Question des sucres (1840)

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consommation, dit M . Molroguier, n'altèrent point les forces productrices du pays, qu'ils ne limitent ni au dedans ni au dehors le marché manufacturier, qu'ils se perçoivent aisément et à peu de frais, qu'ils donnent des recettes abondantes et progressives, il faut les établir sur des choses qui, sans être de nécessité, entrent pourtant dans la consommation la plus générale et la plus habituelle. » Le sucre présente évidemment tous ces caractères : ce n'est point un objet de première nécessité, mais une denrée dont la consommation devient de plus en plus générale et habituelle, à mesure que l'aisance s'étend dans toutes les classes, et dont l'élévation des droits ne restreint l'écoulement que dans une insignifiante proportion. E n principe, il est donc impossible de songer à la soustraire à l'impôt dans un pays où il accable l'agriculture, les produits industriels et jusqu'aux aliments des populations. E n fait, lorsqu'à l'intérieur l'état est chargé d'une dette annuelle de près de deux cents millions ; quand l'amélioration de nos routes, de nos fleuves, de nos canaux et de nos ports, l'exécution des chemins de fer, vont nécessiter des dépenses énormes ; lorsqu'à l'extérieur la paix européenne est chancelante, la guerre sainte proclamée en Afrique, il n'y a pas un ministère qui osât prendre sous sa responsabilité le projet de la suppression radicale d'un impôt de cette importance. Cette suppression d'ailleurs aurait sans doute pour effet immédiat, en faisant baisser les prix, d'augmenter la consommation dans une certaine mesure ; mais la production, délivrée d'entraves, prendrait rapidement un accroissement immodéré, et avant quelques années, nous nous retrouverions en face d'un encombrement nouveau, qui aurait pour conséquence ou le rétablissement de l'impôt, ou le retour au système des primes d'exportation. L'abaissement de l'impôt sur les deux sucres au niveau des tarifs établis par la loi de 1 8 3 7 serait, à notre avis, un remède inefficace ; il entraînerait pour les finances une perte annuelle de treize millions à peu près ; il pourrait augmenter encore la production coloniale ; et ceux qui s'imaginent qu'une baisse de quelques centimes dans le prix du sucre serait suffisante pour accroître la consommation, dans une mesure proportionnelle à l'excédant de la production, sont évidemment dupes d'une illusion. C'est donc à restreindre la production sucrière que le gouvernement et les chambres doivent s'attacher : et c'est aussi là que commence la vraie difficulté de la question.


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