Première formation d'une chaîne de postes entre le fleuve Saint-Laurent et le Golfe du Mexique Vol.1

Page 67

XLVII

INTRODUCTION.

La Hontan raconte que le Comte de Frontenac marcha en pompe jusqu’au fort, où il fut salué de trois décharges de canon et de mousqueterie. A son débarquement, le Conseil Souverain et les autorités étaient venus le recevoir; mais cette fois, Rouer de Villeray n’eut pas à complimenter la gouvernante, comme il avait fait pour Mme de Denonville. Si en 1672 la Comtesse de Frontenac, âgée alors de quarante ans seulement, avait pensé, avec Mme de Sévigné, que « c’est une triste chose que d’habiter un nouveau monde, de quitter celui que l’on connoît et que l’on aime pour aller vivre dans un autre climat, avec des gens qu’on seroit fâché de connoître dans celui-ci », en 1689, c’est-à-dire à l’âge de cinquante-sept ans, la Comtesse, désabusée depuis longtemps des servitudes brillantes, comme l’avait témoigné son refus en 1678 d’être dame d’honneur de la princesse de Conti, la Comtesse s’était attachée plus étroitement à ses habitudes du quartier delà place Royale, où M de Coulanges pouvait la réunir avec les plus nobles et les plus charmants goutteux du monde . Les froids du Canada l’eussent encore plus maltraitée. Lorsque Hector de Callières était arrivé en France, la Comtesse, et l’autre Divine, Mlle d’Outrelaise, son amie, étaient éclopées et toujours pleines de fluxions. Les cinq jours que durèrent les réjouissances à Québec, à l’arrivée du Comte, furent pour lui de ces jours rares, où la Providence envoie aux hommes, obligés de toujours combattre, des réparations et des marques de sympathie tellement supérieures aux souffrances et aux injustices subies, qu’ils n’ont plus même de colère contre leurs auteurs. La réparation, du reste, avait commencé à Versailles. Les Canadiens ne faisaient que ratifier celle du Roi dans l’audience que celui-ci avait donnée enfin au Comte de Frontenac, qui y avait trouvé le moyen de se disculper et de montrer les fautes me

1

1. 10 Janvier 1689. Hier Mme de Coulanges donna un très-joli souper aux goutteux. C’étoient l’abbé de Marsillac, le chevalier de Grignan, M. de Lamoignon (la néphrétique tient lieu de goutte). Sa femme et les Divines, toujours pleines de fluxions, moi, en considération du rhumatisme que j’eus, il y a douze ans, e Coulanges, qui mérite la goutte. (VIII volume, p. 402. Lettres de Madame de Sévigné. — Édition de M Régnier.)


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.