Guyane indépendante

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LA GUYANE INDÉPENDANTE

Dans son ouvrage sur la Guyane française, M. Coudreau parle longuement du climat et de la colonisation possible du pays. « Ce n'est pas le climat qui a fait échouer les entreprises de la colonisation en Guyane. Prenons, par exemple, l'expédition de Kourou en 1763. Les colons sont morts parce qu'ils n'ont trouvé ni dessèchements, ni défrichements, ni voies de communication, ni baraquements, ni approvisionnements. Le directeur de l'entreprise, bien que frère du grand Turgot, n'était malheureusement qu'une très galonnée médiocrité. Le chevalier Turgot faisait monter sur les dages désertes de Kourou des maisons de jeu, des magasins de patins, un théâtre pour jouer l'opéra-comique. » P a r surcroit de malheur, le gouverneur de Cayenne était un ennemi personnel du chevalier. Même à la fin, alors que les émigrants mouraient tous les jours par centaines, le gouverneur refusa invariablement de secourir ces malheureux, pour se réserver le triste plaisir de convaincre son rival de maladresse. » Après ses longs voyages d'exploration, lui-même est revenu malade ; savez-vous où il est allé pour se g u é r i r ? Au lieu de revenir en France, comme d'autres auraient certainement fait à sa place, il se rendit à ce même Kourou où il demeura deux mois, vivant de la vie des habitants ; au bout de ces deux mois, la santé, les couleurs et la joie de vivre lui étaient revenues. N'est-ce pas là un exemple frappant ? D'après lui, la chaleur n'est pas une cause d'ennuis ; elle est supportable. Aussi bien n'est-il pas nécessaire de travailler là-bas douze ou quinze heures heures par jour pour se procurer l'aisance. Six heures, les heures fraîches, de six à neuf et de trois à six, suffiraient largement au colon intelligent. Les insolations sont inconnues dans l'intérieur. Le plus grand ennemi serait l'humidité ; mais en s'éloignant des côtes, en s'enfonçant plus avant dans les savanes, on l'évite complètement. Je terminerai en citant quelques extraits du voyage dans la Guyane Française de M. Frédéric Bouyer, capitaine de frégate. « Malgré sa position, la Guyane, située presque sous la ligne équatoriale, n'a pas à souffrir d'un climat aussi brûlant qu'on pourrrait le croire. La moyenne du thermomètre à l'ombre y est de 27 degrés centigrades, hauteur qui, dans les grandes chaleurs de l'été, monte à 30 ou 32 et baisse pendant les nuits de 2 à 3 degrés. La constitution physique du pays explique cette bizarrerie. E n effet, il n'y a ici ni sable ni pierres ni rochers couvrant des surfaces d'une grande étendue, seules propres à augmenter les effets du rayonnement. La sol argileux, est couvert de plantes, de forêts d'où la chaleur ne jaillit pas comme d'une plaine sablonneuse. La direction des rayons solaires approche toujours de la ligne verticale , mais leur feu est tempéré par les brises continues qui pendant le jour soufflent de la pleine mer. La statistique ne doit se baser que sur les hommes libres, et non sur les condamnés, usés par une vie malheureuse ou coupable, ainsi que par le régime des prisons. Des observations faites autrefois, pendant un espace de neuf années donnent les résultats suivants pour les colonies françaises. MORTALITÉ ANNUELLE Guyane 2.53 pour cent Bourbon , 3,05 » Sénégal 6,17 » Martinique 9,04 » Guadeloupe 8,90 » Cette statistique est des plus favorables à la Guyane ; la fièvre locale ne tue pas le colon, elle le fatigue, la dysenterie est rare, la fièvre jaune plus rare encore, elle n'y apparaît que comme épidémie En France, est-ce que nous n'avons p a s des maladies épidémiques aussi désastreuses que la fièvre j a u n e , le choléra, la variole, la fièvre typhoïde, etc. Toutes ces maladies font annuellement leur apparition et nous ne parlons pas de déserter notre pays.


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