Les Antilles pendant la Révolution française

Page 75

5

PENDANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

une frégate anglaise, la Tamer, capitaine Western, mit en panne. Les signaux annonçaient qu’elle voulait nous parler. Nous mîmes notre canot à la mer et envoyâmes le lieutenant Berthelin à son bord. Le trajet et la conférence durèrent deux heures. « Au retour de l’officier français, son visage nous décela de « suite qu’il avait appris quelque événement sinistre. Il remit « au capitaine Valteau une lettre écrite par le contre-amiral « Lacrosse et adressée au premier officier qui serait rencontré « apportant la nouvelle de la paix. Cette lettre fît frissonner le « commandant qui, de concert avec le préfet et le commis« saire de justice, assembla son état-major. « La lettre annonçait que la colonie était en révolte, que le « mulâtre Pélage1 s’était déclaré chef du gouvernement, et que » lui, capitaine-général, était à la Martinique. Il fut décidé qu’on » se rendrait aussitôt près de lui et nous fîmes voile pour cette île. « A l’apparition de la frégate française devant la ville de » Saint-Pierre, les mulâtres et les nègres, accourus en foule au » rivage, se mirent t à crier : Vive la République ! Un mulâtre eut » même l’audace de lever insolemment le masque en disant aux » blancs : « Voilà notre tour qui vient aujourd’hui, voilà la » liberté et l’égalité qui nous arrivent ! » » Il poussa l’insolence si loin qu’il fut arrêté, mis en jugement » et condamné à la déportation. » Ce mouvement spontané des mulâtres et des noirs prouva » qu’ils n’attendaient pour éclater qu’un moment favorable, et » fit craindre de voir survenir l'insurrection qu’on évite soi» gneusement depuis dix ans à la Martinique. » Messieurs Lescallier et Coster descendirent à terre. Le gou» verneur anglais, M. Keppel, les accueillit très honnêtement et » leur témoigna ses regrets de ne pouvoir permettre que la » frégate mouillât, après ce qui venait d’avoir lieu. Il les assura » que le capitaine-général Lacrosse était à la Dominique .

» » » » »

2

1 Originaire de la Martinique où il s’était signalé contre les Anglais qui le firent prisonnier. Il fut échangé et nommé capitaine au bataillon des Antillles organisé à Brest en 1795. Nommé chef de bataillon, il redevint prisonnier des Anglais qui l’échangèrent encore. Il servit en France dans l’armée de l’Ouest et fut envoyé en 1799, comme général de brigade, à la Guadeloupe. 2 Ile anglaise de l'archipel des Antilles.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.