Ecrits de fiction - Ipamele, tapuscrit du roman - Version 2

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Chapitre 4

« Amour Gros-Morne » et autres affections A cette époque, Pierre-Amédée avait dix ans et son frère sept. Ce jour-là, le front paré d’une enfantine confiance, deux filles de six ou sept ans avançaient dans leur direction. Trop de distance les séparaient encore de ces deux petites, qui pouvaient alors leur échapper en dévalant le morne, pour qu’ils n’arborent pas leurs sourires engageant et inoffensifs. Mais arrivés sous les frondaisons, ils pouvaient maintenant restituer à leurs faces obliques une haine sans défaut. Innocentes, comme traquées, elles dardaient sur les pas des deux garçons la claie de leurs cils. D’un tour de main plus que désinvolte, happant au passage la complicité des arbres et toisant les herbes folles, peu enclines à les approuver, ils adressèrent aux fleurs sauvages une fin de non recevoir pour leurs bons offices. Dans un hourvari, c’était, peccamineux et stridents, les colibris hennissants de terreur improvisée comme à l’approche de l’orage. Des branches, humant aux prétentions édéniques l’approche des rivières, soulevaient déjà, sous leurs corsets de filles malingres, leurs seins de plastique. Leurs narines prédatrices vouées à la détection des citronnelles et des menthes, les deux garçons rejetèrent d’un geste orgueilleux les pistes auxiliaires. C’est alors que, conjuguant leurs élans, ils se mirent à marteler de coups de poings, à pincer, griffer les fillettes. Toute honte bue, le mahogani, solennellement lâche et obséquieux fut des tout premiers à s’enjouer à la ferveur si grande de leurs sadiques jouissances :

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