La Guyane inconnue : voyage à l'intérieur de la Guyane française

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LA

GUYANE

INCONNUE

si doux des cieux, il faut rentrer dans l'ombre. » Beethoven en Guyane! mais il a des contrastes si saisissants entre la splendeur des choses, cl l'ombre et la tristesse. Ici, l'ombre chante encore : l'autre jour elle était pour moi pleine de cris de mort, de plaintes pour l'existence. Ce soir, elle est pleine de chants d'amour. Car la nuit, tous les êtres ont aussi leur moment de repos. Ils s'appellent de cris amoureux qu'ils savent reconnaître. Avcz-vous jamais entendu dans la montagne ces appels de jeunes gens, ces appels où dans les voix, dans les inflexions, il y a comme de l'amour qui passe? Dans la forêt, il en est de bien plus variés encore, mais nous autres, civilisés, nous en avons perdu le secret, nous ne les connaissons plus. Seuls, quelques-uns, plus sensibles, distinguent les roucou­ lements des oiseaux en amour, les petits cris des rai­ nettes, que sais-jc? La musique cultivée, peut-être trop belle, trop idéale, nous a fait perdre d'autres sensa­ tions : le sauvage n'envie pas l'homme civilisé. Celte nuit, à deux heures, une troupe de petits singes gris et noirs a entouré nos carbels; ils ont grimpé par-dessus en gambadant. On m'a appelé pour les voir, mais je dormais si profondément, que je n'ai rien entendu. Ces petits êtres sont inof­ fensifs, même pour les insectes. Ils vivent de fruits, et ne donnent pas de concerts; c'est bon, cela, pour les singes rouges. P a r t i s à sept heures du matin au jour suivant, nous perdons q u e l q u e s instants à viser des perdrix, puis un gibier plus important captive notre attention.


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