Les détenus politiques a l'ile du diable

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— 214 — Quels pleurs brûlants ! quelle profonde douleur ! — Je veux partir avec lui, disait-elle à son maître ; il le désire, il m'aime, je le sais ! — Et celui-ci lui rappelait qu'elle était l'esclave du gouvernement. Puis elle se frappait les seins et la tête, en disant : — Gado ! Gado (Dieu) ! J'étais témoin de cette scène, moi qui ne vivais que dans son âme depuis près de deux mois! Ah! qu'on me blâme ou qu'on m'approuve, je l'aimais ! Accusez la nature, si vous le jugez à propos; je ne me suis point organisé moi-même, et ma douleur fut assez profonde pour me punir de mon crime, si c'en est un.

Je lui pressai les mains, l'embrassai, et pendant notre adieu, nos yeux étaient pleins de larmes ! On me pressait de partir ; je rappelai tout mon courage et m'éloignai en abandonnant cette pauvre jeune fille, et en faisant un signe d'adieu à ce cher M. Strop, ainsi qu'à sa famille, qui nous avait si bien soignés à notre arrivée. J'arrivai à bord du bateau à vapeur le Paramaribo, qui était presque sur le départ. Je demeurai sur le pont, afin de revoir encore une fois ma chère esclave. Nous partîmes ! et lorsque nous passâmes, elle était sur le rivage, immobile, pâle, les yeux fixés sur moi qui emportais son bonheur. Je lui fis un signe d'adieu, elle garda son immobilité ; aussi longtemps que je pus distinguer le rivage, je l'aperçus à la même place. J'étais triste ; Carpeza seul en savait la cause, et ne

cherchait même pas à me consoler, tant il savait que


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