Géographie complète et universelle. Tome 5

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LIVRE CENT VINGT-UNIÈME.

verte. Le pape essaya d'abord de concilier les deux parties en traçant, d'autorité, la fameuse ligne de démarcation à cent lieues à l'ouest des iles du Cap-Vert, ligne qui ne peut atteindre la vraie position du Brésil, quelque échelle qu'on adopte pour l'évaluation des lieues, soit qu'on veuille y voir des lieues castillanes de 26 au degré, soit qu'on en fasse des lieues marines de 20, ou même des lieues portugaises de 17 au degré. Mais le comosgraphe don Pedro Nunez et l'hydrographe Texeira portèrent, dans leurs cartes, le Brésil trop à l'est, l'un de 22 degrés, l'autre de 12 à 13. Moyennant cette erreur énorme, et peut-être un peu volontaire, les Portugais faisaient entrer dans leur hémisphère une partie quelconque du Brésil. Cependant, mécontents de la décision pontificale, les Portugais profitèrent d'un moment favorable pour arracher à l'Espagne des concessions plus étendues. Le traité de Tordesillas, signé le 7 juin 1594, traça la ligne de démarcation définitive à 370 lieues à l'ouest de l'île la plus occidentale du Cap-Vert, mais également sans fixer la valeur de la lieue, car les diplomates ont été de tout temps fort habiles à tout embrouiller en géographie. Si l'on entend des lieues castillanes, la ligne n'atteint pas le vrai méridien de Bahia ; si l'on veut parler des lieues marines, elle arrive jusqu'à celui de Rio-Janeiro ·, si enfin, et c'est la supposition la plus favorable, on adopte les lieues portugaises, la ligne correspond à peu près au méridien de SaintPaul, mais n'atteint pas seulement d'un degré près celui de Para ou l'embouchure de l'Amazone. Ainsi, les Espagnols accusaient avec raison les Portugais d'avoir, en temps de pleine paix, envahi l'immense territoire de l'Amazone et une grande partie du Paraguay, au mépris des traités solennels. Enfin ces acquisitions illégitimes furent confirmées au Portugal par le traité de 1778 ; l'Espagne exigea la fixation d'une limite positive, et que désormais elle ne laisserait plus impunément violer. Les Portugais n'ont pas respecté cette limite-, ils se sont établis sur le territoire neutre du côté de Mérim ; ils ont envahi sept villages des Guaranis, renfermant 12,200 habitants, entre les rivières Uruguay et Iguacu ; ils ont passé à travers le territoire des Payaguas, et bâti les forts de Nouvelle-Coïmbre et d'Albuquerque, sur le territoire des Chiquitos : voilà seulement quelques unes des plaintes que les autorités locales adressaient au vice-roi de Buenos-Ayres, et que celui-ci transmettait à la cour de Madrid à la fin du siècle dernier. Depuis, les troubles de l'Amérique espagnole leur ont fourni une occasion favorable de s'étendre. La comparaison des cartes géographiques anciennes et modernes rend


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