrir les déficits éventuels? Deuxième proposition. — La Compagnie offre d'exécuter un service de p a q u e b o t s avec d é p a r t s fous les deux mois, complété par un d é p a r t de v a p e u r s de charge également tous les deux mois, offrant ainsi une mise en ligne mensuelle. Le D é p a r t e m e n t des Colonies p r e n d r a i t à sa charge la s u r t a x e de guerre de 25 % sur les prix de fret et de passage prévus à son contrat ;


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LA

Q U E S T I O N

D E S

T R A N S P O R T S

M A R I T I M E S

la Compagnie d e m a n d e r a i t p a r ailleurs a u x D é p a r t e m e n t s dé la Marine e t des Finances, l'octroi d ' u n c o n t r a t c o m p l é m e n t a i r e sur les bases de l'exploitation Troisième

proposition.

sans bénéfice

industriel.

La Compagnie offre

d'effectuer

de

suite, à ses frais, risques et périls, un service de p a q u e b o t s fous les deux mois ne d e m a n d a n t à L'Etat pour ce service de p a q u e b o t s q u e :

а) la couverture des risques de g u e r r e : б) l'application dé la s u r t a x e de 2 5 % a u x envois du D é p a r t e ­ m e n t des Colonies : c) le maintien de garanties de t r a n s p o r t du C o n t r a t des Colonies. Ce service de p a q u e b o t s d e v a i t être complété p a r un service de vapeurs d e charge a v e c d é p a r t s fous les deux mois el, la Compagnie d e m a n d a i t , pour ce service c o m p l é m e n t a i r e seulement, de t r a i t e r s u r la h a s e de l'exploilation sans bénéfice industriel. L e s deux combinaisons étaient liées. Quatrième proposition. - La C o m p a g n i e d e m a n d e , au c a s où le I téparl e m e n l d e s ( lolonies refuserait d e s u p p o r t e r le déficit d ' e x p l o i I al ion, sur la hase de l'exploitation sans bénéfice industriel pour le service des v a p e u r s d e charge, de lui accorder p a r v o y a g e u n e contribution forfaitaire de 150.000 Francs plus la c o u v e r t u r e d e s r i s q u e s de guerre, soi! en toiil près de 180.000 francs par voyage. D) Ce que veut le Département des Colonies La question relative à la c o u v e r t u r e des risques d e guerre d e v a n t être solutionnée par le Ministre du C o m m e r c e e t des Postes de la compétence d e qui elle relève, le Ministre des Colonies, s'en t e n a n t à la ( lonvenl ion pari i e u l i è r e p a s s é e . e n t r e lui et la C o m p a g n i e des. « Chargeurs Réunis», est disposé à garder sa liberté d'action en ce qui concerne ses t r a n s p o r t s de personnel et de matériel, si la Compagnie des «Chargeurs Réunis» n'offre; pas, pour les d é p a r t s Supplémentaires qui p e i n e n t être nécessaires, les mêmes prix q u e t o u t n u i r e a r m a t e u r , à qui il s e r a i t l'ail a p p e l .

E) Aucune sanction n'est possible contre la Compagnie Nous avons déjà dit q u e l'article 07 du Cahier d e s Charges de Ja Convention po>tale du 16 m a r s 1907 n e permettait de prendre,


LA

QUESTION

D E S TRANSPORTS

MARITIMES

327

pendant- l'état de guerre, a u c u n e sanction, contre la Compagnie des « Chargeurs Réunis ». Il n ' e s t pas non plus possible q u ' o n lui applique l'article 65 de la dite Convention q u i prévoit u n e r e t e n u e sur la subvention postale c o r r e s p o n d a n t a u x parcours n o n effectués, lorsqu'il y a inexécution t o t a l e ou partielle d ' u n voyage, car la Compagnie p e u t invoquer le m a n q u e de sécurité, r é s u l t a n t de la n o n - c o u v e r t u r e des risques de guerre. Enfin, l'article 41 de la Convention avec ie Ministère des Colonies est i n o p é r a n t puisqu'il puise t o u t e sa forpe dans l'article 67 de Convention postale. Il y est d i t t e x t u e l l e m e n t q u e « le ministre «des Colonies aura le droit d'user à l'égard de la Compagnie des « sanctions édictées p a r l'article 67 d u Cahier des Charges a y a n t « fait l'objet de l'adjudication postale du 16 m a r s 1907, les clauses « d u d i t article é t a n t ainsi rendues applicables à la présente Con­ fi v e n t i o n . »

F) Conclusions. — La solulion possible. — L'intervention de la Commission Consultative coloniale s'impose. L ' i n t e r r u p t i o n des relations entre la F r a n c e et la Côte Occiden­ tale et E q u a t o r i a l e d'Afrique n e s a u r a i t se prolonger, sans consé quences graves, t a n t a u point de v u e politique q u ' é c o n o m i q u e . Les t r a n s p o r t s de t r o u p e s , de marchandises e t des correspondances ne sauraient, sans inconvénient, être soumis a u moindre aléa. La Commission c o n s u l t a t i v e a pour devoir de p r o v o q u e r p a r u n e i n t e r v e n t i o n i m m é d i a t e auprès de M. le Ministre des Colonies une décision d u G o u v e r n e m e n t . Nous l'avons prouvé, l ' É t a t est désarmé contre la Compagnie des «Chargeurs Réunis». U n accord s'impose et il faut en rechercher la base. L e mieux est de rester dans l'esprit de la Convention v o t é e p a r le P a r l e m e n t . Le deuxième l o t prévu p a r la loi du 5 m a i 1906 n ' a y a n t p a s t r o u v é preneur, la subvention de 195.000 francs qui lui était affectée est restée inemployée ou n ' a reçu jusqu'ici a u c u n e destination légale. L ' É t a t n ' a p a s moins bénéfic é dans u n e certaifte mesure de la Convention particulière passée e n t r e le Minisi èie des Colonies et les a Chargeurs Réunis».


328

LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

On p o u r r a i t proposer au Ministère fin Commerce; et des P o s t e s d'accorder à la Compagnie la subvention globale de 425.000 francs p r é v u e par le C a h i e r des Charges et votée p a r le P a r l e m e n t . Si la Compagnie accepte, on a n n u l e r a i t les effets de l'article 67 en décidant q u e . p a r analogie a v e c ce qui a été fait pour les a u t r e s compagnies, l ' E t a t couvrirait les risqués de g u e r r e . P o u r c e qui a trail à l'augmentation de 2 5 % sur le fret adminis­ tratif q u i concorde avec le tarif d e s a u t r e s Compagnies subven­ tionnées, l'Elal n e supporterai! presque a u c u n e charge, puisque ce sont les colonies les principales intéressées, en la circonstance, qui p a i e r a i e n t c e l l e a u g m e n t a t i o n . E n ce qui concerne la liberté des tarifs co mmer ci au x , elle sera forcément limitée p a r les tarifs des a u t r e s Compagnies et, au besoin, l'Administration pourrait lui imposer c e t t e concordance. Cette base bien établie, h; D é p a r t e m e n t des Colonies deman­ derait à la Compagnie une mise en ligne tous les d e u x mois, soit six départs de grands vapeurs de charge, auxquels s'ajouteraient n o r m a l e m e n t les six départs de p a q u e b o t s p o s t a u x q u e c o m p o r t e la convention postale du 15 mars 1907. Le M i n i s t è r e des Colonies se réserverait le c a s d'urgence pour les départs supplémentaires ou il r e p r e n d r a i t t o u t e sa liberté d'action. En résumé, nous s o m m e s d ' a v i s d e proposer à la Compagnie pendanl la durée d e s hostilités u n e subvention a n n u e l l e do 125.000 f r a n c s a u lieu de 2 3 0 . 0 0 0 f r a n c s , la c o u v e r t u r e d e s r i s q u e s de guerre,

l ' a u g m e n t a t i o n du 25 % du fret administratif et de lui d e m a n d e r six d é p a r t s de v a p e u r s d e charge; fous les d e u x mois a l t e r n a n t avec ses six départs de; p a q u e b o t s p o s t a u x et la libre disposition du cas d'urgence pour les d é p a r t s s u p p l é m e n t a i r e s . Ce sont, Messieurs, les conclusions auxquelles j ' a i a b o u t i après un e x a m e n approfondi du dossier que; vous avez, bien voulu m e confier. Quelle que; soif v o t r e décision, vous aurez, c o m m e moi, le souci fie formuler u n e solution, qui ne c o m p o r t e ni a t e r m o i e m e n t , ni a j o u r n e m e n t .


RAPPORT SUR LES REPRISES ÉCONOMIQUES Par M. Paul

A Monsieur Commission

de

Rousiers

Henni Bérenger, sénateur, Consultative Coloniale

« Bordeaux,

* Mon

cher

m Je m'empresse « Ma collaboration a « il luul absolument « Veuillez agréer, < linqucs.

Président

le 10 décembre

de In

1914,

Président, de vous envoyer le remarquable Bapporl de. M. de. Bousiers. été par trop infime pour que je puisse le prendre à mon compte; le laisser au nom de son auteur. mon cher Président, l'assurance de mes sentiments bien dis« A. B A U . A N D E . »

Dans sa séance du 28 n o v e m b r e 1014, la Commission Consultative Coloniale a reconnu que la première des reprises économiques sur laquelle son a t t e n t i o n devait se porter était la reprise de nos t r a n s ­ ports m a r i t i m e s . En effet, t o u t e s nos a u t r e s reprises d é p e n d e n t d'une; façon étroite de la manière d o n t notre m a r i n e m a r c h a n d e accomplira dans l'avenir la t â c h e nationale qui lui est dévolue. L ' u n a n i m i t é qui s'est produite sur c e t t e question, au sein de la Commission, manifeste la clairvoyance des Membres qui la compo­ s e n t ; mais ce serait se faire une étrange illusion de considérer que le problème de la m a r i n e m a r c h a n d e est compris de la m ê m e manière par l'ensemble du m o n d e commercial. 11 faut reconnaître, au et non des moindres, le de notre développemenl marine m a r c h a n d e . Il y

contraire, que pour b e a u c o u p de négociants, problème du commerce extérieur et celui colonial ne sont pas liés à celui de n o t r e a lieu, par conséquent, d'indiquer ici briè-


330

LA

Q U E S T I O N

DES

T R A N S P O R T S

M A R I T I M E S

v e m e n t , pour quelles causes particulières le commerce m a r i t i m e de la F r a n c e se t r o u v e é t r o i t e m e n t uni au développement de son pavillon national.

1. La condition première des reprises économiques est l'organisation des transports maritimes sous pavillon français Il existe dans le m o n d e un exemple particulièrement curieux de p a y s se développant au point de v u e économique avec u n e intensité r e m a r q u a b l e , alors, q u ' a u contraire, sa m a r i n e m a r c h a n d e t o m b e dans une décadence m a r q u é e ; cet exemple est celui des É t a t s Unis. E n 1860, au m o m e n t où allait éclater la guerre de Sécession, la m a r i n e m a r c h a n d e du m o n d e entier se divisait en trois parties à peu près égales : l'Angleterre, qui déjà t e n a i t la t ê t e , c o m p t a i t un peu plus de 5 millions de t o n n e a u x de jauge b r u t e ; les É t a t s - U n i s v e n a i e n t i m m é d i a t e m e n t après, avec un écart liés faible. Enfin 5 millions de t o n n e a u x de j a u g e b r u t e se t r o u v a i e n t distribués entre les a u t r e s marines marchandes du m o n d e . Aujourd'hui, la situation est t o u t e différente. L'Angleterre reste toujours au premier r a n g avec 19 millions environ de t o n n e a u x de j a u g e b r u t e . Les É t a t s - U n i s tiennent encore le second r a n g avec 7 millions de t o n ­ neaux de jauge b r u t e , mais grâce à un artifice de statistique, auquel il ne faut pas se laisser prendre. Sur ces 7 millions et demi, en effet, 3 millions et demi environ appartiennent à la navigation des Grands Lacs, 3 millions à la navigation de c a b o t a g e e t 1 million seulement à la navigation de concurrence. C'est ainsi q u e la flotte des É t a t s t r a n s p o r t e seulement 9 % de l'ensemble de son trafic m a r i t i m e extérieur. E n 1860 elle t r a n s p o r t a i t plus de 50 % de ce trafic. Ainsi, d'une façon très m a r q u é e et pour des causes qu'il est facile, au surplus, de dégager, la m a r i n e m a r c h a n d e des É t a t s - U n i s ne joue plus, loin de là, le rôle qu'elle j o u a i t en 1860 dans le trafic national. Elle n'est plus, pour ainsi dire, q u ' u n e q u a n t i t é négligeable, e t c'est sous pavillon anglais, allemand, Scandinave, français aussi, q u e sont t r a n s p o r t é e s c h a q u e année, les q u a n t i t é s immenses de marchandises que les E t a t s - U n i s expédienl en Europe ou en reçoi-


LA

Q U E S T I O N

D E S

T R A N S P O R T S

M A R I T I M E S

331

v e n t . E t c e p e n d a n t , il n ' y a pas, on le sait, d'exemple plus a d m i r a b l e d'essor économique que celui d o n t les É t a t s - U n i s o n t donné le spectacle depuis un demi-siècle, c'est-à-dire depuis la fin de la grande guerre civile qui a rempli les années de 1861 à 1865 (1). On ne p e u t donc pas affirmer, d'une façon absolue, que le déve­ l o p p e m e n t économique d ' u n pays soit toujours lié à son développe­ m e n t m a r i t i m e . Mais, il est permis de se d e m a n d e r pour quelles raisons se produit le contraste' que nous venons de relever entre la prospérité économique des É t a t s - U n i s et la décadence de leur marine m a r c h a n d e . Un bref c o u p d'reil sur l'histoire économique de l'Amérique du Nord nous suffira du reste pour indiquer ces causes. \ A la suite de la guerre de Sécession, le développement agricole industriel et commercial des É t a t s - U n i s a été général. Mais, alors ([ue le développement industriel visait s u r t o u t à assurer la consom­ mation intérieure du pays, le développement agricole était princi­ p a l e m e n t dirigé vers l'exportation, De plus, des circonstances géologiques favorables avaieid, donné aux Kl al s-i nis une richesse naturelle qui devait être pour elle un élément très i m p o r t a n t de commerce extérieur : le pétrole. Enfin, le climat des États du Sud leur p e r m e t t a i t d'exporter en, t r è s grande q u a n t i t é , 1res vile après la fin de ia crise, certains produits tropicaux, en particulier le coton et le t a b a c . P a r suite, les e x p o r t a ­ tions américaines présentaient un caractère à p a r t . C'étaient des marchandises qu'il était impossible de trouver, t o u t au moins en g r a n d e q u a n t i t é dans d ' a u t r e s pays que les É t a t s - U n i s . E n ce qui concerne le coton, les É t a t s - U n i s étaient et sont encore de beaucoup le plus g r a n d pays producteur. E n , ce qui concerne les blés, les maïs, les viandes conservées ou frigorifiées, les É t a t s - U n i s fournis­ saient, la plus grande partie de ces marchandises, en concurrence avec d ' a u t r e s pays neufs, tels que l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou certaines parties de l'Amérique du Sud. Enfin, les É t a t s - U n i s produisent à eux seuls, aujourd'hui encore, environ 60 % de la q u a n t i t é totale de pétrole extrait dans le m o n d e .

(1) V o i r : «Commerce and Navigation of the United States for the year ending June MO, 1912. — Bureau of Foreign and Domestic Commerce. »


332

I.A Q U E S T I O N DES

TRANSPORTS

MARITIMES

Dans ces conditions, il i m p o r t a i t fort peu que ces marchandises fussent importées en E u r o p e sur des navires battant, pavillon américain ou sur des navires b a t t a n t pavillon européen. Ces navires européens n ' a p p a r t e n a i e n t pas à des nations concurrentes, mais à des n a t i o n s clientes, et forcément clientes. Ni le R o y a u m e - U n i , ni plus lard l'Allemagne, ni la Belgique, ne p o u v a i e n t se passer, pour nourrir leur population ouvrière t r è s agglomérée, des marchandises alimentaires que leur e n v o y a i t l'Amérique du Nord. Ils ne p o u v a i e n t pas se passer d a v a n t a g e , soit pour leur i n d u s t r i e soi! pour les usages domestiques, du coton américain, ni du pétrole; américain. Aussi longtemps que les exportations américaines conservèrent, d'une façon d o m i n a n t e , le caractère que nous venons de m e t t r e en relief, l'opinion publique américaine se préoccupa assez peu de la décadence de la m a r i n e m a r c h a n d e . Au contraire, depuis quinze ans environ, un m o u v e m e n t très accentué dans le sens dc,son relève­ m e n t s'est manifesté dans l'ensemble de l'Union américaine. Ge no sont pas seulement les négociants des ports, mais des indus­ triels ou des c o m m e r ç a n t s de l'intérieur, h a b i t a n t des É t a t s situés à de grandes distances de la mer, qui se préoccupent de l'effacement du pavillon étoile. Ge revirement de l'opinion correspond t o u t simplement à une modification du caractère des e x p o r t a t i o n s . Les E t a t s - U n i s c o n t i n u e n t à exporter fout ce q u e nous venons de dire, mais alors que les produits fabriqués ne figuraient autrefois d a n s la s t a t i s t i q u e générale que pour une proportion faible : — 15 à 20 % environ — c e t t e proportion s'élève actuellement à 47 % , et c h a q u e année les statistiques relèvent une progression nouvelle dans ce sens. P a r suite, les Américains confient le t r a n s p o r t de leurs expor­ tations à des navires anglais ou allemands et q u a n d ces e x p o r t a t i o n s consistent en produits fabriqués, ce n'est plus à des clients obligés, c'est à des concurrents qu'ils les confient. On aperçoit de suite la différence de la situation et le danger de c o n t i n u e r dans la voie où les Américains s'étaient engagés jusqu'ici. Très vite, ils se sont aperçus que les produits fabriqués livrés par leur industrie sur les marchés extérieurs p o u v a i e n t être livrés t o u t aussi bien par des Anglais, des Français, des Belges, des Allemands, e f e Alors (pie l'abondance des produits agricoles


LA

QUESTION

DES

TRANSPORTS

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en excès est c o m m e un privilège spécial a u x pays n e u f s ; alors que des richesses telles q u e le pétrole sont très inégalement distribuées dans le m o n d e , alors que les p a y s t r o p i c a u x p r é s e n t a n t des qualités d ' h u m i d i t é et de fertilité spéciales, se p r ê t e n t seuls à la culture du coton, tous les climats et t o u s les sols p e u v e n t s u p p o r t e r des b â t i ­ m e n t s de fabrique où se t r a i t e n t des matières premières v e n a n t de l'étranger en v u e d'élaborer des produits destinés également à l'étranger. L'exemple le plus f r a p p a n t que l'on puisse i n v o q u e r d'un p a y s offrant le c o n t r a s t e d'un essor économique e x t r a o r d i n a i r e e t d'un effacement m a r q u é de sa m a r i n e m a r c h a n d e , s'explique donc p a r des circonstances particulières et, en fait, t e m p o r a i r e s . Plus l'Amé­ rique développera son industrie, plus elle sentira la nécessité d ' u n e marine m a r c h a n d e en r a p p o r t avec l ' i m p o r t a n c e de son industrie. Il n ' e s t p a s besoin de connaissances statistiques étendues pour savoir que, depuis de longues années déjà, les produits fabriqués forment en F r a n c e une partie très i m p o r t a n t e de nos e x p o r t a t i o n s . La F r a n c e se trouve; p a r conséquent, à ce point de v u e , dans la situation qui commence à se dessiner pour les E t a t s - U n i s , avec c e t t e différence que le p h é n o m è n e est chez nous b e a u c o u p plus ancien et b e a u c o u p plus intense. Il est clair, p a r conséquent, que nous devons redouter de confier nos marchandises d ' e x p o r t a t i o n , c o m m e nous le faisons t r è s souvent, à des pavillons étrangers r e p r é s e n t a n t précisément les n a t i o n s qui nous concurrencent le plus v i v e m e n t au point de v u e industriel. Non seulement nos éléments d ' e x p o r t a t i o n sont en majorité des produits fabriqués, mais ils offrent ce caractère particulier qu'ils o n t , plus q u e d'autres, besoin d'être présentés à la clientèle, par ceux-là m ê m e qui o n t intérêt à les v e n d r e . On sait, en effet, que l'industrie! française, en particulier certaines de nos industries françaises, se t o u r n e n t plus volontiers vers l'objet de luxe et de goût, q u e vers l'objet de large c o n s o m m a t i o n . Sans doute, on peut regretter, dans certains cas, cette t e n d a n c e de nos industries françaises, et il est nécessaire de la c o m b a t t r e pour n e pas nous laisser dislancer dans certains c o m p a r t i m e n t s de la vie économique par les peuples qui excellent à fabriquer le • inasscn artikel». 'l'on-


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tefois, il serait peu avisé de ne pas tenir compte de cette t e n d a n c e et de renoncer a u x a v a n t a g e s qu'elle peut nous procurer. Si, en par­ ticulier, les modes françaises féminines on! par delà les mers une r é p u t a t i o n qui ne le; cède à a u c u n e a u t r e ; si, par exemple, nos célèbres ateliers de la rue de la P a i x o u , d a n s un genre moins luxueux, nos grands magasins de confection fournissent d'énormes q u a n t i t é s de marchandises à une clientèle dispersée sur fous les points du globe, cela tient précisément an prestige de n o t r e g o û t et au sens a r t i s t i q u e qui préside a u x inventions, a u x créations de nos g r a n d s couturiers et de nos grands fabricants de n o u v e a u t é s . Cependant, ce prestige n'est pas suffisant pour nous m e t t r e complètement à l'abri du danger des t r a n s p o r t s sous pavillon étranger. Il y a peu d'années, un industriel de R o u b a i x faisait à un économiste visitant, ses ateliers, la confidence s u i v a n t e . Il a v a i t reçu une c o m m a n d e i m p o r t a n t e d'une Colonie française des Indes que je me p e r m e t s de ne pas n o m m e r . L'exécution de cette com­ m a n d e lui a v a i t valu des compliments de la p a r t de son a u t e u r et il était fort surpris que ces compliments n'eussent pas p r o d u i t le résultat n a t u r e l et espéré savoir, celui d'une nouvelle et plus i m p o r t a n t e c o m m a n d e . Après quelques démarches infructueuses, il se résolul à faire une enquête pour en avoir le cœur net, et voici ce qu'il apprit. L'agoni de la Compagnie allemande de navigation à laquelle il a v a i t confié le transport de s e s marchandises, était allé lui-même se présenter au destinataire. Il lui avait l'ait valoir que, si la place française de Roubaix fabriquai! des étoffes de n o u v e a u t é s , elle n ' é t a i t pas seule au monde à en fabriquer. Il a v a i t expliqué que les textiles allemandes produisaient «'gaiement ce genre d'articles et il a v a i t ajouté, de bonne foi probablement, q u e les articles allemands défiaient t o u t e concurrence, non seule­ m e n t en ce qui concernai! la qualité, mais encore au poinj de v u e du p i x . Enfin, il a v a i t affirmé que les crédits consentis pur des maisons allemandes éfaionl infiniment plus longs que ceux consentis par des maisons françaises. Bref, il avait l'ail tant et si bien, q u e le destinataire des marchandises françaises s'était t r o u v é transformé en client de l'industrie allemande, par le seul l'ait de l'imprudence du fabricant de lioubaix. :

I)es exemples de ce genre pourraient èt,ré cités en quant il é innom-


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brable. Il y a même parfois des renversements de logique étranges à ce point de v u e . Dans une cerf aine clienl èle anglaise de l'Hindoust a n , le vin de C h a m p a g n e ue passe pour a u t h e n t i q u e q u e s'il p o r t e la m a r q u e des Docks de Londres. De t e m p s immémorial, c e t t e clientèle reçoit son Champagne par l'intermédiaire des navires anglais et. des entrepositaires anglais des Docks de Londres, et elle a a t t a c h é le caractère d ' a u t h e n t i c i t é a u x m a r q u e s d o n t elle a l'habitude. Il est arrivé ceci d'étrange q u ' u n e Compagnie française de navigation p r e n a n t du vin de C h a m p a g n e à destination de l'Inde dans un p o r t français, s'est v u e soupçonnée d'avoir livré de faux Champagne parce qu'il ne p o r t a i t pas les m a r q u e s en question. Bien plus, c e t t e Compagnie, r e n o n ç a n t avec raison à confondre une clientèle ferme dans ses préjugés, a pris le sage parti d'envoyer, par un de ses services auxiliaires, le Champagne qui lui était confié dans les ports français j u s q u ' à Londres, afin qu'il reçut là les m a r q u e s garantissant, a u x y e u x de la clientèle indienne, son a u t h e n ­ ticité de vins français. Dans ce cas, comme on le voit, le produit se t r o u v a i t dénationalisé p a r le fait qu'il n ' a t t e i g n a i t pas sa clientèle sous pavillon national. E n dehors m ê m e de nos marchandises fabriquées, certains pro­ duits de n o t r e sol, et en particulier celui d o n t nous venons de parler, le vin français, ne peuvent être appréciés p a r u n e clientèle étrangère, q u e si c e t t e clientèle a reçu une éducation appropriée. Tous ceux qui o n t été admis a u x tables ho.-| italières de nos amis les Anglais, s a v e n t de quelle façon déplorable on b u v a i t nos vins il y a quelques années. Après un dîner au Champagne, p a r exemple, on vous servait les g r a n d s crus de B o r d e a u x au m o m e n t du cigare. Avec de pareilles habitudes, on en arrive vite à préférer le goût plus marqué du P o r l - W i n e , souvent a d d i t i o n n é d'alcool; la finesse du g o û t se t r o u v e oblitérée et les qualités délicates et rares de nos vins français ne p e u v e n t plus être appréciées. Imagine-t-on q u e des agents de Compagnies étrangères puissent être, dans u n p a y s qui s'ouvre, les éducateurs qui conviennent pour faire g o û t e r nos p r o d u i t s ? Ce serait é v i d e m m e n t b e a u c o u p t r o p leur d e m a n d e r . Ni leur patriotisme, ni leurs facultés naturelles ne leur p e r m e t t e n t de jouer ce rôle. E t si l'on veuf qu'il soit rempli d'une façon satisfaisante, il ne suffit pas de quelques voyageurs


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de commerce t r a v e r s a n t le pays à des intervalles plus bu moins éloignés, il faut la présence c o n s t a n t e d ' u n r e p r é s e n t a n t a u t h e n t i q u e du commerce français, l'agent d'une Compagnie de n a v i g a t i o n . Puisqu'il s'agit s u r t o u t , en ce m o m e n t , de r e p r e n d r e

l'avance

que les Allemands a v a i e n t gagnée sur beaucoup de marchés exté­ rieurs, ne convient-il pas de s'inspirer de leurs exemples, et de fonder n o t r e espoir sur de puissants moyens de c o m m u n i c a t i o n s maritimes pour la diffusion de nos produits n a t i o n a u x ? La Commission Consultative Coloniale a déjà donné son adhésion à t o u t ce qui precèdi-, ainsi (pue nous l'exposions au d é b u t . Elle sait déjà que t o u t e reprise économique a pour condition préalable et essentielle une organisation de t r a n s p o r t s maritimes, sous pavillon français. Mais, celle condition nécessaire est-elle une condition suffisante et t o u t e sorte de navire français est-elle en mesure d ' o b t e n i r le r é s u l t a t s o u h a i t é ? Là encore l'exemple de l'Allemagne donne de précieuses indica­ t i o n s . La marine m a r c h a n d e allemande a t t e i g n a i t presque, au dernier relevé s t a t i s t i q u e l'ait a v a n t la guèrre, h; chiffre de 5 mil­ lions de t o n n e a u x de j a u g e b r û l e . Sur ces 5 millions, les lignes régulières de navigation absorbaienl plus de 3 millions et demi. On sait, au surplus, q u e les deux plus i m p o r t a n t e s compagnie?, la H a m b u r g Auierikn et le Norddeulscher Lloyd, réunies pratique* m e n t a u j o u r d ' h u i sous une même direction, o n t à e l l e s seules un t o n n a g e qui dépasse 2 millions de t o n n e a u x de j a u g e b r u t e . L'effort allemand s'était donc p o r t é , d ' u n e façon e x t r ê m e m e n t m a r q u é e , vers les lignes régulières de n a v i g a t i o n . C'est que cet effort m a r i t i m e n ' é t a i t pas a u t r e c h o s e que h- précurseur d'un a u t r e effort commer­ cial c e l u i - l à . cl ipie l e s compagnies d e navigation a v a i e n t pour mission de préparer les voies a u x entreprises commerciales. Ni l ' E t a l . ni l e s pari iCuliers, n'onl hésité e n Allemagne pour crééer à g r a n d s frais ces flottes de commerce puissantes, reliant d ' u n e façon c o n s t a n t e l'Allemagne aux pays dans lesquels elle voulait se créer des débouchés. C'était là du reste, une sorte de tradition nationale. En Allemagne, e n e f f e t , on p e u t dire que le développe­ m e n t m a r i t i m e a précédé cl préparé le d é v e l o p p e m e n t agricole et industriel. L e s a r m a t e u r s e t l e s négociants d e la grande cité hanséa-


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bique de H a m b o u r g le proclamaient avec un orgueil justifié : H a m ­ bourg était prêt, longtemps a v a n t que l'Allemagne fût devenue u n g r a n d p a y s producteur, à servir, à accélérer et à assurer son d é v e l o p p e m e n t futur. Dès 1850, a u m o m e n t où l'Angleterre suppri­ m a i t les derniers vestiges de sa politique m a r i t i m e prohibitive et abrogeait ce qui restait de l'Acte de navigation de Cromwell, les a r m a t e u r s hambourgeois sortaient de la longue période de recueil­ l e m e n t qui, p e n d a n t deux siècles environ, s'était imposée à eux p a r suite de l'isolement où ils se t r o u v a i e n t de t o u t g r o u p e m e n t n a t i o n a l économique puissant. Dans la c o u r t e période de 1850 à 1860, le t o n n a g e de la flotte a v a i t doublé. E n 1870, il a c q u é r a i t déjà une i m p o r t a n c e sérieuse. A p a r t i r de cette d a t e , on sait com­ m e n t l'élément hambourgeois Irouva dans l'unité allemande les éléments do l'essor magnifique auquel nous avons assisté. L ' E m p i r e allemand n ' é t a i t pas, en effet, une pure œ u v r e militaire, mais aussi l'établissement d'une v a s t e entreprise industrielle et commerciale qui, p e n d a n t q u a r a n t e - q u a t r e ans, ne d e v a i t pas cesser de grandir. Cette v a s t e entreprise a v a i t besoin d'un puissant service de t r a n s p o r t s , n o n pas occasionnels, mais c o n s t a n t s . Elle en t r o u v a les éléments dans les compagnies, alors modestes, de H a m b o u r g et de B r è m e ; elle les développa, les organisa et en fit de merveilleux i n s t r u m e n t s de p r o p a g a n d e . Ce ne sont donc pas précisément des navires à destination variable, des tramps, c o m m e on les désigne dans le langage m a r i t i m e , qui sont le plus nécessaire a u x reprises économiques que nous pour­ suivons. Seules, des lignes régulières p e u v e n t assur.er le lien p e r m a ­ n e n t e n t r e les lieux de production et les lieux de c o n s o m m a t i o n , entre h; fabricant et la clientèle, qui sont indispensables à l'essor de notre indusl rie, de notre commerce, et p a r c o n s é q u e n t à l'extension de nos débouchés extérieurs. •

E n p r o p o s a n t cette conclusion à la Commission Consultative Coloniale, nous n ' a v o n s a u c u n e m e n t l'intention de r e c o m m a n d e r spécialement la création de nouvelles entreprises postales. Autre chose est l'établissement d ' u n service postal, justifié, du reste, par les plus légitimes considérations; a u t r e chose est l'établissement d'une ligne d'inférêl général, qui assure la régularité des e o m m u n i LES COLONIES

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cations commerciales, sans se voir c o n t r a i n t e a u x mille et une prescriptions d ' u n Cahier des Charges compliqué, créant parfois de véritables e n t r a v e s à la n a v i g a t i o n . Il ne s'agit, bien e n t e n d u , d'exclure a u c u n e forme de développe­ m e n t m a r i t i m e et les compagnies subventionnées ont. leur raison d'être et t r o u v e n t leur justification dans les services qu'elles r e n d e n t . Mais, il ne faut pas se c o n t e n t e r de ce genre de reprise. Il y a lieu de faire appel à l'initiative privée pour le développement, la création ou le maintien de lignes régulières d ' u n caractère v r a i m e n t com­ mercial. Il nous reste à examiner à quelles conditions p e u t avoir lieu ce d é v e l o p p e m e n t d o n t nous venons de reconnaître la nécessité. II. Les conditions essentielles de la prospérité de la marine marchande française T o u t d'abord, il y a lieu de reconnaître que la m a r i n e m a r c h a n d e française est sortie r é c e m m e n t des difficultés graves qui pesaient sur elle depuis 1866. Cette d a t e correspond, en effet, à la suppres­ sion des s u r t a x e s de pavillon et à l'admission des pavillons étrangers d a n s nos ports français sur le pied d'égalité avec le pavillon français (Loi du 19 mai 1866 sur la m a r i n e m a r c h a n d e ) . Les r é s u l t a t s de c e t t e disposition furent terribles et i m m é d i a t s pour n o t r e flotte de c o m m e r c e . C'est à p a r t i r d u 1 juin 1867 seulement que sa mise en vigueur p e r m i t de les a p p r é c i e r ; mais, dès 1869, ils a p p a r a i s ­ saient tellement graves a u x h o m m e s d ' É t a t de ce t e m p s , q u ' u n e e n q u ê t e fut o r d o n n é e — ce ne d e v a i t pas être la dernière — sur les moyens de venir en aide à la m a r i n e m a r c h a n d e . On se r e n d a i t c o m p t e , en effet, que, p a r suite de la suppression des a v a n t a g e s qui a v a i e n t été conférés jusque-là a u x navires français, ceux-ci, soumis à des obligations a d m i n i s t r a t i v e s plus lourdes que les navires étrangers, se v o y a i e n t d a n s l'impossibilité absolue de soutenir leur concurrence. e r

Les é v é n e m e n t s de 1870-1871 d é t o u r n è r e n t forcément l ' a t t e n t i o n de ce problème. E n 1872, l'Assemblée Nationale, émue de la situa­ tion qui empirait toujours, v o u l u t revenir au régime des s u r t a x e s de pavillon, sans se rendre c o m p t e que la F r a n c e , engagée p a r


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des t r a i t é s positifs vis-à-vis d ' a u t r e s nations, n ' a v a i t plus sa liberté d'action en c e t t e m a t i è r e et devait par conséquent continuer dans la voie inaugurée en 1866. Ce fut seulement en 1881 q u ' u n e première loi sur la marine m a r c h a n d e établit un régime d'alloca­ tions en faveur des navires français de commerce remplissant cer­ taines conditions déterminées. Mais c e t t e loi, faite pour dix ans seulement, ne p o u v a i t avoir d'effet utile que dans les premières années de la période décenale envisagée. E n effet, les navires construits p e n d a n t la huitième ou la neuvième année du régime, p a r exemple, ne pouvaient en bénéficier que p e n d a n t un an ou deux ans, ce qui r e n d a i t la protection accordée t o u t à fait i n o p é r a n t e . La loi de 1893 remédia à cet inconvénient. Bien qu'elle fût faite aussi pour une durée de dix ans, il était décidé que les navires cons­ t r u i t s à une d a t e quelconque de la période envisagée jouiraient p e n d a n t dix ans du régime établi. Malheureusement, ce régime fut vicié, dès l'origine, par une p r é t e n t i o n e x o r b i t a n t e du P a r l e m e n t qui crut savoir, d ' a v a n c e et mieux que les a r m a t e u r s , de quel genre d'outil ils a u r a i e n t besoin p e n d a n t v i n g t ans et les poussa à cons­ t r u i r e des voiliers au lieu de v a p e u r s . La loi de 1893 donnait, en effet, aux navires à voiles des a v a n t a g e s exagérés, sous p r é t e x t e que, seuls, les voiliers pouvaient former des marins m a n œ u v r i e r s . Le p r é t e x t e é t a i t j u s t e , mais la conséquence q u ' o n en a v a i t tirée en a c c o r d a n t a u x voiliers des primes plus i m p o r t a n t e s q u ' a u x v a p e u r s fut déplorable. Les a r m a t e u r s , en effet, se t r o u v a i e n t déterminés p a r les a v a n t a g e s q u e la loi faisait a u x voiliers à porter tous leurs efforts de ce côté. Il en résulta que, p e n d a n t que la flotte commerciale du m o n d e entier évoluait de plus en plus vers le navire à vapeur, n o t r e flotte française se voyait: doter d ' u n t r è s grand n o m b r e de voiliers d'acier de dimensions i m p o r t a n t e s , alors q u e le n o m b r e de ses unités et le chiffre de son t o n n a g e à v a p e u r allaient c o n s t a m m e n t en d i m i n u a n t . De plus, on s'aperçut b i e n t ô t que l'intérêt des a r m a t e u r s à faire naviguer u n n a v i r e voilier pour acquérir la prime était assez i m p o r t a n t pour leur faire perdre de v u e , ou t o u t au moins pour a t t é n u e r à leurs yeux, l ' i m p o r t a n c e d ' u n bénéfice commercial réel, c'est-à-dire du fret acquis p a r ce n a v i r e . Le simple jeu des primes accordées a u x voiliers a v a i t donc produit ce double inconvénient. E n premier lieu, il a v a i t poussé


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les a r m a t e u r s français vers la construction de voiliers; en second lieu, il les a v a i t détournés des préoccupations commerciales qui sont la base réelle de leur industrie. Le plus curieux, c'est que l'État, a u t e u r responsable de c e t t e situation, s'en prit très vite a u x a m a t e u r s lorsqu'elle éclata à ses yeux. Le Pouvoir législatif a v a i t voulu avoir des voiliers. Il a v a i t cru pouvoir indiquer à l ' a r m e m e n t la voie dans laquelle il lui c o n v e ­ n a i t d'entrer. L ' a r m e m e n t a v a i t suivi cette impulsion et le n o m b r e de nos navires à voiles allait toujours croissant. Il arriva b i e n t ô t que le P a r l e m e n t se fit l'interprète des récriminations que suscitait cet é t a t de choses. U n e véritable réaction se produisit m ê m e contre les voiliers, et, lorsque la Commission e x t r a - p a r l e m e n t a i r e de la m a r i n e m a r c h a n d e fut constituée en 1898, ce fut en réalité, non seulement pour étudier le régime qu'il conviendrait de créer à la fin de la période couverte par la Loi de 1893, mais s u r t o u t pour m e t t r e fin à la construction des voiliers et à la protection d o n t ils a v a i e n t été l'objet. E n d ' a u t r e s termes, le P a r l e m e n t après avoir déclaré qu'il voulait s u r t o u t des voiliers, déclarait qu'il voulait u n i q u e m e n t des v a p e u r s . La Loi du 7 avril 1902, préparée c e p e n d a n t p a r des études a p p r o ­ fondies, donna des résultats plus critiquables encore que la Loi de 1881 et la Loi de 1893. Elle p o r t a i t , en effet, en naissant un yice constitutionnel. Le P a r l e m e n t s'était préoccupé de limiter d'une p a r t le t o n n a g e des navires qu'il s'agissait de construire p e n d a n t la période couverte par la loi. I Vautre part, il a v a i t voulu limiter aussi le chiffre éventuel de dépenses que pourrait entraîner la construction et l'exploitation de ce tonnage'. É t a n t donné que, d ' a u t r e p a r i , il d é t e r m i n a i t le faux et les conditions des allocations qui p o u r r a i e n t être données soit pour la construction, soit pour l'exploitation des navires, il allait de soi que ces différents calculs devaient être entre eux dans un r a p p o r t d é t e r m i n é p a r les t a u x d'allocations. Malheu­ reusement, des a m e n d e m e n t s , présentés en cours de discussion et votés à la suite de calculs improvisés, a m e n è r e n t une discordance m a r q u é e e n t r e le crédit-tonnage et le crédit-argent. Ce dernier était fout-à fait insuffisant pour couvrir les dépenses afférentes au t o n n a g e . Au lieu de 220 millions environ à r é p a r t i r sur une période de douze années, on a v a i t v o t é 150 millions seulement. Lorsque cette


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discordance fut connue, les a r m a t e u r s les plus avisés se rendirent c o m p t e que les derniers tonnages inscrits sur les listes de prises de r a n g ne t r o u v e r a i e n t aucun crédit-argent qui leur correspondît. P a r suite, ils s'empressèrent de c o m m a n d e r , alors qu'il restait encore des crédits disponibles, le plus de navires possible. Une course au clocher s'établit alors et, en décembre 1902, c'est-à-dire neuf mois après le v o t e de la loi, tous les crédits-tonnages prévus pour une période de douze ans se t r o u v a i e n t déjà engagés. Cette faillite de la Loi de 1902 eut du moins un a v a n t a g e , celui de faire étudier et d'établir u n régime n o u v e a u é c h a p p a n t a u x prin­ cipales critiques q u ' a v a i e n t rencontrées les précédents. La Loi de 17 avril 1906 opéra une t r a n s f o r m a t i o n profonde dans les e r r e m e n t s suivis j u s q u e là. Elle é t a b l i t une séparation absolue e n t r e le régime de la c o n s t r u c t i o n et le régime de l ' a r m e m e n t . Ce n ' e s t pas ici le lieu d'indiquer les a v a n t a g e s de c e t t e séparation, exposés avec une clarté magistrale dans le R a p p o r t présenté a u n o m de la Commission e x t r a - p a r l e m e n t a i r e de 1904 par son président, M. Millcrand. Il nous suffira de rappeler que, désormais, on sait à quelles entreprises v o n t , en fin de c o m p t e , les sacrifices d e m a n d é s a u x contribuables en v u e du maintien de la marine m a r c h a n d e française, et que des résultats plus appréciables sont a t t e i n t s avec des dépenses moindres. On a o b t e n u , à la fois, plus de clarté et un meilleur r e n d e m e n t de l'effort financier. Au surplus, sans entrer dans des détails que n e c o m p o r t e pas le présent r a p p o r t , il est un fait incontestable qui m a r q u e la supé­ riorité du régime établi p a r la loi de 1906 sur t o u s les régimes a n t é ­ rieurs. Ainsi que nous l'avons b r i è v e m e n t indiqué, les Lois de 1881, de 1893 et de 1902 étaient à peine en"Vigueur depuis quelques mois, qu'elles d o n n a i e n t lieu a u x plus vives récriminations. Voilà actuel­ lement plus de h u i t ans q u e la Loi de 1906 est en vigueur et les critiques q u ' o n a pu lui adresser sont s u r t o u t des critiques de détails. T o u t le m o n d e reconnaît que la s é p a r a t i o n des i n t é r ê t s de l ' a r m e m e n t et de la construction a produit les meilleurs r é s u l t a t s , et le dévelop­ p e m e n t i m p o r t a n t pris par n o t r e m a r i n e à v a p e u r depuis 1906 m o n t r e q u e le régime n o u v e a u a v é r i t a b l e m e n t p o r t é des fruits. D ' a u t r e p a r t , il est impossible désormais de reprocher aux a r m a -


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Leurs de se laisser détourner des préoccupations commerciales qui sont la base de leur industrie, par la recherche d'allocations p o u v a n t résulter de la loi sur la m a r i n e m a r c h a n d e . Ces allocations sont, en effet, d'un o r d r e d ' i m p o r t a n c e tel qu'elles ne p e u v e n t décider a u c u n e entreprise à créer telle ou telle ligne régulière, à consentir tel ou tel affrètement. Elles p e u v e n t s i m p l e m e n t l'aider à réaliser des combinaisons à base u n i q u e m e n t commerciale, qui seraient rendues difficiles ou souvent impossibles p a r suite des charges spéciales du pavillon français, si ces charges n e recevaient une certaine c o m p e n s a t i o n . La loi de 1906 échappe donc c o m p l è t e m e n t a u x reproches, si s o u v e n t adressés a u x lois de protection quelles qu'elles soient, de fausser les faits économiques. Elle, vient simplemenl rétablir, dans une certaine mesure, l'équilibre n o r m a l qui se t r o u v e r o m p u au défrimenl du navire français p a r des éléments artificiels. < h) peul donc dire que le pavillon français ne rencontre plus, dans h; régime qui lui est fait par des lois dites de la m a r i n e m a r c h a n d e , un obstacle à son d é v e l o p p e m e n t . Dans ses grandes lignes, le problème fie sa protection a été résolu par la loi de 1906. Ce n ' e s t pas à dire; (pie les dispositions de c e t t e loi soient consi­ dérées par nous c o m m e définitives et intangibles. Le système de compensation imaginé par elle devra inspirer la loi future. Q u a n t au t a u x établi par le législateur de 1906 рощ- les allocal ions pré\ ues, il faudra le modifier pour la raison très simple que les charges de foutes sortes subies par la marine m a r c h a n d e se sont accrues dans une très forte proportion depuis l'époque où elles furent calculées (Commission exl ra-parlemenl aire de 1904) en vue d e la préparation de la loi de 1906. ii

Depuis c e t t e époque, en off.it, la loi du 29 décembre 1905 sur la Caisse de Prévoyance des marins français, la loi du II juillet 1908 sur les pensions demi-solde des inscrits maritimes o n t a u g m e n t é , à elles seules, d a n s une proportion de 5,5 % des salaires, les charges imposées à l ' a r m e m e n t . De ce fait, les a r m a t e u r s v e r s e n t c h a q u e année environ deux millions et demi de plus à l'État. La loi du 17 avril 1907 sur la Sécurité de la navigation et sur la réglementation du travail à bord des navires de commerce a créé des obligations e x t r ê m e m e n t lourdes, t a n t pour l'installation des


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équipages que pour le n o m b r e des effectifs et l'obligation d'employer certaines catégories de m a r i n s . Des calculs faits avec le plus grand soin, et que nous reproduisons en a n n e x e de ce r a p p o r t , p e r m e t t e n t d'évaluer environ à 13 millions par a n les charges nouvelles r é s u l t a n t des modifications législatives intervenues depuis 1904. Il y a donc lieu à u n r é a j u s t e m e n t des t a u x a u x conditions nouvelles créées par la législation de la m a r i n e m a r c h a n d e . Toutefois, ce ne sont pas là des difficultés telles qu'elles soient i n s u r m o n t a b l e s . Le grand problème de la m a r i n e m a r c h a n d e , celui qu'il i m p o r t e essentiellement de résoudre, est la mise en valeur de son personnel. J'emploie à dessein c e t t e expression de mise en valeur parce qu'elle indique la possibilité d'améliorer t r è s sensiblement des éléments e x i s t a n t s et qu'elle écarte t o u t appel à un personnel différent. Il y a c e p e n d a n t une distinction utile à faire à ce point de v u e . On adresse souvent en F i a n c e des critiques assez vives a u x maisons d ' a r m e m e n t , Bien q u e la situation du Secrétaire Général du Comité des A r m a t e u r s ne lui p e r m e t t e pas, selon u n m o t célèbre, de dire du mal des a r m a t e u r s , elle ne lui i n t e r d i t pas d'en e n t e n d r e , et il n ' e s t pas rare q u e les accusations de négligence, d'impéritie, de m a n q u e de savoir faire, d'absence d'esprit d'entreprise v i e n n e n t jusqu'à nous. J e dois dire t r è s s i m p l e m e n t que ces accusations ne me paraissent pas effrayantes. Si elles sont injustes, il n ' y a pas lieu de s'y a r r ê t e r . Si elles sont justes, le remède n ' e s t pas difficile. Il y a, en effet, p a r m i ceux-là mêmes qui a d r e s s e n t le plus souvent ce genre de reproches a u x a r m a t e u r s , je v e u x dire p a r m i les r e p r é s e n t a n t s de l'Agriculture, du Commerce, de l ' I n d u s t r i e , et d'une façon générale, de t o u t e s les forces productrices de la F r a n c e , assez d'esprit d'entreprise et de capacités pour fournir, s'il y a lieu, des directeurs à de nouvelles entreprises de n a v i g a t i o n . Celles-ci, a y a n t précisément t o u t ce qui fait défaut, dit-on, a u x entreprises actuelles, ne m a n q u e r a i e n t pas de les concurrencer avec un immense a v a n t a g e et de les s u p p l a n t e r b i e n t ô t au g r a n d profit de l'intérêt général. Les a r m a t e u r s , en effet, ne sont pas recrutés d a n s une caste privilégiée et particulière. Il est loisible à t o u t le m o n d e de constituer une compagnie de navi-


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galion. On p e u t donc c o m p t e r sur les ressources de c a p i t a u x et d'in­ telligence qu'offre n o t r e p a y s pour faire disparaître le danger q u e quelques-uns croient voir dans l'insuffisance des a r m a t e u r s français. Le problème est plus difficile en ce qui concerne les marins fran­ çais. Ceux-ci, en effet, ne p e u v e n t p a s être recrutés i n d i s t i n c t e m e n t dans l'ensemble de la population. Seuls, les inscrits maritimes peu­ v e n t , t h é o r i q u e m e n t , dans la proportion des trois q u a r t s et, prati­ q u e m e n t , dans u n e beaucoup plus large proportion, faire partie des équipages des navires de commerce français. Il est vrai q u e l'Inscription Maritime ne constitue pas un corps fermé, fout au moins d ' u n e façon a b s o l u e ; il n'est pas besoin d ' ê t r e fils de marin et d'avoir été élevé sur le littoral de la m e r pour devenir inscrit m a r i t i m e . Mais on le devient obligatoirement lorsque, a y a n t plus de 18 a n s , on a n a v i g u é plus de dix-huit mois sur un navire de commerce. A u t r e m e n t dit, la qualité d'inscrit m a r i t i m e est liée au fait de la navigation professionnelle. Le lien est m ê m e r e n d u plus étroit p a r la c o n t r a i n t e légale sui­ v a n t e . Si un h o m m e âgé de 24 à 25 ans, p a r exemple, se sent t o u t à coup u n e vocation m a r i t i m e et se fait inscrire sur le rôle d'équipage d ' u n navire de commerce, il se voit obligé, au b o u t de dix-huit, mois, soif d e débarquer, soif d e devenir inscrit m a r i t i m e définitif. S'il o p t e pour ce dernier parti, sa qualité d'inscrit m a r i t i m e l'expo­ sant, à servir é v e n t u e l l e m e n t dans les équipages de la F l o t t e , il sera appelé pour faire un a n de service sur un navire de guerre, alors même, qu'il a u r a i t rempli déjà s e s obligations militaires dans un corps d e troupe t e r r e s t r e . Ainsi, l'inscrit m a r i t i m e qui n ' e n t r e pas dans la profession a v a n t de l'aire son service militaire ne p e u t plus y entrer, après avoir accompli ce service, a u t r e m e n t q u ' e n r e v e n a n t p e n d a n t un a n de plus sous les d r a p e a u x , c'est-à-dire en v o y a n t s e s obligations militaires fortement a u g m e n t é e s . Il va sans dire q u e les cas d ' h o m m e s a c c e p t a n t , après le tirage a u sort, la s i t u a t i o n d'inscrit m a r i t i m e e t les charges qu'elle e n t r a î n e dans ce cas, sont e x t r ê m e m e n t r a r e s . Il en résulte q u ' e n p r a t i q u e , il n ' y a guère d'inscrits maritimes, qui; parmi ceux qui o n t commencé fout jeunes à naviguer. C'est donc, dans ce c a d r e t h é o r i q u e m e n t e n t r ' o u v e r t , mais p r a t i . quemenl fermé, que les armateurs sont tenus, par suite d ' u n e


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c o n t r a i n t e légale et aussi en raison de capacités techniques spéciales, de recruter les équipages dont ils o n t besoin pour m o n t e r leurs navires. Il n'y a pas à c o m p t e r sur u n r e c r u t e m e n t extérieur, sauf pour quelques individualités. C'est donc bien le personnel actuel des marins du commerce qu'il y a lieu, comme nous le disions plus h a u t , d'améliorer et de m e t t r e en valeur pour résoudre efficacement le problème de la marine m a r c h a n d e française. E n effet, des c h a n g e m e n t s s'imposent dans l'esprit général de ce personnel. Personne ne rend plus que nous ample justice à ses qualités d'initiative, de dévouement, d ' e n d u r a n c e . Ses qualités techniques sont t r è s p r o b a b l e m e n t équivalentes sinon supérieures à celles des marins des a u t r e s nations, de telle sorte que, considérés individuellement, les marins français sont p a r m i les meilleurs que l'on puisse t r o u v e r . Majs, considérés en groupe, c o m m e il faut en fait les considérer lorsqu'on étudie le problème de la marine m a r c h a n d e , ils m a n q u e n t , à un degré dangereux, de l'esprit de discipline indispensable. 11 y a à cela des causes diverses dont on peut dégager les princi­ pales. Nous nous bornerons à en indiquer deux qui nous paraissent avoir joué un rôle particulièrement funeste depuis quelques années. La premien; est l'incertitude voulue des sanctions entraînées par les fautes disciplinaires et m ê m e par les délits m a r i t i m e s . Le Code disciplinaire cl pénal de 1852 a été, depuis v i n g t ans, l'objet de retouches i m p o r t a n t e s . (Lois des 15 avril 1898 et 31 juillet 1902). C e p e n d a n t un Ministre de la Marine, p a r l a n t du h a u t de la T r i b u n e française, a cru pouvoir dire qu'il faisait t r a î n e r au m a r i n du commerce français, p e n d a n t t o u t e sa vie, le boulet de la servitude militaire (Discours de M. P e l l c t a n à la C h a m b r e des Députés le 6 février 1903). Cette déclaration n ' a pas été u n e simple phrase. Elle a m a r q u é le d é b u t du régime nouveau au cours d u q u e l il a été sous-entendu que le décret disciplinaire et pénal, malgré ses modifications récentes, ne correspondait plus à nos conceptions sociales modernes et qu'en conséquence, il n ' é t a i t pas possible de l'appliquer. C'est, en effet, ce qui a été fait, d'une façon presque c o n s t a n t e depuis plus de onze ans. De temps eh t e m p s seulement, le Couver-


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n e m e n t se v o y a n t débordé p a r une sorte de révolte des inscrits m a r i t i m e s , a cru devoir appliquer les sanctions prévues et a dû sévir contre un très g r a n d n o m b r e de m a r i n s . Ces h o m m e s se t r o u ­ v a i e n t ainsi victimes, la p l u p a r t d ' e n t r e eux, t o u t a u moins, d ' u n m a n q u e de suite dans l'application des t e x t e s législatifs en vigueur. V o y a n t leurs c a m a r a d e s violer à plusieurs reprises des obligations qu'ils a v a i e n t respectées eux-mêmes, ils s'étaient cru autorisés à les violer à leur t o u r , e t o n t dû avoir une étrange idée de la justice h u m a i n e , en c o n s t a t a n t que c e t t e violation a v a i t pour eux des conséquences funestes. Mais l'application sévère de sanctions graves à u n très grand n o m b r e de marins, dans des circonstances particulières, n e t e n d pas à la r e s t a u r a t i o n de la discipline. T o u t au contraire, en faisant succéder u n e sévérité parfois excessive à un relâchement prolonge'', elle d o n n e lieu à un c o n t r a s t e qui scandalise plus qu'il n'éclaire. Toujours est-il que, dans l ' é t a t actuel des choses, il n ' e s t pas pos­ sible de prévoir à l'avance ce que telle infraction a u x prescriptions du Code disciplinaire et pénal pourra valoir à son a u t e u r . La p l u p a r t du t e m p s il reste i m p u n i . Dans des cas isolés, il p e u t être sévèrement châtié. La discipline ne s a u r a i t résister l o n g t e m p s , et ne résiste pas, en fait, à c e t t e situation a n a r c h i q u e . Le D é p a r t e m e n t de la Marine s'est préoccupé il y a plusieurs an­ nées déjà de ce danger. Dès 1908, M. Thomson, alors Ministre de la Marine, a n n o n ç a i t à l'ouverture de la première session du Conseil Supérieur de la Navigation Maritime, la mise à l'étude d'une refonte du Code disciplinaire et pénal. Cette mise à l'étude a eu lieu. Un t e x t e p r é p a r é par les soins du d é p a r t e m e n t c o m m e base de discus­ sion, a été l'objet d ' u n e x a m e n approfondi de la p a r t d'une Com­ mission spéciale où t o u s les intérêts en jeu étaient représentés. Un r a p p o r t é t e n d u et fort étudié, présenté par M. L a u r e n t A t t h a l i n , m a î t r e des r e q u ê t e s au Conseil d ' É t a t , a exposé dans leurs détails, les raisons pour lesquelles la Commission a v a i t modifié le t e x t e qui lui é t a i t présenté, et a v a i t a b o u t i à un projet de loi complet, dans lequel la préoccupation de la discipline se joignait à un j u s t e sen­ t i m e n t de la dignité de la personne h u m a i n e . Ce projet, a d o p t é par le Conseil Supérieur de la Navigation MariLime, modifié, il est vrai, sur plusieurs points par le Ministre de la


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Marine, a été présenté au P a r l e m e n t , mais n'a j a m a i s eu les honneurs de la discussion, bien que deux années se soient écoulées depuis le m o m e n t où le G o u v e r n e m e n t l'a déposé sur le B u r e a u de la C h a m b r e des Députés. On a donné c o m m e raison de ce retard la nécessité où l'on- se t r o u v a i t de modifier en m ê m e t e m p s t o u t le régime de l'engagement des marins à bord des navires de commerce. Une Commission spéciale constituée au Sous-Sécrétariat de la Marine m a r c h a n d e , sous la présidence de M. G r u n e b a u m Ballin, a j e t é les bases d'un v a s t e projet t r a i t a n t c e t t e m a t i è r e . Mais les dis­ cussions t r è s vives, auxquelles ce projet a donné lieu au sein de la Commission, font prévoir qu'il ne pourra pas* être a d o p t é p a r le P a r l e m e n t a v a n t un nouvel examen et de profondes modifications. Il n ' e s t pas possible d ' a t t e n d r e que cette œ u v r e de refonte juridique, t r è s v a s t e et t r è s délicate, soit entièrement accomplie pour m e t t r e u n t e r m e à l'incertitude qui pèse actuellement sur la m a r i n e fran­ çaise au point de v u e des sanctions disciplinaires. Le marin français, nous le répétons, n'est pas incapable de disci­ pline ; il a seulement, besoin de c o n n a î t r e avec e x a c t i t u d e quels s o n t ses droits et ses devoirs. 11 a conscience que la vie à bord entraîne pour lui des obligations particulières. Il désire q u e ces obligations soient définies, et c'est l'intérêt de l ' a r m a t e u r c o m m e le sien que la loi procède à cette définition. Mais, une fois cet impor­ t a n t travail accompli, son efficacité dépendra de la fermeté avec laquelle on tiendra la m a i n a u x obligations réciproques qui seront reconnues essentielles, soit de la p a r t de l ' a r m a t e u r , soit, de la p a r t de l'inscrit m a r i t i m e . La discipline p e u t être restaurée dans ces conditions, et nous ne v o y o n s pas qu'elle puisse l'être sans elles. En dehors de c e t t e cause fondamentale, il en est une a u t r e qui a agi m a l h e u r e u s e m e n t d'une façon très profonde pour désorganiser le c o m m a n d e m e n t à bord des navires de c o m m e r c e . Cette cause q u e les moralistes connaissent bien et d o n t on r e t r o u v e les funestes conséquences dans t o u s les c o m p a r t i m e n t s de la vie sociale, c'est le terrible d é v e l o p p e m e n t dp l'alcoolisme. Il n ' e s t pas d o u t e u x q u e les h a b i t u d e s d ' i n t e m p é r a n c e sont un peu de t r a d i t i o n chez les marins de fous p a y s . La vie très rude qu'ils m è n e n t en mer, les priva­ t i o n s qu'elle c o m p o r t e , les a m è n e n t f r é q u e m m e n t à considérer le séjour à terre, s u r t o u t s'il est court et succède à de longues t r a v e r -


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sées, c o m m e une période de réjouissances sans mesure. Toutefois, les excès qui o n t pu se produire dans ce genre à d ' a u t r e s époques n ' a v a i e n t pas d'aussi funestes résultats que ceux auxquels nous assistons aujourd'hui Les c o n s o m m a t i o n s exagérées de vin, voire m ê m e d'eau-de-vic et de r h u m , ne produisaient pas les mêmes désastres que l'absorption des boissons frelatées, dans lesquelles l'alcool de qualité inférieure se mêle à t o u t e s sortes d'essences exci­ t a n t e s et désorganisantes. Les excès d'alcool ne p r i v e n t pas seule­ m e n t a u j o u r d ' h u i l'homme qui s'enivre de l'usage de sa raison pen­ d a n t une période t e m p o r a i r e ; ils ruinent en lui les sources mêmes de l'intelligence et le principe de la s a n t é p h y s i q u e . Ils sont les pères a u t h e n t i q u e s du delirium tremens, de la tuberculose et de mille a u t r e s affections qui m e n a c e n t de détruire la race française. Au point de v u e spécial qui nous occupe, l'alcoolisme est respon­ sable en g r a n d e partie, non seulement des périodes de complète inutilisation qui m a r q u e n t souvent le d é p a r t des navires, mais aussi de cet é t a t p e r m a n e n t d'excitation fébrile que l'on r e m a r q u e chez les sujets les plus adonnés à l'alcool. La discipline, qui exige essentiellement la possession de soi-même, ne s a u r a i t ni se maintenir, ni se restaurer, quelles que fussent les rigueurs pénales appliquées, si les h o m m e s qui doivent l'observer ne sont pas m a î t r e s de leurs nerfs et de leur volonté. Au surplus, les Français ne sont pas des êtres passifs, obéissant par suite de la t e r r e u r que leur inspire le c h â t i m e n t ; la seule discipline efficace dans n o t r e pays et à n o t r e époque est une discipline acceptée et reconnue indispensable par celui qui doit s'y s o u m e t t r e . Nos marins sont les premiers à pro­ clamer la nécessité d'obéir a u x ordres de leurs chefs. Mais il v a de soit que cette notion est obscurcie m o m e n t a n é m e n t chez l ' h o m m e qui ne jouit pas e n t i è r e m e n t de sa raison et finit par disparaître chez celui qui v i t o r d i n a i r e m e n t sous l'influence de l'alcool. Ici donc il ne s'agit pas seulement de réprimer, mais s u r t o u t de prévenir. A bord des navires, les rations d'alcool o n t été très dimi­ nuées, même pour la grande-pêche et on tend vers une suppression absolue. Mais il faut t e n i r la main à empêcher l'introduction clan­ destine d'alcool, qui a lieu sous les formes les plus imprévues. N ' a v o n s - n o u s pas e n t e n d u un capitaine de goélette terre-neuvienne nous dire sa surprise d'avoir t r o u v é à son bord des litres d'eau de


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Cologne qui, on le pense bien, n ' a v a i e n t pas été e m b a r q u é s pour servir à la toilette des matelots ! Quoi qu'il en soit, il n'est pas difficile, si on en a la ferme volonté, de prévenir efficacement l'alcoolisme à bord. La t â c h e est infini­ m e n t plus malaisée à terre. Elle'ne dépend pas seulement, en effet, des a r m a t e u r s e t des officiers; il faut q u e les municipalités et t o u s les pouvoirs publics y coopèrent. Mais on a u r a i t déjà o b t e n u un r é s u l t a t si on interdisait, d'une façon sévère, le colportage de l'alcool et son introduction sur les quais des p o r t s . U n décret récent, rendu sur la proposition de M. le Ministre du Travail, a prohibé la consommation d'alcool dans les chantiers et ateliers de t r a v a i l et prévu des sanctions contre les chefs d'industrie qui laisseraient violer c e t t e prohibition. L'Association des E m p l o y e u r s des P o r t s a d e m a n d é q u e les quais et terre-pleins des ports, qui sont les chan­ tiers de la m a n u t e n t i o n m a r i t i m e , n ' é c h a p p e n t p a s à la règle com­ m u n e . Mais il lui a été répondu q u e le décret s'appliquait a u x chefs d'industrie seuls e t q u e , p a r suite, il dépendait des a u t o r i t é s compé­ t e n t e s de p e r m e t t r e ou d'interdire la circulation des alcools de consommation sur les q u a i s . L'Association des E m p l o y e u r s s'est alors adressée a u x municipalités de tous nos grands p o r t s , en leur signalant l'initiative heureuse prise p a r certaines d ' e n t r e elles, à D u n k e r q u e , p a r exemple, pour interdire la v e n t e a u détail de l'al­ cool sur les quais. Mais cet exemple n'a été suivi q u e dans u n n o m ­ bre restreint de p o r t s . Il serait indispensable q u e des mesures du m ê m e genre fussent prises partout.

I I I . La Marine marchande cl le Développement colonial

Si, comme nous espérons l'avoir m o n t r é , la condition première de t o u t e reprise économique est l'organisation des t r a n s p o r t s maritimes sous pavillon français, n o t r e commerce extérieur ne p e u t prospérer q u e dans là mesure où des lignes régulières de navi­ gation relieront les marchés étrangers à la F r a n c e Quels sont^ceux des marchés sur lesquels doit porter le principal effort, ceux qu'il


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i m p o r t e le plus de desservir et qui justifient la rapidité et la fré­ quence des services m a r i t i m e s ? Il y a là un problème très v a s t e et très complexe que m les a r m a t e u r s , ni les c o m m e r ç a n t s , ni les pou­ voirs publics ne peuvent résoudre isolément, mais qui nécessite et qui mérite le concours de t o u s . Cependant, t o u t n'est pas à créer, heureusement, et, m ê m e là où il faut créer, o n sait parfois, dès à présent, sur quels points il faut agir. Tel est le cas pour nos colonies françaises. On peut, en effet, discuter sur l ' a v a n t a g e de conquérir à l'influence française tel ou tel marché i n d é p e n d a n t de la Chine, du J a p o n , de l'Amérique du Sud ; mais il n ' y a plus à discuter au sujet des territoires r a t t a c h é s par la F r a n c e à son domaine colonial ou soumis à son p r o t e c t o r a t . Visà-vis de ces territoires, nous avons des devoirs à remplir, car n o t r e parole est engagée et il se t r o u v e que ces devoirs sont de tous points conformes à nos intérêts bien e n t e n d u s . Une colonie est pour sa métropole une source de charges ou de profits, s u i v a n t qu'elle est livrée a u x influences commerciales étrangères ou fortement r a t t a ­ chée a u x intérêts économiques n a t i o n a u x . É t a b l i r une colonie ou un protectorat, c'est donc logiquement décider q u ' o n fera t o u t le possible pour provoquer dans cette colonie ou ce p r o t e c t o r a t l'essor de t o u t e s les forces productrices et cela sous la direction de F r a n ­ çais, ou t o u t au moins, avec le concours des c a p i t a u x et de l'initiative français. C'est décider, par suite, que cette colonie ou ce p r o t e c t o r a t seront t o u t d'abord reliés a u x grandes voies maritimes du commerce par des lignes françaises. Les Allemands n ' o n t j a m a i s négligé d'assurer à leurs colonies les plus nouvelles, dès leur création, des services de t r a n s p o r t s p a r mer aussi multipliés que possible. Leurs c o m m e r ç a n t s si avisés ne se sont j a m a i s mis à la merci de compagnies étrangères pour a t t e i n d r e leur clientèle coloniale. Cela a p p a r a î t d'une façon particulièrement claire dans les colonies allemandes récentes, par exemple, en Afri­ que, au Cameroun et au Togo. Les services allemands de la côte occidentale d'Afrique sont effectués par une sorte de consortium de compagnies de navigation composé de la maison W o ë r m a n n , de la H a m b u r g Amerika et de la H a m b u r g Bremer Afrika. Le consor­ tium a v a i t , en outre, j u s q u ' à l'ouverture des hostilités, un lien assez


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étroit avec la Compagnie Maritime Belge du Congo déjà considérée, sans doute, comme une ligne allemande de l'avenir. La ligne principale du Cameroun, spécialement appropriée a u service des passagers, est desservie par cinq p a q u e b o t s et c o m p o r t e deux d é p a r t s par mois de H a m b o u r g . Une seconde ligne, de caractère plus commercial, assure un d é p a r t par m o i s ; mais les navires de c e t t e ligne sont aménagés cependant pour p r e n d r e des passagers de l e t de 2 classe. Le Togo est, lui aussi, doté, de deux lignes faisant chacune u n d é p a r t mensuel de H a m b o u r g . L'une de ces lignes t o u c h e B r e m e r h a v e n . Toutes les deux escalent à R o t t e r d a m . Il serait facile de fournir d'autres exemples et t r o p facile égale­ m e n t , hélas, de citer des exemples contraires e m p r u n t é s à nos colo­ nies françaises. Actuellement, n o t r e Nouvelle-Calédonie se t r o u v e dépourvue de t o u t service régulier sous pavillon français et il existe des colonies anciennes qui, m ê m e en t e m p s normal, n e sont reliées p a r a u c u n e ligne française. Puisque nous sentons la pressante nécessité de reprendre sur les Allemands l'avance économique qu'ils s'étaient assurée; puisque c'est là une des conséquences heu­ reuses de la l u t t e terrible que nous soutenons contre eux de m e t t r e en relief l'obligation de devoirs n o u v e a u x , sachons du moins t i r e r profit de leurs exemples, avoir une marine m a r c h a n d e , et nous en servir pour l'essor de n o t r e commerce et le développement de nos colonies. r e

e

E n t e r m i n a n t , nous avons le devoir de signaler à la Commission des errements funestes, d o n t les événements actuels m e t t e n t en relief le danger grave, que des personnes clairvoyantes o n t dénoncés depuis l o n g t e m p s déjà, mais qu'il est u r g e n t dé c o n d a m n e r dès à présent d'une façon rigoureuse et. définitive. Nous voulons parler des faveurs accordées en F r a n c e ou dans des pays d é p e n d a n t s de la F r a n c e , à des lignes étrangères de navigation, spécialement à des lignes allemandes. L e port de Cherbourg, qui est un de nos g r a n d s ports militaires, ne doit le peu d'activité commerciale d o n t il j o u i t q u ' a u x escales des lignes étrangères. Trois compagnies allemandes y d o m i n e n t : la H a m b u r g Amerika, le Nord deutscher Lloyd et la Compagnie


352

LA QUESTION

DES TRANSPORTS

MARITIMES

Kosmos. La première fait le service de H a m b o u r g à New-York, la deuxième de B r è m e à New-York, la troisième de H a m b o u r g à Valparaiso. Ensemble, ces trois compagnies affectent a u x lignes passant à Cherbourg v i n g t - q u a t r e p a q u e b o t s , d ' u n tonnage global dépassant 191.000 t o n n e a u x de jauge n e t t e et font cent quatorze escales par a n . Elles p r e n n e n t ou laissent à Cherbourg plus de 20.000 passagers p a r a n . Le résultat de c e t t e situation est q u e , dans ce p o r t militaire, l'influence commerciale m a r i t i m e a p p a r t i e n t a u x Allemands e t q u e les r e p r é s e n t a n t s des compagnies allemandes de navigation y sont t o u t puissants. Voilà qui est déjà assez anormal en soi, mais é t a n t données les h a b i t u d e s d'espionnage à longue échéance q u e p r a t i q u e n t les Allemands et les intelligences qu'ils s a v e n t se ménager p a r t o u t où cela leur est utile, la F r a n c e a u r a i t pu payer bien cher, si la flotte allemande a v a i t été en mesure de menacer nos côtes du Cotentin, la généreuse hospitalité si impru­ d e m m e n t accordée p a r elle. E n qualifiant c e t t e hospitalité de généreuse nous n'employons pas u n e formule vaine. Non seulement, en effet, la France a d m e t les navires allemands dans ses ports militaires, mais elle les a d m e t presque g r a t u i t e m e n t . Les droits de quai payés en 1911 p a r les 508 navires étrangers r e p r é s e n t a n t un tonnage de 3.787.042 ton­ n e a u x de jauge n e t t e , relevés au m o u v e m e n t m a r i t i m e du p o r t de Cherbourg se sont élevés à 77.690 francs, c e qui donne une propor­ tion de 0,0207 par tonneau (1). Au H a v r e , où fréquentent q u a n t i t é s de p a q u e b o t s t a n t français q u ' é t r a n g e r s , les 12.708 navires j a u g e a n t ensemble 8.713.571 t o n n e a u x nets ont a c q u i t t é plus de deux millions de francs de droits de quai (2.124.300) (2), soit une m o y e n n e de 0,266 par tonneau. Le tonneau m o y e n paie au H a v r e douze fois plus q u ' à Cherbourg. C'est là une des beautés de notre régime de droits de quai établi de telle façon q u e le pavillon étranger entre d a n s nos ports et se serve des installations françaises payées p a r n o t r e b u d g e t à b e a u c o u p meilleur c o m p t e que le pavillon français. Encore, faut-il r e m a r q u e r q u e la m o y e n n e donnée pour le H a v r e c o m p r e n d des navires français en m ê m e t e m p s q u e des navires

(1) T a b l e a u du C o m m e r c e cl, (Je la Navigation 1 0 1 1 , T. II, p . 1G0. ¡2) T a b l e a u d u C o m m e r c e e t do !a Navigation 1011, T. I l , p. 105.


LA

QUESTION

DES

TRANSPORTS

MARITIMES

353

étrangers, les premiers t a x é s beaucoup plus h a u t que les seconds. Si l'on isolait les navires c h a r g e a n t ou déchargeant au H a v r e la plus grande partie ou la t o t a l i t é de leur cargaison, on constaterait qu'ils paient 1 franc par t o n n e a u de jauge n e t t e , soit environ c i n q u a n t e fois plus que les p a q u e b o t s allemands faisant escale à Cherbourg. Ainsi, à l'imprudence caractérisée au point de v u e de la défense nationale se j o i n t la plus c h o q u a n t e et la moins justifiée des inéga­ lités économiques, un protectionnisme à rebours c o n s t i t u a n t un véritable encouragement a u x marines m a r c h a n d e s étrangères. Nous avons cité l'exemple de Cherbourg; celui de Bizerte n'est pas moins s u r p r e n a n t . Dans ce p o r t auquel sa position géographique d o n n e une si g r a n d e i m p o r t a n c e en Méditerranée, q u ' o n a pu saluei en lui le futur grand p o r t militaire des possessions françaises d'Afri­ que, a u c u n e précaution n ' a v a i t été prise contre l'espionnage alle­ m a n d et, sous p r é t e x t e de trafic m a r i t i m e , les navires allemands y faisaient des séjours utiles à d ' a u t r e s points de v u e . La dure leçon de la guerre actuelle nous rendra sans doute moins confiants à l'avenir. Nous nous souviendrons que le principe de l'égalité des pavillons ne c o m p o r t e pas de faveurs a u x pavillons étrangers et que les g o u v e r n e m e n t s même le plus sincèrement acquis a u x doc­ trines libérales, o n t le devoir de m e t t r e leurs ports de guerre à l'abri des regards indiscrets. C'est simplement le c o m m e n c e m e n t de la sagesse, mais c'est u n c o m m e n c e m e n t indispensable et il i m p o r t e q u e le r e t o u r de la paix ne r a m è n e pas avec lui les folles imprudences auxquelles nous nous étions laissé entraîner. Soyons d'abord maîtres chez nous a v a n t de songer a r é p a n d r e hors de nos frontières n o t r e influence et nos idées.

LE-

COLONIES ET LA D É F E N S E

NATIONALE

23


Annexe N° 1 au Rapport

de M. de

Bousiers.

LE COMMERCE ET LA NAVIGATION AUX ÉTATS-UNIS en 1860 et en 1914

1° I m p o r t a n c e c o m p a r é e du C o m m e r c e et de la N a v i g a t i o n E n 1860, la m a r i n e m a r c h a n d e a m é r i c a i n e c o m p t a i t 5 . 3 5 0 . 0 0 0 t o n ­ n e a u x de j a u g e b r u t e et c o n s t i t u a i t e n v i r o n le tiers de la n a v i g a t i o n mondiale. E n 1860, les i m p o r t a t i o n s t o t a l e s des É t a t s - U n i s a t t e i ­ g n a i e n t le chiffre de 3 5 3 . 6 1 6 . 1 1 9 g, soit 1 . 7 6 8 . 0 8 0 . 5 9 5 fr. E n 1860, les e x p o r t a t i o n s t o t a l e s des É t a t s - U n i s a t t e i ­ g n a i e n t le chiffre d e 333.576.057 » 1.667.880.285 » Soit au t o t a l

6 8 7 . 1 9 2 . 1 7 6 g, soit 3 . 4 3 5 . 9 6 0 . 8 8 0

fr.

E n 1860, le p a v i l l o n a m é r i c a i n faisait les d e u x tiers (66,5 %) des t r a n s p o r t s m a r i t i m e s c o r r e s p o n d a n t à ce trafic. E n 1914, la marine m a r c h a n d e a m é r i c a i n e a t t e i n t 7 . 7 0 0 . 0 0 0 t o n ­ n e a u x de j a u g e b r u t e . E n 1914, le t o t a l des i m p o r t a t i o n s des É t a t s É t a t s - U n i s s'élève à 1 . 6 5 3 . 2 6 4 . 9 3 4 g, soit 8 . 2 6 6 . 3 2 4 . 6 7 0 fr. E n 1 9 1 4 , le t o t a l d e s e x p o r t a t i o n s des É t a t s Unis s'élève à 2.204.322.409 » 11.021.612.045 » Soit a u t o t a l

3 . 8 5 7 . 5 8 7 . 3 4 3 g, soit 1 9 . 2 8 7 . 6 1 2 . 0 4 5 fr.

Par s u i t e , alors q u e le t o n n a g e de la m a r i n e m a r c h a n d e n'a aug­ m e n t é que d a n s la p r o p o r t i o n de 5 0 % e n v i r o n , la v a l e u r totale des i m p o r t a t i o n s el des e x p o r t a t i o n s a plus q u e q u i n t u p l é !


LA

QUESTION

DES

TRANSPORTS

MARITIMES

355

Mais en 1914, la m a r i n e m a r c h a n d e a m é r i c a i n e , au lieu de faire c o m m e en 1860 les d e u x tiers (66,5 %) des t r a n s p o r t s c o r r e s p o n d a n t au c o m m e r c e extérieur m a r i t i m e des É t a t s - U n i s , n'en fait plus q u e 2

Nature des exportations a m é r i c a i n e s

L e s s t a t i s t i q u e s a m é r i c a i n e s ne n o u s d o n n e n t pas, a v a n t 1880, la p r o p o r t i o n des m a t i è r e s a l i m e n t a i r e s et des p r o d u i t s fabriqués e x p o r t é s par les É t a t s - U n i s . Mais o n p e u t s u i v r e , d e p u i s 1880, la proportion croissante des p r o d u i t s m a n u f a c t u r é s , grâce a u x chiffres suivants : E n 1880, les p r o d u i t s manufacturé:s figuraient 14,78 e x p o r t a t i o n s américaines pour 20,67 E n 1885 c e t t e proportion était de 21,18 E n 1890 — 25,85 E n 1895 — 35,37 E n 1900 — 40.98 E n 1905 — 44,85 E n 1910 — 45,07 E n 1911 47,02 E n 1912

d a n s le total des % de leur v a l e u r % % — % — % — % % — % %


Annexe

№ 2.

ACCROISSEMENT DES CHARGES DE L'ARMEMENT FRANÇAIS de 1904 à 1914

1° Accroissement de la jaune Le décret du 2 2 j u i n 1901, en m o d i f i a n t les règles de j a u g e a g e des n a v i r e s , a eu pour effet do majorer de 13 % d a n s son e n s e m b l e (d'après l ' A d m i n i s t r a t i o n des D o u a n e s ) le t o n n a g e net de la flotte c o m m e r c i a l e française. Ce t o n n a g e é t a n t la b a s e de p e r c e p t i o n des droits de n a v i ­ g a t i o n , des t a x e s de p i l o t a g e et de p é a g e , c e u x - c i se sont t r o u v é s aug­ m e n t é s d a n s la m ê m e proportion. É t a n t d o n n é que l ' e n s e m b l e de ces droits a c q u i t t é s en F r a n c e par n o t r e p a v i l l o n est de 10 millions a n n u e l ­ l e m e n t , c'est un s u p p l é m e n t annuel de d é p e n s e s d e . . . auquel il c o n v i e n t d'ajouter 13 % des droits et t a x e s a c q u i t t é s par n o s n a v i r e s à l'étranger, droits qui a t t e i g n e n t ou d é p a s s e n t 5 millions, soit soit, pour l ' e n s e m b l e des d é p e n s e s s u p p l é m e n t a i r e s a n n u e l l e s r é s u l t a n t d u décret du 2 2 j u i n 1904

1.300.000

fr.

650.000

»

1.950.000

fr

2° Augmentation des cotisations des Armateurs à la Caisse de Prévoyance La loi du 2 9 d é c e m b r e 1905, sur la Caisse de P r é v o y a n c e des Marins français a i m p o s é à l ' a r m e m e n t u n e c o t i s a t i o n s u p p l é m e n t a i r e de 2 % d e s salaires des m a r i n s et une c o t i s a t i o n de 3 1/2 % des salaires du personnel n a v i g u a n t n o n inscrit. L e s salaires distribués par les a r m a t e u r s à leurs é q u i p a g e s ( p o n t et m a c h i n e ) é t a n t d'environ 4 5 m i l l i o n s par an en m o y e n n e (1), le

(i) D a n s son rapport au S é n a t sur les p e n s i o n s d e l à Caisse des I n v a l i d e s de la Marine (n" 120, a n n é e 1008, a n n e x e au procès-verbal de la s é a n c e du 6 avril 1008), M. V i c t o r Méric é t a b l i t ainsi, d'accord avec, VAdministration de. la Caisse des Invalides de la Marine, les p r é v i s i o n s r e l a t i v e s à la t a x e des arma­

teurs de, 1008 (p. 17 du rapport) : L o n g cours 300.000 Cabotage 486.000 Ginndc pêche 204.000 P e t i t e pèche 300.000 Ces t a x e s é t a n t de 3 % sur les salaires, il s'ensuivrait que les salaires d o n n é s par l ' a r m e m e n t a u x seuls inscrits m a r i t i m e s , sans tenir c o m p t e des a g e n t s du


LA

Q U E S T I O N

D E S

T R A N S P O R T S

357

M A R I T I M E S

2 % d e ces 4 5 millions d o n n e Il c o n v i e n t d'y a j o u t e r 3 1/2 % sur 5 millions de salaires e n v i r o n d i s t r i b u é s au personnel n a v i g u a n t n o n inscrit, soit Soit, au t o t a l

9 0 0 . 0 0 0 fr.

175.000 » 1 . 0 7 5 . 0 0 0 fr.

3° Cotisation à la Caisse des I n v a l i d e s L a loi d u 14 juillet 1 9 0 8 a prévu à la c h a r g e d e s a r m a t e u r s un v e r s e m e n t d e 3 % sur le m o n t a n t des salaires v e r s é s par e u x soit à leurs é q u i p a g e s , soit a u x a g e n t s d u service général qu'ils e m p l o i e n t à bord. L ' e n s e m b l e de c e s salaires é t a n t d e 50 m i l l i o n s a n n u e l l e m e n t , c'est u n e n o u v e l l e c h a r g e a n n u e l l e d e 3 % sur 5 0 m i l l i o n s , soit 1 . 5 0 0 . 0 0 0 fr. 4» Loi d u 17 avril 1 9 0 7 a) Augmentation du personnel. — A u t a n t qu'il est possible d'en juger après cinq a n s d ' a p p l i c a t i o n , la loi d u 17 avril 1907 oblige les a r m a t e u r s à u n e a u g m e n t a t i o n de p e r s o n n e l qui a t t e i n t en m o y e n n e 10 %. P o u r la m ê m e a c t i v i t é d ' a r m e m e n t , il faut d o n c : U n s u p p l é m e n t d e salaires d e 10 % sur 5 0 m i l l i o n s de francs, soit 5 . 0 0 0 . 0 0 0 fr. P l u s les c o t i s a t i o n s d e 3 , 5 0 % à la Caisse de P r é ­ v o y a n c e et de 3 % à la Caisse des I n v a l i d e s ( e n s e m b l e 6 1/2 % sur 5 millions) soit 325.000 » P l u s les frais d e nourriture d e c e s u p p l é m e n t de personnel (les frais d e nourriture calculés à raison d e 1 fr. 75 par h o m m e et par jour, r e p r é s e n t e n t e n v i r o n les d e u x tiers d u salaire), soit d e u x tiers d e 5 m i l l i o n s , o u e n chiffres r o n d s 3.000.000 » Soit au t o t a l

8 . 3 2 5 . 0 0 0 fr.

b) Rémunération des heures supplémentaires. — N o u s n e ferons figurer q u e pour m é m o i r e la r é m u n é r a t i o n des heures s u p p l é m e n t a i r e s p r é v u e s par la loi, n ' a y a n t a c t u e l l e m e n t en m a i n s a u c u n é l é m e n t certain d ' a p p r é c i a t i o n .

service général e t sans faire Mat d e s gratifications, remises e t profits accessoi­ res qui n e s o n t p a s s u j e t s à la t a x e , seraient d e : Long cours . 13.000.000 Cabotage . . . 16.200.000 Grande p ê c h e 6.800.000 l'otite p è c h e 10.000.000 46.000.OHO


358

LA Q U E S T I O N

c) Diminution

DES TRANSPORTS

de l'utilisation

commerciale

MARITIMES

des navires.

—• Il en

est de m ê m e d e la d i m i n u t i o n de l ' u t i l i s a t i o n c o m m e r c i a l e d e s n a v i r e s r é s u l t a n t d u plus grand e s p a c e e x i g é p o u r les p o s t e s , d e s pertes de t e m p s r é s u l t a n t d e la fréquence d e s v i s i t e s et d e leur v a r i é t é . d) Les dépenses supplémentaires résultant des transformations i m p o s é e s a u x n a v i r e s en service n e p e u v e n t p a s n o n plus être é v a l u é e s pour le m o m e n t ; m a i s o n c o n n a î t , au contraire, celles afférentes a u x : e) Taxes de visite. — E n effet, les t a x e s a n n u e l l e s sont de 5 c e n t i m e s par t o n n e a u de j a u g e b r u t e pour le l o n g cours et de 3 c e n t i m e s pour le c a b o t a g e et la p ê c h e . L e s s t a t i s t i q u e s officielles a s s i g n e n t l e s t o n n a g e s b r u t s s u i v a n t s a u x diverses n a v i g a t i o n s : L o n g cours, 1.231.726 t o n n e a u x ; c a b o t a g e i n t e r n a t i o n a l , 4 0 8 . 1 4 8 t o n n e a u x ; c a b o t a g e , 1 2 7 . 8 8 2 t o n n e a u x ; g r a n d e p ê c h e , 78.021 t o n ­ n e a u x ; p ê c h e ( e x p l o i t é e par a r m a t e u r s ) , 5 0 . 0 0 0 t o n n e a u x e n v i r o n . L e s t a x e s afférentes au long cours s'élèvent donc à 0,05 x 1 . 2 3 1 . 7 2 6 t o n n e a u x Les taxes des autres navigations : 0,03 x 664.051 tonneaux L e s t a x e s d e s v i s i t e s de p a r t a n c e , à raison d'une m o y e n n e a n n u e l l e de trois v i s i t e s à 2 0 c e n t i m e s l'une pour c h a c u n des 4 9 8 n a v i r e s l o n g courriers, se m o n t e n t à 0,20 x 3 x 498

29.880 »

P o u r l e s 4 1 5 n a v i r e s d u c a b o t a g e i n t e r n a t i o n a l et les 7 4 2 n a v i r e s d u g r a n d c a b o t a g e n a t i o n a l , à raison d'une m o y e n n e a n n u e l l e de d i x v i s i t e s à 10 francs l'une, elles se m o n t e n t à 10 fr. x 10 x 1.157

115.700 »

Total des taxes de visites soit pour l e s r é s u l t a t s chiffrables d e la loi d u 17 avril 1907

6 1 . 5 8 6 fr. 19.921 »

2 2 7 . 0 8 7 lr.

8 . 5 5 2 . 0 8 7 fr.

f) Repos hebdomadaire. — N o u s d e v o n s m e n t i o n n e r aussi les c h a r g e s q u e la s e n t e n c e arbitrale de M. le P r é s i d e n t D i t t e i m p o s e a u x arma­ t e u r s s i g n a t a i r e s d u c o m p r o m i s d'arbitrage d u 2 6 j u i n 1 9 0 9 , c'està-dire a u x a r m a t e u r s de Marseille. L a principale est celle qui résulte d e l ' o b l i g a t i o n d e c o m p e n s e r , au retour d e v o y a g e , l e s j o u r s d e repos q u e les n é c e s s i t é s du s e r v i c e n e p e r m e t t e n t p a s d e d o n n e r s a n s restriction en cours d e v o y a g e par un n o m b r e é q u i v a l e n t d e jours d e c o n g é a v e c solde. P o u r c e r t a i n e s n a v i g a t i o n s , c e t t e o b l i g a t i o n é q u i v a u t à une a u g m e n t a t i o n d'un s e p t i è m e d e s salaires d e l ' é q u i p a g e . E n r é s u m é , d e p u i s le calcul d e s c h a r g e s a u x q u e l l e s la c o m p e n ­ s a t i o n d ' a r m e m e n t d e v a i t faire équilibre, le p a v i l l o n français a v u ces c h a r g e s a n n u e l l e s a u g m e n t e r d e la façon s u i v a n t e , sans t e n i r


LA

QUESTION

DES

TRANSPORTS

MARITIMES

359

c o m p t e de celles q u e n o u s n e s o m m e s pas encore en m e s u r e de chiffrer, m a i s d o n t les q u e l q u e s i n d i c a t i o n s d o n n é e s p e r m e t t e n t de mesurer l'importance : 1° Par l'accroissement de la j a u g e 2° P a r la loi d u 29 d é c e m b r e 1905, sur la Caisse do Prévoyance 3° P a r la loi du 14 juillet 1908 sur la Caisse des Invalides 4° Par la loi du 17 avril 1907 (chiffre provisoire ne t e n a n t c o m p t e que de la seule a u g m e n t a t i o n du personnel, par c o n s é q u e n t très a u - d e s s o u s de la réalité) Total

1.950.000

fr.

1.075.000

»

1.500.000

»

8.552.000 » 13.127.000 »



TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION p a r M. H e n r y B É R E N G E R , Nos Colonies

PREMIÈRE

et la

sénateur.

Guerre

PARTIE

R a p p o r t s des Gouverneurs pages.

Protectorat

du Maroc Afrique

Occidentale

Equaloriale

8

13

16 25 39 43 64

Française

Situation generale Senegal Guinee Cöte d ' I v o i r e Dahomey Afrique

3

Française

Situation générale

75

Gabon

96 Colonies

d'Amérique

Martinique Guadeloupe Guyane Saint-Pierre et Miquelon

105 112 '

122 133


362

TABLE

DES

MATIÈRES pages.

Colonies de l'Océan

Indien

Madagascar

141

Madagascar et dépendances Etablissements français dans l ' I n d e Côte française des Somalis

147 161 167

Indo-Chine Cambodge

172 Colonies

du

Pacifique

Nouvelle-Calédonie Etablissements français d'Océanie

OFFICE

-

181 184

COLONIAL

M o u v e m e n t de la navigation p a r pavillons allemands austro-hongrois dans les colonies françaises

DEUXIÈME Rapports

et 189

PARTIE

commerciaux

présentés p a r l'Union coloniale Française N o t e préliminaire Afrique Occidentale Française

209 217

Gabon Madagascar Indo-Chine Etablissements français de l ' I n d e

241 249 .267 295

La Réunion Nouvelle-Calédonie Nouvelles-Hébrides

'

299 305 315


TABLE

DES MATIÈRES

TROISIÈME

363

PARTIE

La question des transports maritimes pages.

Interruption du Service de la Compagnie des « C h a r g e u r s Réunis» entre la F r a n c e e t la Côte occidentale française, r a p p o r t de M. Gratien Candace, d é p u t é de la Guadeloupe... 321 R a p p o r t sur les Reprises économiques,par M. P a u l de Rousiers. 3 2 9

1

PlTHIVIERS. — IMP. DOMANGÉ E T C «. — 9 9 4 4




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