Chez nos Indiens, quatre années dans la Guyane française (1887-1891). Partie 1

Page 236

CHEZ NOS I N D I E N S .

222

qui sont près des blancs : ils ont une maison pour chaque ménage et même une maison pour chaque femme si l'homme en a plusieurs. Nous qui sommes plus éloignés des blancs, nous n'avons plus la maloca, mais nous avons encore nos grands pacolos où se logent plusieurs familles. Ainsi Pililipou n'a que quatre pacolos et pourrait enfermer autant de population que Cottica qui a trente cases. Une ancienne maloca eût renfermé à elle seule toute la population de Cottica et de Pililipou. Mais nous voulons faire comme les blancs. » Si mon interlocuteur eût connu nos malocas européennes de sept étages et de huit cents locataires, la primitive maloca indienne fût montée dans son estime. « Bonne nuit, voisin. Yolock t'envoie de beaux rêves ! » Le matin nous sommes à la joie. Le ciel aussi. Mais le soir, le ciel est à l'orage. Nos danseurs aussi. Il y aura quelque chose. La séance s'ouvre par une bousculade suivie de coups de pied quelque part que le capitaine Toumtoum administre à sa femme, qui roule à terre. Counicamane demande la parole pour poursuivre à coups de cololo, autour du pacolo de Touanké, la plus jeune de ses femmes. C'est la liquidation d'un petit compte d'infidélités dont ces deux messieurs ont eu occasion de tenir registre chez l'estimable Apoïké. Cela se corse. Toumtoum, à qui l'on vient de raconter l'histoire de l'accouchement de sa fille, est assis sur un cololo au pied de son tilaca. Il se frappe de temps à autre la poitrine à main plate en causant tout seul. Il parle d'abord doucement, puis peu à peu il s'anime, et par un crescendo savant il arrive à la vocifération pour descendre ensuite peu à peu à la conversation calme. Et il se frappe toujours la poitrine, tantôt de la main droite, tantôt de la main gauche. Les Indiens, qui n'ont jamais l'air de se quereller, s'adressent pourtant parfois des mots d'une raillerie piquante ou même de graves injures. Mais le tout est débité sur un ton froid. Celui à qui s'adressent ces choses blessantes ne répond rien, il écoute sans paraître comprendre. C'est ce qui se passe en ce moment entre Toumtoum et Touanké. Le premier reproche au second d'avoir laissé mourir, sans le soigner, le fils de sa fille parce qu'il le supposait être de Païké. C'est encore lui qui est responsable de l'infirmité dont est atteinte la malheureuse mère. Toumtoum, de chez lui, invective Touanké, qui entendre.

fait semblant de

ne

pas


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.