Poésies et lettres des détenus des prisons de Laval

Page 106

— 106 — Ile-Royale-du-Salul. le 1 janvier 1856. er

Monsieur l'Aumônier, Lors de mon départ de Laval, vous me témoignâtes le désir de recevoir de mes nouvelles. Je m'empresse d'accomplir ce devoir qui est pour moi des plus doux. Après une heureuse traversée, nous avons abordé cette terre d'exil où nous sommes en ce moment, loin de notre chère patrie, sous le beau ciel de l'Amérique du Sud, et dans une île dont le nom ne vous est point inconnu. C'était quelques jours avant la fête de Pâques, et j'ai eu le bonheur de m'unir à plusieurs de mes compagnons d'infortune pour célébrer ce saint jour, en prenant part au banquet divin de l'Agneau. — Permettez-moi, Monsieur l'Aumônier, de vous donner quelques petits détails sur le régime auquel nous sommes soumis. Nous avons sept heures de travail par jour ; le samedi est consacré tout entier au lavage du linge. Le matin, à cinq heures, a lieu le réveil, à 6 heures le défilé, à 10 heures suspension des travaux que l'on reprend à 2 heures ; de 10 heures à 2 heures repos. A cinq heures du soir, fin des travaux ; le coucher à 8 heures. Pour ce qui est du régime alimentaire, nous sommes assez bien : le pain est de très-bonne qualité, le matin et à midi la soupe; nous avons un jour à midi une ration de vin rouge, l'autre jour une ration de tafia, liqueur très-spiritueuse, que l'on mélange d'eau. Ceux qui, par leur travail, se rendent dignes de gratifications, reçoivent en supplément une demi ration de Vin. Ce qui me paraît être la plus grande faveur est la cessation de l'accouplement qui existe au bagne. Ici, plus de fers à porter, insigne bienfait dont on ne saurait assez remercier les auteurs. Nous sommes logés


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.