En Océanie et aux Antilles

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DE BORDEAUX A TAHITI.

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sible de dîner, car il nous est impossible de revenir sans accident, tout est renversé. On fait serrer tous les panneaux, prévoyant le mauvais état prochain de la mer ; on avance le dîner, et c’est à peine si nous pouvons prendre quelque nourriture. Commandant, second, maître d’équipage, pilotins, tous sont sur le pont; le vent cette fois souffle en tempête ; la mer, vraie montagne, semble vouloir de chaque côté nous engloutir en s’élevant à la hauteur des mâts quand nous roulons d’un côté sur l’autre. Le maître charpentier visite avec ses deux aides l’intérieur du navire ; puis l’ordre du commandant est donné de faire descendre tout le monde, et l’on nous baisse les panneaux. La nuit est arrivée. Nous autres enfants suivons la manœuvre d’en bas, car maintenant, avec ces quelques mois de mer, presque tout nous est familier. L’on a dû carguer et serrer d’autres voiles car nous roulons, roulons affreusement. Les lames se brisent avec des bruits de coups de canon sur les flancs du « Fénelon », tout craque!... Nos vêtements, plats, assiettes en fer-blanc, gisent par terre, et toute cette ferraille roulante, assourdissante avec cette mer démontée, ajoute encore à notre épouvante, et tout le monde est njuet. Dans l’impossibilité de rester dans nos couchettes, nous nous sommes assis, serrés les uns contre les autres à terre; mais nous sommes roulés de bâbord à tribord, tant le roulis est fort. Je vais en m’accrochant un peu partout et à quatre


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