Les détenus politiques a l'ile du diable

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— 268 — Aujourd'hui la chaleur est excessive, mais on ne s'en aperçoit point ici ; le feuillage communique sa fraîcheur ; les oiseaux se réjouissent, ils auront bientôt leur petite famille (je serais comme eux si j'étais près de toi); ils montreront bientôt à leurs petits le chemin de l'air ; moi, je te guiderais dans le chemin de la vie, et ensemble nous fêterions la nature. Chère enfant, qu'ils sont beaux, les chants d'espérance ! Autrefois aussi, ma mère m'enseignait à les murmurer ; un rien fascinait ma brûlante imagination. Aujourd'hui, je n'ai plus au cœu? que d'amers soupirs, que de brûlantes larmes dans les yeux ; que veux-tu que je devienne ? Car enfin, je suis presque hors de la nature ; tous les êtres ici-bas sont deux à deux pour s'aimer, et moi, je suis seul, sans le cœur de ta mère pour me plaindre ; je n'ai que le tien, celui d'un petit enfant, qui ne me comprend pas encore. Pauvre petit ange de ce misérable monde, plutôt que de te porter la joie, je commence à l'initier à la douleur. Hélas! l'apprendre la souffrance, c'est t'apprendre à aimer. Ah ! fasse Dieu que lu ne me comprennes pas ! Si jeune, ta voix ne doit chanter que l'espérance ! Mais à qui veux-tu que je dise mes maux? aux arbres, au silence ? Tout cela est muet et ne peut me répondre ; toutes ces petites fleurs qui croissent au milieu des herbes et qui s'épanouissent sous ce feuillage ont de la vie, s'aiment et se parlent peut-être, mais ne nous entendent pas. Dieu ! je sais qu'il existe, mais je crains qu'il nu m'écoute pas, tant de personnes l'accablent de leurs


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