900 lieues sur l'Amazone

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CONCLUSION

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septembre.

Entre Madère et Lisbonne. Nous sommes sortis de cette zone équatoriale comme d'un rêve. Un rêve, en effet. C'est peut-être le seul point où la machinerie du monde soit sensible, et où l'homme entre dans le secret des dieux. Déjà, il y a dix-huit ans, naviguant alors vers l'Argentine et glis­ sant sur un méridien, j'avais traversé l'Equateur. Alors, tandis que toutes les étoiles se levaient d'un bord et par des courbes parallèles atteignaient leur plus haut point pour retomber ensemble de l'autre bord, j'avais cru toucher, visible et réel, le pivot de cette horlogerie étincelante, l'axe du ciel appuyé à l'horizon sur la Polaire immobile. La grande Ourse décrivait tout au bout de la perspective un cercle mi­ nuscule, tandis qu'au-dessus de nos têtes, Orion au baudrier d'or, parcourait tout le ciel. Le système in­ telligible du monde était étalé à nos yeux, et nous étions au centre de la figure. Cette année, le voyage avait été tout différent. Fixés, ou peu s'en faut, sur l'Equateur, et remontant vers l'ouest un fleuve immense, l'ordre constant de l'atmosphère nous devenait sensible. Rien ici de changeant ni de capricieux comme les souffles de


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